Ministre des Affaires étrangères N. DENDIAS :
Je commencerai par dire que la Grèce a un principe de base primordial dans sa politique étrangère. C’est-à-dire, nous opérons et agissons conformément au droit international et au droit international de la mer.
Nous essayons donc de créer une entente entre tous les pays, non seulement dans notre région mais aussi bien au-delà de celle-ci, selon ce principe.
Et je dois dire que nous pensons que nous y parvenons assez bien, non pas parce que nous en sommes simplement capables ou parce que nous avons des amis dans le monde entier, mais parce que c'est vers cela que l'humanité entière se dirige, vers un ordre mondial fondé sur des règles.
Notre humble ambition est donc de servir cet objectif pour l'humanité et de créer cette entente entre autant de pays que possible dans le monde.
Il s'agit des Balkans, de la Méditerranée orientale, du Golfe et, au-delà, de l'océan Indien, du Pacifique et de tous les océans du monde.
N'oubliez pas que la Grèce est la plus grande puissance en termes de transport maritime marchand. La flotte appartenant à la Grèce est la plus importante au monde.
Nous avons donc de très grands intérêts, un grand intérêt pour la libre navigation maritime.
Merci beaucoup de m'avoir invité à participer à cette table ronde avec Averoff et David.
Je n'oublierai jamais, et je tiens à le dire, je n'oublierai jamais de ma vie le soutien critique de David à mon effort contre l'Aube dorée en 2012-2014 pendant mon mandat au ministère de la Protection du citoyen.
Je le remercierai toujours publiquement pour son soutien et son aide.
Modérateur (Daniel Franklin) :
J'aimerais vous demander, avant que nous donnions la parole aux autres membres du panel, d’apporter un peu plus de précisions concernant les points suivants : en ce qui concerne la situation actuelle en Méditerranée orientale, il y a un an, les tensions avaient monté d’un cran.
Je me souviens qu'à la conférence, l'inquiétude était grandissante et que nous avons atteint un point de conflit en mer. Nous entrons maintenant dans une période où les tensions ont baissé, où un dialogue a été rétabli dans une certaine mesure.
Où en sommes-nous actuellement et comment voyez-vous l'évolution future ?
Ministre des Affaires étrangères N. DENDIAS :
Merci pour cette question. Tout d'abord, je partage votre conclusion que les tensions cette année ne sont pas au même niveau que l'année dernière.
Cela dit, et dans le prolongement de ce que j'ai dit au début, je dois dire qu'un très grand nombre de pays de la région, de la Méditerranée orientale, partagent nos principes et notre perception du fait que nous devons respecter le droit international et le droit international de la mer.
Malheureusement, il y a une exception, la Turquie, laquelle, pour ses propres raisons, ne partage pas ces principes. Bien que les tensions soient apaisées, je suis désolé de dire que je n'ai pas vu de preuves tangibles d'un changement à la fois dans le comportement de la Turquie et dans ses convictions.
C'est-à-dire la preuve que la Turquie respecte le droit international et le droit maritime international et qu'elle se conforme aux règles. Il y a une date butoir devant nous pour voir le niveau des tensions. Et c'est le 20 juillet.
Le président Erdogan participera aux événements marquant l'anniversaire de l'invasion de Chypre et de l'occupation de la partie nord de la République de Chypre. Qu’est-ce qui va se passer ? Nous verrons bien.
MODÉRATEUR :
En parlant d'au-delà de la Méditerranée orientale, vous avez parlé de la liberté de navigation, il y a une région de la planète où cette question se pose de manière urgente, en Asie en ce qui concerne le détroit de Taiwan.
Plusieurs alliés de la Grèce sont actifs là-bas pour essayer de défendre leurs intérêts. La Grèce, comme vous l'avez dit, avec la plus grande flotte marchande du monde, s'intéresse-t-elle à cette question et est-elle éventuellement impliquée d'une manière ou d'une autre par procuration ? Comment voyez-vous ces activités là-bas ?
Ministre des Affaires étrangères N. DENDIAS :
Soyons francs. Nous connaissons notre taille. Nous sommes un pays de 11 millions d'habitants, membre de l'Union européenne, mais un pays de petite et moyenne taille.
Compte tenu de cela, pour des raisons évidentes, nous sommes intéressés par la liberté de navigation et nous avons discuté de cette question avec nos amis du monde entier.
Il y a une semaine, le Dr Jaishankar, le ministre indien des affaires étrangères, était ici en Grèce pour deux jours et nous avons pu discuter en profondeur.
Et j'ai hâte de me rendre en Australie, en Indonésie, au Japon et nous pourrons à nouveau avoir une discussion approfondie sur la liberté de navigation.
La Grèce n’adopte pas à cet égard une approche à la carte. Nous avons une politique étrangère basée sur des principes et des principes basés sur le droit international. L'UNCLOS est le droit international.
Nous comprenons très bien, ainsi que tous les autres pays, quelle que soit leur taille, que nous avons signé l'UNCLOS et ses principes. Et je dois dire que j'ai été extrêmement heureux lorsqu'il y a environ trois semaines, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a ouvertement encouragé tous les pays à signer l'UNCLOS, y compris son propre pays, car comme vous le savez, les États-Unis, bien qu'ils acceptent les principes de l'UNCLOS, ne l'ont pas signée.
D'autre part, l'Union européenne a signé l’UNCLOS non seulement au niveau des États membres mais aussi en tant qu'Union européenne. Par conséquent, ladite convention fait partie de l'acquis européen.
Tel est le principe. Donc des principes et non pas une politique étrangère à la carte. Et les principes sont liés au droit international de la mer et donc à l'UNCLOS.
Merci beaucoup.
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Ministre des Affaires étrangères N. DENDIAS :
Je dois dire que nous sommes à un moment agréable de l'histoire où ce que nous avons dit n'est pas un simple rêve. C'est tout à fait réalisable, et si j'étais un parieur, je parierais que cela se produira, pas que cela ne se produira pas.
Et je dois dire que les signes sont déjà là. Les présages sont évidents. Le niveau de compréhension et les possibilités de coopération entre les pays ; et je suis très heureux que David ait clairement souligné que l'esprit humain est l'avenir et pas nécessairement les hydrocarbures.
Les hydrocarbures sont certainement très importants, avec le lignite ils fournissent une grande partie de l'énergie que nous consommons, mais une chose est claire, ce n'est pas l'avenir lointain.
Permettez-moi de dire quelque chose que j'ai lu, que l'humanité n'est pas passée de l'âge de pierre à aujourd'hui, elle n'a pas quitté l'âge de pierre parce que nous n'avions plus de pierres. Non, c'était juste que l’heure était arrivée pour passer à l'âge suivant.
L'énergie sera donc produite de manière écologique. Il existe donc cette nouvelle approche et le fait que cette zone soit privilégiée.
Nous avons le soleil, nous avons le vent et nous avons de vastes zones où nous pouvons installer des panneaux photovoltaïques pour produire de l'énergie.
Une énergie qui sera bon marché, qui favorisera notre économie, non seulement l'économie grecque mais l'économie de tous les Balkans et l'économie de l'Union européenne.
Je pense que nous pouvons envisager un avenir complètement différent, à condition que nos sociétés parviennent à un point commun de compréhension. A condition de bien comprendre que l'approche du 19e siècle, la politique de la canonnière, ainsi que les sphères d'influence du 19e siècle, n'ont rien à voir avec le 21e siècle.
Et je veux le dire clairement d'une manière qui sera entendue partout. Nous ne pensons pas que la Turquie ne peut pas faire partie de cette architecture. Nous voulons qu'elle appartienne à cette architecture, qu'elle partage cette approche. Mais ils doivent nous le dire, ils doivent décider.
Et je suis sûr, et je suis heureux de le dire, qu'il y a des éléments au sein de la société turque qui aspirent à une telle approche et nous devons encourager ces éléments. Des éléments qui croient aux valeurs occidentales, à la démocratie, au progrès vers le XXIe siècle et non pas à la politique de la canonnière du XIXe siècle.
Je ne sais pas si nous serons là. Nous ne serons probablement pas là. Mais je crois que tôt ou tard, lors d'une table ronde de l'Economist, la nouvelle réalité présentée par David sera celle qui sera faire l’objet du débat. Je nous vois vraiment déborder d’optimisme lors de ces tables rondes.
JOURNALISTE :
Je voulais poser une question au ministre. Puisque nous parlons de la sécurité dans cette région, parfois il faut recourir à des méthodes un peu plus dures comme, par exemple, imposer des sanctions contre la Turquie.
A l'heure actuelle, l'Union européenne n'a pas imposé de sanctions vraiment sévères et elle va en plus lui fournir un soutien financier à hauteur de 5 milliards. Pensez-vous que cela aidera la Turquie à se conformer ?
Merci.
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Ministre des Affaires étrangères N. DENDIAS :
Merci pour cette question. Je veux être clair, la Grèce croyait et croit en une double approche envers la Turquie, une approche qui, tout d'abord, fournit des incitations à la Turquie pour qu'elle évolue dans la direction souhaitée, la direction que nous aimerions voir et que j'ai tout à l’heure décrite.
D’une part, les valeurs démocratiques, la protection des droits de l'homme, le respect du droit international et du droit international de la mer et, d'autre part, un rappel clair que si cela ne se produit pas, l'Union européenne doit prendre des mesures.
Je suis d'accord avec vous pour dire que l'Union européenne ou, pour être plus précis, certains États membres de l'Union européenne, mais en aucun cas la majorité des États membres de l'Union européenne, ont été réticents à suivre courageusement et clairement cette direction.
Mais je dois dire que nous sommes parvenus à un certain niveau de compréhension et je pense qu'il a été clairement indiqué à la partie turque que si elle poursuit la logique et les actions de l'année dernière, que ce soit en mars-février sur la question de la migration ou en août et les autres mois en Méditerranée orientale, à partir de ce moment-là, les sanctions seront la seule mesure que l'Union européenne aura à sa disposition pour imposer.
Et je voudrais également dire que j'ai été critique à l'égard de certaines politiques de l'Union européenne.
Mais le gouvernement de Mitsotakis a une vision fortement pro-européenne. Et cette perception fortement pro-européenne inclut la compréhension que l'Union européenne est un énorme projet historique qui n'en est qu'à ses débuts.
Nous avons besoin de temps pour mener à bien ce vaste projet qui a été exposé précédemment.
Voici donc ce que nous espérons. Nous espérons que la Turquie fera le bon choix. Et comme Averoff l'a dit plus tôt, il y a aussi une énorme volonté de la part de la communauté chypriote grecque de tendre la main de l'amitié à la communauté chypriote turque pour créer une Chypre unie, ce qui sera aussi énormément bénéfique pour notre région plus élargie.
En ce qui concerne les fonds destinés à la gestion de la question migratoire, je tiens à être clair à cet égard aussi. Même au pire moment des relations gréco-turques, la Grèce n'a pas empêché le soutien financier, non pas pour la Turquie en tant qu'État, mais pour les personnes malheureuses qui avaient besoin de la protection de l'Union européenne via des organisations non gouvernementales.
La Grèce est un pays qui fonctionne non pas sur la base de son intérêt opportuniste ou de la logique de la pression, mais sur la base de ses principes. Protéger les personnes ayant besoin d'aide est dans l'ADN de l'Union européenne. Nous ne sommes pas ceux qui vont bloquer, nous sommes ceux qui vont encourager cette approche et cette aide.
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MODÉRATEUR :
Qu’attendez-vous de l'administration Biden dans la région ? Verrez-vous une poursuite de la politique de Trump ou un changement de politique ?
Le ministre des Affaires étrangères sera le premier à prendre la parole.
Ministre des Affaires étrangères N. DENDIAS :
Je pense que c'est clair. Nous voulons plus de présence américaine dans la région.
Cela dit, je voudrais également mentionner que le secrétaire d'État de l'administration précédente, Mike Pompeo, était très prudent lorsqu'il faisait référence à cette région. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises.
Il voulait également une présence américaine plus importante dans les Balkans, en Méditerranée orientale, plutôt que moins importante. Et je voudrais dire que nous devons faire très attention à ce qui se passe dans les Balkans en ce moment.
Peut-être que cela n’est pas à la une des journaux, comme la question palestinienne. Dans les Balkans, je voudrais dire que l'Union européenne et l'actuelle administration américaine travaillent ensemble, tout comme dans la question palestinienne, où l'initiative américaine est utile. Nous n'avons pas la possibilité de laisser surgir de nouveaux problèmes dans la région et de tenter par la suite de les régler.
L'Amérique a le premier mot à dire au Moyen-Orient et nous avons besoin de sa présence dans la région en général. C'est le seul pays au monde capable d'expliquer à la Turquie que les droits de l'homme et l'État de droit sont une voie à sens unique et que cela sera dans l’intérêt de tous. Et permettez-moi de dire que le rôle des États-Unis dans toute la région va au-delà de celui d’une superpuissance.
C'est à la fois un pays et un idéal. Leur présence est donc utile et nous en avons besoin dans toute la région, y compris dans le Golfe bien sûr. Merci.
La version prononcée fait foi
July 9, 2021