1. Comme nous en étions convenu à Budapest, et je vous remercie de votre présence, nous tenons ici à Budapest la deuxième rencontre des pays du groupe de Višegrad et du Β4, avec les pays de l'élargissement des Balkans occidentaux. La dernière partie de notre rencontre sera axée sur la séance sur l'avenir de la diplomatie énergétique, de la coopération et du transport en Europe, avec la participation du ministre de l'Energie et de l'Environnement, le professeur Stathakis.
2. Nous souhaitons une Union européenne plus unie, plus démocratique plus équitable du point de vue social. Une Union européenne plus forte dans le monde qui veillera sur ses citoyens. Une Union européenne forte vis-à-vis des tiers, basée sur le principe de la subsidiarité. Qui veillera à la participation démocratique des pays, des régions et notamment des citoyens. Qui surmontera d'éventuelles contradictions au niveau interne, entre le Nord et le Sud, l'Occident et l'Orient, les régions riches et les régions pauvres. Une UE qui lutte contre le manque de transparence et la corruption. Qui vise à améliorer la politique quotidienne de ses citoyens. Qui offre une perspective, des attentes et des visions positives, notamment pour les nouvelles générations.
3. Il est nécessaire de trouver la voie permettant à l'UE de surmonter les difficultés auxquelles elle fait face dans la crise des migrants et des réfugiés. Dans la résolution - non respectueuse de la société - de plusieurs problèmes économiques. Tout cela est nécessaire pour lutter contre le scepticisme qui se développe dans tous les Etats membres de l'UE vis-à-vis de sa nécessité, mais aussi sa capacité de faire face aux problèmes.
L'UE ne peut mettre en avant la nécessité des mémorandums, des sanctions, des mesures - comme l'embargo - vis-à-vis de pays tiers et sous-estimer les attentes émanant des traités pour la mise en œuvre de valeurs fondamentales (comme les libertés, la démocratie, les droits de l'homme, la prévalence de la règle de droit et de l'équité).
4. L'UE est un centre qui, du point de vue démocratique, doit constamment revendiquer une meilleure place dans le monde à l'époque de la mondialisation. Elle doit garantir la sécurité pour ses citoyens dans un monde qui change, au niveau interne, à ses frontières et dans son voisinage. L'équilibre budgétaire et la sécurité de l'emploi. Le développement de la recherche, de la croissance et de l'application prolongée des nouvelles technologies afin que l'UE devienne une Europe numérique démocratique, sûre et juste. Si tout cela n'est pas mis en œuvre, elle risque de passer d'une région très riche du monde à une région décadente.
5. Pour qu'elle puisse progresser, l'UE devra renforcer son unité. Ce renforcement ne peut être le produit de la soumission des plus faibles aux plus forts, ni du déni des traditions nationales et des souhaits de ses citoyens. Bien au contraire.
6. Afin que tout cela puisse se faire, un dialogue approfondi et plus organisé avec ses citoyens est nécessaire. Lutte contre l'indifférence diffuse ou la déception pour le projet européen. D'un autre côté, force est d'accepter de nouveau que la force de l'UE ne réside pas dans son caractère "monolithique" mais dans sa diversité, sa différence et la richesse de ses nations et États membres. Dans la défense de cette variété, tout comme des droits de l'homme.
7. Sans la mobilisation des citoyens, l'UE ne sera pas fiable et en définitive ne pourra faire face à ses vrais problèmes. Des problèmes de légitimation vis-à-vis d'eux seront sans cesse créés. Il est donc nécessaire que l'UE redonne une vision et un projet convainquant pour son existence.
8. L'UE a connu de nombreuses crises ces dernières années : crise financière, lutte contre la question des réfugiés, Brexit, etc. D'une certaine manière, l'UE s'est retrouvée piégée dans une crise complexe. Le plus important étant que l'UE n'émeut pas de la même façon que le passé les mêmes citoyens de ses pays membres.
Une raison de ces crises, est que beaucoup en Europe préfèrent que des décisions ne soient pas prises en général, plus spécifiquement des décisions impliquant un risque. Certes, cette mentalité peut à un moment donné compromettre l'ensemble du projet européen.
9. A l'UE, nous devons de nouveau apprendre à réfléchir du point de vue stratégique et que notre politique ne soit pas soumise constamment et uniquement à la conjoncture et aux besoins à court terme. Nous devons apprendre à dire la vérité et à discuter en toute franchise de notre situation. Ne pas embellir la réalité. Il faut que les règles convenues soient valables pour tous.
10. L'UE risque aujourd'hui de devenir un projet de l'élite, des groupes politiques et économiques visant des intérêts précis et des opportunismes. De rester coupée de son environnement social. La justification de l'objet : la paix dans le vieux continent n'est pas suffisante aujourd'hui, 75 ans environ après la seconde guerre mondiale.
Il est nécessaire que l'UE fasse figurer au premier rang de ses priorités ses principes et valeurs, vis-à-vis desquels souvent elle fait preuve de deux poids deux mesures pour ce qui est de leur application et utilisation. Démocratie, Liberté, Solidarité, Droits sociaux doivent de nouveau jouer un rôle et reprendre leur place dans le système de l'UE. L'objectif de la cohésion sociale devra de nouveau être défini. L'UE doit être développée comme une machine, un système d'institutions, un outil de modernisation de nous tous et de l'Europe elle-même. Phare d'application, de promotion et de diffusion de la règle de droit, défenseur de ce principe auprès de la communauté internationale.
De plus, l'UE doit prouver à ses citoyens qu'elle n'est pas seulement un système de mémorandums, de sanctions et d'embargos, mais avant tout un facteur de prospérité et de sécurité pour ses citoyens et ses États membres, pour tous ceux qui coopèrent avec elle. Pour le développement de la compétitivité de son économie.
11. L'UE doit développer ultérieurement son rôle mondial de manière à défendre les intérêts de tous ses membres sans exception. Elle doit contribuer au développement global de son économie et de sa compétitivité vis-à-vis des autres centres de puissance dans le monde. De plus, elle doit agir positivement sur les différends Nord- Sud, voire Occident - Orient sur le plan interne.
12. L'une des raisons des problèmes de l'UE était et est toujours le changement d'opinion de l'Allemagne qui, ne serait-ce qu'avec du retard, a été dotée après sa réunification "d'un regard national", tandis que la France ces dernières années, jusqu'à l'apparition de Macron, a semblé ne pas avoir les mêmes dispositions que par le passé s'agissant de la perspective de l'UE, tandis que l'Italie, pays qui par le passé était en faveur du projet européen, est devenue assez introvertie.
13. L'UE doit changer dans bien des aspects, s'adapter dans d'autres et mettre en valeur ses points positifs. Sur la base d'une telle politique, permettez-moi de vous rappeler certaines questions principales qui, bien naturellement, peuvent revenir dans le cours de notre discussion d'aujourd'hui.
[Α] Changements dans le monde et dans la place de l'UE, importance de ces changements pour l'avenir de l'UE, mais aussi pour l'Europe de manière générale.
[Β] Soutien du renforcement de l'UE. Qu'est-ce que cela signifie-t-il exactement? Ici, on peut examiner plusieurs alternatives:
i. Renforcement des organes communautaires ou non? Et si oui comment et quels organes?
ii. En faveur de certains pays forts ou groupes de pays?
iii. Renforcement ou dévalorisation de l'État national au sein de l'UE. A cette question est corrélée une autre :
- quel sera l'équilibre à l'avenir entre les États nationaux et les organes / instances communautaires et
- quelle sera la place entre ces derniers, la Commission, le Conseil et le Conseil européen.
iv. Renforcement - et de quelle façon - de la démocratie au sein de l'UE?
- Par la démocratisation des instances communautaires ?
- Par le renforcement du Parlement au détriment des autres instances ?
- Par le renforcement de l'État national / instances nationales et des organes et du contrôle qu'il exerce (ils exercent) au sein de l'UE, notamment au niveau communautaire ou enfin
- Par l'implication accrue des organes nationaux dans les instances communautaires.
V. Renforcement de la société? Et si oui
- de quelle façon
- quelles puissances et groupes sociaux
[C] Quel sera l'équilibre entre l'élargissement de l'UE et l'approfondissement. Car chaque pas de mise en œuvre d'un élargissement est accompagné de la réforme (souvent précédente) institutionnelle de l'Union. Pour le moment, une première discussion a lieu sur les changements quant au Parlement en raison du Brexit.
[D] Il est bon d'avoir en tête, les changements institutionnels effectués au nom de chaque élargissement et en association avec celui-ci avant tout engagement sur l'architecture géographique de l'UE et de l'Europe globalement. S'agissant de
- la composition de la Commission (car il sera difficile d'assurer des portefeuilles pour 35 États et plus), de la question de savoir si tous les États auront des commissaires, si le principe de la présidence tournante sera appliqué ou bien si certaines essayeront de diviser la Commission en États qui auront des membres permanents et en États qui n'en auront pas. S'il y aura des membres senior et junior de la Commission et comment se fera la répartition des portefeuilles.
- La réforme de la relation des institutions.
- La création et le fonctionnement des Conseils, notamment la composition des présidences. Il est possible de revenir à la proposition par la Commission sur les différentes formes des Conseils ou du moins leurs présidents permanents.
- Élection du président et des commissaires?
- Rôle et fonctionnement des partis, nationaux et / ou communautaires, dans le cadre de l'UE et de ses institutions.
- Pour des pays de notre taille, la composition des directeurs et directeurs adjoints des directions de la Commission, du Conseil et du Parlement européen. Il y a une liste détaillée dans l'intérêt de certains grands Etats mais de manière déséquilibrée.
- Y aura-t-il des possibilités d'intervention des sociétés et comment? Le rôle et les possibilités de référendums.
De ce qui précède ressort la nécessité d'organiser la coopération entre des États petits et moyens, mais aussi que les États les plus anciens transmettent leur expérience s’agissant de ce genre de changements et de réformes des États plus jeunes qui n'ont pas participé à ce genre de négociations dans le passé.
[Ε] Élargissement et voisinage de l'UE:
Ι. La première série de questions se réfère au voisinage direct de l'UE :
- La première question est : que va faire l'UE pour ce qui est des rapports spéciaux qu'elle entretient avec des pays européens riches comme la Suisse et la Norvège mais aussi des petites entités étatiques (Andorre, Saint Marin, Liechtenstein, Monaco).
- La deuxième question - et la plus importante - concerne le calendrier et les éventuels regroupements pour l'adhésion à l'UE de pays des Balkans occidentaux.
- La troisième question est le sort de la candidature de la Turquie et si celle-ci se transformera en relation spéciale.
- La question des relations avec la Russie demeure une question spécifique.
ΙΙ. La deuxième série de questions concerne les pays qui se trouvent dans le voisinage de l'UE:
- D'un côté, il y a le groupe du voisinage oriental, si l'on considère que nos relations doivent être les mêmes avec tous les pays ou bien si on les divise en groupes de trois (selon un critère politique ou géographique).
- D'un autre côté, il y a le groupe des pays méditerranéens, notamment Israël et la Tunisie.
- De manière générale, la politique vis-à-vis des États associés
[F] L'UE développée devra-t-elle avancer au rythme des pays qui sont en tête s'agissant de l'unification ou bien au rythme des plus lents? Ou bien en fonction de "la moyenne".
[G] Champ de la politique de l'UE
La principale question qui ressort des débats engagés parmi notamment les pays les plus puissants de l'UE, comme la France ou l'Allemagne, est de savoir dans quels domaines politiques l'UE devra-t-elle se développer et quelle pourrait être l'organisation institutionnelle de l'Union économique et monétaire et de manière générale de l'aspect économique de l'UE.
Pour ce qui est de la première question, outre la démocratisation de l'ensemble du système de l'UE, qui n'aurait pas pu devenir membre d'elle-même si elle était jugée selon son acquis, il y a les domaines suivants de développement :
- Domaine social, et est-ce qu'il sera un levier visant à limiter l'État social au niveau national ou à faciliter son renforcement.
- Selon cette même thématique, il y a aussi le grand problème de la politique d'immigration et du sort / transformation du cadre du Règlement Dublin. Dans le domaine de l'immigration, l'UE a pu démontrer qu'elle est dotée d'une politique migratoire qualitativement supérieure. Elle n'a pas pu fournir une solution qui soit un équilibre entre les besoins des États nationaux et la vision d'une politique européenne globale.
- Le domaine de la défense et de la sécurité qui est défini par la relation entre l'UE, l'OTAN et les États-Unis. Si elle pourra opérer par elle-même en matière de défense ou bien si elle sera plus un partenaire régional de l'OTAN et des États-Unis. Sans pilier de défense, l'UE demeurera un géant économique avec des pieds en argile.
- Par ailleurs, est-ce que la coopération entre l'UE et l'OTAN se fera au niveau des États ou bien de manière autonome d'organisation à organisation - comme c'est le cas maintenant, ce que je soutiens.
- Le développement ultérieur du volet monétaire - économique dont je parle plus bas.
- Soutien du domaine agricole, des services contemporains, de l'industrie de la nouvelle technologie et celles qui se base sur elles.
[Η] L'UΕ a un problème fondamental : elle construit des systèmes institutionnels, comme celui de la zone euro, sans prévoir les conditions et sans assurer un rôle au parlement européen dans ceux-ci, qui plus est souvent de manière qui n'est pas démocratique. Le système institutionnel de la zone euro doit être placé sous le contrôle du parlementarisme et la présence au sein des instances tant du Parlement européen que de la Commission doit être assurée, avec les droits et obligations prévus par les traités.
A la zone euro, il manque les outils nécessaires afin qu'elle puisse réagir rapidement face aux changements et aux problèmes ayant trait à la conjoncture économique. Malheureusement, nous ne discutons pas de ses problèmes en Europe avec sang-froid mais au contraire sous le coup de l'émotion.
[I] Des questions spécifiques sont incluses dans les propositions formulées par Paris et Berlin, la plupart provenant du premier sans être accepter par le second. Parmi ces propositions, force est de noter celle portant sur le renforcement du budget de l'UE qui rappelle - dans un autre contexte - les propositions plus anciennes des fédéralistes. L'instauration d'un budget spécifique pour la zone euro, une proposition sans doute problématique. Globalement, si la zone euro a le droit et s'il serait utile qu'elle ait ses propres institutions et organes séparés ou non?
Le choix ou non d'un "ministre" des Finances européen, comme cela a été respectivement le cas dans le champ de la politique étrangère, une institution qui, à mon sens, a très bien fonctionné. L'évolution ou non du système européen de sauvetage (Mécanisme Européen de Stabilité) en une sorte de fonds monétaire européen (de type FMI, mais différemment structuré, avec le maintien ou non de son caractère de gouvernance). Il existe encore les propositions pour le parachèvement de l'Union bancaire ainsi que l'émission d'une obligation européenne.
Une question spécifique est également celle du sort du budget de l'Union en rapport également avec le Brexit. Mon avis est que le budget peut augmenter, tandis que le mode et les pourcentages de répartition de ce budget entre les politiques nécessaires pour aujourd'hui et celles qui sont nécessaire pour l'avenir ; A travers de différentes manières pour l'approfondissement de la procédure d'unification, de la promotion de la convergence économique et du renforcement de la cohésion sociale. Il s'agit, certes, du débat sur les nouvelles perspectives et le cadre budgétaires.
La question essentielle et fondamentale est que l'UE doit acquérir les caractéristiques d'une union économique et monétaire, pas seulement monétaire. Démocratique dans sa composition et son mode d'action. Qui s'intéresse et prend soin de l'homme. De la lutte contre le chômage jusqu'à la qualité de la vie.
[J] Bon nombre de ces dernières questions sont liées au mode de développement de l'UE : en tant que tout? Tout le monde tout en même temps? En tant que locomotive qui va plus vite que la moyenne (comme cela a été le cas avec l'Union économique et monétaire et le système Schengen) mais qui peut être rattachée à d'autres wagons lorsque ceux-ci sont prêts ou encore avoir plusieurs vitesses: En faisant clairement la distinction entre la première, la seconde et la vitesse suivante?
Mais une politique de différenciation stable, alors que cela semble attrayant pour les États membres plus riches et plus anciens de l'UE, vient en fait stabiliser et augmenter les différences existant aujourd'hui. Elle dévalorise le projet communautaire lui-même et le disloque même si des problèmes tiers sont résolus grâce à celui-ci, comme l'adhésion à un cercle dévalorisé de nouveaux États, aussi bien d'élargissements futurs que du cas de la Turquie elle-même.
Globalement, il est nécessaire d'œuvrer en faveur d'une nouvelle motivation et vision de l'UE. De réformes du système institutionnel de manière démocratique et équitable du point de vue social. Du développement de sa thématique, toujours de façon modérée, afin de renforcer sa présence dans le monde actuel et sa compétitivité économique de manière à protéger l'environnement et l'homme.
May 11, 2018