Allocution du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, lors de la rencontre annuelle des ambassadeurs de Lettonie (Riga, 28.01.2025)

Allocution du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, lors de la rencontre annuelle des ambassadeurs de Lettonie (Riga, 28.01.2025)

C’est un grand plaisir et un honneur pour moi d’être ici avec vous. Je sais que vous effectuez un travail très important et inestimable. Car la vérité est que la gouvernance mondiale et multilatérale est désormais la question majeure dans le monde. Car la vérité est qu’il n’existe aucun défi qui soit purement national. Vous voyez ce qui se passe dans le monde entier. Vous voyez l’agressivité, la crise climatique, la crise de santé publique. Vous voyez des maladies qui se propagent à travers le monde.

Je pense que ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’une nouvelle et efficace architecture internationale qui pourrait garantir les droits fondamentaux. Il semble que nous manquions d’efficacité. Au cours des trois dernières années, je pense qu’il y a eu un échec absolu, ou du moins partiel, de l’architecture de sécurité internationale. Car la vérité est qu’il y a actuellement deux grandes guerres dans des régions d’importance cruciale. Et aujourd’hui, nous avons près de 55 conflits dans le monde, presque un quart des États se trouvent actuellement en situation de conflit.

Cependant, nous n’avons pas véritablement abordé ces questions. Et nous n’avons pas abordé leurs causes profondes, qui génèrent et reproduisent ces types de conflits, qu’ils soient internationaux ou nationaux, ou encore liés à la famine et à la crise climatique. Je pense que les défis demeurent.

Je voudrais souligner deux points concernant le caractère mondial des défis. Je pense que la première question concerne la manière dont nous structurons, comment nous réexaminons le système de sécurité internationale. Nous avons abordé avec la ministre des Affaires étrangères le fait que le système international d'après-guerre était basé sur l’idée du droit de veto. Et cela s’est avéré totalement inefficace pour diverses raisons. Par exemple, en ce qui concerne le Conseil de sécurité de l’ONU, le veto était essentiellement un outil puissant entre les mains des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. En revanche, dans l’Union européenne, le droit de veto était essentiellement l’outil des États membres les plus faibles. Cela, précisément, parce que le traité visait à garantir un certain niveau d’inclusivité au sein de l’Union européenne, à une époque où la méfiance à l’égard des décisions des États européens puissants était encore bien présente.

La conclusion aujourd’hui est que dans les deux cas, nous voyons que même des décisions simples, des décisions fondées sur le droit international ou des décisions pour lesquelles il n’existe en réalité aucune contre-argumentation, comme l’aide humanitaire ou un cessez-le-feu au Soudan, ou encore l’aide humanitaire dans d’autres parties du monde, comme le Moyen-Orient, ou la décision concernant l’Ukraine, ne peuvent pas être prises. Nous ne pouvons pas parvenir à une décision, parce qu’il n’y a pas de consensus. La raison évidente est que les parties impliquées ont droit de veto, ce qui signifie en réalité qu’il n’y a aucun moyen de prendre une décision par consensus. Dans ces cas, au sein de l’UE, nous sommes très ingénieux pour contourner le veto, par exemple avec des pauses café et d’autres situations similaires. Mais cela ne peut évidemment pas constituer une réponse au niveau institutionnel. Il est donc nécessaire de réexaminer le processus décisionnel au sein des organisations internationales. Et parfois même leur composition. Un exemple est le Conseil de sécurité, qui ne représente en aucun cas l’équilibre des puissances d’aujourd’hui.

Le deuxième point, qui concerne également la diplomatie, est de savoir où nous mettons l'accent sur la scène internationale. La vérité est qu'en dehors des organisations internationales de base, telles que les Nations Unies, l'Union européenne ou le Conseil de l'Europe, l'architecture internationale s'est construite sur l'idée de la coopération régionale.

Les pays baltes, les Balkans, l’Amérique latine. Je pense que cela a conduit à une sorte de « fragmentation » de la coopération internationale. Je pense qu’il est crucial de changer les modèles de coopération entre les États afin de rapprocher des pays qui ne sont pas nécessairement proches géographiquement, mais qui sont néanmoins unis. J’ai également expliqué à la ministre des Affaires étrangères de la Lettonie que, dans certains cas, nous, au sud de l’Europe, ne semblons pas comprendre la position politique des États scandinaves ou baltes et leurs priorités en matière de politique étrangère, et inversement. Bien que les défis auxquels nous faisons face soient absolument communs. Lorsque nous discutions avec la ministre, il n’y avait aucune divergence. Pourquoi ? Parce que nous avons exactement les mêmes préoccupations. Nous sommes prudents face aux mêmes choses. Nous nous trouvons aux frontières extérieures de l’Union européenne. Nous sommes exposés presque aux mêmes menaces hybrides. Et nous subissons les conséquences des cas de migration illégale et irrégulière, de révisionnisme ou d'agression. Nous avons donc exactement les mêmes problèmes, mais nous n'avons pas de canal de communication permanent. Je pense donc qu'il est important de développer la coopération interrégionale.

C’est pourquoi je crois que nous devons nous rencontrer pour essayer de mieux nous comprendre les uns les autres, dans l’intérêt de notre continent et du monde. Je pense que nous devons développer une réaction beaucoup plus ouverte et interrégionale face à ce qui se passe. Et par-dessus tout, nous devons développer une conscience et une compréhension mutuelles des phénomènes politiques. Je pense donc que nous faisons face à d'énormes changements dans l’environnement mondial. Et dans certains cas, nous ne sommes pas prêts à faire face à ces changements tectoniques dans le monde.

La vérité est que la politique étrangère conventionnelle reposait sur l’idée de prévision. Nous essayions de prévoir ce qui allait se passer, ce qui aujourd’hui est absolument impossible. Nous ne pouvons rien prévoir, même pas l’avenir proche. Maintenant, nous devons principalement traiter des scénarios hypothétiques. Car la vérité est que notre travail est avant tout de proposer des solutions rapides et efficaces à tous les problèmes potentiels qui peuvent surgir. Et un bon diplomate est un diplomate très bien préparé.

Et je tiens à vous féliciter pour votre patience. Vous avez choisi un métier très difficile. Par ailleurs, je pense que c’est peut-être le moment le plus difficile, depuis la Seconde Guerre mondiale, pour être ministre des Affaires étrangères. Et surtout d'être ministre des Affaires étrangères d'un État membre non permanent du Conseil de sécurité, comme nous le sommes cette année et l'année prochaine, et comme vous aspirez à l'être l'année prochaine.

Alors, espérons pour le meilleur, et je vous remercie beaucoup pour votre attention.

Janvier 28, 2025

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