Allocution prononcée par le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères E. Vénizélos devant les représentants de la communauté grecque au Consulat général de Grèce à New York (24.09.2013)

venizelos_omogeneiaNous vous communiquons ci-dessous la traduction de l’allocution prononcée par le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères E. Vénizélos devant les représentants de la communauté grecque au Consulat général de Grèce à New York, où il effectue une visite dans le cadre de sa participation à la semaine ministérielle de la 68e Assemblée générale de l’ONU :

« Je suis heureux à chaque fois que je suis en présence de la communauté grecque de l’étranger, notamment la communauté grecque des Etats-Unis, car je connais bien votre dynamisme, votre patriotisme, votre foi en ce qui s’appelle la Grèce et aussi parce que vous êtes une très grande puissance nationale, ici en Amérique. Nous voulons toujours que les Grecs de l’étranger prospèrent, aillent de l’avant et acquièrent un prestige social – et si possible – politique. Nous voulons que les Grecs de la Diaspora réussissent. Et en effet, l’histoire nous a enseigné que le Grec de la Diaspora montre le visage de l’hellénisme le plus beau, le plus dynamique, le plus créatif. Sans doute, parce que les traits de caractère que souvent nous cachons en Grèce – où les choses sont plus faciles et plus souples – se manifestent d’autant plus fortement dans des conditions difficiles, des conditions de concurrence accrue et d’insécurité,

Je sais que vous suivez avec préoccupation la crise que traverse notre pays depuis quatre ans. En réalité, cette crise est bien plus profonde et plus longue car la récession à elle seule dure déjà six ans. L’heure n’est pas à l’examen de la raison pour laquelle nous en sommes arrivés là. Il est vrai que nous avons été devant des dilemmes difficiles, car nous devions choisir entre lutter de façon organisée contre la crise au moyen de sacrifices, qui ont de lourdes conséquences certes mais nous permettent de nous diriger vers la sortie de la crise, et la faillite désordonnée, qui ne menait nulle part.

Bien entendu, la Grèce est toujours un pays européen riche après la crise. L’économie grecque est toujours l’une des plus grandes au monde, en dépit des dix et quelques millions d’habitants. Le volume de l’économie grecque la classe au 300e rang mondial environ. S’il y avait un G30, à l’instar du G20, la Grèce aurait de grandes chances d’y participer, mais bien entendu tout cela est une question de chiffres et de statistiques, car les Grecs ont perdu, en raison de la crise, une grande partie de leur revenu. Cette perte atteint 30 à 35% et il est très difficile d’expliquer cela aux familles grecques qui ont vu leurs revenus diminuer, de nombreuses entreprises traverser de sérieuses difficultés ou même fermer, leurs enfants ou des proches au chômage. Et de leur expliquer pourquoi nous n’avons pas fait ce choix qui nous aurait menés à la catastrophe. Nous ne parlerions pas de pertes de cette hauteur et nous n’aurions sûrement pas pu maintenir les 30-35% du niveau de vie et du revenu disponible.

Aujourd’hui, nous traversons la phase finale, avant la sortie de la crise. Mais tout d’abord, l’unité nationale est nécessaire. Notre objectif premier est de garantir la cohésion sociale, de soutenir les plus faibles. Malheureusement, bon nombre de nos concitoyens et compatriotes ont besoin du soutien de l’Etat. De la solidarité sociale. Mais la Grèce est un lieu béni. Jadis, dans les années ’60 et ‘70, elle chassait ses enfants définitivement, qui devaient émigrer car le pays ne leur offrait aucune opportunité. Aujourd’hui, nous savons que la Grèce peut offrir de grandes opportunités.

La contribution du tourisme au PIB, cette année seulement, est de 2% de plus que ce que nous avions estimé, car les performances de notre industrie touristique sont bien meilleures que ce que nous avions prévu et cela n’est pas lié à la crise au Moyen-Orient ou la situation en Egypte. Cela est donc un bon présage et de tels signes positifs sont visibles dans d’autres domaines également, encore faut-il que nous nous en tenions à notre ligne de conduite. Et cette ligne de conduite, en quelques mots, est : le peuple ne peut supporter d’autres sacrifices. Nous ne pouvons imposer de nouvelles mesures, nous ne pouvons accepter d’autres baisses des salaires, des retraites et des revenus.

De telles mesures ne contribuent pas à relancer l’économie, elles limitent au contraire la demande et alimentent le cercle vicieux de la récession et du chômage. Nous sommes toutefois tenus d’avancer, sans fléchir, vers ce que nous appelons les changements structurels. Que la Grèce puisse devenir un Etat européen normal, avoir une économie compétitive, un nouveau modèle de croissance et de production. Que nous organisions un nouveau type d’Etat social, non seulement en Grèce, mais aussi dans toute l’Europe, un Etat qui ne soit pas menacé par une nouvelle crise budgétaire. Car aujourd’hui, nous sommes confrontés à un gros problème démographique qui se reflète sur les retraites, la résistance des caisses d’assurance, tout ce que vous voyez au quotidien et je suis certain que vous suivez les médias grecs ou américains et que vous savez exactement ce qui se passe en Grèce.

Vous avez beaucoup enduré, tout comme le peuple grec. Les Grecs, comme chaque nation, sont fiers et nous avons une raison historique supplémentaire de l’être. Nous n’avons pas seulement l’obligation, mais le devoir de dignité nationale, qui est un élément de la souveraineté nationale. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés dans une position de faiblesse, car nous devions emprunter à nos partenaires et organisations internationales parce que les marchés étaient fermés. Le retour sur les marchés se fera très bientôt, plus tôt que prévu. Et le paradoxe est que ce retour sur les marchés permettra à la Grèce d’emprunter et cela attestera du fait qu’elle a retrouvé son indépendance et souveraineté nationales à cet égard.

Vous, depuis ce nouveau monde, l’Amérique, pouvez voir plus clairement la relation entre les Etats-Unis et l’Europe, l’économie européenne, comment l’axe euro-atlantique fonctionne s’agissant des questions de sécurité, depuis la première guerre mondiale, depuis le Président Wilson, et s’agissant bien entendu de l’économie, comment l’OTAN et le FMI fonctionnent. Il existe un espace euro-atlantique unique et les relations sont très étroites, il y a une relation d’interdépendance.

Certes, l’Union européenne ce ne sont pas les Etats-Unis, avec les institutions d’un Etat fédéral puissant, une puissance militaire, politique, des structures de l’Etat qui sont très dures. C’est un nouveau phénomène, complexe, au sein duquel de nombreux acteurs doivent s’entendre. Il y a des retards, des incertitudes, mais des grands pas en avant qui sont tout de même faits car l’Europe est celle qui a transmis tous les grands messages historiques, la civilisation, la démocratie et la paix et il est très important que l’Europe demeure le continent de la démocratie, de la civilisation, de la qualité, de la compétitivité, de l’esprit libre, des droits, car c’est seulement ainsi qu’est alimentée la relation entre l’UE et les Etats-Unis.

Nous nous efforçons de garder intacte notre politique extérieure ainsi que la politique de sécurité et de défense pendant toute la durée de la crise. Je vous assure qu’aucun de nos partenaires n’a soulevé de question liée à notre politique étrangère et à la sécurité du pays en rapport avec la crise économique et l’aide économique. Personne n’a exercé de pression sous la menace de la crise économique s’agissant de questions qui nous préoccupent et qui sont les grandes questions nationales. Cela est très important. Et nous n’avons ni permis, ni ne permettrons jamais que soient associées des questions de politique économique et d’aide économique à des questions de politique étrangère et de politique de sécurité. Et c’est justement parce que notre peuple a subi de grosses pressions et humiliations sur le terrain de la politique économique, qu’il ressent ce besoin de défendre avec encore plus de vivacité les questions liées à l’indépendance, la souveraineté et la sécurité nationales.

Ces sujets font l’objet de nombreuses discussions ici, à l’Assemblée générale de l’ONU, en marge – je dirais – de l’Assemblée générale, ce qui revêt une importance d’autant plus particulière en raison de sa substance même.

Nous avons une coopération particulièrement étroite avec le gouvernement chypriote, une coopération absolue et quotidienne. Nous essayons certes de faire au mieux pour garantir les intérêts nationaux. Cela n’est pas toujours visible de façon directe. Autrement dit, il est probable que nous devions entreprendre des actions sur d’autres fronts, comme par exemple au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, des actions qui influencent le rapport de forces dans notre région. Ainsi, nous essayons de sauvegarder nos intérêts nationaux dans toute leur envergure, sans contradictions ou tergiversations.

Car avoir une position ferme s’agissant des intérêts nationaux et de la politique nationale est une chose, et ne pas comprendre les équilibres ou encore ne pas avoir la capacité de manœuvrer intelligemment dans un monde incertain et fait de relations d’interdépendance complexes, en est une autre.

L’incertitude qui prévaut dans notre région élargie, car nous sommes très près de la région de la crise, montre que la Grèce est un point de référence sûr. Et cela tout le monde peut le comprendre, que ce soit nos amis ou nos ennemis.

J’aimerais vous prier, ici, dans ce pays de la Diaspora grecque, de ne pas reproduire les contradictions politiques de la Grèce. Que vous défendiez coûte que coûte l’unité nationale, que nous ne percevons malheureusement pas en Grèce autant qu’il le faudrait. Que vous souteniez votre patrie avec dévotion et que vous soyez toujours fiers de votre identité grecque. Bien entendu, tous ceux qui d’entre vous êtes des ressortissants américains, avez l’obligation de respecter et de servir votre deuxième patrie qui vous a accueillis et vous a donné l’occasion d’évoluer sur le plan personnel, professionnel, familial et académique. Et notre présence ici est vraiment impressionnante à bien des égards. Et nous voulons toujours valoriser cet énorme réseau que nous avons en politique, en économie, dans le milieu universitaire, dans le domaine de la recherche, des médias, partout.

J’aimerais vous prier de transmettre ces messages et notamment mes amitiés à toutes vos organisations, à nos compatriotes et j’espère que la prochaine fois j’aurais de meilleures nouvelles à vous dire sur la Grèce après la crise, car ces années semblent longues et lourdes, mais elles ne marqueront même pas une page de notre grand livre d’histoire, notre Histoire nationale, l’Histoire de la nation grecque ».

September 25, 2013