Article du ministre délégué aux Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis au journal « TO PARON tis Kyriakis » (13-14.03.2021)

« Défis dans une Europe qui change »

Quarante ans après l’adhésion de la Grèce à la famille européenne, l’Europe ouvre un nouveau chapitre dans son parcours de plusieurs années et entreprend une transformation de l’intérieur, définissant de nouveau ses priorités, ses politiques et ses relations avec des pays tiers.

C’est l’année dernière que le coup d’envoi a été lancé lorsqu’elle a non seulement renforcé les économies européennes face à la pandémie en mettant à disposition des outils novateurs inédits, comme le fonds de relance, mais aussi quand elle a assumé la gestion globale de la crise sanitaire, alors qu’elle n’était elle-même pas compétente pour les questions de santé publique. Avec un peu de retard certes, elle a néanmoins décidé d’agir au niveau centralisé et de manière unique, en faisant d’importants pas historiques en avant vers l’intégration. Ainsi, 27 Etats membres ont harmonisé de manière inédite leurs politiques dans le secteur du commerce, des transports et du transport de matériel sanitaire. La Commission européenne a négocié avec différentes sociétés au nom de tous ses membres pour la fourniture de vaccins et, après avoir accéléré la recherche mondiale grâce à son financement généreux, elle a mis les vaccins à la disposition des Etats membres de manière proportionnelle. Par la suite, elle a mis sur pieds une opération gigantesque de vaccination parallèle à l’échelle européenne, à la suite de quoi elle a mis sur les rails le certificat de vaccination européen. Un certificat qui avait été proposé en premier par le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis et que les autres Etats européens ont graduellement adopté.

Cette décision portant sur un certificat commun de vaccination constitue un moment historique pour l’Union. Tout d’abord car il permet aux Européens de circuler librement sans pour autant faire des discriminations, garantissant en même temps la santé publique. Et aussi parce que l’Europe des 500 millions de personnes réussit de nouveau à coordonner et à résoudre de manière unifiée un problème commun majeur. Elle évite les antagonismes susceptibles de créer des dissensions et garantit sa cohésion sans fragmentations, des fragmentations qui auraient été synonymes de pas en arrière pour l’Europe elle-même après les efforts colossaux déployés ces derniers mois. Le certificat de vaccination constitue donc un premier pas vers l’ouverture du tourisme et de notre économie. Afin que nous puissions retrouver notre liberté.

L’évaluation globale des relations euro-turques, qui devrait avoir lieu au sommet de mars, s’inscrit dans cette même logique de « réforme » commencée au sein de l’Union. Il est désormais clair que sa relation avec la Turquie ne peut se poursuivre de la même façon après tout ce qui s’est passé au cours de ces derniers mois. L’agressivité de la Turquie vis-à-vis de la Grèce et de Chypre, sa rhétorique extrémiste face à des leaders européens, ses violations continues des droits de l’homme en son intérieur et son implication dans la quasi-totalité des conflits actifs de la région élargie ne garantissent en aucun cas un avenir de sécurité et de coopération avec l’Europe.

Il est donc important que l’Union adopte une nouvelle stratégie vis-à-vis de la Turquie, une stratégie à même de garantir sa crédibilité et de renforcer sa puissance géopolitique. L’Union doit faire clairement savoir à la Turquie qu’elle fonctionne sur la base de règles de droit et que, si elle continue de provoquer des tensions, des sanctions lui seront imposées. Des sanctions qui, même si elles ne constituent pas une fin en soi, demeurent sur la table. Pas comme un feu d’ artifice à des fins populistes, mais comme une menace sérieuse et crédible pour dissuader le comportement transgressif de la Turquie. Tel est le message envoyé par l’Union lors des derniers conseils européens et nous demandons que cela soit réaffirmé à tous les niveaux. La plupart de mes homologues ont d’ores et déjà exprimé leur soutien à la Grèce lors de nos contacts bilatéraux et dans le cadre du Conseil des Affaires générales.

Finalement, le couronnement de toute cette refonte de l’Union européenne sera indéniablement la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui débute en mai et qui a pour objectif de redéfinir ses priorités dans leur totalité. Ce dialogue européen entre les hauts fonctionnaires de l’Union mais surtout entre l’Union et ses citoyens concentre son héritage démocratique plus profond et constitue une chance unique d’un nouveau départ. Là, l’Europe peut reconnaître ses faiblesses et renouveler ses ambitions avec vigueur, réalisme et dans le respect de l’intérêt commun. C’est l’occasion pour elle de devenir plus forte, plus ouverte, plus ambitieuse.

Dans ce dialogue, la Grèce se dit présente et y participe activement. Non seulement parce qu’elle peut le faire grâce à sa maturité institutionnelle et ses 40 ans d’expérience dus à sa participation ininterrompue au noyau dur de l’Union. Mais aussi parce qu’elle voit en l’Europe sa maison et cette maison elle souhaite en assurer la sécurité, la solidité et la présence sur la scène internationale.

March 14, 2021