Article du ministre délégué aux affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis dans le journal « TA NEA » (Athènes, 18.01.2022)

« Le pari géopolitique de la présidence française »


La présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui a débuté il y a deux semaines, aspire à ne pas être une présidence européenne administrative de plus. Comme précisé hier lors de la présentation de ses priorités, malgré sa durée limitée en raison des prochaines élections françaises, elle vise à laisser une empreinte politique forte. Sous la devise « Reprise, pouvoir, sentiment d'appartenance », elle ne se limite pas à un agenda de simple gestion, mais aspire à être une présidence de grande envergure et à aborder des questions cruciales auxquelles l'Europe a hésité à répondre ces derniers mois.

En tête des priorités françaises figure - à juste titre - l'initiative du président Macron sur l'autonomie stratégique de l'Union. En effet, l'Europe doit être souveraine, décisive, sûre d'elle et dotée d'une voix respectée au niveau international. En partant du « Compas stratégique », elle devrait se doter de politiques globales de défense et de sécurité et de ses propres moyens pour les mettre en œuvre. Et devenir, en définitive, une force notable au niveau international.

Pour que l'Europe acquière cette identité mondiale forte, la France doit oser « ouvrir » tous les grands enjeux géopolitiques. Des questions qui sont également au cœur des intérêts de la Grèce et qui nous touchent directement.

En particulier, dans un contexte d'instabilité mondiale, elle est appelée à assurer le contrôle effectif des frontières européennes et l’adoption d’un Pacte sur les migrations opérationnel, qui ne permettra pas l'instrumentalisation des réfugiés. [Elle est appelée à] apporter un soutien substantiel à l'extension de l'influence géopolitique de l'Union dans les Balkans occidentaux, afin d'empêcher des tiers de tenter d'y pénétrer ; après tout, c'est elle qui a inspiré la nouvelle méthodologie de l'élargissement, qui facilite leur processus d'adhésion. Et, bien sûr, un grand pari pour la présidence française sera la gestion des défis régionaux en Méditerranée orientale. La France - qui a été à nos côtés pendant le difficile été 2020 et avec laquelle nous avons signé un accord de défense solide - a clairement indiqué que le respect du droit international et des relations de bon voisinage est une condition préalable absolue pour quiconque souhaite traiter avec la famille européenne - ce qui irrite la Turquie.

Une puissance géopolitique sans reprise économique n'est cependant pas concevable en Europe. Ni selon la vision française, ni selon la position grecque. Au lendemain de la pandémie, l'Union a besoin d'une politique budgétaire audacieuse qui perpétue « l'héritage » du Fonds de relance et concrétise l'Europe de la croissance verte, de la transformation numérique et de l'agenda social. Le Pacte de stabilité révisé en sera la clé.

La Grèce soutiendra la présidence française, non seulement parce que ses priorités sont conformes à nos aspirations géopolitiques, mais aussi parce qu'elles reflètent notre vision de notre maison européenne. Nous espérons donc que la France se montrera suffisamment audacieuse dans l'ère post-Merkel pour la rendre plus forte, en trouvant d'autres États membres pour soutenir ses initiatives politiques. Bonne chance, France !

January 18, 2022