Article du ministre délégué aux Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis, dans le journal « TO VIMA tis Kyriakis» (12.12.2021)

Les archives juives sont « libres» de retourner au lieu de leur origine.

Printemps 1943, Thessalonique. Les forces d'occupation allemandes, chargent dans les trains, avec les 60 000 Juifs de Thessalonique, destinés aux fours crématoires, tout ce que leurs ancêtres avaient créé dans la métropole du séphardisme, ainsi que les archives des communautés juives de toute la Grèce. Deux ans plus tard, des hommes du détachement de l'armée soviétique retrouvent des milliers de dossiers et de boîtes remplies de documents dans les wagons d'un train abandonné à Berlin, qu'ils emmènent à Moscou pour les mettre en sécurité.

Les années se sont écoulées de façon torturante, mais les souvenirs  sont toujours là.

En 1997, la partie grecque a adressé à Moscou une demande de restitution des dossiers volés par les forces d'occupation nazies. Dans un premier temps, la partie russe a répondu positivement, ayant déjà restitué d'autres dossiers relatifs aux Juifs en Belgique et aux Pays-Bas. En février 1999, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Th. Pangalos a adressé une lettre à son homologue russe I. Ivanov. Par la suite, en août 2000, se tient une réunion du Comité mixte gréco-russe, et une équipe scientifique grecque se rend à Moscou pour enregistrer le matériel, à la suite de l’autorisation donnée par le Conseil central des communautés juives de Grèce.

En 2014, le gouvernement grec est très proche d’un accord avec le  gouvernement russe sur la remise des archives. Les Russes, cependant, toujours juste avant la signature de l'accord final, ont mis de nouvelles conditions sur la table. Des conditions que notre pays était prêt à remplir, comme la restitution des archives du consulat impérial russe de La Canée et même le versement d'une compensation monétaire pour la conservation des archives à Moscou.

Dès le début de mon mandat, je n'ai cessé de soulever auprès de mes interlocuteurs russes la demande de rapatriement des archives juives. Nous avons placé la question en tête de l'ordre du jour des pourparlers gréco-russes tant lors de mes rencontres avec le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Al. Grusko à Athènes et à Moscou, qu’ avec le ministre des Transports V. Savelyev, mon coprésident du Comité interministériel mixte, ainsi qu’à toute autre occasion. Cette demande a également été faite par le Premier ministre à son homologue russe, Mikhail Mishustin, lors de sa récente visite en Grèce.

Le dernier obstacle dressé par les Russes – qui a été finalement surmonté, car ladite demande n'a pas été acceptée - était de remettre au musée Tretyakov l'œuvre de la peintre russe L. Popova (une peinture de l'avant-garde russe) appartenant à la collection Kostakis, qui est conservée au musée d'État d'art contemporain de Thessalonique.

Aujourd'hui, à la fin de l'année 2021, nos efforts ont été récompensés par l'accord historique entre Mitsotakis et Poutine à Sotchi sur le rapatriement des archives « tant éprouvées », confirmant la volonté commune de nos pays et de nos peuples de renforcer davantage nos relations bilatérales datant depuis des siècles.

Une décision qui suscite chez moi une grande émotion et une satisfaction morale par rapport à la « dette » historique et à l'engagement personnel que j'avais pris envers la communauté juive de Grèce, qui, après des décennies, a été soulagée d'entendre l'annonce faite par le Premier ministre grec.

Les archives juives de Grèce sont maintenant « libres » de retourner au lieu de leur origine et les Juifs grecs peuvent « retrouver » leurs racines.

December 12, 2021