Article du ministre délégué aux Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis paru au journal TA NEA (21.12.2020)

Si l’on peut finalement conclure avec certitude une chose du dernier Conseil européen, c’est que les relations UE – Turquie ne sont pas et ne seront plus jamais les mêmes.

L’Union a bien compris que le comportement transgressif de la Turquie n’est pas un problème de plus de la Grèce avec son voisin difficile, mais une question euro-turque qui touche le cœur même de son identité et la stratégie globale en matière de sécurité en Méditerranée du sud-est.

De même, il est apparu clairement que la relation de l’Union avec la Turquie ne peut continuer ainsi. Ankara semble poursuivre sa voie en s’inspirant des ambitions néo-ottomanes, qui ne correspondent pas, ni ne coïncident avec le système des principes et des valeurs de l’UE. Et cela constitue une menace en soi, tant pour le système juridique de l’UE, que pour la stabilité de la région.

Dans ce contexte, l’Union européenne est invitée à élaborer une nouvelle stratégique vis-à-vis de la Turquie sans plus tarder. Autrement, elle risque de perdre sa crédibilité et voir sa puissance politique réduite.

Les décisions du dernier Conseil européen constituent en effet un pas hésitant qui va, toutefois, dans la bonne direction. L’Union a décidé d’évaluer globalement sa relation avec la Turquie et a fait clairement savoir que cette évaluation ne peut se faire sur la base de « vainqueurs » ou de « vaincus ». Elle a également établi un calendrier clair en vue de cette évaluation et s’est dite ouverte à des mesures très larges, autorisant expressément le Haut représentant à élargir la liste des sanctions. Les sanctions, rappelle ainsi l’Union, sont l’une des nombreuses mesures pouvant et devant être prises pour exercer une pression sur la Turquie.

Pour sa part, la Grèce ne craint pas le dialogue. Elle a informé à tous les niveaux [ses partenaires] de l’activité illégale de la Turquie et a défini clairement le cadre : le seul différend à résoudre est la délimitation des zones maritimes sur la base du droit international. Elle a posé comme condition non négociable que la Turquie prouve qu’elle laisse dernière elle, sans plus tarder et avec constance, la voie de la transgression. Qu’elle s’engage à mettre en œuvre certaines actions positives qui confirment dans la pratique et non en théorie qu’elle s’intéresse à un avenir de sécurité et de coopération avec l’Europe.

Toutefois, la Grèce ne vise pas à couper la Turquie de l’Occident, cela serait de courte vue.  Elle sait bien qu’une Turquie déstabilisée sera un voisin de plus qui pose problème, qui recherchera un terrain d’entente encore plus dangereux, en dehors du cadre institutionnel de l’UE.

Même si l’UE a du mal à avancer en raison de ses procédures rigides, à la fin elle réussit à franchir le pas. Même si c’est « un pas à chaque fois », comme l’a affirmé Kyriakos Mitsotakis. Même si elle remporte une petite bataille à chaque fois, jusqu’à la prochaine grande bataille. Elle l’a d’ailleurs prouvé avec le Fonds de relance. Qui plus est lorsqu’il s’agit de questions complexes relevant de la politique étrangère.

Le rôle de l’Europe est d’apporter ici aussi une solution. Et la solution sera diplomatique. Sur cette table diplomatique, la Grèce a d’ores et déjà gagné sa place. Et tant qu’elle maintient ouverte la question sur l’agenda du Conseil européen, tant que la Turquie continue d’apparaître comme problème pour l’ensemble du système de sécurité de la région, elle s’exposera et sera sous pression diplomatiquement parlant pour venir à son tour à cette même table.

December 21, 2020