L’an 2021 marque 40 ans depuis l’adhésion de la Grèce aux Communautés européennes, un événement majeur qui a déterminé l’histoire politique moderne de notre pays. Vu que cette année nous célébrons le Bicentenaire de la Révolution grecque, l’occasion nous est offerte de réfléchir à la façon dont l’adhésion de la Grèce a finalement atteint les idéaux européens et libéraux des premiers penseurs de l’Etat grec, en plaçant le pays au noyau étroit de l’avant-garde « européenne ».
L’adhésion de la Grèce à la Communauté économique européenne (CEE) – officiellement depuis 1981, mais en réalité depuis 1979 - a été une nouveauté politique qui a irrévocablement renforcé la démocratie et la normalité institutionnelle en Grèce au cours de la période après la fin de la dictature, à une époque où la Grèce était en train d’élaborer une politique étrangère à plusieurs facettes face à l’agressivité de la Turquie et l’instabilité géopolitique généralisée. Nos partenaires européens ont accepté leur responsabilité historique et l’adhésion de la Grèce a été un premier aspect de la constitution de la CEE – du précurseur de l’Union européenne (UE) – en tant qu’entité politique revêtant une importance géopolitique et institutionnelle spécifique.
Personne ne peut nier la contribution politique décisive de Konstantinos Karamanlis. L’adhésion de la Grèce aux Communautés serait impossible sans les initiatives de ce leader grec charismatique. La demande initiale d’association a été signée en juin 1959 sous son gouvernement – en donnant lieu à l’accord d’association historique entre la Grèce et la CEE en juin 1961. Cet accord a été « gelé » avec la mise en place de la dictature militaire en 1967 mais il a été relancé après « la période de sept ans » et le rétablissement de la démocratie en juillet 1974. Après le retour de Karamanlis en Grèce et son élection au poste de Premier ministre, il a lui-même annoncé le 12 juin 1975 son intention de demander la pleine adhésion de la Grèce à la CEE, accord qui a été conclu le 28 mai 1979 au terme de 4 ans de négociations laborieuses. Le « leader national » est devenu aussi le « Père de l’adhésion européenne.
En tant que membre à part entière de la CEE, la contribution de notre pays au devenir européen a été d’emblée précieuse grâce à son passé culturel riche, sa main d’œuvre de qualité et, bien évidemment, sa spécialisation internationale dans les secteurs de pointe, tels que la navigation maritime. Dans le même temps, la CEE a été pour la première fois présente dans la région de la Méditerranée du Sud-est, à la frontière entre les deux continents. Toutefois, le plus important était le fait que la Grèce constituait un pilier emblématique de la construction européenne et son adhésion était une condition essentielle à l’intégration politique ultérieure de la CEE.
Par ailleurs, les avantages de l’adhésion de la Grèce ont été rapidement ressentis. Notre parcours européen a accéléré la modernisation institutionnelle et administrative, en luttant contre la bureaucratie excédentaire et en promouvant la transparence, l’obligation de rendre des comptes et la protection des droits civiques. Nos intérêts nationaux ont bénéficié d’un soutien permanent et constant dans le cadre des institutions européennes, alors que la diplomatie grecque apprenait à fonctionner sur le long terme, en faisant preuve de persévérance et de cohérence au sein des institutions européennes. L’adhésion de Chypre à l’Union européenne en 2004 constitue probablement l’argument le plus probant pour comprendre que le choix stratégique en matière de sécurité de l’Union européenne a été et demeure la seule voie pour faire valoir nos intérêts. De même, la Grèce exporte de la stabilité, garantit la paix et joue un rôle moteur dans les Balkans, tout en étant bien confiante dans ses capacités variées face à toute sorte de défi extérieur.
Toutefois, dans leur vie quotidienne aussi, les Grecs ont vu leurs conditions de vie s’améliorer de manière inédite, à travers le cofinancement communautaire à hauteur de 200 milliards d’euros de projets d’infrastructure d’importance vitale mais aussi la revalorisation qualitative des ressources humaines et de l’économie de la connaissance, notamment pour les nouvelles générations qui sont nées et ont grandi en tant que citoyens européens. La mobilité des étudiants et des travailleurs spécialisés constitue l’aspect le plus prometteur de l’adhésion de la Grèce dans cette communauté de 500 millions de personnes où circulent librement des produits, des services et des idées. L’entrée de la Grèce dans l’Union monétaire, dans la zone euro, en 2002, lui a permis de stabiliser son système financier et de supprimer des problèmes chroniques qui tourmentaient le secteur d’affaires et productif du pays.
Bien évidemment, la relation des Grecs avec l’idée de l’Union européenne n’était pas toujours sereine. Nous avons vite surmonté le scepticisme dans les années 80’, en devenant des pionniers de la vision européenne, ce qui a été reconnu par tous nos partenaires. En dépit de cela, les rigidités et les inerties d’un passé institutionnel agité n’ont pas permis à la Grèce de s’adapter à temps aux nouvelles conditions de l’économie ouverte. Le choc de la crise économique mondiale qui a secoué toute l’Europe en 2010 a frappé la Grèce de plein fouet. La Grèce et les Grecs ont payé un prix très fort, mais ils ont fait preuve de persévérance. Finalement, notre réponse était « plus d’Europe ». L’histoire nous a par ailleurs donné raison en prouvant que les problèmes de plus en plus complexes requièrent des solutions communes.
Aujourd’hui, cela devient de plus en plus évident. Face à l’une des épreuves les plus difficiles dans son histoire, l’Union européenne a été appelée à acquérir, tout en restant unie, les bons réflexes. En dépit des faiblesses initiales, elle a assuré la coordination de l’approvisionnement commun en matériel médical, tandis qu’elle a d’emblée commencé à financer la recherche précieuse pour la fabrication de vaccins.
La mise en œuvre du programme de vaccination paneuropéen au cours de 2021 constitue dorénavant notre première priorité. Dans le même temps, l’Union européenne a fait preuve de la flexibilité nécessaire dans sa lutte contre la crise économique et au niveau du soutien apporté à l’emploi à travers le Fonds de relance doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros lequel a été pour la première fois financé à travers la mutualisation commune de la dette.
Dorénavant, au fur et à mesure que l’Europe sort de la pandémie de Covid-19, les citoyens grecs sont invités à participer de concert avec les autres citoyens européens à l’un des projets les plus ambitieux du dialogue démocratique à plusieurs niveaux qui n’a été jamais entrepris, la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Dans le cadre de ce dialogue paneuropéen, notre pays jouera un rôle de protagoniste et participera activement en formulant des propositions concrètes. La proposition nationale comporte 6+1 axes qui portent sur le cadre européen de défense et de sécurité, l’environnement et le changement climatique, la question migratoire, la recherche et l’innovation en mettant l’accent sur le rôle de la jeunesse, la stratégie d’approfondissement de l’UEM et le triptyque « Etat de droit-Démocratie-Droits de l’homme ».
Forts de notre expérience acquise à travers notre parcours laborieux mais réussi européen de 40 ans, et en ayant une sensibilité particulière à l’égard des questions de démocratie et géopolitiques, l’heure est venue de nous prononcer sur l’avenir de l’Europe, en honorant notre passé mais aussi en relevant avec sang-froid les défis d’un présent complexe.
May 12, 2021