Article du ministre délégué aux Affaires étrangères, M. Varvitsiotis, paru dans le journal électronique « The President » (19.02.2021)

« La Grande-Bretagne est notre allié et pas un concurrent »

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a été un événement de portée historique, une étape importante dans le parcours de soixante-dix ans du projet européen, qui a entraîné des conséquences négatives notables pour toutes les deux parties.

L’Union n’a pas seulement perdu un Etat membre. Elle a perdu 13% de sa population et 16% de son PIB ; elle s’est privée d’une superpuissance politique, économique, militaire et nucléaire, d’un pilier de l’OTAN, d’un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et de la plus ancienne république parlementaire. De son côté, la Grande-Bretagne a perdu son accès directe à la plus grande économie de la planète ayant une population de 500 000 habitants et des PIB qui s’élèvent à plusieurs dizaines de trillions.

En dépit du revers qu’elle a subi, l’Europe est allée de l’avant et est même devenue plus forte. Le jour d’après Brexit on voit que les 27 Etats membres sont nettement plus unis et présentent un front uni face au Royaume-Uni tout au long des négociations. Les Etats membres font aussi preuve d’une plus grande détermination d’approfondir l’intégration européenne à cause de la pandémie. Face à la crise du coronavirus, les Etats membres non seulement ne se sont pas éloignés de l’Union, mais ils se sont ralliés autour d’elle en vue d’y faire face ensemble. Ils ont pris des décisions courageuses – qui n’étaient guère évidentes – pour opérer des changements intérieurs, en envoyant un message aux eurosceptiques.

Plus particulièrement, l’Europe est parvenue à une coordination sans précédent dans son approvisionnement en matériel sanitaire et au niveau de ses politiques de gestion de la pandémie, elle a financé au niveau central la recherche scientifique et s’est engagée à mettre en œuvre un projet titanesque de vaccination paneuropéenne. Elle a encore protégé les économies nationales grâce au Fonds de relance – qui a été le fruit d’âpres négociations que nous avons menées en été – en brisant des tabous économiques  bien ancrés. Et en même temps que la Grande-Bretagne sortait sans heurts de l’UE, grâce  à l’accord commercial historique, l’Union ouvrait sa porte aux Balkans occidentaux, en lançant le processus d’adhésion de la Macédoine du Nord et de l’Albanie.

Maintenant de nouveaux défis émergent : le changement climatique, l’achèvement des campagnes de vaccination, la relance des économies avec l’aide d’instruments tels que le certificat de vaccination que le Premier ministre grec a été le premier à proposer.

Pour relever ces défis, l’Europe réaffirme toujours qu’elle ne s’arrêtera jamais de coopérer avec le Royaume-Uni. L’Europe et le Royaume-Uni sont unis par l’histoire, la géographie, l’économie et tout cela ne peut être supprimé à cause du Brexit. L’Europe veut entretenir une relation puissante et crédible avec les Britanniques, chose qu’elle a prouvée en retirant rapidement sa récente proposition erronée d’établir de contrôles douaniers à la frontière entre l’Irlande et la Grande- Bretagne.

Nous ne devons en aucun cas entrer en concurrence,  en matière de vaccinations, et sur le plan sanitaire et économique. Car l’Europe est avant tout une puissance de coopération. Elle ne veut entrer en conflit avec personne, qui plus est avec un ancien partenaire et voisin important.

En tant qu’allié traditionnel et partenaire important du Royaume-Uni, la Grèce a exactement la même position à cet égard. Nous voulons garder ouverts les canaux de communication et c’est à cela que nous nous sommes préparés à plusieurs niveaux dans le cadre du Brexit.  En étant à la tête du  Comité interministériel en charge de ce dossier, j’ai pu avoir une connaissance personnelle des mesures qui ont été prises en vue de régler à temps et avec une diligente attention toutes les questions au niveau législatif, administratif et d’information.

Pour ce qui est du niveau politique, nous cherchons à établir un partenariat stratégique avec le Royaume-Uni. Une coopération renforcée dans les domaines du commerce, de l’économie, des investissements, du tourisme, de la navigation maritime, de la recherche et de l’innovation. Un intérêt particulier présentent les services financiers puisque de nombreuses entreprises quittent la Grande – Bretagne et acheminent leurs capitaux vers l’UE.

En suivant par ailleurs ces évolutions, nous sommes déjà en train de créer au sein du ministère des Affaires étrangères des conditions permettant à notre pays d’attirer des « nomades numériques » (digital nomads) ou des hommes d’affaires de marchés financiers au moyen d’un ensemble de mesures proposant de facilitations séduisantes (visa numérique, fiscalité, infrastructures) qui stimulera la compétitivité du pays au niveau international.

Dans le même temps, le Royaume-Uni étant pour nous un pays avec lequel nous partageons les  mêmes valeurs et la même confiance à l’égard du droit international, nous cherchons à avoir la meilleure coordination possible face aux défis communs liés à la sécurité, au terrorisme, au contrôle des flux migratoires ainsi qu’à la sauvegarde de la stabilité régionale.

Le Brexit est d’ores et déjà une réalité. La Grèce va être un spectateur passif de la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, ou elle participera à son façonnement.  Forte de sa maturité et de son expérience institutionnelles acquises pendant 40 ans au sein de la famille européenne, je suis convaincu que la Grèce optera pour le deuxième choix. Elle choisira d’assumer un rôle actif au niveau européen et bilatéral et de transmettre un message de stabilité, de coopération et de créativité.

2021 est l’année de symbolismes mais aussi l’année d’initiatives.  Prenons donc ces initiatives !

February 19, 2021