Ν. ΚΟΤΖΙΑS : J’ai passé la moitié de mon parcours professionnel ici, un tiers de ma vie, 23 ans ici au ministère. Comme vous vous le rappelez, lorsque j’ai pris mes fonctions j’avais affirmé : « je rentre chez moi, j’ai quitté l’université mais j’y reviendrai pour enseigner ici et à l’étranger, j’ai beaucoup de choses à faire ».
Bonjour donc à tous.
Je voudrais tout d’abord remercier le Premier ministre et Président du gouvernement pour l’honneur qu’il m’a fait de me confier cette fonction et pour l’occasion qu’il m’a offerte de me mesurer aux problèmes de la politique étrangère. Comme j’ai toujours coutume de le dire, les gens ne doivent pas se mesurer aux autres mais ils doivent avoir l’ambition de se mesurer aux problèmes auxquels ils sont confrontés.
Nous sommes toujours plus faibles par rapport aux problèmes que nous sommes invités à résoudre mais en nous efforçant de résoudre ces problèmes, nous devenons plus forts. Et, au sein de ce ministère, fort de mon âge ainsi que de mon poids – au sens propre du terme – et de ma propre façon de voir les choses, mais aussi grâce aux discussions et aux instructions du Premier ministre j’ai fait tout ce qui était humainement possible pour faire face à ces problèmes.
Monsieur le Premier ministre, sous votre direction, notre gouvernement, notre ministère, a pu restaurer la réputation discréditée du pays et faire de nouveau entendre notre voix.
Et aujourd’hui, notre voix n’est pas seulement entendue mais aussi sollicitée par les autres. Et je me réjouis d’avoir reçu les félicitations de mes collègues pour le travail que j’ai accompli – et une expression de chagrin pour m’être « libéré » moi-même du poids de ces problèmes – ainsi que du fait que tout le monde veut maintenir cette relation avec moi et continuer de me faire honneur en demandant mes conseils.
Le pays, sous ce gouvernement, a exercé une politique étrangère active, en faisant preuve de retenue et de sérieux, en se fixant des objectifs avec le regard tourné vers l’avenir, tout en étant doté d’une stratégie bien structurée et en se forgeant des alliances.
Il a pu mettre en place et développer, ce qui est sans précédent dans les relations internationales, 16 partenariats internationaux et régionaux, le plus récent étant – et je suis convaincu que ce partenariat sera développé sous votre direction – celui en Méditerranée centrale et orientale avec l’Italie, la Slovénie, la Croatie, Malte, la Grèce et Chypre, au sein de l’Union européenne, portant sur des questions ayant trait à des politiques de convergence, comme l’ancienne Politique agricole commune.
En près de quatre ans, nous avons pu mettre sur la table des négociations un dossier comportant des problèmes demeurés en suspens depuis 70 et probablement 100 ans, avec l’Albanie. Il y a eu une reconnaissance commune - de moindre importance mais attestant de la volonté existante – des diplômes professionnels et, le plus important, nous avons pu saluer la mémoire de nos compatriotes, héros de la guerre gréco-italienne auxquels nous n’avons pas rendu les derniers devoirs de la façon qui convenait à leur gloire et auxquels la société n’a pas rendu l’hommage qu’ils méritaient.
Nous avons pu faire un pas en avant concernant la question de Skopje, la question macédonienne. Et je tiens à remercier M. Zaev, Dimitrov et les 80 députés qui ont voté en faveur de l’accord car, je ne vous le cache pas - vous avez sans doute le même sentiment que moi car nous vivons, vous et moi, une situation paradoxale – que je suis heureux malgré ma démission. Je suis heureux car nous partons après avoir fait un pas important, un pas porteur d’espoir pour la mise en œuvre de cet accord pour lequel nous avons effectué un travail aussi laborieux, vous, moi, mon cabinet diplomatique.
Je tiens à remercier M. Passas avec lequel nous avons mené les négociations. Je voudrais tout particulièrement remercier la Direction A3, Mme Grammata et notre expert en charge de l’ARYM, M. Psilos. Notre avons eu une équipe formidable, 15 personnes, faisant tous partie du service, ont travaillé ensemble, dans un esprit de transparence, et nous avons prouvé que toutes ces affirmations concernant une soi-disant diplomatie secrète étaient infondées.
Au cours de la même période, nous avons changé l’agenda du dossier chypriote. Pendant des décennies, la question chypriote s’éloignait de sa véritable base internationale qui était l’occupation et la présence de l’armée d’occupation.
Nous avons pu, suite à vos instructions monsieur le Premier ministre, mettre sur la table des négociations la question des garanties et de la sécurité. A cet égard, le Secrétaire général lui-même de l’ONU avait affirmé que cette question ne pourrait pas continuer d’exister. Pour la première fois, nous avons terminé les négociations sans « blame game » à nos dépens et après avoir assuré que le prochain tour débuterait sur la base des positions plus correctes et plus réalistes pour notre pays.
Nous avons effectué des pas importants pour la ZEE. Nous nous trouvons à un stade très crucial de la négociation finale avec l’Italie, avec l’Albanie et il y aura, comme il a été convenu entre vous et le Président Sissi de l’Egypte, le 10ème tour des travaux du Comité technique en vue de conclure un accord sur la délimitation partielle de la ZEE avec l’Egypte.
Nous avons promu d’autre formes aussi de la diplomatie, la diplomatie de la sécurité et de la stabilité, comme l’initiative organisée à Rhodes où 24 Etats européens et arabes se sont réunis ou encore l’initiative mondiale que nous avons prise avec la Chine pour les civilisations anciennes qui demeurent actuelles jusqu’à nos jours et dont le siège se trouve actuellement au Forum des Civilisations anciennes (ACForum) en Bolivie.
Nous avons en général revalorisé nos relations et nous avons aussi, Monsieur le Président, préparé deux projets de loi. Vous les étudierez avec vos collaborateurs, ainsi qu’avec les autres ministres. Ces projets de loi portent sur les nouveaux statuts du ministère des Affaires étrangères. Nous avons reçu des remarques de la part des différentes parties et nous y avons inclus certaines d’entre elles tandis que d’autres n’ont pas été retenues comme cela est tout à fait normal. Et il y a aussi le projet de loi dans sa version finale sur le Conseil de sécurité nationale à l’égard duquel vous vous faisiez du souci par rapport aussi aux discussions que vous avez menées avec des tiers.
Nous avons ouvert de nouveaux consulats ou bien nous avons restauré les anciens. Je voudrais de nouveau remercier la société de construction, Mme Damigou. Nous avons organisé une cérémonie d’inauguration à Izmir, nous sommes prêts pour la maison de Séféris à Κorçë où seront installés les locaux de notre consulat dans cette belle ville que vous devez visiter.
Nous avons ouvert un nouveau consulat à Erbil qui doit être inauguré par vous ou par un de vos représentants, tout comme notre ambassade à Singapour.
Je me réjouis particulièrement que nous ayons obtenu le terrain à Chypre car tout le monde disait que j’étais fou. Les gouvernements précédents qui étaient en faveur des mémorandums avaient vendu ce terrain d’une valeur de 10 millions. Nous avons pu, à travers des procédures juridiques et grâce à l’église de Chypre et aux higoumènes du monastère de Kykkos, récupérer ce terrain et nous avons aussi trouvé les bailleurs de fonds qui soutiendront ce projet.
Nous sommes aussi prêts, après 94 ans – si je ne me trompe pas – à poser la pierre angulaire de notre nouvelle ambassade à Ankara et nous avons aussi trouvé des bailleurs de fonds de la part des Fondations. Il reste seulement un terrain de 4,5 hectares – un terrain de 7 hectares initialement en 1932 mais dont la superficie a diminué lorsque nous l’avons officiellement récupéré en 1938 – mais nous allons construire là-bas une nouvelle ambassade et j’espère aussi que la construction de notre ambassade à Berlin sera bientôt achevée.
Je suis très fier monsieur le Président du fait que – je n’ai pas l’intention de vous ennuyer mais je dois parler d’un parcours de 4 ans – sur vos instructions, nous avons renvoyé au total 93 affaires de corruption devant le procureur général. Et certains qui prétendent aujourd’hui ne pas être corrompus et qui tiennent des propos calomnieux, n’ont jamais voulu prendre note de ces incidents portant, entre autres, sur des affaires de détournement de fonds et de vente de visas. Il y a même des cas de très jeunes enfants non accompagnés de 14 mois et tout le monde peut comprendre de quoi il s’agit. Et nous avons pu mettre toute la lumière sur ces affaires.
Je pense que le renvoi de ces affaires aux procureurs et devant les instances juridiques ne constituait pas une mesure sévère mais c’était plutôt quelque chose que l’on devait à la majorité écrasante de nos fonctionnaires, de nos collaborateurs au sein de ce ministère qui n’ont pas les mains sales et qui travaillent en faveur des intérêts de leur patrie.
Nous avons aussi rédigé une loi spéciale, comme vous le savez Monsieur le Président, concernant les fonds secrets. Notre ministère est le seul à suivre une procédure bien définie d’après laquelle ces fonds sont contrôlés et approuvés non pas par moi mais par le conseil du service qui est constitué de diplomates de haut rang sous la direction du Secrétaire général et, par la suite, ils sont soumis au contrôle du parlement qui donne son approbation – certains au parlement ont cru pouvoir mettre au grand jour ces fonds ou qui qu’il en soit ils donnaient des fausses données à cet égard – qui est indispensable pour l’encaissement de toute somme inscrite à cette ligne budgétaire spécifique. Et ces fonds vont vers les services compétents, les directions du ministère qui sont chargées de leur promotion et non vers le bureau d’aucun ministre.
Ce qui se passe ces derniers temps, ces affirmations infondées concernant les fonds secrets, montrent qu’une grande partie de la société grecque manque de sérieux et de sensibilité démocratique. Tel est notre grand problème. Si ce qu’ils disaient était vrai, et ils le font en toute connaissance de cause, c’est comme s’ils disaient à des pays tiers de ne pas coopérer avec les Grecs car ces derniers vont les exposer à de grands risques. Les auteurs de ces actes sont des êtres minables.
Qui pourra nous faire confiance si nous ne faisons pas preuve de sérieux, comme nous avons fait preuve de sérieux nous ici, et je me réjouis de cela, au ministère ? Car le sérieux, la retenue, le sens des responsabilités constituent des éléments inhérents à la démocratie, sans lesquels la démocratie ne peut fonctionner. On ne peut pas avoir une démocratie sur mesure.
Je voudrais aussi dire qu’en venant ici, j’ai appris, à travers des textos envoyés par mes amis de Skopje, des bonnes nouvelles. Monsieur le Président, si vous me le permettez, je voudrais annoncer une dernière chose.
Notre politique étrangère clôt actuellement, au premier stade, un dossier majeur datant depuis 120 ans - mais dans sa forme étatique il existe depuis 28 ans – tout en ouvrant un autre, et en lançant une politique très importante, celle de l’extension de la souveraineté du pays, pour la première fois après 70 ans, depuis le rattachement du Dodécanèse à la Grèce.
Les décrets présidentiels sont prêts Monsieur le Président et, conformément aux instructions que j’ai reçues, le pays étend, dans une première phase, ses eaux territoriales depuis l’île Othoni, les îles Diapontiques jusqu’à Anticythère. L’extension des eaux territoriales comprend trois stades qui ont été finalisés : le premier stade est de fermer les baies, le deuxième est de tracer, partout, les lignes de base et le troisième est de procéder, sur la base de ce qui précède, à l’extension des eaux territoriales de 6 à 12 milles nautiques. Cela facilitera aussi le règlement des questions portant sur la ZEE avec l’Italie et l’Albanie. Cela étend notre propre souveraineté.
Il ne s’agit pas de droits souverains, comme dans le cas de la ZEE, mais d’une souveraineté « territoriale » - entre guillemets parce qu’on parle de la mer - normale. Le pays étend son territoire. Le pays étend son territoire à 12 milles nautiques, à l’exception des détroits où l’on procèdera sur la base de la ligne médiane.
Etendre les eaux territoriales signifie étendre l’espace national de la souveraineté du pays, mais aussi étendre la responsabilité du Premier ministre et de tout le gouvernement. Cela signifie que nous sommes un Etat côtier qui exerce tous ces droits émanant de la loi.
L’extension depuis les îles Diapontiques jusqu’à Anticythère, conformément aussi aux instructions du gouvernement, constitue le premier décret présidentiel. Monsieur le Président, ce décret est prêt mais il doit être de nouveau examiné par les personnes qui nous assistent dans les travaux de cartographie. Les contrôles approfondis sont indispensables car la fermeture des baies et le tracement des lignes de base doivent être soumis à l’ONU. J’ai déjà donné des instructions, en ma qualité de ministre à l’époque, à cet égard lorsque nous nous sommes réunis à New York à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU.
Le deuxième décret qui est presque finalisé – nous voulons tout simplement que ce dernier soit examiné par des cartographes internationaux – porte sur la Crète. Et il est prêt mais l’on doit faire de nouveau des calculs depuis Anticythère et Crète jusqu’au golfe saronique et, il est à l’état d’ébauche pour ce qui est plutôt de la région située au-dessus du golfe saronique jusqu’au golfe pagasétique, jusqu’à la Magnésie, y inclus l’Eubée, etc. et comme vous le savez nous envisageons, progressivement, de finaliser, en tant que gouvernement, ce projet.
Ces décrets présidentiels montrent que la politique correcte, à notre avis, n’est pas de dire que nous ne les étendons pas car nous avons une négociation concernant le plateau continental avec la Turquie, ni de dire que nous ne les étendons pas si la négociation ne se termine pas, car en fait nous nous privons de certains droits.
L’extension des eaux territoriales signifie également, pour tous nos amis et alliés, que pour toute activité économique ou autre au sein de cette zone, ils devront nous demander désormais notre accord, alors qu’ils ne le faisaient pas jusqu’à présent, et qu’ils comprennent bien la contrepartie prévue, formelle ou substantielle, par chaque accord, quel qu’il soit.
Monsieur le Président, toute personne quittant un endroit, emporte avec elle des souvenirs, des moments de bonheur mais aussi de tristesse, mais aujourd’hui je suis heureux car je pars en ayant fait un grand pas en avant, et je veux parler de la question du nom, avec votre soutien ; je pars en donnant les décrets présidentiels qui permettent d’étendre la souveraineté de notre patrie, de notre patrie commune que nous aimons tant.
Je pense que je pars en étant content, en dépit de mes faiblesses, de mes erreurs car de toute évidence j’en ai commun en raison de l’activité intense que nous avions.
Je pense que nous livrons un pays plus fort que celui que nous avons réceptionné. Et je suis certain qu’au moment où vous livrerez ce pays – et ce ne sera pas demain au risque de décevoir l’opposition – ce pays sera encore plus fort.
Monsieur le Président, je vous remercie de m’avoir nommé ministre des Affaires étrangères. Chers collaborateurs, mes chers amis, je vous remercie de toute l’aide quotidienne, des avis et des remarques critiques, mais aussi de l’aide offerte pour concrétiser ce travail.
Je remercie tout particulièrement ceux qui ont participé aux négociations avec Chypre, la Turquie, l’Albanie, l’ARYM et c’est grâce à ce travail collectif que nous avons réalisé ce projet.
Car il n’y a pas de ministres ou de talents plus intelligents que la moyenne. Il y a des entités et des collectivités. Ce ministère que vous assumez, Monsieur le ministre, est la fierté de notre pays et c’est un diamant.
Et je remercie tous les “diamants” qui se trouvent ici.
A. TSIPRAS : J’aimerais remercier chaleureusement Nikos Kotzias pour tout ce qu’il a fait pour la politique étrangère de notre patrie pendant ces quatre années quasiment où il a été à la tête du ministère des affaires étrangères et où il a été un précieux et proche collaborateur.
Nikos Kotzias a essayé tout à l’heure, le plus succinctement possible, de donner le ton et de faire le bilan d’un parcours qui n’a jamais été sans nuages, une route qui n’a jamais été droite ou à pente descendante, mais une route difficile pour le pays et sa politique étrangère.
Et si je l’évoque, c’est parce qu’aujourd’hui on peut dire avec certitude qu’en 2015, année difficile, nous avons repris un pays qui non seulement avait subi des dommages sur le plan de la politique économique, qui était au bord de la faillite, un pays qui était déprécié sur les marchés internationaux par nos partenaires et créanciers, un pays considéré comme un paria sur le plan de l’économie internationale, mais aussi un pays qui avait perdu une grande valeur et beaucoup de sa puissance géopolitique. Et c’était sans doute ce qui était le plus difficile.
Car les crises économiques viennent, puis passent. Lorsqu’un pays voit son rôle s’éroder sur la scène internationale, c’est un problème de taille qui est difficile à régler.
Et aujourd’hui, 3,5 années plus tard, de l’avis de tous comme je peux le constater lors des fora internationaux auxquels je participe non seulement en Union européenne, mais aussi lors de mes rencontres avec les dirigeants de renommée internationale – et ces rencontres sont fréquentes – des grandes puissances de notre planète, comme les Etats-Unis, la Chine et la Russie, comme j’ai pu le constater le mois précédent au sommet de l’ONU à New-York, le prestige et la dynamique géopolitique du pays sont désormais revalorisés.
Le pays joue un rôle prépondérant dans les Balkans et constitue sans aucun doute un pilier de stabilité dans une région élargie déstabilisée en Méditerranée du sud-est. Et dans le même temps, le pays se développe, comme l’a annoncé il y a peu Nikos Kotzias, et ce développement s’intègre dans les stratégies dont il a été l’inspirateur, stratégies que nous avons conçues et mettons en œuvre ensemble et mettrons en œuvre dorénavant, l’extension progressive des eaux territoriales qui est un événement très important pour notre patrie.
De toute évidence, Nikos Kotzias – et c’était logique – n’a pas voulu en dire plus sur les importants exploits en politique étrangère. Il a parlé avec beaucoup d’émotion. Il a toujours dit que la politique a besoin d’émotion ; je souhaiterais donc du fond du cœur le remercier pour tout ce qu’il a apporté à la Grèce, à l’hellénisme, à la défense de nos droits souverains et de nos intérêts internationaux, à la création d’un nouveau dogme pour notre politique étrangère, à savoir le dogme d’une politique étrangère multidimensionnelle, patriotique et active.
Permettez-moi d’évoquer certains de nos exploits en politique étrangère ces derniers temps.
Tout d’abord, la Grèce a réussi – grâce à ses efforts sans relâches lors des négociations pour la revendication d’une solution équitable et durable à la question chypriote – de se dégager de la responsabilité de la non résolution de la question chypriote, que certains voulaient attribuer à la Grèce et à Chypre après le plan Annan et le référendum sur l’île.
Nous avons pu être plus près que jamais d’une solution équitable et durable à la question chypriote, en asseyant notre position au niveau international, une solution équitable et durable synonyme d’abolition des garanties, des droits d’intervention de tiers et de retrait de l’armée d’occupation ; nous avons mis en avant le fait que le problème chypriote est avant tout un problème d’invasion et d’occupation illégale de l’île.
Nous avons par ailleurs pu, dans une période très difficile dans les Balkans, revaloriser la position internationale et le rôle du pays, en aidant de manière décisive à revitaliser la perspective européenne de la région et à promouvoir de nombreuses initiatives bilatérales, trilatérales et multilatérales avec les pays des Balkans. Les ministres des Affaires étrangères des Balkans ont reconnu la dynamique de la Grèce et de sa politique internationale.
Dans ce contexte, le ministre des Affaires étrangères a participé à différentes formes de coopération, mais aussi moi, en qualité de premier ministre, à une nouvelle forme de coopération quadripartite entre la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie – trois pays de l’Union européenne – et de la Serbie.
Mais nous avons pu avant tout progresser, après 27 ans, dans la résolution d’une question qui ne date pas seulement de 27 ans mais qui existait il y a un siècle et je veux parler du différend avec le pays voisin, nos voisins du nord, sur leur nom, l’usage de ce nom et l’appellation constitutionnelle car il ne faut pas oublier que son appellation constitutionnelle est “République de Macédoine”, appellation reconnue par environ 140 pays ou plus, dont les pays les plus importants de l’échiquier international, à savoir les Etats-Unis, la Russie, la Chine. Et nous comprenons aujourd’hui combien il est difficile pour un pays en temps de paix de changer son nom, sa constitution et combien cela constitue une réussite pour notre politique étrangère.
Jamais la Grèce n’avait réussi ou tenté même de le faire de 1990 jusqu’à aujourd’hui, où cette question constitue une entrave pour notre politique étrangère. Et je dirais même qu’il est aujourd’hui prouvé que cette ligne nationale élaborée depuis de nombreuses années, depuis 2008, depuis Bucarest je veux dire, est mise en pratique avec détermination, puisqu’elle permet d’ouvrir la voie au changement de l’appellation constitutionnelle du pays ami – cela a toujours été une condition sine qua non pour la Grèce mais pas toujours évidente dans la pratique – et après cela la voie s’ouvrira vers leur adhésion à des organisations internationales, comme l’UE, l’OTAN s’ils le souhaitent.
Et dans ce sens, j’aimerais dire que la journée d’aujourd’hui est une journée tant symbolique qu’historique pour notre politique étrangère, après la décision prise hier par le Parlement de Skopje qui ouvre la voie à la matérialisation d’un accord historique.
Quatrièmement, s’agissant des Balkans il ne s’agit pas seulement de notre relation avec l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, mais de notre relation globalement avec d’autres pays comme l’Albanie. Nous avons pu donner une perspective au parcours d’adhésion de l’Albanie en jetant les bases pour l’application de l’accord des zones maritimes et de la loi sur les minorités, en promouvant les changements dans les manuels, en enterrant pour la premier fois nos défunts, les héros de la deuxième guerre mondiale.
Cinquièmement, nous avons pu – comme je l’ai dit tout à l’heure – revaloriser notre rôle régional en Méditerranée orientale et devenir avec la République de Chypre l’élément de stabilité et de coopération dans la région, en promouvant et en étendant les formes de coopération tripartites avec l’Egypte et Israël et bien entendu avec d’autres pays de la région, en établissant de nouvelles coopérations avec le Liban, la Jordanie, la Palestine. Nous développons les modèles de coopération tripartites avec la participation d’autres pays importants comme la France, l’Italie, les Etats-Unis. Nikos Kotzias a bien sûr travaillé sans relâche, avec le ministère et tous les fonctionnaires, pour la délimitation de notre ZEE ainsi que pour des initiatives visant à consolider la sécurité énergétique et à protéger nos droits souverains contre les menaces dans la région de la Méditerranée du sud-est.
Sixièmement, nous avons pu, avec Nikos Kotzias, maintenir pendant toute cette période difficile, des voies de communication ouvertes avec la Turquie et une coopération dans des domaines cruciaux comme la sécurité et l’immigration, une période très difficile pour la région et le pays voisin.
Dans le même temps, nous avons fait clairement savoir que nous n’accepterons aucune violation de nos droits souverains et que la seule voie possible pour le développement de relations stables entre nous est la voie du respect du droit international.
Septième point de ce bilan très succinct de ces 3,5 dernières années est que nous avons pu revaloriser notre coopération avec les Etats-Unis d’Amérique, avec nos partenaires européens, mais aussi d’importantes puissances comme la Russie et la Chine sur la base du respect mutuel et non en recherchant des protecteurs.
Nous avons réussi à ouvrir la voie pour l’établissement d’un dialogue stratégique avec les Etats-Unis d’Amérique et en ce qui concerne l’Allemagne, nous avons réussi à réparer… nous avons réussi, pour le dire autrement, à engager un dialogue substantiel, à faire des pas en avant nous menant aux prochaines actions, à savoir la réparation des plaies de ces années passées qui ont été un traumatisme, sur la base du plan d’action signé par Nikos et son homologue allemand de l’époque et aujourd’hui Président de la République fédérale allemande, M. Steinmeier.
Par ailleurs, nous avons pu développer des initiatives visant à mettre en avant le prestige international et régional de notre pays et son rôle en matière de culture ainsi que le dialogue pour la stabilité régionale, comme la Conférence sur la Sécurité de Rhodes, la Conférence pour la protection du pluralisme religieux et culturel au Moyen-Orient mais aussi cette remarquable initiative qu’est le Forum des civilisations anciennes, et d’ailleurs, lorsque je rencontre de grands dirigeants de la Chine, de l’Inde, de la Bolivie, je suis toujours heureux de constater qu’ils mentionnent cette importante initiative.
Enfin, nous avons pu, suite à l’initiative de Nikos Kotzias, faire passer pour la première fois – et je veux m’en tenir un instant à cela – une loi concernant les fonds spéciaux du ministère des Affaires étrangères et à mettre de l’ordre dans le désordre généralisé de ces années précédentes.
Et permettez-moi de dire deux mots à ce sujet. J’avais été le premier, depuis l’opposition où je me trouvais en 2011, à soulever ce sujet. J’avais montré que la procédure concernant les fonds spéciaux du ministère des Affaires étrangères se faisait sans contrôle et transparence institutionnelle.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, mais je pense que l’un des plus grands exploits de notre gouvernement est que nous avons non seulement réduit ce chiffre, il est de 5 à 6 fois plus petit, mais surtout nous avons créé un cadre de transparence et de protection institutionnelle.
On n’a plus ces phénomènes où les fonds spéciaux étaient utilisés de manière inconsidérée – je l’avais dénoncé en 2011 – et étaient transportés de droite à gauche dans des sacs noirs en plastique.
Tout pays qui se respecte se doit d’avoir une politique étrangère qu’il soutient. A ce titre, les fonds spéciaux sont nécessaires, sauf si quelqu’un n’est pas d’accord à ce sujet. Evidemment non à l'échelle que nous avons connu par le passé ni sans contrôle institutionnel. A cet égard nous avons réussi.
Et la discussion engagée ces derniers temps d’une manière minable par une partie de la presse de l’opposition vise à entraver ce processus de transparence. Lorsque des articles de presse minables ornent les kiosques à journaux et contiennent des informations clairement mensongères qui visent à porter atteinte au gouvernement et à notre politique étrangère, en réalité ces articles portent atteinte à notre pays.
Et je souhaiterais de nouveau redire que nous ne permettrons à personne de compromettre le prestige de notre politique étrangère et de la Grèce à une période où celle-ci est revalorisée sur le plan international.
J’invite de nouveau toutes les forces politiques et notamment le chef de l’opposition à venir dans l’un de mes deux bureaux – puisque j’ai désormais deux bureaux, un ici et un au Palais Maximou – et à l’informer très précisément de chaque euro. Nous n’avons rien à cacher des forces politiques de ce pays de la façon dont nous gérons avec transparence et honnêteté l’argent des contribuables grecs pour renforcer notre politique étrangère, ce qui ne se faisait pas pendant de nombreuses années dans ce pays.
Chers amies et amis, j’aimerais enfin dire, et je rejoins les propos de tout à l’heure de Nikos Kotzias, que le ministère des Affaires étrangères, ce ne sont pas seulement les dirigeants politiques qui le composent, mais aussi ses fonctionnaires, les diplomates, les personnes qui travaillent sans relâche pour que le pays puisse aller de l’avant. Et ils travaillent et devront travailler indépendamment des directions politiques, de la force politique qui se trouve à la tête du pays.
Nous continuerons donc sur cette voie avec la précieuse contribution de Giorgos Katrougalos, Terence Quick et Markos Bolaris et bien entendu des fonctionnaires de ce ministère. Et j’aimerais vous assurer que nous avons beaucoup de choses à faire. Et j’aimerais redire que vous, cadres du ministère des Affaires étrangères, êtes notre soutien le plus précieux, grâce à votre professionnalisme et à vos qualifications élevées.
Je tiens à vous assurer du fait que personnellement je me réjouis de travailler avec vous, d’entendre vos propositions, vos réflexions sur la façon dont nous pourrons avancer davantage et avoir une coopération substantielle.
Je sais que votre travail ici est complexe, mais je pense qu’avec une communication bonne et franche, tous les problèmes peuvent être résolus et nous pourrons avoir encore de meilleurs résultats.
En conclusion, j’aimerais m’adresser à Nikos Kotzias et le remercier de nouveau pour sa contribution à la politique étrangère. J’aimerais dire toutefois deux choses plus personnelles.
Je pense que ce qui reste de notre coopération et ce que je retiens ce ne sont pas tant les capacités indéniables de Nikos Kotzias en tant que ministre des Affaires étrangères, mais le sentiment élevé du devoir patriotique qui l’a animé et l’anime toujours. Et je le dis car dans des moments très difficiles, où il a eu lui-même des difficultés personnelles, il a toujours fait son devoir et il est vrai que tout ministre des Affaires qui souhaite être actif et mettre en pratique ce dogme de la politique étrangère multidimensionnelle, est toujours dans un avion à voyager et je souhaiterais dire que pour moi cette priorité qui est donnée à la patrie, au détriment de difficultés d’ordre personnel, est une chose que je retiens.
Enfin, j’aimerais dire, et je ne sais pas si tu t’en rappelles Nikos, cela devait être en 2011 ou 2012, à un moment donné tu m’avais conseillé à l’époque en tant que chef de l’opposition, sur les questions ayant trait à la politique étrangère. Tu m’avais dit la chose suivante : quiconque s’occupe de la politique, en jouant un rôle de premier plan, doit savoir que la politique a plus de moments de tristesse que de moments de joie et qu’habituellement lorsqu’on s’en va, on part la gorge serrée.
Dans ton cas, la vie a fait que cela ne se produise pas au moment où tu quittes le ministère des Affaires étrangères- non la politique. Et donc tu as toutes les raisons aujourd’hui d’être heureux. Car tu quittes le ministère des Affaires étrangères un jour de joie pour notre politique étrangère.
Et je dirais même un jour de joie et d’optimisme pour notre pays car hier nous avons eu deux grandes réussites: non seulement la voie s’ouvre pour la mise en œuvre d’un accord historique avec nos voisins qui offre une perspective de prospérité et de paix dans notre région, mais aussi la Commission européenne a approuvé le budget grec sans diminuer les retraites, après 8 années d’austérité, ce qui permet des jours plus optimistes pour le peuple grec.
C’est sur ces pensées que j’aimerais dire que c’est un bon signe car ton départ du ministère des Affaires étrangères n’est pas un triste jour, mais un jour heureux et j’aimerais dire que tu ne pars pas, tu changes de poste et je me réjouis toujours de recevoir tes précieux conseils et de continuer notre coopération afin que je puisse remplir au mieux mes nouvelles fonctions.
Je vous remercie.
October 22, 2018