Nikos Kotzias, ministre des Affaires étrangères et son homologue de la République islamique d'Iran, Mohammmad Javad Zarif, ont fait les déclarations suivantes lors de la conférence de presse conjointe tenue à l'issue de leur rencontre:
N. KOTZIAS : Mesdames et messieurs, c'est avec un grand plaisir que je souhaite la bienvenue à mon collègue, ministre des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran, M. Mohammad Zavad Zarif. Pour nous, l'Iran est un pays avec lequel nous partageons une histoire de 3 000 ans.
Un pays ayant une grande civilisation et une histoire glorieuse. Un pays ami avec lequel nous entretenons des liens qui datent depuis des siècles entiers. Et, dans le même temps, c’est un pays clé, à notre avis, pour la sécurité tant internationale que régionale.
J'ai dit à mon collègue, M. Zarif que lors de ma première visite à Moscou, en ma qualité de ministre des Affaires étrangères, j'avais rencontré M. Lavrov lequel effectuerait le jour suivant un déplacement à Minsk et je lui ai présenté mes vœux pour l’atteinte d’un bon accord. Aujourd'hui, nous sommes honorés par la présence de M. Zarif lequel partira demain pour Genève où se tiendront les négociations sur le programme nucléaire iranien.
J'espère que son voyage à Athènes et nos discussions lui apporteront de la chance.
Avec M. Zarif nous avons discuté et nous allons discuter au cours du déjeuner des questions liées au développement de notre coopération dans des domaines qui ne relèvent pas pas des sanctions internationales ainsi que de la préparation de notre coopération dans des domaines où il y aura un champ de coopération après la levée des sanctions qui se produira, je l’espère, bientôt.
Nous avons discuté et nous allons discuter de la nécessité de revaloriser notre coopération politique et culturelle. Nous avons mis un accent particulier sur notre coopération dans les domaines de l'économie et de l'énergie, deux domaines que nous aborderons également avec le Premier ministre, Alexis Tsipras ainsi qu'avec le ministre de l'Energie, M. Panagiotis Lafazanis.
Comme vous le savez, il y a quelques jours, j'ai signé l’accord sur le lancement des vols directs entre Téhéran et Athènes et j'espère que cela contribuera au développement du commerce et d’autant plus à celui du tourisme.
En outre, dans le cadre de la discussion engagée sur les questions énergétiques, j'ai soulevé la question de la valorisation de la marine marchande grecque qui a une haute spécialisation en transports pétroliers et en gaz liquéfié.
Nous voulons poursuivre nos consultations politiques bilatérales et il existe un soutien mutuel entre les deux pays à l'égard d'une série de questions qui nous préoccupent.
Nous soulignons et nous allons souligner l'importance que revêt pour nous dans la région l'atteinte d'une solution définitive pour ce qui est du programme nucléaire iranien. J'ai dit à M. Zarif que nous en tant que Grèce, nous nous efforçons de contribuer à la meilleure compréhension de la part de l'Union européenne des réflexions, des besoins, des perceptions de l'Iran et de contribuer au renforcement de ces relations, toujours sur la base du droit international et des règles qui régissent le fonctionnement de l'Union européenne.
Avec M. Zarif nous avons exprimé et nous exprimons notre volonté de contribuer à la paix dans la région du Moyen-Orient et nous exprimons de concert notre inquiétude face à l'activité des djihadistes.
Comme vous le savez, la politique étrangère grecque souligne la nécessité de stabiliser toute la région ainsi que ce triangle de déstabilisation constitué par l'Ukraine, la Libye et le Moyen-Orient.
Pour ce qui est plus particulièrement de ce dernier, le rôle de l'Iran a été et demeure d'importance déterminante.
Je pense que la visite de l'ami de la Grèce, de M. Zarif, homme intellectuel ayant de grandes capacités rhétoriques, chose constatée par tous ceux qui ont suivi ses discours au sein de l'Assemblée générale de l'ONU, contribuera à l'ouverture d'un nouveau chapitre dans les relations entre la Grèce et l'Iran, dans l'intérêt de nos deux peuples et des perspectives de nos Etats.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue.
MOHAMMAD JAVAD ZARIF : Je voudrais exprimer au nom de ma délégation mon estime pour vous, pour le gouvernement et pour le peuple grec ainsi que mes remerciements pour l'accueil chaleureux que vous nous avez réservé. Nous nous sentons chez nous, entre des amis. Notre amitié date depuis des siècles.
Il existe des racines historiques profondes ce qui nous permet de développer nos relations sur la base d'une meilleure compréhension de nos données culturelles et avec une évaluation de la contribution de chaque pays dans le passé et actuellement, dans l'histoire mondiale et dans la civilisation mondiale. Nous sommes présents ici depuis très longtemps, beaucoup plus que les autres, et nous continuerons d'œuvrer de concert et de nous entraider en vue de promouvoir la paix et la stabilité tant dans nos régions, que dans la région élargie et la communauté internationale.
Nos relations avec la Grèce sont axées sur la richesse et la profondeur de notre devenir historique, ce sont des relations particulièrement positives et excellentes, dirais-je, qui peuvent sans aucun doute être davantage améliorées.
Malheureusement, en raison des sanctions imposées contre l'Iran ces dernières années, nous avons assisté à une dégradation de nos relations, mais je pense que la volonté politique déclarée par les deux gouvernements, contribuera à leur amélioration. Nous discuterons également de cette question avec M. Tsipras. Mais au niveau du gouvernement et de la présidence, il existe une volonté et une intention déclarées en faveur de l'élargissement de nos relations, de la valorisation des opportunités existantes, des complémentarités qui soutiendront les deux économies et qui peuvent, comme l'a affirmé le ministre des Affaires étrangères de la Grèce, contribuer à l'amélioration des relations entre les deux pays.
Au niveau politique, l'Iran et la Grèce partagent les mêmes points de vue sur une série de questions, chaque fois que nous avons l’occasion d’échanger des points de vue et de coopérer, notamment dans le domaine de la paix, de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme.
Comme vous l'avez également très bien dit, monsieur le ministre, l'extrémisme constitue une grande menace pour notre région et avec l'expansion de la présence de l'ISIS vers l'ouest et l'Afrique ainsi qu'à l'est vers l'Asie centrale et l'Afghanistan le problème devient plus urgent.
Cela constitue une menace tant pour nos pays que pour les pays lointains tels que l'Australie, sans oublier l'Europe, comme nous l'avons malheureusement constaté avec les tristes incidents de ces derniers mois. Il s'agit donc d'une menace commune, d'un défi commun que nous avons à relever et sans aucun doute nous pouvons coopérer à cet égard dans un grand nombre de domaines.
L’histoire a montré que nous devons le faire et nous savons que la solution militaire n’est pas la seule solution, ni la meilleure solution possible. Nous devons faire un effort plus sérieux pour nous positionner, du point de vue idéologique et culturel, en défaveur de cette proposition et, quoi qu’il en soit, trouver une solution. C’est un défi commun que nous devons relever et nous devons l’envisager du point de vue politique également.
Du point de vue culturel, nos deux pays ont un passé et un héritage très riche que les deux peuples partagent. Je suis vraiment heureux de constater qu’il y aura de nombreux vols directs entre Athènes et Téhéran. Cela permettra au public non seulement de connaitre les deux pays, mais aussi au secteur privé de prendre des initiatives en faveur d’un développement plus constructif des relations, des relations entre les deux pays.
Dans le domaine économique en général, nous allons cultiver les nombreuses possibilités de coopération dans les domaines de la technologie, de l’énergie, du tourisme, de l’agriculture et dans de nombreux autres domaines qui présentent un intérêt commun pour les deux pays.
Je salue le fait que les délégations d’Iran et de la Grèce établiront des contacts pour examiner les possibilités d’élargissement de la coopération. Je suis heureux de me trouver ici, nous avons beaucoup à dire, nous avons d’ores et déjà discuté de nombreux sujets et nous avons encore plus de sujets à aborder au cours des prochaines heures où j’aurais le plaisir d’être votre invité et je me réjouis à la perspective de poursuivre ces discussions sur tous ces sujets.
Je vous remercie pour vos vœux de réussite des négociations et je pense que maintenant nous pouvons suivre la bonne voie pour trouver des solutions à toutes les questions, avec dignité et respect mutuel.
Merci beaucoup.
JOURNALISTE : Merci, je souhaite la bienvenue à M. Zarif et à M. Kotzias. Je suis journaliste iranien et j’ai une question pour M. Kotzias. Monsieur le ministre, sur la base de ce qui s’est passé après la visite du Premier ministre à Moscou, après les discussions sur les questions de coopération énergétique entre la Grèce et la Russie, j’aimerais savoir ce que vous pensez de l’évolution des relations entre l’Iran et la Grèce au niveau énergétique.
N. KOTZIAS : Le développement des relations entre la Grèce et l’Iran dans le domaine énergétique est fort et souhaitable. L’Iran possède une grande quantité de gaz de très bonne qualité et notamment de pétrole et la Grèce est, du point de vue géographique, une porte d’accès pour l’UE.
Par ailleurs, la Grèce ou, plus justement, les armateurs grecs possèdent une importante flotte de transport de gaz liquéfié et de pétrole. Je pense que la coopération entre les deux pays aura des résultats positifs, non seulement au niveau de l’énergie, mais aussi des transports.
En outre, comme chacun sait – après la rencontre à Budapest de cinq pays, la Grèce, la Turquie, l’ARYM, la Serbie et la Hongrie – nous voulons que la Grèce devienne un pays de destination et en même temps de transit de l’énergie vers l’Europe centrale. Je pense que les nouveaux pipelines dont a besoin le pays pourront transporter du gaz en provenance d’Iran également.
JOURNALISTE : Bienvenue M. le ministre. J’aimerais vous demander comment vous voyez le rôle de la Grèce en tant que pays appartenant à l’UE, à l’OTAN et avec lequel vous avez de profondes racines historiques.
MOHAMMAD JAVAD ZARIF : Ecoutez, nous avons toujours eu une bonne relation, une relation de compréhension avec la Grèce et nous avons toujours évalué le rôle que joue la Grèce au sein des organisations auxquelles elle appartient en tant que pays ami de l’Iran. Cela remonte à très loin dans le temps. Le Premier ministre et moi-même partageons des vues communes sur la façon dont nous devons faire pression et insister pour parvenir à une solution digne au moyen du respect mutuel. L’Iran ne peut accepter n’importe quelle solution, qui ne nous respecte pas et qui ne soit pas digne.
La Grèce peut jouer un tel rôle, faire pression sur le reste des pays et leur faire comprendre que nous pouvons accepter des accords dès lors que toutes les parties sont sûres d’avoir obtenu des résultats positifs et non au détriment des autres.
Si quelque chose est fait au détriment des autres pays, cela n’est pas valable aujourd’hui. Plus ils le comprendront, mieux ce saura. Et cela, nos amis en Grèce le savent mieux que quiconque. Soit nous gagnerons tous ensemble, soit nous perdrons tous ensemble. C’est ainsi que fonctionne la communauté internationale et je pense que la Grèce, en tant que membre de l’ONU et de l’OTAN, avec son sentiment profond de l’histoire, de la civilisation et de la tradition culturelle, peut convaincre nos autres amis au sein de ces organisations, mais aussi ceux qui ne sont pas nos amis, qu’ils doivent évaluer et comprendre ces réalités. Après des milliers d’années d’histoire, l’Iran n’a pas l’intention d’accepter d’être humilié.
JOURNALISTE : Monsieur Zarif, une question : Quel est l’état d’avancement des discussions à Genève ? Est-il réaliste de penser que le délai de juin sera respecté ? Et que pensez-vous de la réponse du gouvernement à la France concernant l’accès aux sites militaires ?
MOHAMMAD JAVAD ZARIF: Je pense que si l’autre partie respecte tout ce qui a été convenu à Lausanne concernant les paramètres qui définiront l’accord et essaye d’œuvrer en faveur du respect mutuel entre les deux parties, il sera possible de parvenir à un accord global avec l’Iran, un accord durable et équilibré qui pourra être considéré comme un accord axé sur la dignité et le respect mutuels. Si ces conditions sont remplies, les délais seront aussi respectés.
Et si l’on insiste sur des demandes excessives, sur des renégociations, il sera difficile d’envisager un accord même au-delà de ces délais.
Quoi qu’il en soit, je pense que finalement nous parviendrons à conclure les discussions dans un délai raisonnable. Je pense que pour y parvenir tous devront faire preuve de pragmatisme, de sang-froid et de retenue, sans se bercer d’illusions. Pour ma part, j’évite les négociations publiques et je pense que les négociations à Lausanne offrent une perspective positive et je pense que mes interlocuteurs n’auront plus de demandes excessives.
J’espère également que les négociations en cours menées par le gouvernement grec seront couronnées de succès afin qu’une solution soit trouvée dans un esprit de dignité et de respect, ce qui constitue aussi notre objectif pour ce qui est de nos propres questions.
May 28, 2015