N. KOTZIAS : C'est un grand plaisir pour moi d'accueillir le ministre des Affaires étrangères de la Bulgarie M. Daniel Mitov, et en dépit de notre différence d'âge, je peux vous dire que nous sommes des amis. C'est donc un honneur pour moi. C'est avec un grand plaisir que je l'accueille à Athènes, ici au ministère des Affaires étrangères et nous poursuivrons nos discussions lors du déjeuner, mais aussi lors du dîner de ce soir.
La Grèce et la Bulgarie sont deux pays qui entretiennent des relations depuis 1 600 ans et l'aboutissement de cette relation est l'amitié sincère qui unit nos deux pays.
Nous avons bien entendu discuté de la question syrienne et de la manière dont nous pourrons contribuer à son règlement, car cette question est liée également à la question brûlante des réfugiés et des migrants. Nos deux pays sont des portes d'entrée pour les réfugiés et nous pensons tous les deux que leur régularisation doit se faire avant que ceux-ci entrent sur le territoire de l'Union européenne.
Cette approche est la plus rationnelle et évite que ces personnes perdent leur vie car lorsque leur régularisation a lieu dans les pays voisins en dehors de l'Union européenne, celles-ci ne sont pas obligées de traverser la mer, et ce, dans des conditions adverses. Car nous avons été témoins de la souffrance de ces personnes qui perdent leurs enfants en mer et nous avons vu toutes ces images tragiques des corps de petits enfants échoués sur les plages.
Nous avons également parlé de la nécessité de soutenir la Jordanie et le Liban où il y a des camps de réfugiés ainsi que la stabilité dans d’autres Etats, tels que la Tunisie et l'Egypte.
La deuxième question majeure que nous avons abordée était la coopération dans la région des Balkans tout en signalant qu'il ne pouvait y avoir de politique balkanique européenne sans les trois Etats membres balkaniques de l'Union européenne. Nous avons également discuté de la nécessité de soutenir l'adhésion de la Bulgarie dans l'espace Schengen, une question qui concerne aussi, comme vous le savez, la Roumanie.
Je voudrais encore une fois signaler que nous soutenons l'adhésion des Balkans occidentaux à l'Union européenne, mais cela doit se faire en coopération avec les autres pays intéressés.
Je voudrais encore dire que nous avons discuté du développement de notre coopération politique et s'agissant des questions bilatérales nous poursuivrons nos discussions lors des deux rencontres que nous aurons au cours de la journée. Nous avons des intérêts communs à l'égard des questions énergétiques et du couloir vertical et nous sommes maintenant en train de discuter des moyens permettant d’assurer sa mise en place et son fonctionnement.
M. Mitov a eu la gentillesse de me briefer sur les initiatives de la Bulgarie concernant le processus de coopération en Europe du Sud-est. Vous savez que le déplacement du Président de la République les 14 et 15 décembre à Sofia a été d'ores et déjà convenu , ce qui atteste que la Bulgarie est notre partenaire stratégique. Et nous allons préparer aussi la réunion au niveau gouvernemental qui se tiendra l'année prochaine.
Nous avons également discuté de la nécessité de gérer les questions transfrontalières et à cet égard nous avons évoqué des questions allant de la gestion des eaux jusqu'à la construction de nouvelles routes et passages.
La Bulgarie est un important partenaire pour nous et mon homologue, le ministre des Affaires étrangères, M. Daniel Mitov est un important ministre pour nous et je tiens à lui souhaiter la bienvenue encore une fois.
Daniel je te souhaite la bienvenue à Athènes.
D. MITOV : Bonjour chers collègues. Nikos c'est un honneur et un plaisir pour moi personnellement mais aussi pour ma délégation de nous trouver ici. Et c'est un honneur également pour moi d’être le premier ministre à m’entretenir avec vous après votre réélection.
C'est un geste qui revêt un caractère très symbolique et du point de vue de nos relations bilatérales il est très important d'avoir des contacts fréquents afin de coordonner nos positions et nos actions, et ce, notamment dans un environnement qui est en constante évolution et avec une grande complexité géopolitique.
Nous sommes reconnaissants de votre soutien à l'adhésion de la Bulgarie à l'espace Schengen et, bien évidemment, nous sommes toutes les deux parties d'accord pour dire que notre coordination concernant l'adhésion des Balkans occidentaux est particulièrement importante pour y parvenir en toute sécurité.
Nous devons, nous, Etats membres de l'Union européenne et pays balkaniques, trouver des moyens qui nous permettront d'avoir une coopération plus étroite afin de mieux transmettre nos préoccupations à nos partenaires.
Bien évidemment, la question migratoire et des réfugiés figure en tête de notre agenda. Le Premier ministre bulgare a récemment envoyé une lettre en la matière aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE. Ladite lettre a en effet fait l'objet d'un débat lors de la dernière réunion au sommet du Conseil européen et a été dans une certaine mesure valorisée tout en devenant finalement l'un des éléments les plus importants de notre politique future que nous exercerons en coopération avec la Grèce aussi. Les points de vue des deux pays convergent sur un grand nombre de positions formulées dans cette lettre.
Comme le ministre grec l'a également affirmé, il est important d'aider aussi la Turquie, le Liban et la Jordanie afin de soutenir les pays en dehors de l'Union européenne par lesquels transitent des réfugiés et des migrants.
En outre, des efforts conjoints doivent être déployés au niveau de la surveillance des frontières européennes extérieures et il existe aussi la traite des êtres humains, un phénomène qui ne cessera de prendre de l'ampleur même si la guerre en Syrie arrive à sa fin.
Nous devons démanteler ces cellules des trafiquants d'êtres humains et cela est d'une importance vitale pour chaque Etat membre de l'Union européenne. Par conséquent, il doit y avoir une coopération étroite dans ce sens, non seulement entre les membres de l'Union européenne, mais aussi entre les pays candidats à l'adhésion.
Bien évidemment, l'élément clé est le règlement de la question syrienne. Il est de notre devoir de parvenir à une solution afin qu'il y ait une transition politique contrôlée, une solution qui sauvegardera l'intégrité territoriale de la Syrie, et bien évidemment une solution qui conduira à l'éradication de l'EI.
Toutefois, cela ne peut être fait que par le biais d'une coopération étroite avec tous ces pays qui sont en faveur de la stabilité en Syrie. Les actions unilatérales ne contribuent pas et ne contribueront pas dans ce sens. A ce stade je voudrais dire que la Russie doit jouer sa partition dans le règlement de la question syrienne, mais cela ne peut être fait en imposant des conditions et des modalités liées à Bashar al-Assad.
Car justement cette situation a créé d'énormes divisions en Syrie et dans la région du Moyen-Orient dans son ensemble. Cela veut dire que nous avons besoin d'une solution civilisée. Il est évident que nous devons nous entretenir, nous devons parler avec Bashar al-Assad, mais la transition politique contrôlée doit toutefois passer par le départ de dernier.
En dépit de cela, nous pensons que cela pourrait être faisable à l'avenir. Nous avons longuement discuté de notre avenir au niveau de notre coopération intergouvernementale, nous avons parlé du gazoduc inter-connecteur Grèce-Bulgarie et, bien évidemment, des questions relevant de la coopération régionale dans le cadre du processus de la coopération en Europe du Sud-est.
Monsieur le ministre, Nikos, je voudrais encore une fois exprimer notre sincère reconnaissance pour l'accueil chaleureux que vous nous avez réservé et nous comptons sur une coopération approfondie afin de pouvoir de concert relever les défis communs.
S. ARAVOPOULOU (« Agence de presse athénienne ») : Bonjour. La question est adressée aux deux ministres car elle porte sur le gazoduc IGB et le dossier énergétique. Pourriez-vous nous donner plus d'informations sur les discussions que vous avez engagées et l'état d'avancement de ce projet? Merci.
D. MITOV : Le gazoduc inter-connecteur Grèce-Bulgarie est probablement le plus important pour ce qui est de l'avenir de l'énergie européenne. Nous parlons de diversification, d'interconnexion. Ces deux mots sont des mots clés lorsqu'on parle de l'avenir de l'Union énergétique européenne et la Grèce est un partenaire fondamental, essentiel dans ce cadre, pour ce qui est notamment de l'approvisionnement en différentes sources d'énergies.
Nous accordons une importance majeure au gaz naturel liquéfié, mais aussi au couloir de gaz naturel sud. La construction du gazoduc inter-connecteur assurera l'approvisionnement des régions du Nord, à savoir à travers la Bulgarie jusqu'en Roumanie et vers les régions les plus septentrionales, mais aussi vers l'Ouest, vers la Serbie et à travers cette dernière vers l'Europe de l'Ouest.
Les interconnexions y relatives assureront l'approvisionnement en gaz naturel de notre région aussi et cela donnera justement lieu à la création d'un marché de gaz naturel au sein de l'Union européenne ce qui aura comme résultat la baisse des prix en raison de la concurrence et par conséquent certains pays de l'Union européenne, comme la Bulgarie à titre d'exemple, ne dépendront plus d'une seule source d'énergie pour ce qui est de leur approvisionnement en gaz naturel.
Les discussions qui se tiennent entre les ministères de l'Energie sont particulièrement constructives et productives concernant cette question et nous espérons que les détails techniques seront bientôt fixés et nous pourrons procéder à la signature de l'accord y relatif.
Toutefois, à ce stade, j'aimerais signaler que nous serions intéressés à une capacité élargie, renforcée de notre interconnexion. Car celle qui existe actuellement est un bon début, mais il nous faut plus car cela sera d'une importance vitale afin de pouvoir transporter des ressources naturelles dans notre région à l'avenir.
Ν. KOTZIAS : Je suis tout à fait d'accord avec Daniel, c'est une question qui a monopolisé les longues discussions que nous avons engagées lors de notre entretien à New York. Je dois dire que le monde change. Tout comme les sources d'énergie. Le gaz naturel américain est très bon marché, la Méditerranée orientale dispose de nouvelles ressources en gaz naturel, en Egypte un très important gisement a été découvert, le Kurdistan et l'Irak entrent aussi dans le jeu. Et avec la fin de l'embargo imposé à l'Iran du gaz naturel viendra de cette région aussi. Et il serait bon que toutes ces ressources transitent par nos pays.
Cela conduira à la baisse des prix, à l’augmentation de notre sécurité, de notre compétitivité et c'est pourquoi la coopération entre la Grèce et la Bulgarie revêt une importance fondamentale et stratégique.
J'espère que ce projet débutera en 2016 et que le travail sur les éléments essentiels du projet sera accompli en 2017. Comme vous le savez, l'espoir meurt en dernier.
JOURNALISTE : La dernière semaine lors du congrès de l'Economist à Sofia, le vice-Premier ministre, M. Tomislav Donchev avait déclaré que le projet de construction du gazoduc inter-connecteur Grèce-Bulgarie était en retard à cause des exigences excessives de la part de la Bulgarie. Ma question est la suivante: Est-ce que la Bulgarie est prête à faire des concessions et de quelles concessions s’agirait-il?
Et une deuxième question si vous me le permettez : Avez-vous discuté de la prise de mesures plus concrètes pour l'amélioration de cet effort commun visant à lutter contre les réseaux de passeurs de réfugiés et de migrants?
D. MITOV : Pour ce qui est du dossier énergétique, je pense avoir répondu à cette question. J'avais reformulé ce que M. Donchev avait affirmé à ce congrès : Nous avons besoin de cette interconnexion, il n'y a aucun doute à cet égard. Toutefois, il faut que nous nous mettions d'accord sur la façon dont cette extension du gazoduc sera opérée.
Il est dans l'intérêt tant de la Grèce que de la Bulgarie qu'une plus grande quantité de gaz naturel soit transportée à travers ce gazoduc. Et nous sommes bien conscients que cela est dans l'intérêt tant de nos pays que dans celui de l'Union européenne, afin qu'il y ait un approvisionnement en gaz naturel à partir de diverses sources d'énergie et à des prix différents.
C'est pourquoi, M. Donchev, vice-Premier ministre du gouvernement, avait raison de s'exprimer à cet égard de la manière dont il l'a fait. Nous avons renforcé nos ambitions, nous avons augmenté nos exigences, en effet nous avons besoin de plus et pas de moins de choses.
Nous ne renonçons pas à nos efforts, ni au projet du gazoduc. Nous devons en être conscients, et nous devons comprendre que les dimensions ont changé. Toute chose a un début, mais nous avons besoin toutefois de garanties concernant la hausse des quantités.
Toutefois, il est vrai que l'on ne peut pas apprendre à courir avant de marcher. Commençons donc par de petits pas afin d'assurer tout ce dont nous sommes convenus pour ce qui est du cadre général.
Pour ce qui est des passeurs, les ministères de l'intérieur des deux pays ont une coopération très étroite. Je sais qu'un haut fonctionnaire de la police bulgare effectue des visites chaque mois ici en Grèce et de cette manière nous renforçons notre coopération.
Je peux vous parler des passeurs qui ont été arrêtés sur le territoire bulgare et le nombre de personnes arrêtées ne cesse d’augmenter. Par ailleurs, tout récemment, la Bulgarie a procédé à un changement de son cadre juridique et désormais les sanctions sont devenues plus strictes tout comme les amendes en cas d'arrestation de passeurs. Je pense que les autres Etats membres de l'UE doivent faire la même chose et je sais que la Grèce aussi a fait des adaptions au niveau de son cadre juridique qui est également strict à cet égard.
A. ATHANASSOPOULOS (« TO VIMA ») : La question est adressée aux deux ministres : Quelle est votre opinion sur le processus de Berlin concernant les Balkans occidentaux et plus particulièrement est-ce que vous pensez que ledit processus remplace les processus communautaires en matière de voisinage et d'élargissement? Pensez-vous qu'il existe un traitement discriminatoire étant donné que certains pays balkaniques qui sont des membres de l'UE, participent à ce processus, comme la Croatie et la Slovénie, tandis que d'autres, comme la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie sont absents? Merci.
N. KOTZIAS : C'est une question très intéressante à poser aussi à M. Steinmeier qui effectuera une visite en Grèce la semaine prochaine. De retour mercredi de Chypre où j'effectuerai une visite officielle, j'accueillerai jeudi et vendredi en Grèce mon cher ami, le ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne qui se rendra par la suite à Lesbos.
Je dois vous dire que l'initiative de Berlin s'intègre dans le cade des traditions historiques de l'Allemagne et de l'Autriche pour ce qui est des Balkans. Et de ce point de vue, ce processus comprend la Croatie et la Slovénie, deux Etats qui souvent n'aiment pas être appelés balkaniques, mais Etats de l'Europe du Sud-est, et avec lesquels nous voulons coopérer et dans le domaine économique nous avons déjà une très bonne coopération.
Il y a de nombreuses initiatives en Europe concernant les Balkans occidentaux et dans le cadre de toutes ces initiatives nous soulignons qu'il ne peut y avoir de politique balkanique sans la participation des Etats membres balkaniques de l'Union européenne.
Je voudrais encore ajouter un élément historique : lorsqu'on discutait d'une série de traités de l'Union européenne portant sur sa politique extérieure, en raison de l'élargissement de cette dernière, a été évoquée l'idée d'une responsabilité spéciale des Etats membres voisins des Etats non membres de l'Union européenne. Nous ne demandons pas cela, ni ne consentons à l'inverse.
D. MITOV : Je suis tout à fait d'accord. Et pour ce qui est de l'intégration de l'Union européenne ou plutôt de l'adhésion des Balkans occidentaux, nous nous accordons à dire que l'Europe ne sera jamais complète sans ces pays, mais l'intégration des Balkans occidentaux ne peut être achevée sans la participation des Balkans orientaux et des pays des Balkans du sud également.
Et c'est justement pour cette raison que nous nous sommes à plusieurs reprises adressés à nos collègues qui participent au processus de Berlin et nous leur avons demandé de trouver les moyens ou les modalités afin qu'il y ait une meilleure compréhension et inclusion des Etats balkaniques qui sont déjà membres de l'Union européenne.
ZIRGANOS (« EFIMERIDA TON SYNTAKTON ») : La question est adressée à M. Mitov : Quelle est l'attitude de la Bulgarie, pays membre de l'Union européenne et pays aspirant à devenir membre de l'espace Schengen vis-à-vis du fait que l'Europe est en train également de négocier une libéralisation presque complète du régime des visas pour les ressortissants turcs ?
D. MITOV : Pour ce qui est de notre candidature d'adhésion à l'espace Schengen, je voudrais encore une fois adresser mes remerciements à la Grèce pour son soutien.
Une idée concrète a d'ores et déjà été présentée, et il existe toute une discussion concernant la manière dont cette adhésion pourra avoir lieu progressivement, par étapes. Nous commencerons donc par les frontières maritimes, les frontières aériennes et à un stade ultérieur nous passerons aux frontières terrestres.
Maintenant, pour ce qui est des négociations, ou, si vous voulez, des tentatives concernant une éventuelle libéralisation du régime des visas par rapport à la Turquie, nos tentatives sont liées au fait que nous voulons une relance des contacts y relatifs entre la Turquie et l'Union européenne en vue d'une éventuelle adhésion avant la date prévue qui est en 2018, si je ne m'abuse.
Par ailleurs, ces tentatives sont également liées au fait qu'avec la crise migratoire, il est très important d'avoir une coopération plus étroite car il existe une coopération avec la Turquie, et, bien évidemment, l'Union européenne à son tour, a procédé à la libéralisation des visas avec certains autres pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne.
Par conséquent, je ne voudrais pas à ce stade conjecturer l'issue de ce processus qui relève de la responsabilité de l'Union européenne. Toutefois, une chose est bien claire, qu'il est nécessaire d'engager un débat.
N. KOTZIAS : Je serai bref, je suis tout à fait d'accord avec mon collègue, Daniel Mitov, je voudrais tout simplement dire qu'au sein de l'Union européenne chaque Etat doit négocier ses relations bilatérales, mais personne ne peut remplacer les institutions européennes lorsqu'il s'agit des questions européennes. Merci.
October 22, 2015