Conférence de presse conjointe du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos à l'issue de sa rencontre à Tirana avec le ministre des Affaires étrangères de l'Albanie, D. Bushati

(Traduction non officielle à partir de l'albanais).

Je voudrais aujourd'hui accueillir et souhaiter la bienvenue à M. Vénizélos vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la Grèce, pays voisin et partenaire stratégique. Avec M. Vénizélos nous avons abordé toutes les questions d'intérêt commun et avons échangé des vues sur la promotion de notre coopération sur le plan bilatéral, régional et européen. Nous pensons que nos relations doivent être renforcées et qu'il est nécessaire de revaloriser les contacts bilatéraux aux niveaux politique et technique, ainsi que d'organiser des réunions communes entre les deux gouvernements. Nous apprécions le soutien du gouvernement grec à la communauté albanaise en Grèce. Nous sommes tout à fait conscients des difficultés auxquelles est confrontée la communauté albanaise pour ce qui est des questions ayant trait à la dimension européenne de la législation. Nous apprécions le rôle de la minorité grecque en Albanie.

L'Albanie a une longue tradition en matière des droits de la minorité. Les deux pays ont signé un pacte d'amitié et de coopération qui constitue pour nous la pierre angulaire pour intensifier et promouvoir les relations bilatérales et mettre en route - dans un cadre juridique et institutionnel - toutes les questions qui doivent être réglées, en renonçant à tout discours nationaliste qui vise à porter atteinte à l'amitié et à la coopération entre les deux pays et les deux peuples.

Nous comptons sur la réactivation des mécanismes prévus par le pacte d'amitié et de coopération ainsi que sur la levée de la part de la Grèce de l'état de guerre en vigueur depuis 1940 qui ne reflète pas le niveau actuel de nos relations bilatérales. Le fait que les deux pays sont des Etats membres de l'OTAN et que l'Albanie poursuit un parcours vers l'UE pourrait créer un nouveau cadre de compréhension mutuelle et de bonne foi tout en rendant possible la restitution des droits patrimoniaux dans le cadre, bien entendu, du droit international. Nous sommes animés d’une volonté politique et nous investirons dans nos ressources humaines et notre arsenal institutionnel en vue de régler ces questions et d'ouvrir ainsi un nouveau chapitre dans notre coopération future qui sera axée sur la perspective européenne de notre pays.

Je tiens à remercier le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, M. Vénizélos pour le soutien de la Grèce au parcours européen de l'Albanie. Nous pensons que le protocole de coopération en matière d'intégration européenne dont nous sommes en train de discuter et que nous finaliserons bientôt, constitue le meilleur moyen pour institutionnaliser la coopération dans le cadre de notre parcours vers l'UE ce qui sera d'importance déterminante pour l'avenir de la région, d'autant plus que les présidences grecque et italienne insuffleront un nouvel élan à la coopération dans la région méditerranéenne.

La rencontre d'aujourd'hui nous a offert l'occasion d'échanger avec M. Vénizélos, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, des points de vue concernant la nouvelle donne dans notre région, la promotion des relations de bon voisinage et la perspective euro-atlantique. Nous avons pris l'engagement de coopérer étroitement pour promouvoir le gazoduc TAP qui revêt une grande importance pour la stabilité en matière d'approvisionnement énergétique et la croissance économique dans la région.

Je suis convaincu que la visite du Président de la République de Grèce, M. Papoulias renforcera davantage notre bonne coopération. Nous sommes déterminés à œuvrer en faveur de la consolidation d'un partenariat stratégique afin que les relations gréco-albanaises servent d'exemple dans la région tout entière.

E. Vénizélos : Nos pourparlers privés ainsi que ceux entre nos délégations, suite à notre rencontre à New York et à la visite de travail effectuée par le Premier ministre M. Rama après les élections tenues à Athènes, nous ont donné l'occasion de confirmer le cadre, bien clair et puissant, de notre coopération. Je tiens à vous souhaiter tout le succès dans l'accomplissement de la mission du nouveau gouvernement albanais et de votre mission en votre qualité de ministre des Affaires étrangères. En effet, l'objectif de ma visite ici est de préparer la visite imminente du Président de la République, M. Papoulias, une personnalité qui symbolise les liens puissants de l'amitié gréco-albanaise.

Nos deux pays sont unis par des liens puissants d'amitié et maintenant que l'Albanie, pays membre désormais de l'OTAN, s'apprête à franchir la prochaine étape vers l'UE, la Grèce est prête à l'aider en faisant tout ce qui est en son pouvoir. C'est pourquoi, au-delà du pacte d'amitié et de coopération existant, notre décision d'aujourd'hui de signer un protocole d'accord en matière de questions ayant trait aux négociations d'adhésion entre l'UE et l'Albanie, revêt une très grande importance.

Nous saluons ces développements qui coïncident avec le semestre de l'imminente présidence grecque du Conseil de l'UE. En outre, nous nous réjouissons de la prochaine présidence italienne. Je sais que mon homologue italien a effectué un déplacement il y a quelques jours à Tirana. Force est de signaler que lors de ma récente visite à Rome, nous sommes convenus avec le Premier ministre italien et la ministre italienne des Affaires étrangères d'élaborer au cours des présidences grecque et italienne de 2014, un ensemble de priorités communes, ladite année de la Méditerranée qui fera désormais partie de la Présidence de l'UE. L'année de la Méditerranée signifie que la politique maritime globale sera une priorité pour le premier et le deuxième semestre de 2014.

La dimension maritime et méditerranéenne de l'UE revêt une très grande importance et, dans ce cadre, l'UE a annoncé les conclusions d'une étude très importante sur l'importance que revêt pour tous les pays européens l'application et le respect du droit international de la mer ainsi que la valorisation et l'activation des zones maritimes, notamment en Méditerranée. La Grèce et l'Italie, pays qui exerceront les deux présidences européennes de l'UE en 2014, ont signé depuis 1977 une convention sur la délimitation du plateau continental. Les principes que nous acceptons et appliquons sont simples, à savoir le respect du droit international de la mer et de la convention internationale sur le droit de la mer. Nous voulons façonner une relation avec l'Albanie qui aspire à son adhésion à l'UE, sur le modèle de la relation que nous entretenons avec les Etats membres de l'UE.

Les deux pays, la Grèce et l'Albanie ainsi que leurs économies et sociétés, sont étroitement liées. Le parcours de l'économie grecque influe sur le parcours de l'économie albanaise. Heureusement, en dépit de la profonde crise économique en Grèce ces dernières années, la Grèce demeure toujours une économie puissante sur la scène internationale qui figure parmi les plus puissances économies mondiales. L'économie grecque et, notamment la présence d'entrepreneurs et d'investisseurs grecs en Albanie est très marquée, la Grèce étant le premier investisseur étranger direct en Albanie. Et nous voulons que cette présence soit maintenue et renforcée davantage à travers la mise en place d'un environnement stable du point de vue politique et juridique.

D'autre part, la communauté albanaise en Grèce, les Albanais qui travaillent ici et leurs familles, veulent avoir le niveau de vie le plus élevé et jouir de tous leurs droits dans le cadre de l'acquis européen. Bien évidemment, la minorité ethnique grecque en Albanie constitue le pont traditionnel d'amitié et de coopération entre les deux peuples. Le respect de ces droits, conformément à la constitution albanaise et au droit international est très utile et peut nous aider à réaliser des progrès dans nos relations.

Nos relations économiques prennent une ampleur énergétique supplémentaire en raison du gazoduc TAP qui reliera la Grèce à l'Albanie et à l'Italie et à travers les ramifications allant vers la mer Ionienne et Adriatique, avec les autres pays de la région élargie. Nous avons un travail important à accomplir non seulement lorsque le gazoduc deviendra opérationnel, mais aussi au cours des travaux de construction. La coopération entre les deux pays dans la construction de ce gazoduc offre de nombreuses opportunités de développement et d'emploi.

Il est aussi très important de réitérer l'évidence, à savoir que la Grèce et l'Albanie sont deux pays membres de l'OTAN, deux pays membres de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Nous attendons l'adhésion de l'Albanie à l'UE et nous entretenons avec ce pays une relation étroite de coopération et de bon voisinage. Nos deux pays croient en la nécessité d'établir la stabilité dans la région élargie où l'irrédentisme n'a pas de place.

Par ailleurs, le Conseil ministériel grec a d'ores et déjà depuis 1987 déclaré officiellement la paix entre la Grèce et l'Albanie. En outre, depuis 1986 quiconque a quelque chose à protéger sur le territoire grec et dans le cadre de l'ordre légal a le droit de saisir de cette affaire la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg. Par conséquent, nous disposons d'un cadre de coopération plus sûr qui est régi par des conventions bilatérales et multilatérales et je suis content de voir de nouvelles actions allant dans ce sens.

Je salue la décision de convoquer de nouveau le comité commun sur la question historique des cimetières militaires. Je me réjouis également de notre décision d'activer les dispositions du cadre conventionnel existant afin de faire avancer toutes les questions d'intérêt commun à travers l'organisation de réunions ministérielles et de comités techniques communs. En guise de conclusion, je tiens à exprimer encore une fois au gouvernement albanais et au peuple ami de l'Albanie mes vœux chaleureux pour son progrès, sa prospérité et la réalisation de ses ambitions européennes.

Question (Athens News Agency) : M. le Président, vous vous êtes référé à l’année de la Méditerranée. Comment pensez-vous gérer la question des frontières maritimes entre les deux pays ? Et une deuxième question. Pensez-vous que cette forme de coopération sera achevée dans le courant du semestre de la présidence grecque ? Et une question pour M. Bushati. Pensez-vous que la question des frontières maritimes soit une question de res nullius ?

E. Vénizélos : J’ai déjà répondu à votre question dans mon introduction. La base commune de l’année de la Méditerranée établie par les présidences successives de la Grèce et de l’Italie est la politique maritime concertée, qui a comme point central la Méditerranée. L’UE a d’ores et déjà publié une étude très importante prouvant que l’application du droit international de la Mer et la proclamation et délimitation des zones maritimes procure des avantages très importants pour les Etats membres de l’UE et les pays méditerranéens. Tous les pays membres de l’UE ont adhéré à la Convention des Nations Unies sur le droit international de la Mer.

De toute évidence, cela doit être également valable, sur la base des critères de Copenhague, pour les pays candidats à l’adhésion. Il existe une pratique qui est illustrée par les relations Grèce – Italie. Nous avons délimité notre plateau continental depuis 1977. Et aujourd’hui, lors de ma dernière visite à Rome, nous sommes convenus de l’étendre aux autres zones maritimes, par exemple la ZEE. D’ailleurs en Méditerranée, qui plus est dans la région Adriatique et Ionienne, il n’y aucune différence de taille entre le plateau continental et la ZEE. La délimitation du plateau continental entraîne la délimitation de la ZEE. Il y a donc, comme je l’ai dit, la pratique européenne, il y a l’exemple gréco-italien et nous sommes certains qu’avec l’Albanie nous serons dans le même esprit, car nous avons accepté les mêmes règles et les mêmes principes.

D. Bushati : Je répondrais brièvement pour satisfaire la curiosité des journalistes en la matière. La question n’est pas de savoir ce que pense le ministère albanais des Affaires étrangères à ce sujet, car la réponse a été donnée par le tribunal constitutionnel albanais. M. Vénizélos s’est, à juste titre, référé aux critères de Copenhague, qui sont obligatoires pour les pays membres et les pays candidats à l’adhésion à l’UE et je pense que lorsque les étudiants de décembre 1990 ont demandé à ce que l’Albanie fasse partie de l’Europe, au moment où a commencé la révolution démocratique en Albanie, l’une de leurs demandes était la création et l’établissement de l’Etat de droit et le respect des règles imposées par l’Etat de droit.

Aujourd’hui, pour le gouvernement albanais, la question n’est pas de savoir comment lire la décision du tribunal constitutionnel de l’Albanie. Cette décision est claire. Pour le gouvernement albanais, la question qui se pose est de savoir comment nous allons aller de l’avant, comment nous allons régler la question. Cette question, comme l’a dit M. Vénizélos est importante. Elle est importante pour l’Albanie, pour la Grèce, pour les programmes européens dans le cadre de l’UE. Et ma réponse est directe, comme je l’ai souligné dans mes premières déclarations. Nous voulons avancer vers la résolution de toutes les questions. Tant les questions du passé, que celles qui ont surgi dernièrement. Nous voulons les résoudre en faisant preuve de courage et de volonté politique sur la base des législations respectives, des principes du droit international de la Mer, et dans ce cas de la délimitation des zones maritimes des deux pays, sur la base de la meilleure expérience, car c’est ce que nous voulons. Notre principal objectif est l’intégration européenne.

Question (Top channel) : Vous vous êtes référé à un accord de 1987 sur les relations bilatérales. Est-ce que cela signifie que la loi sur l’état de guerre sera abolie, comme l’a demandé expressément la partie albanaise ? Pourquoi la Grèce craint-elle d’abolir une loi qui en réalité est abolie depuis 1997 ?

E. Vénizélos : Ce à quoi j’ai fait référence était la décision officielle et la déclaration du Conseil ministériel grec de 1987 sur le franchissement des anciens obstacles historiques et le passage à une situation de paix, d’amitié et de bon voisinage entre la Grèce et l’Albanie. Deux pays participant à l’OTAN sont alliés et ont l’obligation de fournir une assistance pour des raisons de défense. L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, dont les deux pays font partie, est basée sur le respect des frontières existantes et les relations d’amitié, de coopération et de stabilité dans la région de l’Europe tout entière. Et quiconque estime avoir des droits lésés dans l’ordre légal grec peut, depuis 1986, intenter un recours individuel auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous sommes donc toujours prêts pour la suite, pour activer le pacte d’amitié et de coopération, signer l’accord de coopération sur les questions européennes et faire avancer toutes les questions dont discutent les deux pays.

Question (adressée aux deux ministres, Νews 24) : Avez-vous discuté de la question des « Tchams » étant donné que dernièrement cette question fait la une de la presse albanaise, qui affirme qu’une résolution sur les « Tchams » a été publiée dans le journal officiel ?

E. Vénizélos : Je ne sais pas ce qu’ont écrit les médias. M. Bushati peut répondre à cette question.

D. Bushati : Je répondrais seulement à la question concernant la façon dont les pourparlers entre nous ont eu lieu. Je pense que la question qui m’est posée est en quelque sorte désuète. Car pour nous, le gouvernement albanais, la question des « Tchams » est un point central de notre agenda diplomatique avec la Grèce. Aujourd’hui, nous pensons que l’heure est venue de voir la réalité en face, de surmonter les obstacles historiques qui nous ont été légués, car nous souhaitons élargir notre coopération, tant au niveau bilatéral, que régional et européen.

Nous ne pouvons pas contourner les questions d’actualité et les laisser entre les mains du nationalisme populiste, qui, en l’absence d’un processus de résolution de cette question et autre, essaie de saper les relations bilatérales et tombe souvent dans des absurdités historiques. Nous avons la volonté politique, en tant que gouvernement, de discuter de toutes ces questions posées par la partie grecque et comme l’a affirmé le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, M. Vénizélos, de discuter de la question de la réactivation du Comité sur les cimetières militaires, une question qui n’est pas un sujet tabou pour nous. Pour nous, le droit international et les conventions internationales que nous avons signées, constituent un outil vivant que nous devrons utiliser en rapport avec la situation générale, pour résoudre des situations que nous avons hérité. Ainsi, un nouveau chapitre s’ouvrira et tout le monde y gagnera.

E. Vénizélos : J’ai déjà exprimé ma position à ce sujet tout à l’heure.

October 15, 2013