Ν. ΚΟΤΖΙΑS : C’est avec un grand plaisir que j’ai accueilli aujourd’hui, M. Waszczykowski, ministre des Affaires étrangères de la Pologne, qui s’est également entretenu avec le Président de la République hellénique. Ce dernier a adressé une invitation au Président de la République de Pologne pour 2017.
Pour nous la Pologne est un grand et important pays de l’Union européenne et nous nous réjouissons d’avoir pu contribuer en tant que présidence, il y a treize ans, à son adhésion à l’Union européenne.
Cela a constitué un gain énorme. Et, avec mon cher ami, le Ministre des Affaires étrangères, nous avons discuté du fait qu’après une période constructive marquée par les élargissements de l’Union européenne, nous nous trouvons dans une situation inverse, avec le Brexit et l’intention du Royaume Uni de sortir de l’Union européenne. Nous avons abordé en détail cette question avec mon collègue. Nous avons parlé des moyens permettant de développer notre coopération et d’échanger des expériences et des informations à cet égard.
Nous avons eu, dans l’ensemble, un échange substantiel de points de vue et de réflexions, sur l’avenir de l’Union européenne, sur la nécessité de parler de cette question et de souligner que nous sommes en faveur de l’Union européenne, tout en considérant que le rôle des Etats nationaux et de leurs parlements nationaux est important.
Avec la Pologne, nous partageons les mêmes inquiétudes à l’égard de l’avenir de l’Europe et de la lutte contre le grand problème des réfugiés et des migrants économiques.
Il existe une série de propositions constructives de la part de la Pologne, lesquelles coïncident avec des analyses que nous avons faites dans le passé, à savoir que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à la guerre en Syrie et en Irak. Nous devons essayer de retenir les réfugiés dans les pays voisins de la Syrie et de l’Irak et nous devons notamment aider les réfugiés qui se trouvent en Jordanie et au Liban.
Je voudrais confirmer ma grande estime à l’égard des deux pays qui ont fait des miracles pour ce qui est de la manière dont ils gèrent la question des réfugiés. Force est de signaler que dans six jours, j’effectuerai, avec les ministres des Affaires étrangères de la Bulgarie et de Chypre, un déplacement au Liban. Cette visite sera un geste symbolique d’amitié et de soutien à la stabilisation du pays, notamment maintenant avec l’élection du nouveau Président, M. Bassil, qui est aussi le beau-père du ministre des Affaires étrangères.
Par ailleurs, j’ai personnellement présenté à mon cher ami, le Ministre, les problèmes dans la région et la politique que nous suivons à cet égard. Notamment la Méditerranée orientale, les partenariats tripartites que nous promouvons ainsi que la structure de sécurité que nous sommes en train d’établir dans le cadre de la conférence de Rhodes. J’ai par ailleurs expliqué que nous sommes toujours disposés à contribuer au développement des relations entre le pays ami, la Pologne, et cette région ou à développer des actions communes.
En outre, j’ai décliné au ministre notre politique à l’égard de la Turquie et de nos pays voisins au nord avec lesquels, comme vous le savez, nous avons créé la nouvelle institution de la coopération transfrontalière interbalkanique. Une institution constituée de nos trois pays voisins au nord et de la Grèce. Dans 18 jours, aura lieu sa prochaine réunion qui se tiendra, comme toujours, à Thessalonique.
Nous avons également parlé de la question chypriote et j’ai remercié mon cher ami, le ministre, de l’aide offerte par la Pologne dans le cadre de l’ONU et particulièrement de sa participation aux missions de paix.
Nous avons également abordé nos relations bilatérales, la nécessité de développer la coopération entre nos deux ministères et leurs directions, la nécessité d’intensifier notre coopération dans tous les domaines, car la Pologne est un pays historique important avec une grande civilisation, un développement rapide et une technologie intéressante.
Nous considérons la Pologne comme un partenaire très important avec lequel nous voulons développer notre relation à tous les niveaux. Pour sa part, le Ministre polonais, a analysé – après avoir pris position sur toutes les questions – les difficultés auxquelles est confrontée la Pologne dans sa région, les questions ayant trait à l’Ukraine et aux relations entre la Pologne et la Russie.
Comme vous le savez, les Polonais sont un peuple extraordinaire qui aime la liberté, l’indépendance de son pays et qui, pendant des siècles entiers, a lutté pour la maintenir ou pour la récupérer. C’est pourquoi, il s’agit d’un peuple qui a le droit d’être fier tant de son histoire que de son action.
C’est pourquoi, je voudrais encore une fois remercier le ministre polonais des Affaires étrangères de sa présence.
W. WASZCZYKOWSKI : Je voudrais vous remercier vivement de cette invitation ainsi que de vos propos chaleureux concernant l’histoire de mon Etat. Nous sommes fiers de notre histoire qui date depuis onze siècles. Toutefois, nous sommes en admiration devant ce centre de la civilisation et de la démocratie et à la vue de l’Acropole, nous sommes captivés par toutes ces années d’histoire et de civilisation que ce monument représente. Nous sommes le cadet au sein de la communauté européenne et la Grèce, pour ce qui est de ces questions, ne peut que nous enseigner beaucoup de choses.
J’ai été ravi que le ministre m’ait briefé sur les questions ayant trait à cette région de l’Europe. La Grèce est confrontée actuellement à des crises majeures et notamment à la crise migratoire. Ces problèmes ont bien évidemment été le résultat de toutes ces situations prévalant dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique. Autrement dit, ils sont le résultat des guerres menées dans la région.
Nous avons toutefois parlé de notre région en Europe. Nous avons parlé des questions relatives à la Russie, des questions ayant trait à l’OTAN, à la sécurité dans notre région de l’Europe, en Europe centrale et orientale.
Nous avons bien entendu abordé toutes ces questions dont le ministre a parlé. Nous avons parlé de la situation intérieure au sein de l’Union européenne et nous avons, bien sûr, parlé du Brexit. Nous avons évoqué la nécessité de discuter de la question de la Grande Bretagne et d’y faire face d’une manière « douce » et de réparer les « grincements » de certains socles de l’Union européenne.
Nous voulons que l’Europe retourne sur la voie de la croissance et de l’élargissement et qu’elle soit un objectif pour tous les Etats souhaitant y adhérer.
En revenant sur la question fondamentale, nous avons parlé des questions qui préoccupent cette partie de l’Europe, des questions relatives aux migrants et aux réfugiés. Nous nous accordons sur le fait que ce problème ne pourra pas être réglé si nous n’essayons pas de régler les problèmes qui existent dans leurs pays afin de pouvoir arrêter ce flux.
Si nous ne sécurisons pas, dans une certaine mesure, les frontières de l’Europe, si nous ne trouvons pas une solution au problème du flux migratoire, nous ne pourrons pas aider tous ces réfugiés, toutes ces personnes en détresse qui cherchent une meilleure solution, sans toutefois pouvoir la trouver.
Pour notre part, en tant que Pologne mais aussi en tant que groupe Visegrád, nous avons proposé la semaine dernière l’idée d’une solidarité flexible. Nous considérons que chaque pays en Europe se trouve à un niveau différent en termes de développement et de richesse et chaque pays doit, bien évidemment, contribuer au règlement de la question migratoire. Toutefois, on doit aussi rappeler que chaque pays peut apporter sa contribution dans la mesure de ses capacités.
Nous devons au moins aider au déplacement des réfugiés de la Syrie vers les pays de la région, en Jordanie, au Liban et nous essayerons de contribuer afin que les réfugiés puissent être déplacés là-bas et recevoir l’aide nécessaire.
Nous devrons, bien entendu, nous employer sans relâche à la protection de nos frontières, des frontières de l’Europe. Tels sont les éléments relatifs à la solidarité flexible à laquelle nous nous référons. Nous sommes prêts à prendre en charge la part qui nous revient afin d’apporter cette aide.
Nous avons également parlé de la coopération bilatérale. Heureusement, nous sommes deux pays qui coopèrent depuis de nombreuses années, il n’y a rien qui nous divise.
Bien au contraire, bien des choses nous unissent.
Nous avons toutefois parlé de la manière dont nous pourrons intensifier notre coopération bilatérale à un niveau plus élevé. Je suis ravi de la visite qu’effectuera l’année prochaine le Président polonais, Andrzej Duda en Grèce. Je suis également ravi qu’en 2019 nous ayons la possibilité de célébrer le 100e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays.
Je vous remercie beaucoup de cette invitation et de cette visite.
ANIMATEUR : Il y aura deux questions pour la presse grecque et deux questions pour la presse polonaise. Vous avez la parole.
JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, je m’adresse au Ministre des Affaires étrangères de la Pologne, pays qui fait parti du groupe Visegrád et comme vous avez expliqué dans vos déclarations, vous proposez actuellement une solidarité flexible à l’égard de la question migratoire.
Au cas où il y aurait une crise en provenance d’Ukraine avec la Russie et un grand flux migratoire regagnerait la Pologne, vous demanderiez aux autres pays de l’Union européenne d’adopter la même attitude à cet égard ? Je voudrais aussi vous demander si le groupe Visegrád peut fonctionner en coopération avec la Grèce dans le domaine de la gestion de la question des migrants et de la sécurité frontalière ?
Monsieur Kotzias, vous aves pris certaines initiative pour ce qui est des relations de l’Europe avec l’Afrique et le Moyen-Orient. Envisagez-vous d’inviter votre homologue polonais à participer à ces initiatives ? Je vous remercie.
W. WASZCZYKOWSKI : Nous gardons cette attitude car, vu nos capacités, nous essayons véritablement d’aider au règlement de la crise migratoire. La Pologne met à disposition des navires de guerre dans la région de la Méditerranée ainsi que des garde-frontières à travers l’agence Frontex. Elle y participe dans la mesure de ses capacités.
Pour ce qui est de la situation en Europe orientale, nous sommes prêts à toute éventualité.
Nous nous préparons à l’éventualité d’une grave crise entre l’Ukraine et la Russie. La Pologne a d’ores et déjà octroyé 1 million de visas pour des ressortissants ukrainiens qui ont été admis sur notre territoire.
Ce nombre dont je vous parle, c’est-à-dire, 1 million, est la moitié du nombre de tous les visas octroyés par les autres Etats de l’Europe. Nombreux sont les Ukrainiens qui effectuent des visites de courte durée en Pologne, mais, croyez-moi, un grand nombre d’entre eux, ne quittent jamais le pays.
Bien évidemment, il y aussi un grand nombre de ressortissants en provenance de Biélorussie. L’année dernière nous avons octroyé 400 000 visas. L’emploi donc des Ukrainiens en Pologne génère des revenus lesquels sont envoyés vers leur pays d’origine. Par conséquent, il s’agit d’une aide indirecte que nous accordons aux ressortissants ukrainiens tout en respectant l’impact produit par cela, en raison de la crise entre la Russie et l’Ukraine.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Aujourd’hui, nous avons échangé des expériences avec mon collègue polonais, pour ce qui est notamment des initiatives multiples que nous avons prises dans la région de la Méditerranée orientale, du Moyen-Orient et des Balkans, tant en coopération avec les pays balkaniques qui ne sont pas des Etats membres de l’Union qu’avec les Etats membres.
La Pologne souhaite participer à n’importe quelle initiative inscrite dans ce cadre, et à cet égard elle éprouve un intérêt marqué tout en voulant recevoir des informations en la matière.
JOURNALISTE : Une question pour le ministre, M. Kotzias. Dans sa dernière déclaration, M. Alexis Tsipras a parlé de la possibilité de bloquer les fonds européens pour les pays qui ne contribuent pas à la gestion de la crise migratoire. Etes-vous d’accord avec cette déclaration ?
N. KOTZIAS : Le ministre des Affaires étrangères est toujours d’accord avec son Premier ministre. S’il n’est pas d’accord, il démissionne.
Deuxièmement, le ministre des Affaires étrangères coopère avec le Premier ministre sur toutes les questions qui relèvent de la politique étrangères et de son élaboration.
Troisièmement, ces déclarations ont été, trop souvent, reprises par des Commissaires et, quatrièmement, on doit, selon moi, voir l’état d’avancement de ces discussions vers le mois de décembre et étudier avec attention toutes les propositions. A mon avis, la proposition formulée aujourd’hui par mon collègue polonais de la part du groupe Visegrád est extrêmement intéressante.
Plusieurs réflexions sont exprimées et en décembre on en décidera ensemble.
JOURNALISTE : Une question adressée aux deux Ministres. Messieurs les ministres, vous avez discuté aujourd’hui de la situation dans les Balkans et de la forme que prend cette fameuse route des Balkans.
Question adressée au Ministre polonais des Affaires étrangères : A votre avis, pour combien de temps cette route pourra-t-elle rester hermétiquement fermée aux flux migratoires ?
Question adressée au Ministre grec des Affaires étrangères : Avez-vous un commentaire à faire concernant les dernières références historiques du Premier ministre albanais, Edi Rama, aux Grecs et aux symboles culturels de ces derniers ?
W. WASZCZYKOWSKI : Pour revenir à la question de la crise migratoire, j’aimerais souligner que ce problème est dû, entre autres, au fait que l’Europe a permis à un grand nombre de migrants notamment et non pas de réfugiés d’entrer sur son territoire, lesquels n’ont pas été enregistrés en tant que migrants illégaux, mais en tant que réfugiés. Cela a été le principal problème qui, à son tour, en a généré beaucoup d’autres.
La plupart des personnes qui sont entrées sur le territoire de la Grèce, de l’Italie, en Europe sont des migrants illégaux qui devraient être refoulés vers leurs pays d’origine. Bien évidemment, je comprends que ces pays soient très pauvres mais ils ne sont toutefois pas en état de guerre. Par conséquent, ces personnes ne remplissent pas les conditions pour obtenir le statut de réfugié.
Malheureusement, à l’époque l’Europe n’avait pas la possibilité de régler cette question et c’est pourquoi aujourd’hui on est confronté à ce problème.
Le deuxième problème est que la plupart de ces personnes veulent rejoindre les pays européens les plus riches. Par conséquent, le fait de les séparer par la force et de les transporter vers divers pays, n’est pas une attitude très humanitaire.
Nous, en Pologne, nous ne pouvons pas l’accepter car nous avons l’expérience de notre histoire : au 19e siècle, au cours de la Seconde guerre mondiale, il y avait des déplacements de groupes de personnes d’une région à l’autre.
Nous ne voulons pas y contribuer, nous ne voulons pas nous engager dans cette action, à savoir au déplacement forcé de ces personnes. Dans cette Europe du 21e siècle, nous ne pouvons détenir par la force des personnes dans des centres. Dès lors qu’on leur a permis d’entrer en Europe, elles doivent être libres d’aller où elles veulent.
Si on ne peut pas le supporter, on devrait dès le début protéger nos frontières. On doit être courageux. On ne doit pas pratiquer la politique de l’autruche. On doit faire face à ce problème.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Vous savez qu’au sein de l’Union européenne un grand débat est engagé sur la question des réfugiés. Il existe différents points de vue et on arrive toujours à s’entendre dans la pratique.
Je voudrais affirmer de nouveau que ni la Pologne ni la Grèce ne sont responsables du problème des réfugiés. Le problème des réfugiés est dû aux guerres en Syrie, en Irak et en Libye. Le grand problème est que nous sommes obligés de payer le prix des choix erronés faits par ceux qui ont mené ces guerres et qui sont impliqués dans les bombardements.
Et, en outre, il existe certains Etats, beaucoup plus riches que nous, qui ont incité les réfugiés à se déplacer et ces derniers ont répondu à cet appel. A mon avis, chaque peuple a sa propre culture et souvent les mots sonnent différemment dans chaque pays. Par exemple, si le mot « relocation » (relocalisation ) a un sens neutre pour nous, pour d’autres peuples ce mot a des connotations et des associations historiques négatives et on doit le respecter.
S’agissant de l’histoire, j’ai affirmé hier - j’ai donné une réponse bien détaillée à cet égard – et je peux le répéter, que l’histoire doit être une école pour nous tous et non pas une prison. On doit traiter l’histoire avec sérieux et, troisièmement, l’histoire est fondée sur des événements réels et non sur une fiction inventée à posteriori.
J’aimerais toutefois ajouter un commentaire aujourd’hui après tout ce que j’ai pu entendre à ce sujet. Je suis très fier lorsqu’un intellectuel pakistanais affirme avoir une relation avec la Grèce datant de 2 000 ans puisqu’il est le descendant l’Alexandre le Grand. Je n’ai aucun problème à ce sujet.
Par ailleurs, j’apprécie le fait qu’Alexandrie en Egypte s’appelle Alexandrie. Pourquoi aurais-je un problème ? Quiconque aime la civilisation et l’histoire grecques est le bienvenu. Encore faut-il qu’il n’arrive pas au point de croire que cette histoire et civilisation sont les siennes, exclusivement, et qu’elles ne sont pas du tout grecques. Dans ce cas là, il en arrive à des conclusions absurdes.
JOURNALISTE : J’aimerais revenir à la question de la sécurité et des frontières de l’UE. Le ministre turc de la Défense a dit que l’action de l’OTAN en Méditerranée est terminée et que les navires devraient quitter la région.
Or, les ministres de l’UE auraient dit qu’il faudrait prolonger cette action jusqu’à l’année prochaine. Qu’en pensez-vous ?
W. WASZCZYKOWSKI : La question de l’action de l’OTAN en Méditerranée a déjà été abordée à Bruxelles. Des premières décisions ont été prises de continuer ces actions et la Pologne a bien sûr une participation car elle a envoyé des navires militaires.
Nous avons bien entendu l’intention de participer à la prochaine action également, au premier semestre de l’année prochaine. Nous enverrons un autre navire militaire. Je pense que le problème de cette action, de cette initiative sera abordé en décembre lors de la réunion des ministres des Etats de l’OTAN qui se tiendra à Bruxelles.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je pense que ce qui manque à la pensée turque est de nous dire franchement comment elle évalue la présence des navires de l’OTAN en Egée. S’ils ont contribué à faire cesser les flux des réfugiés, pourquoi partir ?
La seule raison de vouloir qu’ils partent est pour éviter qu’il y ait ce contrôle. Et le mot contrôle est à comprendre et interpréter dans toutes les acceptions du terme.
Je vous remercie beaucoup. Merci à mon cher collègue. Merci aux interprètes de langue polonaise et anglaise. Je vous remercie.
November 3, 2016