Conférence de presse du ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias à l’issue de la conférence internationale sur le thème « Pluralisme culturel et religieux et coexistence pacifique au Moyen-Orient »

Conférence de presse du ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias à l’issue de la conférence internationale sur le thème « Pluralisme culturel et religieux et coexistence pacifique au Moyen-Orient »N. KOTZIAS : Bonjour. La Conférence internationale a une caractéristique. Elle traduit l’effort que nous déployons au ministère des Affaires étrangères pour ouvrir notre politique étrangère à l’internationale.

Nous avons notre politique concernant ce que nous appelons nos questions nationales directes, à savoir notre relation avec les pays voisins. Nous avons notre politique étrangère qui, en partie, est également une politique intérieure. La question de savoir ce qu’est exactement la politique européenne et notre présence là-bas est un grand problème scientifique.

Nous avons une politique en développement pour le Moyen-Orient et la Méditerranée et il y a eu, aujourd’hui et hier, une conférence internationale avec des participants nombreux, comme vous avez pu le constater, des Etats-Unis et du Canada – et j’entends par-là des hommes politiques, des instituts, des chefs religieux – et même de l’Inde. Et d’ailleurs, dans le bassin situé entre l’Italie et l’Inde, tous les pays étaient représentés du point de vue politique, scientifique et religieux par les chefs religieux les plus importants, par les instituts scientifiques les plus importants et des acteurs politiques autour des thèmes de la culture et de la religion.

Comme je l’ai dit dans mon discours de clôture, il y avait plus de 70 orateurs représentant 45 pays et organisations internationales. Je pense que cette Conférence contribuera aux objectifs fixés pour la protection des communautés au Moyen-Orient et en général dans le bassin Est de la Méditerranée et nous pourrons ainsi aider à lutter contre ces forces qui sapent le pluralisme des cultures et des religions qui existent depuis au moins 2 500 ans dans la région. Lors des débats que nous avons eus, une série de propositions ont été faites, propositions que nous codifierons, j’ai d’ailleurs répondu à certaines d’entre-elles lors de la clôture des travaux et les procès-verbaux seront publiés en volumes. Nous avons une résolution qui sera publiée en tant que résolution du Bureau et nous sommes convenus de la création d’un Observatoire sur les évolutions dans la région, avec son siège à Athènes et une participation internationale.

Nous préparons, s’agissant de notre présence internationale, deux autres initiatives. La première, dont j’ai discuté avec d’importants partenaires à l’Union européenne, concerne la nécessité au sein de l’UE de nous départir des questions d’exclusivité, d’embargos, de memoranda qui ne peuvent pas façonner un environnement attrayant pour l’Union européenne. En d’autres termes, nous devons discuter de quelle Europe nous voulons au 21e siècle, une Europe démocratique et sociale. Sur quelles valeurs elle sera fondée et quels principes régiront son action, de son système institutionnel jusqu’aux procédures. Ce projet a débuté il y a quelques jours, à la fin de la préparation de cette Conférence internationale.

La deuxième initiative est une réflexion qui m’est très chère depuis 20 ans, je l’avoue, que j’ai commencé à mettre en œuvre depuis quatre mois, avec des réactions favorables. Il s’agit de la création d’un Secrétariat international des GC10, à savoir des grandes nations culturelles, des Etats qui ont une grande histoire culturelle avec lesquels nous voulons mettre en exergue l’importance de la civilisation comme un soft power. Bon nombre d’entre vous ont étudié les relations internationales et vous savez que la culture est un soft power, c’est l’un des ses principaux ingrédients, car la culture est une force économique, un moyen pour attirer les investissements et le tourisme. Après le premier projet de cette conférence, nous allons nous occuper de cette initiative. Nous nous sommes mis d’accord avec des pays allant de la Chine au Mexique, des pays avec une grande civilisation et patrimoine mondial de l’humanité et à partir de demain nous commencerons à promouvoir cet accord.

Je crois que ces initiatives nous aident afin d’avoir une image plus rationnelle du pays sur le plan international. Elle nous aide à promouvoir nos avantages et à faire comprendre que la politique étrangère est quelque chose de beaucoup plus large que ce que d’habitude nous comprenons.

Voilà mes « secrets ». Je vous remercie.

JOURNALISTE : Cette conférence organisée aujourd’hui est très positive pour le dialogue et pour la Grèce qui n’a pas encore de mosquée et qui, malgré cela, organise une conférence sur les religions. Votre commentaire. Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Tout d’abord, je vous remercie d’être venus à Athènes pour participer à cette conférence. Vous savez que nous entretenons de très bonnes relations avec l’Egypte dans le domaine des Affaires étrangères. Vous savez que nous avons d’excellentes relations avec une série d’Etats musulmans, comme les EAU. Nombreux sont ceux qui m’interrogent au sujet de la mosquée. Je réponds  qu’à la fin du mandat du gouvernement précédent, nous avons voté et nous sommes mis d’accord sur la création de cette institution à Athènes et certains problèmes techniques et bureaucratiques ont été résolus. Le ministère des Affaires étrangères surveillera toujours ces décisions afin qu’elles soient mises en œuvre.

Maintenant je vais vous dire mon point de vue personnel. Les fidèles viennent dans des espaces qui ne sont pas appropriés pour leur culte. Des espaces qui peuvent donner libre cours à des éléments extrémistes, incontrôlés. Nous sommes une société ouverte, et par conséquence la liberté d’exercice du culte de nos citoyens ou de ceux que nous hébergeons existe et la manière ouverte d’exercer la croyance est la manière la plus démocratique et la plus créative.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, la Conférence a été axée, de par les choses, sur le problème des réfugiés. Je voulais vous demander comment voyez-vous la visite de Mme Merkel et l’offre à la Turquie avec cette association du processus d’adhésion à son attitude vis-à-vis des réfugiés ? Processus qui comprend également des engagements pour l’ouverture de certains chapitres de négociations.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je crois que Mme Merkel a eu un entretien avec M. Erdogan, mais elle n’est pas elle-même une instance européenne ou un système. Elle peut s’engager pour les points de vue de l’Allemagne, points de vue qu’elle formulera au sein de l’UE. Mais l’UE a des institutions qui prennent des initiatives, comme la Commission, et des institutions qui prennent des décisions, comme le Conseil des ministres ou le Conseil européen auquel participe les présidents des Etats membres et les Premiers ministres.

Par conséquent, je tiens compte des réflexions et de la volonté de l’Allemagne pour ce qui est de la relation UE – Turquie. Mais cela ne veut pas dire pour autant que cela reflète la volonté de l’Europe tout entière. Je ne dis pas que je suis en désaccord. Je dis simplement, du point de vue institutionnel, quelles sont les responsabilités de chacun.

Deuxièmement, vous savez que nous avons conclu une série d’accords avec la Turquie. Je crois que nous avions été ensemble en 1999, vous étiez à Ankara lorsque nous avons conclu l’accord de réadmission, de refoulement des réfugiés et des migrants non permanents qui venaient en Grèce par la Turquie. Vous savez qu’il y a un accord avec l’UE qui n’a pas été mis en œuvre.

Nous devrons donc prendre toutes les mesures, et il y a en plus que ce que l’on peut lire dans les journaux, afin que la Turquie honore ses engagements.

Troisièmement. Il est très positif que plusieurs politiques en UE prennent des initiatives pour que la Turquie adopte un comportement qui puisse réduire l’intensité du problème des réfugiés en Europe occidentale.

Mais cela ne doit pas se faire – et je ne me réfère bien entendu pas à Mme Merkel – au détriment d’une quelconque partie ou personne ou poser un problème pour les journalistes d’un pays tiers.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, je voulais savoir si les discussions et les conférences sont le moyen approprié pour dépasser les oppositions, les vues divergentes qui existent au Moyen-Orient, là où vivent différentes populations religieuses, et si cette approche pourrait être politique ou spirituelle. Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je  crois que si les différences sont spirituelles, elles doivent être résolues de manière spirituelle. Si elles sont politiques, le spirituel aide. Je crois que les problèmes du Moyen-Orient nécessitent un débat, un dialogue plus large mais également en personne. La politique étrangère grecque a toujours proposé – et ceci a toujours été mis à profit par certains – que le pays a un archipel, des îles où nous pouvons avoir des rencontres pour trouver des solutions. Nous avons un grand archipel et beaucoup d’îles qui nous permettent de ne pas avoir de la publicité.

Nous exerçons une politique étrangère afin d’aider la valorisation du pays, de son rôle au niveau international et non pas de manière à miner la place du pays ou pour que moi, ou quelqu’un d’autre, fassions des relations publiques. Merci.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, une des rencontres que vous aurez demain sera avec Mme Nuland, Vice-ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis. Est-ce que vous allez parler des gazoducs et si le projet Turkish Stream a été abandonné en raison des difficultés dans les négociations entre la Russie et la Turquie.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Tout d’abord permettez-moi de vous dire que demain le ministre bulgare des Affaires étrangères effectue sa première visite en Grèce. Daniel m’a demandé à être le premier ministre à venir et force est de souligner que les relations Grèce – Bulgarie sont exemplaires et je n’aurais de cesse de dire publiquement que si la relation France – Allemagne est considérée en Europe comme un modèle de dépassement des différends historiques pour ce qui est des 200 dernières années, les relations Grèce-Bulgarie et les problèmes qui ont été surmontés datent de 1600 ans.

Et je continue de penser que les relations Grèce – Bulgarie sont un modèle, où nous ne sommes pas prisonniers de l’histoire et où nous sommes aujourd’hui deux partenaires stratégiques.

Demain vient également Mme Nuland, le même jour que le ministre bulgare des Affaires étrangères. Mme Nuland est un interlocuteur fréquent et comme la plupart d’entre vous  le savent, Mme Nuland est compétente pour l’Europe du Sud-Est et parfois elle va un peu plus au Nord, en Ukraine par exemple. Mme Nuland et moi-même avons abordé à maintes reprises des sujets relevant de sa compétence et nous écoutons ses points de vue avec attention – et je pense qu’elle écoute encore plus nos points de vue.

Nous avons discuté des gazoducs à New York avec M. Hofstein qui a également rencontré M. Skourletis. Certes des discussions ont lieu avec de nombreuses parties concernant le gazoduc TAP, le gazoduc vertical Grèce – Roumanie – Bulgarie, concernant le transport de gaz liquéfié, le transport de Pétrole en provenance d’autres pays (Turkménistan, Iran, etc.). Nous avons abordé la question de savoir dans quelle mesure nos raffineries peuvent traiter ce gaz liquéfié pour des raisons de croissance économique – et des discussions ont également lieu au sujet du gaz naturel en provenance de la Russie. J’avais d’emblée déclaré aux Américains que le gouvernement grec, lorsque les pipelines russes arriveront jusqu’à nos frontières, ne leur aurait pas interdit le transit. Mais comme je l’avais dit à l’époque et continue de le dire aujourd’hui, pour arriver à ce point il faut d’abord que la Turquie et la Russie se mettent d’accord.

Comme chacun sait, s’agissant des gazoducs russes et du South Stream qui allait en Bulgarie, de nombreuses forces occidentales s’y sont opposées. Je dois toutefois vous dire qu’au moment de l’agitation médiatique autour de la question des gazoducs en Grèce, il y a eu en catimini l’accord sur la création d’un deuxième gazoduc North Stream direct entre l’Allemagne et la Russie. Et je ne manque jamais une occasion d’exprimer ma « perplexité » : était-ce le gaz russe qui gênait ? Puisqu’il passera par le Nord maintenant. Ou bien était-ce parce qu’il allait être valorisé par d’autres pays ?

JOURNALISTE («Al Jazeera») : J’aimerais demander, outre cette initiative, qu’est-ce que la politique étrangère grecque peut offrir au Moyen-Orient, s’agissant d’une question aussi complexe que la crise syrienne.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je pense, tout comme nos 200 invités de différents pays et organisations internationales, que la Grèce a du flair et est liée fortement à cette région. Nous avons deux avantages : nous ne sommes pas cyniques s’agissant de ces questions et les hommes nous intéressent beaucoup.

La Grèce a assumé, pendant ces deux jours, le rôle d’intermédiaire, de messager entre différentes parties impliquées dans la crise syrienne. Et j’aimerais vous dire que personnellement je suis honoré parce que des ministres et des chefs religieux de la région confient à la Grèce la médiation vis-à-vis des pays qui participent – je vous rappelle qu’ils sont huit – à la guerre en Syrie et aux bombardements. Et dans le cadre de nos initiatives diplomatiques, ils nous ont confié le rôle de transmettre des messages et d’agir en tant qu’intermédiaires entre différentes parties. Je ne peux en dire plus car je vais perdre ce rôle.

D. GALONAKI («Agence de presse InOn») : Ma question concerne également la Syrie. En Syrie des conflits internes font rage et des assassinats sont perpétrés. Au vu de tout cela, quel rôle ont joué les débats d’aujourd’hui pour cesser ces guerres civiles religieuses ? Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je formulerais ma réponse de la façon suivante : les chefs religieux qui ne discutaient pas ces dernières années, ont discuté publiquement ici et ont organisé des réunions bilatérales.

Ν. KOSMIDIS : Du Département de la Communication du Conseil mondial des Eglises. Monsieur le ministre, nous connaissons votre intérêt personnel pour la place des religions dans le monde moderne, dans quelle mesure pensez-vous que les communautés religieuses au Moyen-Orient ne peuvent pas être influencées par les intérêts impérialistes exprimés dans la région ? Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Dans mon discours, j’ai souligné que notre grand problème est qu’une Union européenne et un Occident qui croient au pluralisme multiculturel et multiconfessionnel dans les sociétés n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour défendre le pluralisme qui existe depuis 2500 ans dans la région.

Je pense que nous avons fait un pas dans cette direction. Je ne pense pas que les problèmes – au-delà de ceux dont j’ai parlés, ceux qui ne sont pas publics – sont réglés directement dans ce genre de conférences, mais ces conférences créent une certaine atmosphère qui pousse les acteurs en Syrie à avoir un meilleur comportement et  à trouver plus facilement une solution.

JOURNALISTE : Bonjour et félicitations pour cette conférence. Deux questions. Pourriez-vous nous donner davantage de détails sur la Résolution, la Déclaration à laquelle vous avez abouti en tant que Bureau et si vous pouvez nous expliquer un peu le rôle de l’Observatoire, est-ce que d’autres y participeront, comment sera-t-il organisé, etc. Merci beaucoup.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Premièrement la résolution sera publiée aujourd’hui, j’imagine. Deuxièmement, l’Observatoire est un observatoire d’enregistrement de la mémoire, à savoir des événements qui se produisent, et d’intervention, pour que les organisations humanitaires, les Eglises mais aussi les politiques puissent intervenir. Nous sommes tout d’abord convenus, lors de la clôture de la conférence, de mettre en place une unité dirigée par le Professeur Sotirios Roussos qui nous a beaucoup aidés à l’organisation de la conférence et l’élaboration de son programme.

Vous savez je pense, et pardonnez-moi si je suis injuste vis-à-vis des plus jeunes, mais à ma connaissance il est le plus expérimenté, pour ne pas dire le meilleur arabologue, avec un groupe de jeune nous nous sommes engagés à préparer une lettre qui contiendra des propositions précises sur l’organisation de l’Observatoire et de sa mise en œuvre.

De nombreux pays ont exprimé leur volonté de participer ainsi que de nombreuses Eglises. Certains pays souhaitent se consulter, ainsi que certaines Eglises, sur ce qu’ils proposeraient s’agissant de cet Observatoire. Autrement dit, le suivi de cette Conférence permettra de cristalliser ce projet.

Nous avons des propositions et je pense qu’il ne serait pas bon de les imposer à tous ces participants. Nous sommes en faveur d’un dialogue démocratique et nous serions heureux qu’ils contribuent afin que nous puissions créer une autre organisation internationale – certes petite – ici à Athènes. J’ai d’ailleurs eu la promesse de la Commission européenne qu’elle va nous soutenir.

JOURNALISTE («EFIMERIDA TON SINTAKTON») : Monsieur le ministre, nous observons, ébahis, ce qui se passe à Palmyre ainsi que le nettoyage culturel (cultural cleansing) qui se produit au Moyen-Orient. J’aimerais savoir si votre initiative portant sur le GC9 est liée à la question et si vous pourriez nous en dire davantage. Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : La conférence d’hier et d’aujourd’hui est tout d’abord liée à cette destruction culturelle, deuxièmement une initiative de coexistence et d’action commune de pays ayant un niveau de culture élevé, certains proviennent de l’ancienne Babylone-Mésopotamie, s’occupent de cette question.

La réflexion à l’origine de cette initiative, qui j’espère aura un écho positif jusqu’à la fin, car sur les 10 pays que nous avions en tête, 8 m’ont déjà répondu « oui », est que la culture devra être valorisée. Il faudra qu’au sein de la communauté internationale nous nous mettions d’accord sur le fait que la culture en tant que bien humain, en tant que mode de vie, en tant qu’industrie économique joue aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, un rôle particulier.

Lors de mon séjour à Harvard j’ai écrit de grands textes à ce sujet. Nous avons conclu un accord et je dois dire qu’au début j’étais très réservé, j’ai d’abord formulé la question aux Chinois qui étaient immédiatement d’accord et les Egyptiens aussi ont été d’accord, j’ai discuté ensuite avec les Italiens et après les Italiens avec Mme Mogherini, qui était italienne, qui était très heureuse que cette proposition provienne d’un Etat membre de l’UE. Par la suite, nous avons discuté avec des pays de l’Amérique latine, etc.

Il y a une ou deux questions que nous devons résoudre politiquement et après passer aux questions pratiques. J’ai chargé un ambassadeur de la mise en place d’une équipe qui s’occupera des questions pratiques et j’espère que nous pourrons mettre en œuvre d’une manière contraignante ce que nous avons exprimé.

JOURNALISTE («Agence de Presse Athénienne») : Monsieur le ministre, concernant la question des réfugiés. Nous savons que ces derniers jours l’Europe fait pression concernant la question de la coopération avec la Turquie. Ici, dans le cadre de votre intervention, vous avez dit que vous étiez d’accord pour la coopération avec la Bulgarie et la Turquie, en excluant bien entendu les patrouilles communes.

Pourriez-vous nous dire en quoi consiste exactement la coopération que vous avez en tête avec ces deux pays ?

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Avec le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, un très bon diplomate, nous avons eu une série de discussions avec la Bulgarie et la Turquie. Avec cette dernière, nous avons dit que notre coopération transfrontalière ne pouvait se limiter au point par point, c'est-à-dire un poste de police avec un poste de police et une autorité portuaire avec une autorité portuaire.

Cette coopération devra être structurée, du plus haut échelon jusqu’au plus bas. Qu’il y a ait une coopération des ministres compétents, une coordination sur ce qui se passe, ce que nous pouvons faire, comment se fera le refoulement et la réadmission et que cette coopération soit organisée de haut en bas.

Nous voulons la coopération avec la Turquie, tout comme nous voulons la coopération avec la Bulgarie à nos frontières et avec tout autre pays avec lequel nous avons des questions liées aux flux de réfugiés et aux émigrés économiques.

Dans ce contexte, nous avons une stratégie globale. La première concerne la coopération avec nos voisins. La deuxième est que l’UE devra enfin appliquer les accords existants et pour lesquels des fonds importants sont débloqués, au Pakistan et en Afghanistan.

Je vous rappelle que nous avions 300 000 émigrés économiques et réfugiés de ces pays et je vous rappelle qu’aujourd’hui, à cette période, plus de 20% des migrants et réfugiés proviennent de ces pays.

Troisièmement, nous insistons beaucoup au sein de la Commission européenne sur le fait que nous devons construire une relation stratégique de partenariat avec le Liban et la Jordanie. Nous devons sauvegarder la stabilité dans ces pays car leur déstabilisation entraînera de nouveaux flux de réfugiés.

Un autre point que nous avons souligné et vous m’avez sans doute entendu le dire publiquement, c’est la nécessité d’apporter des fonds dans les camps de Jordanie et du Liban. Je suis de près cette question depuis l’été. Dans le passé, 150, voire 200 dollars par mois étaient alloués aux familles des réfugiés. Au début de l’été, c’était 13 dollars seulement par mois par famille, soit environ 43 cents par famille par jour pour les besoins quotidiens, l’eau potable, l’habillement, l’alimentation et l’hygiène.

Et j’avais à l’époque dit à l’Union européenne que nous aurons un nouveau flux migratoire qui ne sera pas seulement dû à la guerre, mais parce que ces personnes ont quitté les régions en guerre pour aller vers les camps et elles ne peuvent plus survivre. Il faut donc prévenir ce flux. Ma voix n’a pas été entendue, je me suis même fait insulter à un moment donné, comme le savent ceux qui lisent la presse internationale. Et malheureusement, nous avions raison.

Le dernier point sur lequel nous insistons est la question de l’Egypte. La Somalie a une population de 15 millions d’habitants, le Soudan 42 millions, le Sud et le Nord 24 et 16 et l’Egypte 96 millions. Si l’Egypte et le Soudan se déstabilisent – je vous rappelle que la guerre civile se termine maintenant – et si la Somalie continue de s’écrouler, si nous avons des problèmes avec l’Egypte, nous ne parlerons pas de millions, mais de dizaines de millions. Je vous rappelle que sur les 96 millions d’habitants en Egypte, 62 ont moins de 28 ans.

Donc, notre stratégie est la coopération avec la Turquie et la Bulgarie – différente, certes, car la Bulgarie est un Etat de l’Union européenne – une solution politique au problème syrien, la fin de la guerre, car elle est à l’origine de tous les maux, l’évitement de la déstabilisation du Liban et de la Jordanie en mettant en œuvre des politiques spéciales de l’Union européenne, des mesures spéciales visant à ne pas créer de problèmes du côté de l’Egypte, de l’argent pour les camps.

Un ensemble de mesures qui, à mon sens, ne devront pas être traduites comme une seule mesure par exemple avec la Turquie seulement ou avec la Bulgarie seulement ou l’Egypte seulement.

Si nous ne mettons pas en œuvre ces mesures, si la guerre en Syrie ne cesse pas et si les 8-9 pays qui bombardent ne cessent pas, nous aurons toujours un problème de réfugiés.

Je suis de nature optimiste, mais si des mesures ne sont pas prises dans le sens que j’ai décrit, les prochaines vagues de réfugiés pourraient être plus grandes et composées de personnes plus désespérées. Et cela est logique.

JOURNALISTE («ΕPIKAIRA») : Monsieur le ministre, concernant la résolution, quelle valeur diplomatique peut avoir la résolution, dès lors qu’elle émane uniquement du Bureau et comment va-t-elle être utilisée. Va-t-on l’envoyer aux organisations internationales ? Est-ce qu’elle suivra la voie diplomatique ?

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : La résolution est soutenue par la majorité écrasante des personnes présentes, des représentants présents. Certains, très peu, n’étaient pas en mesure de décider seuls.

Pour faciliter les choses et pour qu’il n’y ait pas de débat pour 2-3 délégations, nous étions ici 60-70 délégations, le Bureau l’enverra à tous et la plupart ont promis de l’utiliser et nous l’utiliserons comme document, le « document d’Athènes » et pour l’Observatoire et dans nos relations avec les autres acteurs au Moyen-Orient.

M. SΤΑVROULAKIS : Monsieur le ministre, récemment la Turquie a « touché » - c’est le verbe approprié – une conduite d’eau à Chypre. Au premier niveau la question serait quel est votre commentaire. Au deuxième niveau, compte tenu de la déclaration du Président du Parlement chypriote à savoir qu’il « s’agit d’une action invasive » j’aimerais avoir votre commentaire à ce sujet et comment vous l’associez à la levée du Traité des garanties. Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Dimanche j’irai à Chypre pour avoir des entretiens, lundi, mardi et mercredi. Je resterai pour le défilé pour ne pas faire des allers-retours et je pense que nous aborderons toutes ces questions de manière exhaustive.

Je suis profondément convaincu que toute force, individu, Etat, personnalité, collectivité, organisation internationale est en faveur du règlement de la question chypriote. Cette solution devra être un Etat pleinement indépendant et souverain dans le cadre de la mondialisation actuelle, puisque Chypre est un Etat membre de l’UE.

Je pense qu’un Etat membre de l’Union européenne n’a pas besoin de garanties de la part de pays tiers. Je pense également que la Turquie a violé à plusieurs reprises le Traité des garanties et les garanties provenant du passé concernaient la protection octroyée par l’Etat A à l’Etat B contre un Etat tiers, il ne s’agissait pas d’un outil d’occupation de l’Etat A sur l’Etat B.

Le système des garanties est obsolète, il n’est pas compatible avec la pratique suivie par la Turquie et n’est pas compatible avec la loi internationale et les conventions de l’ONU comme c’est le cas aujourd’hui. Il faudra donc mettre fin à ce système. Et à mon avis, il ne peut y avoir de résultat positif dans le référendum sans mettre fin à l’occupation ou que la fin de celle-ci soit prévue dans l’accord.

Pour ce qui est maintenant de la conduite d’eau, cette question est associée, à mon sens, à la question de l’aspiration qu’ont certains – et de la Turquie – d’avoir la conduite inverse, le gazoduc.

G. MOUTOS : Monsieur le ministre, ces derniers temps il a été beaucoup question d’argent qui doit être versé par les pays européens pour soutenir les pays affectés. La Grèce pourrait-elle s’engager à débloquer une plus grande somme d’argent pour aider les réfugiés ?

Et deuxièmement, pensez-vous que, à part les questions politiques et économiques, il est question d’implication du pays pour une solution non politique en Syrie ? Merci.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : La deuxième question, non. Nous ne pouvons pas être impliqués dans des choses autres que des initiatives pacifiques au Moyen-Orient. Le Moyen-Orient nous fait confiance et nous apprécie parce que nous sommes un médiateur honnête entre différentes parties.

Je dirais même que nous comptons parmi les rares pays à avoir des amitiés avec tout le monde, nous avons une relation amicale avec la Palestine, avec Israël, avec les EAU, avec l’Iran. C’est un de nos succès et nous n’avons aucune raison de changer notre politique.

En ce qui concerne les réfugiés, la Grèce a beaucoup payé et le peuple grec aussi avec son hospitalité. Ce que nous revendiquons c’est qu’il y ait avant tout les prestations correspondantes de la part de l’UE et deuxièmement les montants octroyés ne doivent pas être imputés aux dépenses liées à la dette publique grecque.

M. KOSTIDIS : Monsieur le ministre, il y a peu, vous vous êtes référés à la question des réfugiés et à une coordination commune avec la Turquie à un haut niveau. Cela inclut également les patrouilles communes qui …

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Non la coopération et la coordination ne signifie pas du tout des patrouilles conjointes, je l’ai dit depuis des semaines.

Et je dois vous dire là ma perplexité, sachant que le ministère grec des Affaires étrangères l’a déclaré depuis des semaines, lorsque le Premier ministre l’a déclaré devant le Parlement, lorsque moi-même je l’ai déclaré, pourquoi l’opposition revient sur cette question en disant que nous avons une mauvaise intention.

Dans ce pays nous devons être calmes et sérieux en ce qui concerne la politique étrangère.

A LOUDAROS : J’aimerais que nous revenions aux questions religieuses. Le Patriarche d’Antioche a, depuis cette tribune, lancé un appel à la communauté internationale pour soulever de nouveau la question de son frère enlevé et du deuxième Métropolite d’Alep. Est-ce que le gouvernement grec a l’intention de soulever de nouveau cette question à la communauté internationale. Ces deux personnes sont considérées comme enlevées, nous n’avons pas de nouvelles.

Et si, au milieu de cette crise, qui, semble-t-il, a des mobiles religieux, est-ce que le gouvernement grec pense renforcer ladite « diplomatie religieuse » ?

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Dès que le patriarche a parlé, j’ai souligné notre soutien à l’égard de cette question et j’ai invité tous les participants à ce colloque international, tous les représentants des Etats et des Eglises à soutenir la demande et il y a eu un accord. Mais il faut aussi prendre des mesures très pratiques, mais ce n’est pas le moment.

Deuxièmement, je pense que la diplomatie religieuse revêt une grande importance et c’est pourquoi le gouvernement, si vous vous souvenez, avant la fin de son mandat de sept mois, le Premier ministre nous a honorés avec un Secrétaire d’Etat Monsieur Amanatidis, qui a une grande connaissance des affaires religieuses, qui est très apprécié par les Eglises et qui a été chargé de développer davantage la diplomatie religieuse.

Et je dois vous dire qu’hier soir nous avons discuté avec des ministres étrangers, il y avait également Mme Elena Koundoura, la ministre du tourisme, sur le développement du tourisme religieux. Nous avons fait des pas en avant et à ma connaissance de 22 millions de touristes, nous passons à 26 millions à la fin de l’année et j’ai l’impression qu’il y a 2,2 milliards de recettes supplémentaires.

Et donc ce qui est associé à la religion, et le dialogue que nous avons eu ici et la diplomatie religieuse mais aussi la valorisation productive du tourisme religieux sont au cœur de nos pensées et je vous remercie pour votre question.
Merci beaucoup.










October 22, 2015