Ε. VENIZELOS : Bonjour. Le volet politique de la conférence ministérielle organisée par la Présidence hellénique du Conseil de l’Union européenne vient de s’achever aujourd’hui à Thessalonique, avec la participation des Etats membres de l’Union européenne et des pays des Balkans occidentaux.
Je suis particulièrement heureux de la large participation qu’a connue cette conférence. 24 pays ont été représentés au niveau ministériel. Sur ces 24, 6 pays au niveau du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.
La discussion a été fructueuse et pratique, elle s’est déroulée dans un esprit de bonne foi, et ainsi nous avons abouti à toute une série de conclusions qui constituent le contenu de la déclaration de la Présidence hellénique du Conseil qui a été publiée.
J’aimerais remercier officiellement le commissaire européen à l’élargissement et à la politique de voisinage, M. Štefan Füle, tous mes collègues les ministres des Affaires étrangères et européennes qui ont participé ainsi que les représentants de la Commission européenne, de l’Agence européenne pour l’action extérieure et autres organismes qui ont participé à la discussion ou qui participent maintenant au volet technique de la conférence sur les questions de l’interconnexion dans les domaines de l’énergie et des transports.
La première conclusion politique que j’ai eu l’occasion de souligner à la fin du volet politique, la première session, était que tant les Etats membres de l’UE, que les pays des Balkans occidentaux ont confirmé aujourd’hui de la façon la plus catégorique leur engagement en faveur de la perspective euro atlantique des Balkans occidentaux dans leur ensemble.
En réalité aujourd’hui, nous nous sommes remémoré et avons célébré l’Agenda de Thessalonique 2014 que nous avons fait revivre et qui a été l’une principales réussites politiques de la précédente présidence hellénique du Conseil de l’Union européenne en 2003.
Nous avons par ailleurs eu l’occasion de nous référer aujourd’hui au 10e anniversaire de la dernière grande vague d’élargissement de l’Union européenne. Et il est vrai que toutes les présidences grecques du Conseil, cette présidence étant la cinquième depuis l’adhésion de la Grèce aux Communautés européennes, vont dans le sens de l’intégration européenne et notamment dans le sens de l’élargissement de l’Union européenne.
Pendant la Présidence hellénique, nous avons eu le passage de l’Europe des 12 à l’Europe des 15 et de l’Europe des 15 à l’Europe des 25 et aujourd’hui, avec membres supplémentaires, à l’Europe des 28.
J’ai eu l’occasion, dans mon discours d’introduction, de souligner que la perspective européenne et de manière générale la perspective euro-atlantique des Balkans occidentaux est une motivation particulièrement forte pour la modernisation interne, institutionnelle, politique et économique de tous les pays.
Et il est très important de l’avoir dit ici, à Thessalonique, après l’expérience de la crise longue et difficile qui a frappé le cœur de l’Europe. La Grèce en a fait durement l’expérience, mais aussi d’autres pays membres de la zone euro et de l’Union européenne. Et cette crise a eu des répercussions négatives sur les Balkans occidentaux et de manière générale sur les politiques de voisinage de l’Union européenne.
La crise nous a permis de mûrir. Toutefois, il est très important de dire qu’après la crise et sur la base des enseignements tirés, nous confirmons nos engagements pour la perspective européenne des Balkans occidentaux.
Les Balkans occidentaux provoquent une discontinuité territoriale au sein de l’Union européenne. Afin d’y remédier et de créer l’infrastructure réelle pour l’élargissement, nous avons mis en avant l’idée de l’interconnexion dans les domaines de l’énergie et des transports. Je vous rappelle que lesdits « réseaux intereuropéens » ont été convenus lors de la conférence européenne des ministres des transports en 1994 en Crète, lors de la 3e Présidence hellénique de 1994.
Lors du déjeuner, nous avons eu l’occasion de parler plus amplement du problème énergétique de l’Europe et de la région. Nous avons eu l’occasion de mettre en exergue les dimensions géopolitiques et pratiques de la question à la lumière de la crise ukrainienne et de la crise en général dans les relations entre l’occident et la Russie, l’UE et la Russie, que nous voulons surmonter pour revenir à la normalité, toujours dans le cadre du droit international.
Tout le monde comprend bien combien le gazoduc TAP (Trans Adriatic Pipeline) présente un avantage important pour la région mais aussi l’importance des points d’interconnexion qui parachèvent le gazoduc TAP. Dans notre région, tous les pays sont intéressés par de telles interconnexions.
Tout le monde comprend bien ce que nous avons eu l’occasion de voir il y a quelques mois, lorsque les quatre pays du Visegrád se sont réunis ainsi que les trois pays des Balkans, la Grèce, la Roumanie et la Bulgarie. Nous avons donc confirmé l’idée dudit couloir central, du couloir Egée – Baltique, qui peut très facilement avec des interconnexions et moyennant un faible coût devenir une réalité, et offrir ainsi une sécurité et des solutions de rechange dans l’ensemble de l’Europe du sud-est et de l’Europe centrale.
Et l’un des avantages de toute cette région – avantage régional – est le terminal de gaz naturel de Revithoussa. Une valeur pratique immense de Revithoussa et de nombreux pays ont souligné la nécessité pour la Grèce de procéder sans plus tarder à la construction d’autres terminaux de gaz naturel, gaz naturel liquéfié ou compressé. Et vous savez d’ores et déjà que de tels projets sont prévus pour Alexandroupolis et Kavala. Des projets qui peuvent être rapidement mis en œuvre.
Bien entendu, force est de souligner aussi que tous les participants ont souligné les initiatives et les réussites de la Présidence hellénique et ont répondu à notre invitation, non pas pour répéter des lieux communs, mais parce que la réunion ministérielle d’aujourd’hui, en tant qu’événement politique, envoie un message très fort aux pays, aux peuples, aux sociétés de la région élargie quelques jours avant les élections européennes, maintenant que nous avons besoin d’une nouvelle narration et proposition sur l’Europe en tant que réponse à différentes formes d’euroscepticisme.
Dans ce sens, nous mobilisons aujourd’hui la Commission européenne qui est prête à débloquer des fonds pour mettre en œuvre des projets d’interconnexion. Ces fonds sont de nature à avoir un effet de levier. Nous débutons avec 1 milliard d’euro qui sera toutefois ciblé afin de pouvoir mobiliser par la suite 10 milliards d’euros supplémentaires pour des projets sélectionnés, comme par exemple le couloir 10 de Zagreb à Athènes, le couloir ferroviaire 8 de la mer Noire à l’Adriatique, le gazoduc TAP et le gazoduc reliant la mer Ionienne à la mer Adriatique qui a fait l’objet d’une rencontre respective que nous avons organisée à Athènes au début de la Présidence.
Donc ce n’est pas seulement la Commission européenne qui est mobilisée. La Banque européenne d’investissement également, mais aussi le Conseil régional de coopération et tous les acteurs concernés, comme par exemple, la Communauté énergétique qui nous aidera à promouvoir une idée centrale de la Présidence que j’ai eu l’occasion de présenter à plusieurs reprises et aussi au commissaire Oettinger avant que n’éclate la crise en Ukraine. Mais aujourd’hui, nous avons des arguments supplémentaires après la crise en Ukraine.
Il s’agit de la nécessité d’une négociation commune des Etats membres par le biais de la Commission européenne sur les questions énergétiques, afin d’obtenir les meilleurs prix. Autrement, nous seront confinés dans des inégalités internes entre les Etats membres pour ce qui est du prix du gaz naturel. Cela est très important, tout aussi important que les différences de taux d’intérêt.
Je vous rappelle qu’hier se sont tenues les rencontres bilatérales des ministres des Affaires étrangères Grèce-Bulgarie et Grèce-Roumanie, la rencontre partite des ministres des Affaires étrangères de Grèce, Bulgarie et Roumanie, la première après novembre 2012.
Nous avons publié une nouvelle déclaration, à mon sens très importante, car cette fois-ci nous ne sommes pas seulement trois ministres, mais nous sommes également représentants de trois présidences différentes. La Présidence hellénique du Conseil de l’Union européenne, la Présidence bulgare de l’Organisation pour la coopération de la mer Noire et la Présidence roumaine du Processus de coopération en Europe du sud-est. Donc l’acquis que nous avons depuis hier est très important.
J’ai par ailleurs eu l’occasion d’avoir une rencontre bilatérale de coopération, avec mon homologue chypriote, M. Kassoulides. Nous avons discuté de l’état d’avancement des pourparlers sur la question chypriote.
Et j’ai eu aussi une rencontre bilatérale, une rencontre officielle, avec mon homologue albanais, qui s’inscrit dans la continuité de nos rencontres précédentes et dans le cadre que nous avons annoncé lors de ma dernière visite à Tirana. Bien entendu, j’ai parlé avec tous mes collègues qui étaient ici, dans le cadre et en marge des procédures de la Conférence.
Je suis à la fois heureux et satisfait car au niveau politique, au niveau du climat de perception commune, nous avons des résultats très positifs mais aussi parce que des initiatives pratiques commencent, des initiatives vitales pour la région, des initiatives pouvant être financées et sélectionnées.
Je vous remercie.
JOURNALISTE : Nikos Roumpos, agence de presse athénienne et macédonienne. En 2003, il y avait certaines espérances. La situation d’aujourd’hui est à la hauteur ou non des espérances ? A quel stade nous nous trouvons actuellement ? Pourrons-nous considérer la situation dans un avenir plus lointain ? Qu’est-ce qu’on entend par perspective euro-atlantique ?
E. VENIZELOS : Depuis 2003 à ce jour, 11 ans se sont écoulés. Nous avons dans notre région un nouveau membre de l’Union européenne, la Croatie. Dans notre région nous avons également un pays, l’Albanie qui est déjà membre de l’OTAN, tout comme la Croatie, et nous espérons que le statut de pays candidat à l’adhésion lui sera octroyé d’ici à la fin de la Présidence hellénique, à savoir jusqu’à la fin de juin.
Dans notre région nous avons eu l’occasion et le plaisir de présider la première Conférence intergouvernementale entre l’Union européenne et la Serbie en janvier, au début de la Présidence hellénique, en vue de marquer le début du processus de négociation de la Serbie.
Nous avons un pays, le Monténégro, qui a effectué beaucoup de progrès au niveau de l’examen des chapitres dans le cadre du processus d’adhésion et a des ambitions liées à l’adhésion à l’OTAN clairement définies.
Nous avons encore certains problèmes que nous espérons régler dans le cadre connu que nous répétons chaque fois.
En outre, il est très important d’appliquer ce qui a été convenu lors du dernier Conseil des Affaires étrangères sur la Bosnie-Herzégovine. Il est très important de contribuer à la stabilisation de la situation et par stabilisation je n’entends pas seulement le règlement des problèmes ethniques ou constitutionnels, mais je me réfère au règlement des problèmes sociaux et économiques de ce pays.
En outre, il est très important de répéter que pendant ladite période le dialogue entre Belgrade et Pristina a été lancé. Le lancement de ce dialogue est très important pour les relations entre la Serbie et le Kosovo et, par conséquent, il y a de nombreuses évolutions positives à retenir.
JOURNALISTE : Dionysis Botonis, NERIT. Monsieur le vice-Premier ministre, concernant l’Ukraine, vous avez dit que vous aviez abordé toutes les évolutions dramatiques. Après les déclarations de Poutine, mais aussi de Steinmeier, voyez-vous une désescalade des tensions dans la région ? Dans quelle mesure êtes-vous optimiste à l’égard de ce processus ? Est-ce qu’il y a des canaux de communication à travers lesquels toutes les parties pourront contribuer à la stabilité dans la région ?
E. VENIZELOS : Permettez-moi de dire que monsieur Steinmeier a dit dans ses dernières déclarations ce que j’avais affirmé hier et que nous avions affirmé avec mes homologues de Bulgarie et de Roumanie, à savoir les déclarations du Président Poutine à l’issue de sa rencontre avec le Président suisse qui préside l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, constituaient une évolution positive, un pas vers la désescalade, à condition, bien évidemment, qu’une suite soit donnée à cette évolution.
La désescalade est nécessaire, nous avons besoin de la stabilisation en Ukraine, en vue de prévenir l’escalade vers une guerre civile. Nous avons besoin d’une solution qui sera axée sur le sentiment de sécurité de tous les citoyens de l’Ukraine, une solution qui sera participative, inclusive et portera sur tous les groupes politiques et sociaux, toutes les régions, tous les groupes ethniques, toutes les expressions linguistiques.
Pour nous, il existe toujours un intérêt marqué à l’égard de la communauté d’origine grecque. Nous avons des contacts quotidiens, étroits avec les associations, avec la Fédération, à travers notre ambassade et les deux Consulats généraux à Marioupol et à Odessa et nous sommes prêts à fournir toute l’aide possible.
L’essentiel est dans les régions où habite et travaille notre communauté d’établir la sécurité, la stabilité car personne ne veut être confronté à une crise permanente qui paralyse l’économie. Et le grand problème demeure toujours d’assurer aux citoyens ordinaires une qualité de vie minimale et des perspectives de prospérité.
MODERATEUR : Question suivante s’il vous plaît.
JOURNALISTE : Qu’avez-vous discuté avec monsieur Poposki lors de votre rencontre hier ? A-t-il été une rencontre substantielle ou plutôt une rencontre de courtoisie ?
E. VΕΝΙΖΕLΟS : Avec monsieur Poposki nous n’avons pas eu une rencontre privée cette fois. Nous nous sommes rencontrés pour la dernière fois à Athènes, en marge de la réunion informelle du Conseil des Affaires étrangères. Nous avons fait une brève référence au résultat électoral.
Les représentants des deux pays se sont entretenus avant-hier à New York, au siège de l’ONU, avec M. Nimetz. Nous pensons que c’est la procédure appropriée à suivre car celle-ci est conforme aux résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. J’ai eu l’occasion de discuter de cette question également avec M. Gruevski lors de ma visite relativement récente à Skopje.
Les positions grecques sont connues, elles sont constructives et font preuve de notre bonne foi et nous attendons la réaction de la part de l’autre partie. Toutefois, nous faisons la distinction entre le rôle de la Présidence du Conseil de l’Union européenne et celui des positions du gouvernement grec.
En tant que présidence nous invoquons les dernières Conclusions du Conseil européen et du Conseil des Affaires générales de 2013. Conformément à ces Conclusions on s’attend à des pas précis, tangibles de la part du pays voisin, en mettant l’accent sur deux questions : l’application de l’Accord d’Ohrid qui règle les questions internationales. Et l’application de l’accord du 31 mars 2013 qui règle les relations entre le gouvernement et l’opposition.
MODERATEUR: Question suivante s’il vous plaît.
JOURNALISTE : Stavros Tzimas, journal Kathimerini. D’après ce que j’ai compris, monsieur le Président, aucun nouveau délai n’a été fixé pour ce qui est du parachèvement du processus d’adhésion des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne. Et je dis cela car en 2003 on avait fixé comme délai l’année 2014. Si j’ai bien compris, il n’existe aucun délai. Vous avez dit que vous suivez de près l’état d’avancement pour ce qui est du respect des critères définis par l’Union européenne. Est-ce que dans le cadre dudit processus, pensez-vous qu’il y a des problèmes de nature nationaliste dans nombreux de ces pays et si tel est le cas, pensez-vous que cela entrave le parcours vers l’Union européenne ?
E. VENIZELOS : Tout d’abord, il n’y a jamais eu de calendrier unique, ni il existe actuellement. Chaque pays suit son propre calendrier et chaque pays est jugé sur la base de ses performances individuelles. Les pays des Balkans occidentaux se trouvent, vis-à-vis de l’Union européenne et vis-à-vis de l’OTAN, à un stade de rapprochement différent.
Par exemple, depuis 2005, avec le consentement de la Grèce, le statut de pays candidat a été octroyé à l’ARYM, mais les négociations n’ont pas encore commencé. Les négociations avec le Monténégro ont commencé et de nombreux chapitres ont été d’ores et déjà examinés. La Serbie a le statut de pays candidat et maintenant la Réunion intergouvernementale a marqué le début des négociations. L’Albanie est membre de l’OTAN, mais elle n’a pas encore reçu le statut de pays candidat à l’Union européenne. Et, bien évidemment, la Croatie est devenue membre de l’OTAN et de l’Union européenne et la Bosnie-Herzégovine doit faire face à des problèmes d’importance vitale qui préoccupent vivement l’Union européenne et la communauté internationale en général.
Par conséquent chaque pays a ses propres problèmes, dans de nombreux pays il y a des problèmes liés à l’Etat de droit, à la transparence, à la justice, à la protection des médias, et en général au respect des droits fondamentaux, nous avons souvent des problèmes relatifs à l’acceptation d’autres critères de Copenhague, tels que la discussion engagée sur l’application de la décision Sejdić & Finci en Bosnie-Herzégovine. Et vous comprenez que notre objectif est d’essayer de faire face à ces problèmes de la manière la plus productive et précise possible.
Les phénomènes nationalistes sont omniprésents malheureusement, non seulement dans les Balkans occidentaux, mais aussi dans le Voisinage oriental, dans le Voisinage sud, au sein de l’Union européenne elle-même.
Et j’entends par phénomènes nationalistes non seulement ceux à caractère typique, mais aussi ceux à caractère économique, ce qui est extrêmement négatif et contreproductif pour le processus de l’intégration européenne.
May 9, 2014