Conférence de presse tenue par le ministre délégué aux Affaires étrangères, G. Katrougalos, à l’issue des travaux de la 4ème Réunion ministérielle entre la Grèce, l’Albanie, la Bulgarie et l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (Thessalonique, 23 n

Conférence de presse tenue par le ministre délégué aux Affaires étrangères, G. Katrougalos, à l’issue des travaux de la 4ème Réunion ministérielle entre la Grèce, l’Albanie, la Bulgarie et l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (Thessalonique, 23 novembre 2018)G. KATROUGALOS : Je voudrais que vous gardiez à l’esprit que Thessalonique est en train de devenir un centre d’exercice de diplomatie dans toute la région des Balkans. Nous avions eu la Réunion au sommet (Thessaloniki Summit) il y a quelques jours, à laquelle a également participé le Premier ministre de la Bulgarie, M. Borisov, sommet qui a porté sur des questions économiques de la région.

Aujourd’hui, nous avons eu la 4ème réunion interministérielle à laquelle participent les ministres de la Bulgarie, de l’Albanie et de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine.

Dans le passé, l’accent était plutôt mis, au-delà des questions relevant de la politique de coopération et des perspectives d’adhésion de ces pays à l’Union européenne, sur des questions relevant de la compétence des ministères de l’Intérieur et de la Protection du citoyen, tant pour lutter contre l’immigration et contre le crime organisé et la corruption, qu’en matière d’infrastructures, notamment dans le domaine de l’énergie et des transports.

Justement parce que nous voulons que cette initiative ait de la profondeur et de la continuité nous avons assuré d’une part la tenue tous les six mois de la réunion ministérielle et d’autre part son extension à des questions relevant de l’économie, des questions qui à mon avis constituent un champ favorable pour notre pays aussi, qui est le plus ancien membre de l’Union européenne dans la région, avec une économie qui, en dépit de la crise, continue d’être particulièrement dynamique et présente dans les pays voisins. Mais la mise en place aussi d’un espace économique européen dans notre région et le règlement de toutes les questions demeurées en suspens sont dans l’intérêt commun de  tous les pays des Balkans.

Nous avons tenu deux réunions parallèles après la séance plénière initiale lors de laquelle M. Pitsiorlas, ministre délégué à l’Economie et au Développement a présenté le plan économique de notre pays. Nous avons par la suite tenu une réunion portant sur une discussion au niveau des ministres des Affaires étrangères et une réunion parallèle au niveau des ministres de l’Economie.

Je voudrais vous annoncer qu’a été confirmée la volonté de la Bulgarie et de la Grèce de promouvoir le projet qui a été lancé depuis la réunion au sommet de l’Union européenne à Thessalonique en 2003, à savoir la perspective d’adhésion d’autres pays de notre région à l’Union européenne, à la condition bien évidente que ces pays respectent l’acquis communautaire, les critères et modalités nécessaires que tout pays candidat à l’adhésion doit remplir afin qu’il puisse adhérer à la communauté de nos nations.

Un débat détaillé a été engagé sur la question de savoir dans quelle mesure cela était possible vu que l’Union européenne elle-même semble  avoir perdu son impulsion et il existe souvent un manque de confiance à l’égard de ses institutions ainsi qu’au niveau de sa représentation.

Notre point de vue en tant que Grèce est que ces deux choses doivent être faites parallèlement : l’Europe doit confirmer de nouveau son attachement aux principes qui déterminent l’âme de la civilisation juridique et politique européenne, les sociétés ouvertes, les droits civils, les droits individuels et les droits sociaux  pour l’Etat-providence.

Et le fait que l’on ne doit pas considérer comme étant incompatibles les objectifs de confirmer cet attachement à travers les élections européennes imminentes, de renforcer notre uniformité et d’essayer dans le même temps de promouvoir l’adhésion à l’UE d’autres pays aussi de la région.

Ces efforts visant à approfondir notre coopération politique et économique se poursuivront, à travers les contacts bilatéraux que j’aurai par la suite.

S. PITSIORLAS : La conclusion finale dégagée par les discussions concernant des questions relatives à l’économie est la suivante : un débat est en cours avec tous les pays voisins sur les grandes questions de la coopération économique dans le domaine des réseaux énergétiques, routiers, ferroviaires et numérique ainsi que dans de l’inter-connectivité des ports. S’agissant de tous ces projets, les ministères compétents ont procédé à l’établissement de partenariats.

Aujourd’hui ont été discutées de nombreuses questions portant sur le marché, mais finalement la conclusion de toutes ces discussions engagées à ce jour a été qu’il était nécessaire d’élaborer un plan d’action dans le domaine de la coopération économique pour les années à venir, lequel comprendra toutes ces questions.

Cela devra tout d’abord être discuté en tant qu’idée par tous les ministres de l’Economie des pays voisins et effectuer le travail de préparation nécessaire. Ce travail de préparation sera, de notre côté, accompli par le Secrétariat général des Relations économiques internationales du ministère des Affaires étrangères, nous enverrons un certain plan à nos voisins dans le but d’organiser à un certain moment une réunion qui après un travail de préparation aboutira à ce plan d’action.

Aucune décision n’a été prise, nous sommes tout simplement convenus de suivre le processus en vue d’explorer cette éventualité et prendre une décision par la suite. Si ce projet avance de manière positive, je pense qu’un pas très important aura été entrepris vers la coopération économique dans la région.

JOURNALISTE : Monsieur Katrougalos, lors de vos entretiens, l’accord de Prespès a-t-il été évoqué avec le pays voisin ? Et si oui, qu’est-ce qui a été dit exactement, avez-vous des informations concernant l’état d’avancement de l’accord avec le pays voisin ?

G. KATROUGALOS : Comme partout en Europe, l’accord de Prespès est considéré comme étant un accord très important qui vient régler un différend demeuré en suspens depuis des décennies, alors qu’il aurait pu être réglé depuis les années 90’. Au sein donc de l’Union européenne est reconnu le courage particulier dont ont fait preuve les dirigeants des deux pays, les deux Premiers ministres et tout le monde considèrent cet accord comme l’exemple attestant que les différends peuvent être surmontés, notamment dans la région des Balkans qui était pendant des siècles considérée comme la poudrière de l’Europe.

Cela dit, bien évidemment, lors des discussions que nous avons eues hier, des discussions informelles lesquelles seront plus formelles dans le cadre de l’entretien bilatéral avec Nikola Dimitrov, nous évoquerons également des questions portant sur l’application et la ratification de l’accord de Prespès. Comme vous le savez, nous suivons de près la révision constitutionnelle dans le pays voisin et nous voulons que tout ce qui a été convenu dans le cadre de l’accord et de l’esprit de Prespès soit matérialisé dans cette révision et à cet égard nous n’avons aucun doute que tel sera le cas.

JOURNALISTE : Ma question est adressée à M. Pitsiorlas : Pourriez-vous monsieur le ministre nous donner plus de détails concernant cette coopération au niveau des marchés entre les 4 pays ? Y-aura-t-il une mise en réseau des hommes d’affaires, un échange de savoir-faire ? Quoi exactement ? Pourriez-vous nous donner plus de détails ? Merci.

S. PITSIORLAS : Les propositions concrètes que nous avons soumises aujourd’hui portent sur un grand nombre de domaines.

La première est la coopération entre les organisations de tous ces pays qui sont chargées de promouvoir les exportations et d’attirer des investissements. L’idée centrale est que les pays balkaniques, sans être en concurrence les uns avec les autres, puissent coopérer afin de mettre en avant de concert la nécessité des investissements dans la région et de coopérer, dans la mesure du possible, en vue de promouvoir les exportations de tous les produits de la région.

Il existe toutefois une question plus élargie qui concerne toute la Méditerranée, par exemple les produits agricoles ou le tourisme. Toutefois, la région des Balkans aussi a certaines caractéristiques que nous pourrions mettre en avant et entreprendre des initiatives communes.

Permettez-moi de vous donner un exemple : nous avions eu une coopération très réussie les années précédentes avec d’autres pays, avec l’Italie et l’Espagne afin d’obtenir la plus grande part du marché mondial dans le domaine de la croisière.

Nous avons réalisé ces projets de concert et non chaque pays séparément. A notre avis, cette même logique doit prévaloir dans le cas des pays balkaniques.

La deuxième question que nous avons abordée porte sur les registres commerciaux. Il s’agit d’une question très importante car elle facilite la coopération économique, à savoir l’interconnexion des registres commerciaux et la possibilité d’accès par chaque homme d’affaires grec ou bulgare au registre commercial du pays voisin pour voir les données y relatives et avoir une idée sur telle ou telle entreprise. Cela est extrêmement important.

Par exemple, si quelqu’un veut établir une coopération avec une entreprise du pays voisin, il doit savoir si cette entreprise publie des données financières, ses bilans etc. Cet élément aide beaucoup à la coopération.

Et, bien évidemment, nous, en tant que pays, sommes connectés au registre commercial européen – les autres pays n’y sont pas – ce qui donnera aux autres pays la possibilité d’avoir à travers nous accès au registre européen.

La troisième question majeure est le contrôle du marché. Cela concerne de nombreuses parties, la qualité des produits, leur certification. Cela porte sur la question majeure du commerce illégal qui, en tant que pays, nous intéresse beaucoup. Nous avons entamé une discussion bilatérale avec la Bulgarie dans un premier temps, concernant les modalités qui nous permettront de coopérer pour lutter contre le commerce illégal et nous pensons que cette approche doit être également appliquée au niveau du partenariat entre les quatre pays.

Il y a également la question relative à la coopération entre les marchés centraux de ces pays. Il est par exemple très important que le marché de Thessalonique ait une coopération organisée avec les marchés à Skopje, à Sofia et à Tirana. Cela aidera également beaucoup au commerce et à l’échange des produits.

La protection du consommateur revêt également une grande importance car elle porte sur des normes de qualité, des certifications et si l’on réussit à coopérer dans ces domaines, cela sera en faveur des produits grecs et pas seulement. Nous pouvons dans ce domaine mettre à la disposition d’autres pays notre savoir –faire  et les aider à s’adapter aux données européennes.

En outre, dans les domaines des nouvelles technologies et de l’innovation, il faut établir des partenariats entre universités et entreprises, certains pas ont été entrepris dans ce sens, mais il faut les systématiser.

Si maintenant on établit un lien entre ce dont je vous parle et ce dont on discute concernant les grands investissements auxquels je me suis tout à l’heure référé, on verra qu’il s’agit d’un grand paquet. Il est très important de pouvoir rassembler toutes ces questions dans un plan d’action et fixer des échéances pour leur mise en œuvre.

Enfin, nous avons expliqué pour notre part que vu que l’accord de Prespès occupe actuellement le devant de la scène internationale, c’est maintenant l’occasion de mettre en avant les caractéristiques de la région, les changements qui s’opèrent dans les relations entre les pays et les possibilités de développement de la coopération économique dans les domaines où il y avait des antagonismes de tout genre.

JOURNALISTE : Permettez-moi d’insister sur l’accord de Prespès mais je vois que les deux ministres se réfèrent souvent à cet accord.

Est-ce qu’il est vrai monsieur le ministre – je me réfère à M. Katrougalos – que la partie grecque a d’ores et déjà exprimé ses objections quant aux changements constitutionnels que l’Ancienne République yougoslave de Macédoine envisage de faire et que certains points ne sont pas conformes au texte de l’accord ? Merci.

G. KATROUGALOS : Comme je l’ai tout à l’heure dit, nous suivons la façon dont l’accord est mis en œuvre, car nous avons une coopération étroite avec le ministère des Affaires étrangères de l’ARYM.  Les deux parties veulent respecter l’esprit et la lettre de l’accord de Prespès et je n’ai aucun doute à cet égard.

Des efforts sont consentis dans tous les pays pour la révision des manuels scolaires afin que, pour utiliser l’expression de mon prédécesseur Nikos Kotzias, « l’histoire soit une école et non une prison » pour nous tous.

Je considère que ces deux réunions sont particulièrement utiles à ces deux niveaux dont je vous ai parlé, au niveau européen et bilatéral mais il est important aussi que Thessalonique – ce qui est un avantage collatéral – devienne d’une certaine manière le centre des Balkans à travers l’organisation systématique de ces initiatives.

JOURNALISTE : (hors micro)

G. KATROUGALOS : Non, ce sont des efforts parallèles, ils ne concernent pas exclusivement notre pays. Les  autres pays aussi ont conclu des accords bilatéraux pour réviser leurs manuels scolaires. C’est une initiative qui n’a pas été suffisamment abordée. Elle a été simplement évoquée dans le cadre de cet effort pour instaurer un dialogue pas seulement au niveau des Etats mais aussi au niveau des sociétés.

JOURNALISTE : (hors micro)

G. KATROUGALOS : Non, parce que cette question n’a pas fait l’objet de cet entretien.

S. PITSIORLAS : La Grèce et la Bulgarie sont des membres de l’Union européenne, il y a aussi deux pays qui veulent adhérer à cette dernière. Outre cela, nous pouvons aider ces pays à travers le savoir-faire dont nous disposons, dans tous les domaines de la construction européenne et cela revêt une grande importance pour notre économie.

Si nous pensons à notre propre expérience, nous constaterons que nous avons reçu dans plusieurs domaines l’aide des pays européens et des organisations et entreprises européennes tout au long de notre processus d’adaptation.

Les pays balkaniques qui sont  membres de l’Union européenne peuvent jouer ce rôle pour aider les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne. C’est-à-dire il n’est pas nécessaire que les Français ou les Allemands leur apportent de l’aide en matière d’ajustement. Nous pourrions nous –mêmes le faire. Il s’agit d’un gros chapitre.

La mise en avant dans nos relations mutuelles de la nécessité d’assurer le respect de l’acquis communautaire de la part de tous et de la nécessité de la coopération économique, aide tant la région et avant tout l’économie grecque et la présence grecque dans toute la région.

November 23, 2018