Déclaration du ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, à l’issue de sa rencontre avec la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha González Laya (Athènes, 28.07.2020)

 Déclaration du ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, à l’issue de sa rencontre avec la ministre espagnole des Affaires étrangères,  Arancha González Laya (Athènes, 28.07.2020)Ν. DENDIAS : C’est avec un plaisir particulier que j’accueille aujourd’hui  à Athènes, la ministre des Affaires étrangères de l’Espagne, Arancha González Laya.

Lors de ma visite à Madrid en février, la première chose dont nous sommes convenus était d’intensifier nos échanges.

Bien évidemment, après les cinq mois qui se sont écoulés, le monde n’est plus ce qu’il était auparavant.

Nous avons été confrontés  à la pandémie que nous savons tous et, comme vous vous en souviendrez peut-être, pendant ces temps gris du mois d’avril, nous avions organisé ici au ministère une cérémonie sobre pour exprimer notre soutien et notre solidarité avec nos amis espagnols.

Dans ce même esprit, j’ai fait connaître à ma chère amie, la ministre des Affaires étrangères, la décision du gouvernement grec de faire un don symbolique en argent pour la lutte contre le coronavirus. Cette somme d’argent sera allouée là où nous indiquera le gouvernement espagnol.

Nous avons également discuté des questions d’actualité de l’Union européenne, tout comme de la récente décision du Conseil concernant le renforcement des économies nationales qui ont été affectées et continuent d’être durement affectées par l’épidémie.

Nous avons discuté des questions ayant trait  à notre mer, la Méditerranée, qui  contribue à notre rapprochement.

Nous avons évoqué la question migratoire et sommes convenus de coordonner nos actions dans le cadre du nouvel accord  sur l’asile et l’immigration. Il s’agit d’une question cruciale pour nous qui sommes des pays qui se trouvent aux premières loges, ce qui requiert notre attention absolue ainsi qu’une très bonne coordination.

Nous avons parlé de la situation en Libye et de la nécessité pour l’Union européenne de jouer un rôle actif dans ce domaine.
Nous avons débattu des violations persistantes de l’embargo sur les armes ce qui a entraîné l’escalade des hostilités. 
Il est très important, comme l’affirme aussi le Haut représentant, M. Borrell, que nous soutenions tous de manière tangible l’opération IRINI. Le succès de cette opération sera l’imposition de l’embargo, autrement dit l’interdiction de l’importation d’armes et de combattants djihadistes en Libye. Il s’agit d’un pas nécessaire pour instaurer de nouveau la paix dans ce pays.

Notre échec en Libye, la transformation de la Libye en « failed state » serait un grand problème pour l’Union européenne. Un problème affectant le point faible de l’Europe.
Comme vous le savez, mesdames et messieurs, ma collègue est venue aujourd’hui ici à Athènes, en provenance de la Turquie où elle s’est entretenue hier avec notre homologue turc.

J’aimerais être d’emblée très clair. Je ne profiterai pas de cette rencontre pour suivre l’exemple de la partie turque et emprunter la pente glissante des insultes proférées contre une nation.

Nous respectons la nation turque, tout comme nous respectons toutes les nations sur terre. Nous condamnons toutefois fermement les politiques du gouvernement turc, comme le fait d’ailleurs toute l’Europe. Une Europe abasourdie qui voit un imam reconquérir à l’aide d’une épée néo-ottomane, un musée, Sainte-Sophie, qui a été fondé par le fondateur lui-même de la Turquie contemporaine.

La Turquie viole un symbole contemporain du dialogue interculturel pour le transformer, inutilement, à une mosquée. Elle nous donne l’impression qu’elle retourne au 15e et 16e siècle.

L’Europe ne condamne pas seulement les politiques néo-expansionnistes de la Turquie aux dépens de tous ses voisins, mais aussi toutes les actions qui sapent la paix et la stabilité en Méditerranée orientale.

La Grèce et l’Espagne se trouvent chacune dans de différentes régions de la Méditerranée, mais nous avons la même perception des choses : respect des règles internationales, respect des relations de bon voisinage et la volonté de régler nos différends  par le biais du dialogue et dans un esprit de bonne foi.
Car, tout cela fait partie de l’acquis communautaire.

Et j’aimerais réitérer que la Grèce est toujours prête à engager un dialogue avec la Turquie. Un dialogue qui ne sera pas toutefois tenu sous la pression de menaces, d’insultes et de tentatives visant  à créer des faits accomplis.

Lors du dernier Conseil, les ministres des Affaires étrangères ont demandé aux services de l’Union européenne l’élaboration d’un texte comportant de différents choix quant aux sanctions sévères qui seraient imposées contre la Turquie si cette dernière persévère dans son comportement illégal et dangereux pour la paix et la stabilité dans  la région.

C’est un choix qui doit être mis sur la table des négociations européenne, dans l’espoir justement qu’on ne sera jamais amené à y recourir.

Néanmoins, si la Turquie choisit de négliger les règles du droit international, elle doit comprendre bien quelles sont ses limites et l’Europe doit être unie lorsque sa souveraineté et ses droits souverains sont violés, lorsque la souveraineté et les droits souverains d’un Etat membre quel qu’il soit de celle-ci sont violés, comme dans le cas de la Grèce et de Chypre. Lorsque la paix est compromise en Europe du 21e siècle. Car, mesdames et messieurs, l’Union européenne en fin de compte, a été fondée justement pour cette raison : pour sauvegarder la paix en Europe. Par ailleurs,  la sauvegarde de la paix pendant les trois tiers d’un siècle, depuis plus de 75 ans, est le grand exploit de l’Union européenne.

Nous ne cesserons jamais d’inviter la Turquie et la société turque à participer  à cet exploit, en laissant derrière elles les épées ottomanes et les discours délirants néo-ottomans.

Cher Arancha, bienvenue à Athènes.

JOURNALISTE : Je voudrais adresser une question à chaque ministre. Premièrement, à la ministre des Affaires étrangères de l’Espagne : quelles sont vos impressions de votre rencontre d’hier et de vos entretiens en Turquie pour ce qui est des provocations de cette dernière en Méditerranée orientale ? Est-ce que la Turquie est consciente de la nécessité de respecter le droit international et des conséquences qu’entraîne le non-respect de celui-ci ?

En outre, si vous me le permettez, une deuxième partie dans le cadre de la même  question : Que pensez-vous de la réaction de votre homologue turque à l’affirmation que Sainte-Sophie est la maison commune de la civilisation et des religions ?

Et une question adressée à M. Dendias : Que pensez-vous de l’annonce faite par la Turquie concernant le gel des opérations de recherche ? Merci.
[…]

Ν. DENDIAS : Je vous remercie de votre question. Je veux être franc avec vous. La prise de position du porte-parole de la présidence de la Turquie est pour nous une évolution positive. Le gouvernement grec affirmait et affirme toujours que la condition nécessaire au dialogue – comme l’a tout à l’heure affirmé ma collègue espagnole aussi  si vous l’avez remarqué – est la désescalade tangible des tensions de la part de la Turquie. Nous pensons que cela est dans l’intérêt de la Turquie aussi et de sa société. Toutefois, puisque le mot « dialogue » comporte de différentes connotations, selon la perception de chacun, je voudrais à cet égard aussi être très franc avec vous. Pour nous, notre différend avec la Turquie porte sur la question du plateau continental en Egée et en Méditerranée orientale et dans les zones maritimes sus-jacentes.  Tel est le différend que nous avons avec le pays voisin, la Turquie.

Je vous remercie.

July 29, 2020