Cher Sergei, merci beaucoup pour l'invitation.
Je l'apprécie beaucoup, vu surtout les circonstances difficiles actuelles.
Notre objectif à tous est de maintenir la paix, la sécurité et la stabilité en Europe.
Avant de parler de la sécurité en Europe, permettez-moi de dire quelques mots sur les liens historiques entre nos pays.
Je voudrais tout d'abord souligner qu'il y a quelques jours, c'était l'anniversaire d'un de vos éminents prédécesseurs, premier gouverneur de la Grèce, Ioannis Kapodistrias.
Et nous n'oublions pas la contribution décisive de la Russie à l'indépendance de la Grèce, le fait que nous avons combattu dans le même camp contre le nazisme et que nous avons payé un lourd tribut de sang dans cette bataille pour la liberté. La Grèce a perdu environ un million de vies humaines pendant la Seconde Guerre mondiale, soit un pourcentage énorme de sa population.
Aujourd'hui, nous nous sommes penchés sur la promotion des liens entre la Grèce et la Russie, suite à la rencontre entre le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis et le Président Poutine en décembre dernier. Ainsi que sur l'adoption du plan d'action conjoint pour la période 2022-24.
Nous avons souligné la nécessité de coopérer dans un certain nombre de domaines importants, tels que l'énergie, le tourisme et la lutte contre la pandémie.
J'ai eu l'occasion de demander à la partie russe d’organiser des vols affrétés à destination de la Grèce en été.
Nous sommes également convenus de poursuivre nos contacts et notre dialogue politique à tous les niveaux, notamment sur les développements internationaux et la sécurité en Europe.
La politique étrangère de la Grèce, comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, est fondée sur les principes et les valeurs fondamentaux sauvegardés par la Charte des Nations unies.
Le respect du droit international, y compris le droit de la mer.
L'interdiction de l'usage ou de la menace de l'usage de la force contre l'intégrité territoriale et l'indépendance de tout État.
Le respect de la souveraineté nationale.
La protection des droits de l'homme.
Et, bien sûr, le respect des engagements que chaque pays a pris.
À commencer par la Charte des Nations unies, l'Acte final d'Helsinki, la Charte de Paris de 1990, la Charte de sécurité européenne de 1999 et d'autres textes pertinents.
Ces textes constituent les principes fondamentaux de la sécurité européenne.
Et pour nous, Grecs, ces principes sont aussi des principes universels. La Grèce les respecte et les défend.
La Grèce, également en tant qu'État membre de l'Union européenne, en tant qu'État membre de l'OTAN, en tant qu'État membre de l'OSCE, respecte et met en œuvre tous ses engagements conventionnels.
Je souligne l'unité de l'Union européenne et la contribution de la Grèce à celle-ci.
Et l'on sait très bien à quelle alliance la Grèce appartient depuis 70 ans.
Mais cela n'a pas empêché le renforcement de nos liens bilatéraux avec la Russie.
Dans quelques mois, 20 ans se seront écoulés depuis la création du Conseil OTAN-Russie, un organe où les consultations se font sur un pied d'égalité.
La Grèce a toujours été et demeure favorable à un dialogue ouvert et franc avec la Russie au sein de toutes les enceintes de coopération bilatérale et multilatérale, afin d'aborder toutes les approches différentes et de fournir des garanties appropriées pour la paix et la sécurité.
Nous écoutons attentivement les préoccupations de la Russie concernant sa sécurité.
Nous tenons également compte des préoccupations des autres pays européens.
Nous pensons que les questions relatives à l'architecture européenne de sécurité doivent être abordées sur la base d'un dialogue mené conformément aux termes et aux règles du droit international.
Dans ce contexte, nous avons discuté de la situation en Ukraine et j'ai eu l'occasion de souligner trois questions importantes.
Tout d'abord, la nécessité d'une désescalade immédiate.
Deuxièmement, que nous, la Grèce, soutenons pleinement la mise en œuvre des accords de Minsk, Minsk I et Minsk II, par toutes les parties.
Et troisièmement, et c'est particulièrement important pour la Grèce, j'ai fait référence à la communauté grecque, notamment en Ukraine, dans la grande région de Marioupol, près de la ligne de contact.
Une communauté de la diaspora grecque, que j'ai eu l'occasion de rencontrer il y a deux semaines lors de ma visite.
Et je tiens à dire que le gouvernement Mitsotakis s'engage à faire tout ce qu'il faut pour protéger les membres de la communauté grecque qui sont dans ces lieux depuis de très nombreux siècles.
Comme nous l'avons affirmé par le passé, un conflit en Ukraine n'aura pas de vainqueur.
Comme l'a dit le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, nous serons tous perdants.
Enfin, nous avons eu l'occasion aujourd'hui d'examiner les développements plus larges dans la région de la Méditerranée orientale, dans la mer Égée, la question chypriote, la situation en Syrie, en Libye et dans le Caucase.
En ce qui concerne la mer Égée et la Méditerranée orientale, j'ai informé M. Lavrov du comportement déstabilisateur et agressif continu de la Turquie.
Je lui ai dit que la Turquie, profitant apparemment du fait que l'attention internationale est concentrée ailleurs, fait des réclamations non fondées et illégales contre la souveraineté grecque.
Et aussi que, comme dans ce cas, la Grèce suit sa politique immuable. Elle est favorable à un dialogue constructif, mais uniquement dans le respect du droit international et du droit international de la mer.
Elle déclare cependant qu'elle défendra sa souveraineté, ses droits souverains et sa dignité nationale contre toute menace.
Monsieur le Ministre, cher Sergei, je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion d'être à Moscou aujourd'hui.
JOURNALISTE : Nous avons assisté ces derniers temps à cette nouvelle obsession turque, on pourrait l'appeler ainsi, qui consiste en la contestation de la part d’Ankara de la souveraineté grecque même sur de grandes îles de la mer Égée orientale, en invoquant en plus, si vous voulez, le fait qu'elles sont militarisées. Quels sont les arguments grecs contre cette position turque ?
N. DENDIAS : Je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer quelque chose qui me semble évident et que j'ai eu l'occasion d'exposer clairement à Oslo avant-hier. La Turquie maintient une armée complète, l'armée égéenne, et la plus grande flotte de débarquement d'Europe, en face des îles grecques. La Turquie a également émis un casus belli, une menace de guerre. C'est le seul pays de la planète à avoir proféré une menace de guerre à l'encontre d'un autre pays, la Grèce, si celle-ci exerçait ses droits en vertu du droit de la mer. À savoir l'UNCLOS, la Convention internationale sur le droit de la mer, qui a été signée par 168 parties, dont, bien évidemment, puisque nous sommes ici aujourd'hui, la Russie.
Au vu de ces éléments, je pense que les accusations turques sont totalement fallacieuses. Et puisque je me trouve ici à Moscou, Monsieur Lavrov, permettez-moi de faire une observation. L'accord sur la démilitarisation du Dodécanèse ne concernait pas la Turquie, mais l'inquiétude de l'Union soviétique de l'époque. La démilitarisation a ensuite été convenue en sa faveur, dans un traité dans lequel la Turquie n'avait aucune place, elle ne l'a pas signé et n'en tire donc pas le moindre droit. En dehors néanmoins de tout le reste. Merci beaucoup.
JOURNALISTE : [Question en russe]
N. DENDIAS : Je vais être honnête avec vous, j'aimerais beaucoup que les discussions sur la question chypriote reprennent. Mais dans quel cadre ? Dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est le cadre dans lequel nous procédons, c'est le cadre de la résolution de la question chypriote, la fédération bizonale, bicommunautaire, et nous ne pouvons et ne devons pas nous y écarter.
Malheureusement, la partie chypriote turque et la Turquie exigent la reconnaissance de l'entité chypriote turque de la partie nord de Chypre comme entité indépendante avant la reprise des négociations. C'est absolument inacceptable, c'est absolument illégal en termes de droit international, et je m’attends donc à ce que la Turquie et les Chypriotes turcs changent d'attitude avant d'exprimer mon optimisme quant à la reprise des pourparlers sur Chypre. Par ailleurs, ce que vous me demandez concerne également la partie russe, car, comme vous le savez, la Russie est l'un des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, aux résolutions duquel je me suis référé. Merci beaucoup.
JOURNALISTE : Et une question au ministre grec des Affaires étrangères, M. Dendias. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les préoccupations légitimes d'Athènes quant au sort de la diaspora grecque de part et d'autre de la ligne de démarcation, à Marioupol mais aussi dans le Donbass, notamment après le dernier incident tragique de Granitne. Lors de vos discussions avec votre homologue russe, y a-t-il eu un accord du côté russe ? Vous quittez Moscou tout en étant moins préoccupé à cet égard ?
N. DENDIAS : Sur la question de la diaspora grecque, je voudrais vous dire, je l'ai déjà dit, que je leur ai rendu visite il y a deux semaines. Et je voudrais aussi réitérer l'engagement du gouvernement Mitsotakis à faire tout son possible pour les protéger. Dans ce contexte, il est donc particulièrement important pour nous de communiquer, de la manière la plus formelle, notre intérêt à la partie russe, à M. Lavrov. Et je pense que la réponse que j'ai reçue est une réponse dans une direction positive. Vous l'aurez également remarqué dans les déclarations [de M. Lavrov].
February 18, 2022