Déclaration du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’issue de sa rencontre avec le ministre fédéral autrichien de l’Europe et des Affaires étrangères, A. Schallenberg (Athènes, 03.03.2020)

Déclaration du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’issue de sa rencontre avec le ministre fédéral autrichien de l’Europe et des Affaires étrangères, A. Schallenberg (Athènes, 03.03.2020)J’ai eu la joie d’accueillir aujourd’hui, Alexander Schallenberg, le ministre autrichien de l’Europe et des Affaires étrangères.

Nos entretiens ont porté sur la crise en cours aux frontières maritimes et terrestres de la Grèce et de l’Europe, crise provoquée sur décision des responsables turcs.

A l’heure actuelle, la Grèce défend les frontières de l’Europe.

Manifestement non pas contre les milliers de personnes malheureuses qui sont tombées victimes d’une manipulation organisée, inhumaine et absolument condamnable, mais contre la décision – d’un cynisme inédit – des responsables turcs d’utiliser ces personnes comme des pions pour exercer des pressions diplomatiques sans précédent sur l’Europe.

Des pressions allant jusqu’à utiliser des enfants mineurs comme fer de lance.

Nonobstant les assurances répétées de mon homologue turc que la Turquie respecte ses engagements découlant de la Déclaration conjointe de 2016, Ankara la viole sans scrupules, non seulement en proclamant haut et fort que ses frontières sont ouvertes, mais aussi en facilitant des milliers de personnes peu méfiantes à se rendre à nos frontières terrestres ou maritimes.

Par conséquent, l’auteur de l’instrumentalisation du drame de ces personnes est bien connu.

Il s’agit d’une menace asymétrique pour l’Europe, une menace qui a été organisée et renforcée en théorie et en pratique par la Turquie au moyen de manœuvres précises, consistant à fabriquer et à diffuser des fausses nouvelles et à inciter les migrants à se rendre aux frontières grecques et européennes.

Nous aurons l’occasion de discuter avec nos homologues au Conseil extraordinaire des Affaires étrangères qui se tiendra vendredi sur la question de savoir comment y faire face de manière collective. J’ai d’ores et déjà informé par téléphone tous mes homologues européens, tandis qu’il y a peu s’est achevée la séance d’information des ambassadeurs de l’UE et des ambassadeurs des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, se trouve en ce moment dans la région d’Evros avec les Présidents de la Commission, Ursula von der Leyen, du Conseil européen, Charles Michel, du Parlement européen, David Sassoli et le Premier ministre de la Croatie, Andrej Plenkovic.

Et cela est déjà une marque forte de solidarité et de soutien de la part des trois institutions européennes.

Nous attendons le même soutien et la prise de responsabilités collective de la part de tous les Etats membres de l’UE, sans exception. La solidarité européenne doit aller au-delà de la théorie.

Avec mon homologue – à qui j’ai transmis les remerciements du gouvernement grec pour le fait que l’Autriche se dise prête à intervenir pour contribuer à la lutte contre la crise – nous avons également abordé la situation en Méditerranée orientale.

Là encore, l’attitude de la Turquie, qui recourt aux manœuvres connues de tous, est en règle générale de nature infractionnelle et souvent provocatrice : violation de l’embargo sur les armes en Libye et tentative d’usurpation de nos droits souverains.

Une politique qui met en péril la paix et la stabilité aux frontières sud de l’UE, sapant nos efforts collectifs et attisant certains problèmes comme l’immigration illégale et le terrorisme.

Nous avons également discuté de la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux, au lendemain de la Conférence de Thessalonique et en vue du Conseil européen de Zagreb.

Nous sommes convenus du fait que l’avenir des Balkans occidentaux se trouve au sein de la famille européenne. Leur intégration constitue le gage le plus fort de prospérité et de stabilité en Europe du sud est, constituant un investissement stratégique pour une Europe unie, stable et forte. Bien entendu à la condition que les Etats candidats acceptent le statut existant et s’acquittent de leurs obligations.

Enfin, nous avons passé en revue nos relations bilatérales, qui sont excellentes, et sommes convenus de nous employer sans relâche à les renforcer davantage.

Cher M. Ministre, cher Alexander, bienvenue à Athènes.

JOURNALISTE : Merci, une double question qui est à peu près la même pour les deux ministres. Compte tenu de la situation explosive dans les îles, M. Dendias, avez-vous demandé aux ambassadeurs et à vos homologues la répartition équitable des demandeurs d’asile qui sont bloqués sur les îles ? Et M. Schallenberg, lorsque vous parlez de soutien actif de la Grèce, entendez-vous par là également la répartition équitable des demandeurs d’asile ?

N. DENDIAS : Je vous remercie de votre question. L’objet de notre information aujourd’hui aux ambassadeurs et à mes homologues avec lesquels je me suis entretenu par téléphone, mais aussi pendant ma discussion avec mon collègue, M. Schallenberg, portait sur les problèmes auxquels le pays est confronté et les efforts déployés pour faire face à ce phénomène. Nous ne nous sommes pas étendus aux questions existantes et prévues par le droit européen. Bien entendu, comme vous le savez, l’article 78, paragraphe 3 de la Convention a été invoqué au niveau du Conseil de vendredi, article qui vient répondre à votre question. Mais, en cette conjoncture actuelle, la première question que nous avons abordée avec nos collègues est la lutte contre ce phénomène, dans le cadre duquel est manifestement alimenté et instrumentalisé le malheur de ces personnes qui essaient de gagner les frontières de l’Europe. C’est ce sur quoi ont porté nos discussions.

[…]

JOURNALISTE : Une opinion prévaut de manière générale au sein de l’Union européenne, à savoir que nous ne devons pas succomber au chantage de la Turquie. Mais pensez-vous qu’il existe un moyen de résoudre la question sans la Turquie ? Autrement dit, sans argent à la Turquie et sans un nouvel accord avec la Turquie ? La question s’adresse aux deux ministres.

Ν. DENDIAS : Je vous remercie de votre question. Je vais répondre de la même façon quasiment qu’a répondue mon collègue autrichien. L’Union européenne a décidé d’apporter un soutien généreux à la Turquie et, en réalité, aux migrants et réfugiés qui vivent en Turquie. Un montant de six milliards. Et si les informations que nous détenons de l’Union européenne sont bonnes, ce montant n’a pas été globalement absorbé. Cela étant, tout grief que pourrait avoir la Turquie concernant la façon dont cet argent est mis à disposition, l’instrumentalisation de la douleur humaine pour exercer une pression sur l’Union européenne est totalement inacceptable. Cela constitue une violation des droits humains de ces personnes et de toute convention existante sur la protection de ces droits de l’homme, outre bien entendu l’accord de 2016 conclu entre la Turquie et l’Union européenne. Et je dois rappeler que la Grèce a toujours été en faveur du soutien de ces personnes malheureuses qui vivaient sur le sol turc, en isolant cette question, quel qu’en soit le coût pour le gouvernement, de l’ensemble des autres différends qui nous opposent à la Turquie. Mais la tentative d’instrumentalisation de la douleur humaine, du malheur humain, est totalement inacceptable. Permettez-moi de dire que cela engendre de graves dangers au sein de l’Union européenne, compte tenu de l’incapacité totale qui pourrait être créée s’agissant du contrôle des personnes entrant dans l’espace européen, en violation des obligations contractuelles de la Turquie et vous comprenez à quels dangers je me réfère.

March 3, 2020