Déclarations communes du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Venizélos et de son homologue d’Italie, E. Bonino à l’issue de leur rencontre à Rome


[Traduit à partir de la transcription en langue grecque]

Emma Βonino: Je vous remercie pour votre présence. Notre rencontre avec mon ami, M. Evangelos Vénizélos, a été pour nous l’occasion d’échanger des points de vue ainsi que de confirmer l’excellent niveau de nos relations bilatérales, ce que je tiens à souligner tout particulièrement.
Nos discussions ont été dominées par la préparation des deux présidences de l’UE. Comme vous le savez, la Grèce exercera la présidence au cours du premier semestre, tandis que l’Italie au cours du deuxième semestre de 2014. Et les deux présidences mettront l’accent sur  2014, année de la Méditerranée, qui renferme de nombreuses questions et de nombreux domaines que mon collègue, M. Vénizélos présentera en détail. Nous parlons de la Méditerranée du sud ainsi que de la région adriatique et ionienne, deux régions sur lesquelles a porté notre coopération. Telles sont les questions générales débattues. Les visites échangées seront plus nombreuses en vue de la préparation des deux présidences. A titre d’exemple, le ministre grec de l’Intérieur devrait visiter l’Italie dans les jours à venir en vue de s’entretenir avec son homologue italien, M. Alfano.


E.VENIZELOS : Emma, je te remercie pour cette opportunité qui nous a été donnée de discuter ici à Rome sur notre stratégie commune pour l’année de la Méditerranée. L’année prochaine, en 2014, une chance commune nous est donnée, grâce aux présidences successives, la présidence hellénique et italienne. Notre dénominateur commun est le paramètre méditerranéen de la politique européenne. Notre décision commune et notre intention de prendre des initiatives politiques à la fois intéressantes et importantes pour notre espace géographique et culturel, de la mer méditerranéenne, sur la protection des frontières, la sécurité, l’immigration et bien entendu différentes questions énergétiques.
Le nouveau gazoduc TAP représente un lien géographique entre les deux pays et maintenant, notre prochain projet, notre prochaine ambition est de qualifier la région de l’Adriatique – Ionienne de « supra région » selon les règles européennes. Il s'agit d'une évolution très importante pour la croissance dans la région. Ce voisinage méditerranéen revêt une importance capitale, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi politiques et notre prochain objectif est d’engager de nouveau un débat politique sur l’avenir européen. Un véritable dialogue au sein de la zone euro et de l'Union européenne.
La crise européenne ne revêt pas seulement un aspect financier. Elle est aussi finalement une crise de légalisation démocratique. Du point de vue social, il est particulièrement nécessaire d’insuffler à nos citoyens un nouvel espoir, une nouvelle perspective, une nouvelle histoire pour l’Europe en tant qu'espace commun, continent de qualité offrant des perspectives et enfin continent politique et culturel.
Permettez-moi de m’adresser aux médias en grec : je suis particulièrement heureux de me trouver aujourd’hui à Rome, suite à l’invitation de ma chère collègue, Emma Bonino, qui est une personnalité européenne très importante. Notre principal objectif est que l’année 2014 soit proclamée année européenne, avec l’année des deux présidences successives, la présidence hellénique et grecque. Nous avons donc une stratégie commune, un dénominateur commun qui est le voisinage européen sur toute une série de questions : la sécurité, la protection des frontières, la culture et, notamment, l'énergie.
Il est très important de prendre des initiatives communes pour mettre en avant cette dimension méditerranéenne et bien entendu notre objectif est plus précisément de qualifier officiellement la région adriatique et ionienne de « supra région », ce qui en dit long notamment s'agissant des fonds et des perspectives existants. Nous n’avons pas de problèmes bilatéraux. En revanche, nous avons des intérêts bilatéraux communs. Et notre volonté commune est d'engager un débat sur l'avenir politique de l'Europe. Sur le problème démocratique, le problème de la légalisation démocratique qui existe en Europe. Nous devons insuffler aux peuples d’Europe qui souffrent et se sacrifient en raison de la crise un nouvel espoir pour l'avenir européen.


Journaliste RAI : « Il est vrai que l’année de la Méditerranée offrira une grande occasion pour l’Europe et les politiques européennes, mais 2014 offre aussi une grande occasion aussi bien pour l'Italie que la Grèce. Que veulent ces deux pays prouver à l’Europe ? Que veut dire la Grèce à l’Europe ? Quel message veulent transmettre aussi bien la Grèce que l’Italie par le biais de leur présidence ?
Emma Βonino : J’aimerais rebondir sur les propos de M. Vénizélos pour dire que nous voulons – nos deux pays - dire à l'Europe que nous ne discutons pas de la nécessité d’une discipline budgétaire. L’Europe doit néanmoins aussi être synonyme de croissance, d'opportunités, d’avenir. L’Europe ne soit pas seulement être synonyme d'austérité. L’austérité est un moyen pour parvenir à une fin, ce n’est pas une politique. Je pense que cela résulte également de la discussion que M. Vénizélos a eue ce matin avec le Premier ministre Enrico Letta, qui était récemment en visite à Athènes.
Deuxièmement, ce que nous voulons dire à l’Europe est que la Méditerranée n’est pas un choix facultatif. Cet espace présente aussi bien des opportunités que des problèmes liés à l'Europe tout entière et ces 450 millions d'habitants. Il est clair que nous devons réussir à faire passer ce message. Personne n’a de potion magique, mais force est de souligner que nous avons déjà réussi à imposer une priorité à l’Europe pour ce qui est de la Méditerranée. Les initiatives peuvent manifestement s’ajuster aux changements des pays de la Méditerranée – nos stratégies ne proviennent pas de la planète Mars - nous devons faire preuve de prudence pour ce qui est des évolutions dans les pays méditerranéens. La partie sud de la Méditerranée n’est pas une simple région géographique et cet élément est déterminant. Cette région représente des intérêts, des problèmes, mais aussi de grandes opportunités pour l’Europe tout entière.


E. Vénizélos : Le paramètre méditerranéen en tant que dénominateur commun de notre année méditerranéenne commune n'est pas un choix politique, mais un destin géographique et historique. Nous devons accepter notre destin méditerranéen et européen commun. C'est le socle solide de notre volonté commune de promouvoir d'autres aspects européens. Les sociétés européennes ne peuvent pas accepter une seule discussion sur la crise financière et les plans d’adaptation.
Il est plus que nécessaire d’engager de nouveau le débat sur la croissance, la création d’emplois, la protection de la cohésion sociale, ou encore les attributs historiques de notre continent européen. L'Europe est un continent avec une histoire, une culture, une qualité, une démocratie. Réengager le débat politique revêt une importance cruciale.


T. ANDREADIS-SYGGELAKIS (ANA) : « Cette initiative contribuera-t-elle à la création d’emplois en Europe et permettra-t-elle de lutter contre le chômage ? Avez-vous abordé la question des élections allemandes ? Et verrons-nous un changement dans la crise économique après les élections en Allemagne ? »
Emma Βonino : Nous n’avons pas abordé les élections en Allemagne. Cela n’a pas vraiment de sens. Les citoyens allemands prendront une décision dimanche et nous maintiendrons des relations avec la nouvelle direction politique qui résultera des élections. Cela ne change pas notre position. Nous ne sommes pas contre la discipline budgétaire, mais il faut faire plus.
Par exemple, la politique visant à soutenir les PME, la promotion politique de la croissance, la politique du domaine industriel, toutes ces questions doivent devenir une priorité, il ne peut y avoir que l’austérité. Nous ne sommes pas contre l’austérité, mais elle ne suffit pas ; l’austérité est un outil, la discipline budgétaire est un moyen, non une fin. Nous avons par ailleurs examiné les progrès accomplis suite à ce qui avait été convenu lors du Conseil de juin sur la question de l'emploi des jeunes, ce qui doit être appliqué tant pendant la présidence hellénique qu’italienne.
E. Vénizélos : Pour la Grèce, après quatre années de crise et après les sacrifices de nos citoyens, le principal objectif est de restaurer l'économie réelle de la Grèce. Le principal objectif, la première priorité est la croissance. Toutefois, et c’est ce qui importe, nous parlons de croissance et de création d’emplois. Nous parlons de croissance et de cohésion sociale. Nous ne pouvons accepter la politique qui parle de croissance sans crédit, de croissance sans emplois.
Cela constitue une menace grave pour l’avenir européen. Nous sommes prêts à discuter ouvertement et amicalement, à négocier avec le nouveau gouvernement allemand, mais toujours sur la base du respect mutuel et de ladite légalité institutionnelle des Etats membres de l’UE.
Notre objectif commun est que l’Europe puisse acquérir un nouveau modèle de croissance. Cela revêt une importance cruciale pour nous, pour la Grèce. Après quatre années de crise, de sacrifices, de coupes sombres. Nous ne pouvons supporter d’autres mesures budgétaires, d’autres coupes sombres. Nous sommes prêts à affronter des changements radicaux, structurels. Nous ne pouvons accepter la théorie qui parle de croissance sans crédits, ou sans emplois. Pour nous la croissance est synonyme de liquidités, d’emplois et de protection de la cohésion sociale.

September 18, 2013