Déclarations conjointes de N. Kotzias et de son homologue allemand, F. W. Steinmeier à l’issue de leur rencontre

Déclarations conjointes de N. Kotzias et de son homologue allemand, F. W. Steinmeier à l’issue de leur rencontreΝ. ΚΟΤΖΙΑS : Frank Walter, c’est un grand plaisir pour nous de t’accueillir aujourd’hui à Athènes. Un vieil ami, comme on a coutume de dire en Grèce, est venu nous rejoindre à Athènes. Je pense qu’au cours de ces deux dernières années de notre coopération, nous avons réussi à changer dans une large mesure le climat entre nos deux pays et je voudrais remercier mon collègue allemand de son aide pour faire mieux comprendre les besoins de mon pays et aussi pour présenter au peuple allemand la vraie image de la Grèce.

Je pense que sans Frank Walter, le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, il y aurait plus de difficultés. Je suis convaincu que les personnalités jouent un rôle dans l’histoire.

Nous avons un parcours commun. Nous avons étudié dans la même université, avec le même professeur, M. Grobat. Vous savez que nous voulons promouvoir la coopération entre les deux peuples et c’est pourquoi nous avons signé un plan d’action commun lequel englobe tant une coopération entre notre ministère et le ministère des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, qu’une série d’actions communes dans un grand nombre de domaines d’activité sociale et à plusieurs niveaux, s’étendant du niveau gouvernemental et jusqu’à celui de la collectivité locale.

Nous nous trouvons dans une Europe où, à mon sens, les personnes les plus raisonnables affirmeront qu’ « heureusement que la question de la Grèce n’existe plus car elle viendrait s’ajouter à celle du Brexit ».

Nous nous trouvons dans une Europe qui cherche à se frayer la voie pour le 21e siècle. Le rêve facile d’après lequel le 21e siècle serait le siècle de l’Europe et que cette dernière primerait sur les puissances émergentes, telles que la Chine et les Etats-Unis – ces derniers étant en déclin dans ce contexte hypothétique – n’a pas été réalisé.

Les capacités et la force d’une Union telle que la nôtre, impliquent le soutien sans faille de nos peuples, son fonctionnement le plus démocratique possible, notre capacité à voir plus loin que le bout de notre nez, tout en étant conscients que nous ne devons pas seulement limiter l’Europe aux sanctions et aux mémorandums. L’Europe est plus que cela, elle est le foyer de nos peuples, elle est le rêve d’autres peuples, elle est notre démocratie dans les circonstances du 21e siècle, l’Etat social au 21e siècle, elle est l’Europe de la solidarité et de la compréhension mutuelle.

L’Europe a un grand passé mais nous devons veiller à ce qu’elle ait aussi un grand avenir. Je pense que Frank-Walter est partisan du réalisme dans l’exercice de la politique étrangère, du pragmatisme substantiel et créatif et il s’accordera avec moi sur la nécessité de redonner à notre jeunesse, à nos citoyens, la possibilité de rêver, d’avoir de l’espoir et une vision positive pour l’Europe du 21e siècle.

Nous sommes confrontés à des difficultés, telles que la question des réfugiés et la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. Dans le même temps, nous avons eu aujourd’hui deux scrutins et comme il ressort des premiers résultats positifs – et j’espère que telle sera la tendance – en Autriche on a évité l’échec du candidat des Verts et de la majorité.

Nous attendons très patiemment les résultats en Italie, des résultats qui revêtent une grande importance pour notre pays.

Nous avons abordé avec mon cher ami, le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne les questions de notre région, nous avons tout particulièrement débattu des partenariats de la Grèce et je l’ai briefé sur nos récents voyages en Egypte, en Libye et au Liban où il s’est rendu lui-même avant-hier. Notre pays revêt une grande importance géostratégique, il constitue un facteur de stabilité dans la région ; c’est un pays dont la manière de penser est européenne et qui agit dans le cadre de l’Union européenne au sein de laquelle il défend ses intérêts.

Nous avons également discuté de la question chypriote. Nous sommes tous les deux optimistes quant à l’impact positif qu’aura pour l’avenir non seulement de la Grèce mais aussi de toute l’Union européenne, le règlement d’un problème qui dure depuis 42 ans. Un règlement qui doit être axé sur la volonté des deux communautés des Chypriotes turcs et des Chypriotes grecs, et des trois petites minorités sur l’île.

Une solution qui transmettrait un message optimiste et laquelle doit dans le même temps être axée sur, selon la Grèce, le droit européen et international. Je ne pense pas qu’il existe un Etat européen qui voudrait qu’un Etat membre de l’Union européenne soit placé sous le régime des garanties ou sous l’occupation d’une armée étrangère.

Les messages qui nous parviennent de Chypre sont positifs. Nous espérons que l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) qui en effet s’occupe du désarmement, contribuera à sa manière – un sujet que nous aborderons avec mon collègue – afin que la solution à la question chypriote devienne plus productive.

Nous avons également discuté de notre politique balkanique et des problèmes de la région. Force est de rappeler ce que j’ai coutume de dire : Churchill disait que « Les Balkans produisent « plus d’histoire qu’ils ne peuvent en absorber ». L’heure est venue de produire plus de l’avenir qu’auparavant.

Nous continuerons nos discussions lors du dîner au Musée de l’Acropole. C’était un voyage assez fatiguant pour mon collègue aussi qui est venu de Berlin à Thessalonique très tôt le matin. A Thessalonique nous avons organisé, les institutions grecques et allemandes, une excellente manifestation, tout en prouvant de manière tangible que nous pouvons très bien coopérer.

Nous nous trouvons maintenant à Athènes et nous continuerons demain avec la rencontre qu’aura le ministre allemand des Affaires étrangères avec le Premier ministre du pays et avec un débat intéressant qui se tiendra à l’école allemande d’Athènes, La discussion avec le Président de la République était également très intéressante et a essentiellement porté sur le Traité de Lausanne et l’importance de son respect.

Je voudrais dire à nos amis les Turcs qu’il n’existe aucun pays à vouloir plus que la Grèce sa démocratisation ultérieure. Il n’existe aucun pays à vouloir plus que la Grèce l’orientation européenne de la Turquie, car ce sera nous les premiers à en tirer avantage.

Et pour avoir cette orientation européenne, il faut baisser les tons. Cela concerne tous nos voisins. Il faut que la nervosité soit limitée – comme vous vous rappelez certains décrivent l’Allemagne du 19e siècle comme une puissance « nerveuse » - et que le droit international soit appliqué. Par droit international on entend le respect du Traité de Lausanne. Car force est également de rappeler qu’aujourd’hui certaines dispositions de ce Traité, telles que celles portant sur la gestion autonome d’Imbros et de Ténédos, ne sont toujours pas appliquées.

Je suis ravi d’accueillir aujourd’hui un ami à Athènes qui est partisan de la politique réaliste, pragmatique et pacifiste. Walter je te remercie beaucoup de ta présence, de ce que tu as dit à Thessalonique et de tout ce que tu fais pour l’Europe. Je te souhaite bon voyage et il faut que tu sache que les portes d’Athènes et de la Grèce seront toujours ouvertes pour toi. Je te remercie.

F.W. STEINMEIER : Je te remercie beaucoup Nikos. Tu m’as souhaité la bienvenue en utilisant des propos bien connus : « Un vieil ami ». Je voudrais t’assurer cher Nikos que je ne suis pas seulement un vieil ami.

Je demeurerai toujours ton ami, dans le présent, mais aussi à l’avenir. Je voudrais te remercier beaucoup de l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé en Grèce, non seulement à Athènes mais aussi à Thessalonique où j’avais l’occasion d’être avec toi.

Je pense que jusqu’à maintenant c’était une très bonne visite qui n’a pas été seulement confinée à des discussions d’ordre politique, comme celles que nous avons tenues cet après-midi. Je pense qu’il faut profiter des occasions de ce genre, comme celle qui nous est offerte aujourd’hui à Thessalonique, pour nous pencher ensemble sur les démons du passé et nous rappeler que nos pays sont unis par une histoire commune. Nous devons être conscients de cette histoire et en fonction de celle-ci façonner, d’une manière plus dynamique, notre avenir tant au niveau bilatéral qu’européen.

Pour ce qui est de nos relations bilatérales et de nos relations avec l’Europe, je voudrais te remercier. Je sais que tu as souffert, tout comme moi, en raison des tensions qu’il y a eu dans nos relations et souvent après des rencontres officielles à Bruxelles, nous discutions entre nous et nous disions que les choses devraient changer.

Et l’idée est de ne pas seulement parler de cette question, mais aussi d’œuvrer en faveur d’un meilleur avenir, d’un plan d’action commun, ce qui était surtout ton idée. Je voudrais te remercier, toi personnellement et tes collaborateurs, car ils ont œuvré d’arrache pied en faveur de cette initiative que nous avons désormais l’occasion de signer ensemble.

Les relations gréco-allemandes sont désormais à un tel niveau que la volonté d’élaborer ensemble de la meilleure façon le cadre régissant nos relations et de ne pas laisser le passé peser sur nos relations est bien évidente.
Cette coopération a par ailleurs fait l’objet de la discussion que nous avons eue avec le Président. Nous devons essayer en Europe de transmettre un message positif. Notamment après la décision sur le Brexit, les forces centrifuges se font désormais sentir sur l’Europe et nous nous trouvons face à un double défi : d’une part, négocier avec la Grande Bretagne sur sa sortie et sur la forme qu’auront les relations entre la Grande Bretagne et l’Europe à l’avenir et, d’autre part, il y a aussi un défi important, concernant la relations entre les 27 partenaires européens, sans le Royaume-Uni.

Je pense qu’en ce qui concerne les crises actuelles en Europe, les questions qui préoccupent les citoyens en Europe, toutes ces questions requièrent de manière urgente une réponse de la part de l’Union européenne. Ce sont des questions qui n’ont pas été répondues, parmi lesquelles figurent des questions relatives à la sécurité qui sont de plus en plus urgentes, car le climat de la sécurité a changé. En outre, le développement et l’emploi sont des questions majeures ainsi que la question des réfugiés qui a été à plusieurs reprises débattue.

Je pense que nous pourrions de nouveau réaliser des progrès dans ces trois domaines et avoir un écho plus favorable concernant ces questions au sein de l’Europe.

Lors de nos discussions avec le Président, nous avons eu l’occasion de parler de la question chypriote. Nous ferons de même ce soir au cours du dîner. Je sais combien sont pénibles les négociations de ce genre lors desquelles les parties sont appelées à renoncer à des positions bien ancrées dans le passé et je pense qu’en ce moment le nord et le sud de l’île ont fait des progrès importants.

Et lorsque je pense aux négociations sur d’autres questions et controverses, je pense qu’il y a toujours un grand chemin à parcourir et c’est au bout du chemin qu’il y aura probablement le plus d’obstacles. Mais si toutes les parties ont la volonté, après une telle négociation d’aller au bout du chemin, rien ne leur fera obstacle.

Je sais qu’une entente sur la question chypriote sera aussi un message de stabilisation pour l’Europe. Une évolution dont nous avons impérativement besoin et qui va au-delà de la question chypriote. La question est de savoir si nous nous trouvons à une étape qui nous permettra de parvenir finalement à un règlement de ce différend qui existe depuis de nombreuses années.

Pour ce qui est de la Turquie, je voudrais dire cela : personne ne peut contester le fait que la relation entre la Turquie et l’Union européenne est actuellement tendue. Je pense que l’Allemagne aussi n’a pas manqué de faire des déclarations diverses condamnant la tentative survenue en Turquie.

Nous avons fait preuve de respect à l’égard de ceux qui ont pris position en faveur de la démocratie en Turquie. Toutefois, j’ai fait clair savoir à la Turquie que nous ne pouvons pas tourner notre regard ailleurs lorsqu’il y a des arrestations massives de journalistes et d’autres personnes dans le pays. La question que tu as précédemment évoquée, à savoir l’utilisation des références publiques au Traité de Lausanne en tant que stratagèmes, ne peut être un choix politique. Tout le monde sait ce que signifierait de commencer en Europe à contester les frontières. Cela ne contribue guère à la stabilité nécessaire à laquelle aspirent les citoyens.
Enfin, pour ce qui est des élections en Autriche, les processus ne sont pas encore achevés et comme en ce moment nous sommes en plein milieu de nos consultations, je n’ai pas pu suivre l’actualité et apprendre ce qui se passe. Ce que nous savons est que, d’après les prévisions, Alexander Van der Bellen a pris une avance et je dirais que si cela est le résultat final, ce sera un bon signe pour la lutte contre le populisme en Europe. Ce sera un bon signe dont je suis particulièrement content car je l’apprends ici en Grèce, dans le berceau de la démocratie. Je vous remercie.

JOURNALISTE : Je voudrais M. Steinmeier votre commentaire, mais aussi celui du ministre grec des Affaires étrangères, sur le discours agressif qu’utilise Ankara, un discours qui devient de plus en plus dur ces derniers jours. Quelle est votre position vu que les frontières de la Grèce sont aussi les frontières de l’Union européenne. Je vous remercie.

F.W. STEINMEIER : Je ne peux émettre aucun commentaire à cet égard. Dans mes déclarations politiques, j’ai à plusieurs reprises critiqué ce fait. Nous voulons engager un débat avec Ankara car je pense qu’il ne doit y avoir aucune ambigüité concernant nos positions politiques. C’est pourquoi, il y a 14 jours, je me suis rendu dans ce pays, j’ai parlé avec le ministre des Affaires étrangères, le Premier ministre, le Président du pays des questions ayant trait à l’immigration, mais aussi des questions relevant de la politique intérieure. Bien évidemment, nous avons transmis et expliqué notre position à l’égard du Traité de Lausanne qui est une position immuable, à savoir que personne ne doit contester le Traité de Lausanne.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : La Grèce, comme vous le savez, est un pays de stabilité dans une région marquée par une instabilité accrue. Qu’il s’agisse des guerres en Syrie, en Irak, en Libye, ou de l’instabilité des systèmes politiques, comme les changements qui s’opèrent en Bulgarie et, d’autant plus, de la tentative de coup d’Etat en Turquie.

Le principe de notre politique étrangère est de faire preuve de retenue, de conserver notre calme, de ne pas amplifier les problèmes mais ni ne les éluder. Notre principe à l’égard de la Turquie est qu’il s’agit d’un voisin qui est à côté de nous depuis des siècles, avec lequel nous voulons coexister et avons d’excellentes relations économiques et sociales. Des relations qui s’étendent du secteur du tourisme et qui vont jusqu’aux nouveaux projets que nous voulons mettre en place, tels que la ligne ferroviaire entre Istanbul et Thessalonique, la liaison maritime entre Izmir et les ports grecs. Nous nous trouvons sur le bon chemin. Toutefois, à l’intérieur de la Turquie, une grande partie de l’élite turque est dans un état de nervosité.

Notre souci est de faire en sorte que cette nervosité soit limitée et qu’elle ne se répande pas bien entendu à l’extérieur. Nous pensons et espérons que la Turquie pourra, en écoutant aussi ceux qu’elle doit écouter, poursuivre de nouveau la démocratisation de sa société, qu’elle fera baisser les tons et qu’elle n’exportera pas ses crises intérieures.

Nous tendons une main d’amitié à la Turquie et aux dirigeants turcs, nous sommes en faveur du dialogue, nous avons tous les canaux d’entente ouverts et nous continuons à faire preuve de calme et de retenue, car nous croyons en un meilleur avenir entre la Grèce et la Turquie.

Et je voudrais répéter ce que j’avais dit avant. Nous voulons une Turquie européenne, démocratique qui adhérera à l’Union européenne. Nous voulons un voisin qui se comportera conformément au droit international et européen. C’est à lui de choisir s’il veut prendre ce chemin. S’il ne prend pas ce chemin, notre pays sera toujours prêt à défendre les valeurs européennes et les visions du 21e siècle.

JOURNALISTE : Je me rappelle de l’époque où - et ce n’était pas très longtemps - les membres du gouvernement fédéral ne jouissaient pas d’un accueil aussi amical ici. Aujourd’hui, les choses ont changé. A quoi est dû ce changement ?

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je dirais que nos relations ces derniers temps ont évolué de la meilleure façon possible. Je dirais même que nous avons une bonne coopération et une entente communes. Toutes les parties font preuve de plus de réalisme qu’auparavant. Ce qui me préoccupait au passé était la manière dont les critiques étaient exercées à l’égard de la Grèce.

On distingue deux catégories de critique. La première catégorie est lorsqu’on critique les politiques et les personnes qui exercent ces politiques – c’est la critique politique – et la deuxième est lorsqu’on critique les pays et les peuples.

Je pense que, à chaque fois où au sein de l’Union européenne mais aussi au niveau des relations bilatérales de nombreux pays, la critique ne portait pas sur les politiques et les personnes qui les exercent, mais sur les caractéristiques des peuples et des Etats dans son ensemble, cela donnait lieu à des malentendus.

Aujourd’hui nous sommes bien conscients de nos faiblesses. Nous savons quelles étaient nos divergences mais nous savons aussi comment trouver - et telle est notre manière de penser – un terrain d’entente. Aujourd’hui, nous pensons que nous pouvons insuffler un élan positif aux relations gréco-allemandes.

Une dernière remarque. Vous l’avez entendu, je l’ai affirmé à Thessalonique aussi. J’ai coutume de souligner que nos relations avec l’Allemagne n’étaient pas seulement celles des années 40’ ni celles au cours des premières années des mémorandums. Il existe à travers les siècles une relation intellectuelle, une relation sociale sur laquelle l’Allemagne elle-même a axé son siècle des lumières à travers la littérature et la philosophie grecque ancienne et a mis en évidence ce qui était perdu en Europe.

L’importance de la Grèce est liée au fait que l’Allemagne l’a mise en évidence. Et quiconque oublie ces liens très étroits entre les deux parties, quiconque oublie les liens sociaux qui nous unissent – comme vous le savez, ma femme est allemande et ma fille est née en Allemagne à l’époque de la junte – quiconque oublie ces liens, peut facilement se laisser emporter par des polémiques qui vont à l’encontre du parcours commun vers la construction de l’Europe.

Je pense également qu’il y a une convergence de vues entre l’Allemagne et la Grèce à l’égard de la plus grande partie des questions relatives à la région et à l’UE. Nous avons bien entendu certaines difficultés, souvent nombreuses, dans le domaine économique. Mais dans les domaines où nous coopérons, nous avons réalisé de grands progrès.

Et je pense que le plan d’action commun que nous avons signé aujourd’hui est une excellente base pour développer sur le même pied d’égalité et d’une manière créative et productive, les relations entre la Grèce et l’Allemagne. Des difficultés existent toujours dans les relations des Etats. C’est à nous de choisir si on les surmontera ou si on se laissera submerger par ces difficultés.

F.W. STEINMEIER : Je voudrais moi aussi ajouter quelque chose à cet égard. Tout d’abord, en ce qui concerne le niveau personnel, je pense que ce qui nous unit, Nikos Kotzias et moi, est le fait que nous ne considérons pas les relations bilatérales et les situations internationales comme acquises. Nous sommes en position de développer des relations et de juger des choses à travers une optique historique.

Et nous ne voulons pas renoncer aux acquis du passé, des acquis dont il a fallu des générations entières pour consolider. Des générations entières marquées par des bonnes relations bilatérales entre la Grèce et l’Allemagne. Ce qui a changé, soyons sincères, sont les relations au sein de l’Europe.

La crise économique et financière a donné l’impression qu’il y avait un ensemble homogène en Europe dont la Grèce ne faisait pas partie. Aujourd’hui avec le soutien et la solidarité de l’Europe les choses ont changé. Il n’y a aucun doute que la Grèce figure aujourd’hui parmi les plus chaleureux partisans de l’Europe et que l’intégration européenne demeurera un objectif à atteindre.

Je pense que ce que vous avez évoqué dans votre question concernant l’immigration, est envisagé d’une manière positive par la partie grecque aussi. Car comme vous le savez en Allemagne une grande partie de la population se montre très critique à l’égard de cette question relative à l’Union européenne et à la Turquie, c’est-à-dire à l’égard de l’accord entre l’Europe et la Turquie.

Je pense que sans cet accord, la Grèce aurait dû supporter toute la charge de ce problème. C’est pourquoi, bien entendu, cet accord entre l’Europe et la Turquie, offre la possibilité à la Grèce de supporter ce problème et de ne pas plier sous la pression exercée par l’immense flux des réfugiés. Car vous vous rappelez que l’année dernière il y avait un flux de personnes de plus en plus accru.

Deuxièmement – et je ne sais pas si Nikos partage le même point de vue – nous, les Allemands, soutenons véritablement l’engagement que nous avons assumé, c’est-à-dire nous accueillerons une partie de ces réfugiés. 500 réfugiés sont accueillis chaque mois et cela se fait en coopération avec les services allemands.

Lors de mon intervention ultérieure, j’ai dit que les conditions politiques ont également changé dans toute l’Europe. Toutefois, des partenariats ont été également mis en place pour gérer la question des réfugiés.

JOURNALISTE : Il y aura bientôt des réunions importantes en Europe portant sur les Balkans, la perspective européenne des Balkans. J’ai deux questions à cet égard : Est-ce qu’il y aura d’importantes évolutions dans ce domaine ? Deuxième question : Pour ce qui est plus particulièrement de l’Albanie, quelles sont les conditions et modalités que ce pays doit remplir afin de franchir l’étape suivante dans le cadre de son parcours vers l’Europe ?

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Tout d’abord je voudrais faire une remarque concernant les réfugiés, car je veux être juste : je pense que les points de vue de l’Allemagne et de la Grèce convergent concernant la lutte contre ce problème, comme Frank Walter l’a affirmé.

Je voudrais tout simplement exprimer notre chagrin. Lorsqu’il y a deux ans, on a commencé à parler de la crise imminente des réfugiés, une grande partie de la presse européenne nous a accusés de vouloir soi-disant désorienter l’opinion publique européenne pour faire oublier les autres problèmes, tels que la crise financière ou d’autres questions géopolitiques. Malheureusement, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un problème majeur bien réel.

Pour ce qui est maintenant des Balkans, notre gouvernement veut résoudre de la façon la plus adéquate et constructive possible les problèmes du passé. Avec l’Albanie, il est communément admis que nous accomplissions un travail systématique en vue d’identifier les questions sur lesquelles nous pouvons coopérer en vue de parvenir de concert à des solutions, que ces problèmes proviennent du passé, ou qu’ils revêtent une importante déterminante pour l’avenir.

Nous avons crée six groupes d’entente qui font partie d’un groupe plus élargi placé sous la responsabilité des Secrétaires généraux des deux Etats. Malheureusement, la Commission européenne n’a pas géré d’une manière efficace ces questions et il existe aussi un nationalisme émergent, en vue des élections.

Je recommande à toutes les parties et les invite à faire baisser les tons, à se mettre d’accord sur la voie européenne à suivre et à résoudre en temps voulu et dans la mesure du possible, nos problèmes et à ne pas permettre à ces problèmes d’entraver le processus d’adhésion de l’Albanie à l’UE.

Pour ce qui est de ces domaines – et on verra cela lundi 12 décembre dans les conclusions du Conseil - nous voulons l’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne. Avoir des voisins européens, c’est dans notre intérêt. Toutefois, ils doivent remplir les critères et modalités imposées lors de tous les élargissements précédents.

Et dans le cas précis, il s’agit de tous les critères et modalités relatifs au système judiciaire, à la réforme administrative, à la lutte contre le crime organisé, aux mesures spécifiques pour lutter contre le problème des drogues – car il y a une grande production de drogues dans le pays voisin – à la protection du droit de propriété qui depuis l’époque de John Locke constitue un droit fondamental du système dans lequel nous vivons, et à la protection de la minorité nationale grecque indigène.

On doit c’est-à-dire renoncer à la logique de Hoxha, d’après laquelle seulement les personnes qui vivent dans une zone spécifique, peuvent être considérées comme faisant partie d’une minorité et les grandes populations qui constituent la majorité dans certaines régions, n’ont pas de droits minoritaires. L’Albanie peut et doit remplir ces critères et modalités et nous pouvons et devons l’aider à mener à bien ce processus relatif au respect de ces exigences.

Nous avons proposé un train de mesures et disposons de l’expertise nécessaire pour l’aider.

Pour ce qui est de notre voisin au nord, avec lequel nous entretenons des relations d’amitié, de nombreux pas ont été réalisés dans le bons sens. Notre proposition relative aux mesures de confiance a commencé à être appliquée. Les diplomates des deux parties accomplissent un travail important et d’une manière, dirais-je même, si intensive que dans nul autre pays.

Nous sommes en train actuellement de construire les gazoducs reliant Thessalonique à Skopje, nous construisons une nouvelle ligne ferroviaire entre Florina et Bitola, nous avons désormais mis en place une coopération entre nos établissements universitaires, entre les forces de police ainsi qu’un processus d’échange d’informations. Je ne voudrais pas dans le cadre de cette conférence de presse passer trop de temps à évoquer ces questions.

Enfin, je voudrais souligner, car nous avons ici des amis allemands, que les relations entre la Grèce et la Bulgarie sont historiques. Nos amis les Allemands peuvent s’enorgueillir de leur réconciliation avec les Français après 150 ans de guerres, mais force est de rappeler que nos relations aussi avec les Bulgares ont été marquées par 1 600 ans de guerres, d’occupation et de résistance et, qui plus est, autrefois les empereurs byzantins pour devenir empereurs devaient s’appeler Bulgaroctones, c’est-à-dire ils devraient porter un nom signifiant «tueur de Bulgares», tout comme les Bulgares qui devraient s’appeler Grécoctones.

Aujourd’hui, nous avons les meilleures relations par rapport à tout autre pays, et pour nous ces relations sont un modèle européen qui montre comment une dure histoire de 1 600 ans peut se transformer en une relation d’amitié et de partenariat qui sert d’exemple pour tout le monde. Et nous sommes très fiers de cette relation et c’est pourquoi nous espérons résoudre les questions héritées du passé avec les deux autres pays et ne plus avoir de Bulgaroctones, d’Albanoctones ou de Grécoctones dans nos relations.

JOURNALISTE : Une question adressée aux deux ministres concernant deux événements importants en Europe. M. Hofer vient de prendre position sur sa défaite. Avez-vous un commentaire à cet égard ? Et, deuxièmement, qu’attendez-vous des Italiens ? Quelle attitude souhaiteriez-vous voir aujourd’hui de la part des Italiens à l’égard de l’Europe ?

F.W. STEINMEIER : Je comprends très bien votre question mais vous devez aussi comprendre que comme je n’ai pas la possibilité de m’informer personnellement sur ces évolutions en raison des consultations politiques que je suis en train de mener ici, je ne peux vous dire que ce que j’ai déjà affirmé.

Il est en effet positif qu’un jour comme celui d’aujourd’hui où nous avons tant de choses à dire sur les crises en Europe, sur les forces centrifuges, sur le nationalisme et le populisme, sur les partis populistes, nous nous trouvons en Grèce, berceau de la démocratie et nous apprenons qu’Alexander Van der Bellen a probablement une avance sur son adversaire. Cela est déjà très positif.

Je n’ai pas encore entendu quelque chose sur l’aveu d’échec de Norbert Hofer, mais je pense que tel sera le cas.

Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Pour ce qui est de l’Italie : vous savez que l’Italie est pour l’Europe un pays très important. Et c’est un pays tellement important que personne ne lui dit ce qu’ils nous disaient malgré sa dette qui s’élève à 2 mille millions. L’Italie et sa stabilité revêtent une importance clé pour l’Europe. La stabilité politique en Italie ne peut être qu’au profit des relations de l’Union européenne avec l’Italie ainsi que de celles de la Grèce avec l’Italie.

Nous sommes convenus de mettre en place certains très bons projets que nous espérons réaliser en 2017. J’espère également que n’aurons l’occasion de voir plus fréquemment mon ancien condisciple et ami ici à Athènes. Il est toujours le bienvenu.

J’aimerais vous dire que le ministre allemand des Affaires étrangères est très populaire en Grèce et il jouit d’une grande estime dans notre ministère. C’est pourquoi c’est toujours un grand plaisir de l’accueillir ici.

Vous savez par ailleurs qu’il a le titre de docteur dans mon université, l’université du Pirée. Il ne faut pas l’oublier. Il est docteur honoris causa de cette université et mes étudiants se souviennent avec une grande joie de son discours lors de la cérémonie de sa nomination.

Bon retour Frank- Walter et soyons toujours souriants dans l’espoir d’un meilleur avenir au sein d’une Europe meilleure.

Je te remercie d’être venu à Athènes et à Thessalonique. Nous vous remercions beaucoup.
F.W. STEINMEIER : Merci à vous.

December 7, 2016