MODERATEUR : Bonjour. Les deux ministres feront leurs interventions et en raison du temps limité il y aura deux questions par ministre. Monsieur le ministre vous avez la parole.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je voudrais remercier mon cher ami, Jean-Yves de cette rencontre. C’est un grand plaisir pour moi de discuter avec lui et de discuter ensemble de notre avenir européen commun. Comme je lui ai par ailleurs dit, il existe une grande tradition en Grèce qui se résume au slogan “ Grèce, France, Alliance ”.
Nous avons discuté des questions ayant trait à l’Europe. Les propositions du Président Macron sont bien connues. Nous avons discuté des questions relatives à la défense et à la sécurité européenne, des questions portant sur les Balkans occidentaux ainsi que de l’accord de Prespès. Un accord qui est le fruit du dialogue et de “la culture du consensus”. C’est un accord attestant de la responsabilité dont nous faisons preuve à l’égard de la région et à l’égard de son avenir. Un accord qui a réussi à aboutir à une appellation, qui de plus est une appellation erga omnes. Celle-là, d’après le procès-verbal des négociations tenues au cours de la période 2007-2008, avait été proposée par la ministre des Affaires étrangères de l’époque de la Nouvelle Démocratie sans avoir pu aboutir. Proposition qui ne portait pas par ailleurs sur une appellation erga omnes.
Nous avons abordé en détail la situation au Moyen-Orient, les conflits en Syrie, la façon dont nous envisageons l’avenir et nous évaluons les difficultés liées à cette situation.
Nous avons également parlé de nos initiatives. Nous avons évoqué les actions communes, la prise de certaines initiatives concernant la question migratoire.
Nous avons discuté du développement des institutions dans les deux Etats, comme les différents centres culturels. Nous avons également débattu du développement ultérieur de nos relations économiques. Nous avons échangé des informations sur une série de développements dans notre région.
Et je pense que notre discussion et le climat dans lequel celle-ci s’est déroulée, sont venus confirmer encore une fois le rôle stratégique spécial de la relation entre la Grèce et la France, tant pour l’Union européenne que pour la Méditerranée.
Jean-Yves, je voudrais te remercier encore une fois de ta visite qui sera maintenant suivie d’un entretien avec le Premier ministre du pays, Alexis Tsipras. Je te souhaite la bienvenue et c’était vraiment un plaisir pour nous de t’accueillir en Grèce.
J.-Y. LEDRIAN : Merci cher Nikos de ton accueil. Merci aussi de la qualité des échanges que nous avons pu avoir et qui vont se poursuivre comme tu l’as indiqué avec l’audience qu’a bien voulu m’accorder Alexis Tsipras dans un instant.
Il faut dire que cette visite arrive à un moment charnière de l’histoire de la Grèce. Après des années de sacrifices et d’efforts, le peuple grec retrouve la normalité. Et la France se réjouit de la sortie ordonnée du troisième programme d’aide. Les Grecs tournent la page d’une crise qui n’était pas seulement leur crise mais qui était aussi une crise européenne. Et c’est pour ça que nous avons toujours plaidé pour la voie de la solidarité.
Comme le Président Macron l’avait affirmé lors de sa venue ici il y a un an. Et nous souhaitons aujourd’hui dans cette nouvelle phase apporter notre soutien à la Grèce pour consolider son retour à la croissance, à la fois par nos investissements - nous les avons évoqués - et par notre coopération. Nous pouvons et nous devons faire plus. Et nous travaillons actuellement ensemble pour le développement des liens dans le domaine de l’innovation et aussi en faveur du financement des PME.
Deuxième élément historique que nous avons aussi évoqué, c’est la conclusion récente d’un accord sur le nom de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine. Nous saluons cette avancée décisive et nous espérons la ratification rapide de cet accord qui contribuera à l’indispensable stabilité de cette région.
Nous avons également évoqué avec Nikos les questions régionales. Et nous avons constaté l’un et l’autre que la France comme la Grèce est très attachée à la stabilité de la Méditerranée orientale. Il y a aujourd’hui des opportunités. Je pense aux gisements d’hydrocarbures qui peuvent être des vecteurs de coopération nouveaux, entre nous et avec les pays de la région.
Nous plaidons évidemment pour que les différences sur ce sujet soient surmontées. Nous proposons de prendre des initiatives à la fois de dialogue et d’action commune.
La Grèce et la France partagent par ailleurs une grande proximité de vues sur l’ensemble des questions européennes. Et je retiens de notre entretien la vision d’une Europe plus souveraine et plus protectrice. C’est ce que nous disons, c’est ce que vous dites. Et nous avons aussi préparé le Sommet de Salzbourg qui sera l’occasion de revenir sur les questions migratoires, enjeu sur lequel la Grèce a été et continue à être particulièrement sollicitée.
Et nous partageons la volonté de définir une politique européenne migratoire plus efficace répondant mieux à l’impératif de solidarité et étant plus à même de faire face aux crises migratoires que par le passé, en ayant par l’Union européen le soutien à la fois politique et financier nécessaire. Souhaitons que ce Sommet de Salzbourg puisse être conclusif.
Nous avons par ailleurs sur beaucoup de sujets, sur la grande majorité des sujets européens, la convergence de vues totale, que ce soit sur le renforcement de l’union économique et monétaire, sur l’Europe de la défense, sur la protection civile, tout cela fait l’objet d’un consensus entre nous. Et nous avons par ailleurs évoqué ensemble quelques points majeurs de la situation internationale que ce soit la Syrie, l’Iran, la Libye, la lutte contre les armes chimiques, sujet sur lequel là aussi nos positions sont extrêmement proches, sinon communes.
Je suis ravi de cette rencontre qui s’inscrit dans la suite de la visite du Président Macron l’année dernière et qui témoigne de la grande qualité des relations entre la Grèce et la France.
MODERATEUR : L’agence France presse. Mme Boitard.
JOURNALISTE : Catherine Boitard de l’agence France presse. J’aurais deux questions à poser. Une à M. Le Drian. Le Chef d’Etat-major français a déclaré aujourd’hui à un petit groupe de journalistes que la France était prête à intervenir en Syrie en cas d’usage d’armes chimiques à Idleb. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire de plus aujourd’hui sur la position de la France.
Une deuxième question pour M. Kotzias : avez-vous demandé à la France de faire preuve d’une plus grande solidarité et plus particulièrement avez-demandé à ce pays aussi de mettre en place des centres placés sous surveillance lesquels ne seront pas uniquement situés dans les pays d’accueil ? Merci.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je serai bref dans ma réponse. Nous ne demandons pas à la France de faire preuve de solidarité à l’égard de nous, c’est elle qui nous offre sa solidarité à pleines mains. Ce que nous demandons toujours à la France est la coopération. Nous avons discuté et avons décidé de prendre une série d’initiatives, y compris pour la question migratoire. Et nous poursuivrons notre discussion aussi lors de l’Assemblée générale de l’ONU dans quelques jours.
J.-Y. LEDRIAN : La situation à Idleb est très préoccupante. Nous l’avons évoqué. Il y a là plus de trois millions de personnes, 700 000 réfugiés, plusieurs milliers de combattants de groupes terroristes dans ce qu’il faut bien appeler une bombe à retardement à la fois humanitaire et sécuritaire.
Il n’y a de règlement de cette situation que s’il s’insère dans un règlement politique de la situation syrienne que le Président Macron et la France souhaitent depuis plusieurs mois, afin que soit dessinée la feuille de route qui intègre à la fois la réforme constitutionnelle, le processus électoral, la composition du collège électoral, la place des réfugiés et des déplacés et aussi évidement les perspectives de reconstruction. Mais, manifestement, le régime de Bachar el-Assad veut prendre Idleb militairement.
Et nous mettons en garde tous les acteurs sur le risque de déflagration humanitaire que cela peut produire.
Et dans l’hypothèse – c’est la question que vous me posez Madame – où l’arme chimique serait employée pour conforter l’attaque contre Idleb la réponse de la France sera toujours la même. Et ce que vous dites de la part du chef d’état-major des armées françaises n’est pas une nouveauté puisque, en l’écoutant bien lundi de la semaine dernière en recevant les ambassadeurs, lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a dit la même chose. Donc c’est la continuité de la détermination de la France à ne pas accepter toute dérogation à la non-prolifération des armes chimiques. Il y a des lignes rouges. Elles ont été franchies une première fois, la réponse de la France a été au rendez-vous. Si elles étaient franchies une deuxième fois, la réponse serait identique.
JOURNALISTE: Dans vos déclarations Monsieur le ministre vous avez évoqué la question des hydrocarbures et vous avez formé l’espoir que les différends existants à cet égard seront surmontés. Ce que je voudrais en fait vous demander est si l’intérêt de la France et sa politique sur la question des hydrocarbures, notamment dans la ZEE de Chypre, demeurent immuables. Envisagez-vous de prendre certaines initiatives, avez-vous certaines idées concernant la manière dont ce discours de la partie turque à l’égard de cette question pourrait être adouci ?
J.-Y. LEDRIAN : Je n’ai pas parlé des intérêts de la France dans cette affaire. Vous avez bien entendu mon propos. J’ai fait état de la nécessité d’avoir en Méditerranée orientale, des accords, des intérêts communs, des actions communes pour faire en sorte que le développement économique de cette région puisse se faire à partir de cette nouvelle ressource, que sont les ressources gazières. Et qu’en même temps cela puisse se faire dans une procédure non agressive et que cela puisse permettre aux uns et aux autres à la fois de développer leur coopération et puis ces nouvelles ressources sont une chance pour les pays de la zone, à commencer par Chypre, par la Grèce pour pouvoir avoir de nouveaux atouts dans leur croissance et dans leur développement.
Et nous avons évoqué effectivement avec Nikos cette stratégie et nous sommes d’accord sur la manière d’agir.Merci beaucoup.
September 6, 2018