N. POPOSKI: Aujourd’hui nous avons fait ensemble un nouveau pas vers le rapprochement mutuel et la promotion d’une coopération pratique en vue de renforcer notre confiance mutuelle. Je m’attends à ce que la même pratique de dialogue au niveau politique élevé soit poursuivie aussi à l’avenir, ce qui est possible vu la volonté commune qui existe à cet égard.
Le niveau de confiance entre les deux pays n’a jamais été suffisamment élevé. Toutefois, aujourd’hui nous avons fait un pas vers le renforcement du maillon le plus faible entre les deux pays dans le but de renforcer encore plus le maillon le plus fort qui est l’entrepreneuriat et la coopération. La rencontre d’aujourd’hui atteste de notre volonté d’améliorer la coopération mutuelle et de créer un climat de convergence au niveau de nos positions liées au règlement de la question du nom. Les deux pays, au-delà de ce différend, ont d’importants intérêts communs au niveau tant bilatéral qu’international. Nous devons faire le premier pas dans ce sens.
N. KOTZIAS : En visitant notre pays voisin, j’ai constaté que la plupart des églises ici sont dédiées à Saint Nicolas, c’est-à-dire à Nikos. Et en m’asseyant à côté de mon homologue Nikola, j’ai eu l’impression d’avoir le nom approprié pour venir ici. Je tiens à remercier mon homologue Nikola Poposki de l’accueil qu’il m’a réservé et des discussions que nous avons tenues.
C’est la quatrième fois que nous nous rencontrons pour discuter des bonnes relations que nous devons développer entre nos pays et le point sur lequel nous nous sommes mis d’accord dès le premier moment a été la nécessité de prendre toutes les mesures possibles, d’instaurer la confiance entre les deux Etats et entre les deux ministères plus particulièrement. Je pense qu’au niveau de nos relations personnelles, cet objectif a été d’ores et déjà atteint.
La Grèce est un pays qui contribue par tous ses moyens à la stabilisation et à la sécurité de la région et nous avons des intérêts communs avec le pays voisin que nous voulons voir parcourir son chemin européen d’une manière plus accélérée. Il faut prendre toutes les mesures possibles et valoriser tous les moyens à notre disposition afin de faire de ce pays un pays européen par excellence. Et je suis convaincu que cela sera fait et la Grèce est disposée, à travers son expérience, à contribuer dans ce sens. Nous voulons que tous nos voisins soient des membres de l’UE, qu’ils soient dotés d’un Etat de droit et qu’ils soient développés au niveau économique, car mon pays est fortement influencé par les développements dans les Balkans en général.
Dans ce contexte vers l’instauration de la confiance, nous sommes convenus d’une série de onze mesures de confiance et je pense qu’il y en aura d’autres à l’avenir.
Je pense que nous pouvons discuter et régler, sur la base du droit international et des relations de bon voisinage, la question du nom. Je pense que Nikola et moi, sommes déterminés à explorer, à chercher et à promouvoir ce dossier et dans le même temps, je pense, nous pensons avec mon collègue Nikola, que nous devons œuvrer en faveur du développement du commerce et des investissements entre nos deux pays, en faveur de la coopération entre les établissements scolaires et notamment entre les universités et dans le domaine de la culture.
En ce qui me concerne, j’accorde – ce que tout le monde sait – une très grande importance à la civilisation qui a une très grande valeur ainsi qu’une importance économique. La civilisation contribue à la compréhension mutuelle des peuples car, comme j’ai coutume de le dire, la politique a également besoin de signes.
Nous sommes des peuples des Balkans animés de nombreux sentiments, avec de traditions communes, des danses et des chansons traditionnelles.
Nous sommes convenus avec le ministre, M. Poposki de la nécessité d’établir une coopération dans les domaines de la sécurité interne, c’est-à-dire frontalière, ainsi que de la justice. Et je pense que nos Secrétaires généraux et les Directeurs politiques, après notre accord sur les mesures de confiance que nous avons annoncées, travailleront dès demain sur tous ces domaines ainsi qu’en faveur de la mise en place de nouveaux domaines de coopération.
Je voudrais encore une fois remercier mon collègue Nikola Poposki pour toute la gentillesse dont il a toujours fait preuve lors de nos discussions bilatérales ainsi que de sa compréhension à l’égard de mes points de vue, et force est de signaler que j’ai aussi fait preuve de la même compréhension, et de l’opportunité que nous avons eue, en dépit de la différence d’âge, de développer une relation axée sur la confiance. Quand il y a de la confiance mutuelle, les hommes peuvent lutter, résoudre les grands problèmes et même, déplacer des montagnes.
Je te remercie encore une fois Nikola.
Réponse à des questions de la presse :
N. KOTZIAS : Je remercie beaucoup Nikola Poposki pour ses réponses et particulièrement pour la description des mesures de confiance. Vous savez que les Balkans ont une étrange histoire et comportent deux dangers. Le premier est d’être emprisonné par l’histoire et l’autre de produire plus d’histoire que celle que l’on pourrait consommer.
Nous avons besoin de l’histoire. Mais l’histoire ne doit pas être une prison, mais plutôt une école où nous pourrons apprendre des leçons. Et la leçon que nous avons apprise est que le développement, la sécurité et la stabilité dans les Balkans ont besoin de nous tous et de notre coopération. La mise en place par exemple de pipelines, de réseaux ferroviaires, car il existe un grand projet de liaison ferroviaire entre le Pirée et Budapest, constitue une manière de créer des réseaux qui contribueront à l’amélioration de nos relations et à la stabilisation.
Ce dont nous avons dès le départ convenu, avec mon homologue, dès notre rencontre à Budapest est la nécessité de mettre en place de tels réseaux, comme par exemple le Turkish Stream. Nous avons besoin de réseaux globaux. Deuxièmement, nous avons besoin de confiance, à l’heure où la mondialisation engendre de nouveaux problèmes, à l’heure où l’intégration européenne semble rencontrer des difficultés, nous devons stabiliser nos positions entre nous de manière créative, nous sommes des pays voisins, et des peuples amis. Tel est le sens des mesures de confiance, non seulement la confiance, mais aussi développer nos relations, les intensifier.
En ce qui concerne la Haye. Etant donné que je suis professeur de relations internationales, je répondrais en cette qualité – je suis ministre également. La cour de la Haye, dans son arrêt, s’est déclarée incompétente en ce qui concerne le jugement de l’affaire en question sur le nom. L’arrêt stipule : « nous ne sommes pas compétents pour répondre sur la question du nom ». Donc, il n’est pas question de violation du droit international. Je vous conseillerais de le lire vous-même très attentivement, il est disponible dans toutes les langues.
En ce qui concerne la prochaine question, la question du nom. J’aimerais clarifier un point. La politique étrangère grecque pense que l’existence, la stabilité et la sécurité de ce pays sont un atout, une bonne chose pour la Grèce. Et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour l’aider dans son cheminement vers les institutions euro-atlantiques – et nous voulons l’aider en apportant notre expérience européenne. Nous pensons que l’unité et la stabilité de ce pays sont un cadeau pour les Balkans. Il existe un différend concernant le nom. Et pour tout problème, il y a une solution.
Pour répondre à votre dernière question, concernant l’irrédentisme. Je ne pense pas que moi-même ou mon homologue soyons irrédentistes. Je ne parle pas à ce niveau là. Je dis la chose suivante – et s’il vous plaît je vous prie de bien traduire : un très bon diplomate m’a dit ce matin, il existe en Egypte une ville dénommée Alexandrie. Non seulement nous n’avons pas de problème, mais nous sommes fiers. J’avais été une fois en Inde et les Indiens me disaient : nous sommes les descendants d’Alexandre le Grand, ou bien en Afghanistan où se trouvait notre directeur politique. Chacun a le droit d’avoir son identité.
Simplement, la façon dont il l’utilise ne doit pas donner l’impression à des tiers qu’il peut y avoir un abus. Autrement dit, un ancien homme politique du pays ami dans lequel je me trouve hisse un drapeau qui n’est pas légal, sur le mont Olympe, sans aucune raison. C’est cela l’irrédentisme. Ou encore lorsque des cartes sont conçues par un tiers et que ces cartes incorporent des régions d’un pays tiers, c’est cela l’irrédentisme. Ce n’est pas mon rôle de vous faire la liste, vous êtes des journalistes remarquables, vous pouvez faire un reportage sur tout ce qui rend difficile l’entente entre les deux parties.
Je vais vous dire la chose suivante en toute franchise et sans ambages. Nombreux sont ceux dans ce pays qui pensent que certains en Grèce ne veulent probablement pas que votre pays existe. Je vous assure que nous le voulons, nous sommes heureux que ce pays existe. Et beaucoup ici sont susceptibles de vouloir inclure des parties de pays tiers et créer l’impression à Athènes qu’ils estiment qu’il y a des régions de Grèce qui le veulent. Le gouvernement du pays ami est clair. Il n’a pas de telles intentions. Les deux parties, les gouvernements et les sociétés ne contestent pas l’autre partie. Mais dans les Balkans des nationalismes, et certains sont animés par un nationalisme agressif, nous pouvons noter la présence de nationalismes agressifs qui revêtent également un caractère irrédentiste qui n’aide pas à la compréhension, l’entente, la coexistence des deux pays. Nous luttons pour cela. Tout comme nous luttons contre l’irrédentisme de tiers, nous luttons contre celui qui ne respecte pas l’existence d’un pays tiers. Nous sommes opposés aux nationalismes extrémistes, nous respectons tous ceux qui sont animés par des sentiments patriotiques.
June 25, 2015