Déclarations conjointes du ministre des Affaires étrangères N. Kotzias et du ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, à l’issue de leur rencontre (Athènes 29.10.2015)

Déclarations conjointes du ministre des Affaires étrangères N. Kotzias et du ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, à l’issue de leur rencontre (Athènes 29.10.2015)N. KOTZIAS : Je devrais dire bonjour, mais je crois que je dois dire bonsoir. Je suis heureux d’accueillir Frank-Walter Steinmeier à Athènes, un vieil ami et camarade d’université, avec lequel je partage des études et des professeurs communs. C’est celui qui m’a accueilli le premier en janvier 2015 au Conseil des ministres des Affaires étrangères et je le remercie pour son accueil chaleureux. C’est pour moi un honneur particulier aujourd’hui d’accompagner Frank-Walter Steinmeier à sa nomination au titre de docteur honoris causa à l’Université du Pirée. Le Recteur m’a dit de vous dire que vous étiez tous les bienvenus.

La Grèce et l’Allemagne sont deux pays unis depuis longtemps par des liens culturels très étroits. J’ai coutume de dire que si aujourd’hui nous parlons du rôle de la civilisation dans le Siècle des Lumières européen et le développement en Europe, il y a deux facteurs qui ont joué un rôle important, les intellectuels et les hommes spirituels arabes et plus tard le fait que la civilisation grecque a constitué un élément de l’identité de l’Allemagne elle-même lors de la création de son Etat et elle a redonné cet élan aux grands textes classiques de la civilisation grecque.

Avec Monsieur le ministre, nous avons discuté de la situation dans les Balkans, des relations Grèce-Turquie et des évolutions dans le dossier chypriote. Et bien entendu, nous nous sommes entretenus sur le problème des réfugiés, discussion qui a déjà eu lieu avec le Président de la République et le Premier ministre. Je pense que l’Allemagne et la Grèce ont des intérêts communs, des préoccupations communes pour ce qui est du flux des réfugiés. En effet, notre pays accueille les vagues de réfugiés en raison de la guerre et des difficultés économiques existant, même dans les camps de l’ONU en Jordanie et au Liban, en raison de la guerre en Syrie. Et ces grandes vagues de réfugiés ont pour la plus grande partie abouti dans ce pays hospitalier qu’est l’Allemagne. Et nous comprenons tous quels sont les besoins pour ces populations, non seulement lors de leur entrée en Europe, mais aussi lorsqu’elles arrivent en Allemagne.

Nous nous sommes entretenus de manière approfondie avec Monsieur le ministre, qui a consenti des efforts considérables en faveur de la paix, je vous rappelle que le Traité de Minsk, le premier et le second, est sa propre œuvre. Je vous rappelle l’accord avec l’Iran et je vous rappelle les efforts qu’il consent aujourd’hui et que nous consentons ensemble pour la paix en Syrie. Cette personnalité contribue, outre au développement des relations gréco-allemandes, à la valorisation de la diplomatie et confirme que la diplomatie peut jouer un rôle international. Et cela nous devons toujours le garder à l’esprit.

Nous avons passé en revue les problèmes de la région et nous aborderons les relations gréco-allemandes bilatérales de manière plus détaillé lors du diner et nous avons souligné la nécessité de surmonter les stéréotypes, les préjugés ou les situations qui, objectivement, ont constitué et constituent toujours une entrave pour l’image des deux pas, de développer notre coopération concernant des projets bien particuliers, des plans et de contribuer par tous les moyens à faire revivre ces sentiments amicaux que ressentaient le Grecs lorsqu’ils se sont rendus pour la première fois en Allemagne pour rechercher du travail et que les touristes, les visiteurs allemands de la Grèce et des institutions grecques, comme les musées et autres éléments de la civilisation.

Frank-Walter Steinmeier est, je dirais, le représentant sur la scène internationale du Siècle des Lumières allemand au 21e siècle. Et c’est pourquoi je suis toujours très heureux de pouvoir discuter avec lui. Et je suis très heureux cette fois que nous discutions à Athènes et non à Berlin car ici le temps est, j’imagine, meilleur. Quoi qu’il en soit Frank, je te souhaite la bienvenue à Athènes. Bienvenue à toute ta délégation, à la presse allemande. Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous aimerions vous garder davantage auprès de nous mais le devoir international vous appelle à Vienne où se déroule le débat sur l’avenir du dossier syrien, qui est la source fondamentale du problème des réfugiés.
Frank-Walter, sois le bienvenu à Athènes.

F.W. STEINMEIER : Cher Nikos, il fait beau à Berlin aussi ces derniers jours, ce à quoi nous ne nous attendions pas vue l’époque, mais malgré cela le temps est ensoleillé, pratiquement comme à Athènes. Je suis heureux de me trouver ici après toutes ces rencontres que nous avons eues lors de ces semaines et mois difficiles à Bruxelles et à Berlin. Enfin, je suis heureux de me trouver ici, dans le cadre de ma visite officielle, et de pouvoir te rencontrer. L’heure est venue et nous avions beaucoup de choses à discuter.

Tu as passé en revue toutes les questions que nous avons abordées avec le Président de la République et le Premier ministre du pays également lors du petit-déjeuner. Une discussion que nous approfondirons et que nous poursuivrons pendant le diner.

Tu as également dit que nous aurions du nous rencontrer bien plus tôt et dans des circonstances différentes et nous aurions pu alors intensifier nos relations et nos discussions car, comme bon nombre de tes compatriotes, tu as quitté la Grèce pour rester en Allemagne pendant un très long séjour. Nous avons étudié dans la même université et avons sans doute participé aux mêmes conférences. Et nous avons un élément de notre passé qui est commun. Cela ne constitue pas une solution aux problèmes actuels, mais cela aide car dans la mesure où la politique est mise en œuvre par des hommes, les choses sont plus faciles lorsqu’il y a des ponts entre ces hommes.

Et je pense que Nikos Kotzias a réussi cela à une période très difficile pour la Grèce et l’Europe. Et nous conservons ces contacts et j’aimerais le remercier du fonds du cœur pour la possibilité qu’il m’a donnée d’avoir des contacts francs, des discussions au-delà de l’escalade que nous avons vécu avec les médias. Je suis donc très heureux de me trouver à Athènes et de rencontrer un ami qui connait quasiment aussi bien que moi ma patrie, l’Allemagne. Et pour cette raison il comprend bien les questions dominant la politique extérieure de l’Allemagne actuellement.

Tu parles très bien l’allemand, contrairement à moi qui ne parle pas le grec et je dois dire que la langue grecque me pose des difficultés. Toutefois « embistosini » signifie confiance mutuelle. C’est ce mot que j’aimerais retenir et apprendre et c’est exactement ce qui caractérise la politique et la diplomatie. C’est un élément fondamental qui devrait constituer la base de la politique et de la diplomatie. Jamais nous n’avons eu besoin de plus que cela dans la phase actuelle, de confiance je veux dire car nous devons assumer les conséquences de la crise financière. Et nous devons savoir que la crise financière et budgétaire, qui n’a toujours pas été surmontée, n’a pas constitué le plus grand défi pour l’Europe, mais l’Europe doit relever un défi encore plus grand qui est celui de la question des réfugiés.

Cette confiance, donc, qui valait traditionnellement dans nos relations bilatérales entre l’Allemagne et la Grèce, cette confiance a, ces derniers mois et ces deux dernières années, été ébranlée par les propos incisifs de la presse et notre travail, notre responsabilité est de faire face à cette question. Cela revêt une importance déterminante, à savoir que tous ces malentendus, toutes ces conceptions erronées des Grecs au sujet des Allemands et des Allemands au sujet de la Grèce, non seulement nous en discutons, mais aussi nous essayons de trouver la voie qui nous conduira à la restauration des bonnes relations et à l’établissement des liens et des bonnes relations qui existaient dans le passé.

C’est pourquoi, nous faisons ces discussions. Et ces discussions ne sont pas abstraites, mais précises. Nous parlons de ces domaines, de ces champs politiques où nous avons des intérêts communs et naturellement je veux parler de l’économie, des questions économiques et en deuxième lieu la question se pose de savoir comment nous allons nous rapprocher les uns des autres, rapprocher les hommes. Comment nous pouvons réussir ce rapprochement.

Nous saluons, par exemple, le fait que presque 3 000 étudiants étudient dans des universités allemandes. Mais nous sommes d’avis que, au-delà de tout cela, il y a la dynamique que nous pourrions développer, notamment pour ce qui est des jeunes. Nous avons parlé de cette question avec le Président de la République également et nous en parlerons plus en détail ensemble de cette institution qui a été mise à l’épreuve et porte ses fruits dans d’autres régions. Par exemple, concernant la relation bilatérale avec la jeunesse, la Fondation de la jeunesse a été créée entre l’Allemagne et la France dans des conditions difficiles similaires, création qui a abouti à une relation étroite et une réconciliation. Cela pourrait peut-être constituer une expérience et une base que nous pourrions exploiter pour le cas de la Grèce également en créant la Fondation gréco-allemande de la Jeunesse. Peut-être que nous pourrions suivre cette voie à l’avenir.

Ce que nous avons en fait l’intention de faire à l’avenir ne peut éclipser tout ce qui s’est produit dans le passé. À savoir les discussions sur les questions financière, l’accord entre la Commission européenne et la Grèce d’un côté, c'est-à-dire les engagements. Et j’aimerais à ce stade exprimer tout mon respect pour le fait que la Grèce a trouvé la force d’adopter des réformes importantes, non seulement de les discuter, mais de les appliquer, de les mettre en œuvre. Nous avons pleinement conscience du fardeau et des efforts consentis par le peuple grec pour pouvoir mettre en œuvre ces réformes.

Votre ministre et moi-même partageons la même expérience et je suis d’accord avec lui lorsqu’il dit que la Grèce honorera ses engagements et continuera de mettre en œuvre tout ce qui a été convenu entre l’Europe et la Grèce. Je le dis en tant que personne ayant une expérience personnelle en matière de mise en œuvre de réformes et qui a été contraint d’acquérir cette expérience. Je le dis donc en tant que personne qui était coresponsable d’un problème tout aussi ambitieux qu’exigeant. Ce programme de réformes a été lancé il y a 10 ans en Allemagne et je sais que la plus grande difficulté pour le monde politique est qu’il doit assumer le coût politique de tout cela et que les réformes qui sont essentielles, portent leurs fruits bien plus tard. C’est une grande difficulté de la politique à laquelle les hommes politiques eux-mêmes doivent faire face et vous en faites également l’expérience, nous le voyons bien, et nous respectons pleinement vos actions.

Lorsque nous discutons donc de questions financières, nous le faisons sans perdre de vue ce problème et de nombreux Européens le ressentent bien. Je veux parler du fardeau créé par les vagues de réfugiés notamment dans la région du Moyen-Orient.

Avant de passer aux possibilités de règlement au niveau européen, qui sont nécessaires, j’aimerais exprimer mes remerciements. Je sais qu’hier au soir, il y a eu un autre accident, un nouvel accident. Et je sais que les gardes-côtiers grecque ont réussi à sauver un grand nombre de vies, des centaines de personnes ont été sauvées. Les vies de réfugiés qui ont réussi à gagner la Grèce par la voie maritime qui renferme tant de dangers. Ils ont sauvé ces personnes. Il y a eu toutefois 7 personnes noyées et 30 disparues. Et encore une fois, nous constatons que la Grèce non seulement reconnaît sa responsabilité et son devoir humanitaire, mais elle agit en conséquence.

Nous avons souligné, lors de nos discussions ce matin avec le Premier ministre et le Président de la République qu’en Europe il n’est pas possible de résoudre les problèmes si la responsabilité est assumée par l’une des parties seulement et que l’autre reproche des choses à l’autre. Cela n’a pas de sens, cela ne mènera nulle part si l’Allemagne et l’Autriche sont par exemple en conflit ou si nous deux sommes en conflit et si les pays des Balkans occidentaux rejettent la responsabilité à la Grèce. Même si ce n’est que maintenant, au moment ultime, il aurait fallu faire clairement comprendre que nous avons besoin de l’Europe comme point de contact et de communication et aucune nation ne pourra jamais faire face aux problèmes toute seule.

Des réponses, nous les trouverons au fil du temps, lorsque nous ne voulons pas voir seulement nos intérêts nationaux – et je ne crois pas que cela soit la panacée – et seulement si nous pensons que la solution résultera d’une solution européenne. Ici, donc, nous avons besoin d’unifier les procédures et dans la mesure où cela a un sens, d’unifier les normes. L’homogénéisation est également une question importante. Ici, nous devons donc avoir une approche européenne générale en sauvegardant les frontières extérieures de l’Union européenne. Et à ce titre, je peux imaginer la création d’un service européen pour la sauvegarde des frontières, des frontières européennes. Sur la base de notre expérience concernant les crises que nous connaissons.

Et ici, il ne suffit pas que les solutions européennes s’adressent seulement aux Etats membres de l’Union européenne. Cela ne suffit pas, il faudra tenir compte de nos voisins aussi.

C’est pourquoi, les négociations entre la Commission européenne et la Turquie seraient un pas dans la bonne direction. Nous devons toutefois ne pas oublier les efforts que nous devrons consentir du côté de l’Afrique également, afin que nous puissions régler de manière plus efficace les flux migratoires. Qu’il y ait une conférence comme celle qui aura lieu dans quelques jours à Malte entre les pays africains et l’Europe. Je sais que nous arrivons très vite à la fin de la discussion relative à l’isolation de l’Europe, mais il ne s’agit pas de cela.

Il s’agit de quelque chose d’autre. Nous devons donner à ces personnes qui s’engagent dans ce processus de fuite des raisons de rester dans leurs pays. Et je parle des jeunes d’Afrique occidentale. Que nous leur fournissions des raisons et qu’ils estiment qu’ils ont un avenir dans leur pays. Cela devrait constituer la priorité de notre rencontre à la Valette.

Toutefois, à la fin, nous ne pourrons éviter la constatation que ces flux migratoires constituent aujourd’hui un gros fardeau pour très peu de pays. La Grèce fait partie de ces pays. Nous ne pourrons surmonter ce problème, si nous ne reconnaissons pas avant tout que les pays particulièrement accablés doivent avoir notre soutien et nous ne pourrons trouver une solution s’il n’est pas reconnu qu’une répartition équitable des charges devra se faire entre les Etats membre de l’Union européenne.

Nous n’en sommes pas encore là, mon sens. Il faudra procéder à la création desdits hot spots et des centres de premier accueil. Il s’agit d’une participation et d’une contribution nécessaires, mais cela ne suffit pas sans la création d’un système de répartition au sein de l’Europe. C’est pourquoi la répartition équitable des charges est une nécessité absolue. Et cela n’aura pas de sens si nous ne nous attachons pas à lutter contre les raisons qui poussent ces personnes à fuir.

Malheureusement, malgré la planification de mon voyage, je ne vais pas pouvoir être ici demain pour me rendre à Lesbos, mais je participerai au premier effort qui est fait à Vienne, où tous les acteurs, Moscou, les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, la Turquie et d’autres pays ainsi que l’Iran pour la première fois, s’assoiront à la table des négociations. Tous les dirigeants s’assoiront autour d’une table et examineront les moyens d’apaiser les tensions. Je pense que tout effort dans ce sens est important.

N. MELETIS : Nikos Meletis, de la télévision publique ERT. Monsieur le ministre, la Turquie a signé deux accords. Un avec l’UE et un avec la Grèce sur la réadmission. Ces accords sont signés et malgré cela nous observons que ces bateaux continuent de partir de la Turquie, de conduire des enfants, des adultes et des personnes âgées à la mort. Pensez-vous qu’il est légitime pour l’Union européenne de négocier avec la Turquie comme elle le fait, avec la Turquie qui demande des échanges, des concessions s’agissant de la question des droits de l’homme, de la liberté de la presse, mais aussi de l’abolition du régime des visas pour 75 millions de ressortissants turcs pour honorer ses obligations ? Merci.

F.W. STEINMEIER : C’est une question que l’on me pose également en Allemagne, c’est pourquoi elle ne me surprend pas. Mais si nous regardons les flux migratoires actuels, nous constatons que le trajet des Balkans occidentaux est le plus important et que la Grèce est affectée plus que tout autre pays, en raison de cette évolution notamment. C’est pourquoi, en ayant en tête cette région, d’où proviennent un très grand nombre de réfugiés, la plus majorité d’entre eux, nous constatons que la Turquie constitue le pays jouant un rôle clé ici. Car de nombreux réfugiés ne traversent pas l’Afrique, mais passent d’Afrique en Turquie. C’est pourquoi je vous conseillerai d’être réalistes. Nous avons besoin du contact avec la Turquie et du mode de négociation. Nous recherchons cette possibilité et j’espère que les discussions futures entre l’UE et la Turquie produiront des résultats.

M. BROWN : J’aimerais poser une question aux deux ministres. Au ministre grec d’abord : Les difficultés concernant les patrouilles communes avec la partie turque se poursuivent. Est-ce que la partie grecque a des prétentions historiques qu’elle soulève pour certaines superficies ? Pensez-vous qu’il y aura des progrès – allez-vous aller dans le sens de la Turquie – en raison du problème ?

Et au ministre allemand : en vue de la grande crise, vous avez dit oui, nous devons prendre en compte tout ce qui se passe aujourd’hui. Pouvez-vous imaginer les coupes sombres et toutes les difficultés auxquelles la Grèce est confrontée sur le plan économique ? Est-ce qu’il pourrait y avoir un assouplissement de ces mesures?

Ν. KOTZIAS : Parfois des mesures sont demandées par les acteurs européens – non pas des pays – des choses que la Turquie n’a jamais demandées. Cela est intéressant. Et personne ne peut répondre à cette demande car officiellement personne ne nous l’a demandé et nous n’aurions pas pu l’accepter.

Il y a deux choses qui entrent en compte. Premièrement, la nécessité de coopérer avec la Turquie, ce que nous soulignons et promouvons. Lors de ma discussion avec mon homologue turc, M. Sinirlioğlu, à New York, il y a 25 jours. Nous sommes convenus de développer cette coopération en partant du niveau local et à tous les niveaux. Non pas seulement de poste de police à poste de police à Evros ou d’autorité portuaire à autorité portuaire en Egée, mais une coopération à tous les niveaux, du niveau le plus haut aux ministères grecs jusqu’à l’ensemble des autorités portuaires ou des postes de police etc.

Deuxièmement, cette interprétation au sujet des patrouilles communes, supposent que la question des réfugiés, le fait qu’il n’y ait pas de patrouilles communes est un problème. Mais cela n’est pas juste. Le problème des réfugiés résulte avant tout de la guerre en Syrie. Donc, nous pourrions nous accorder tous ensemble sur des patrouilles aux frontières turques. Ce problème résulte également du fait qu’il y a des milliers, voire des millions de réfugiés, se déplaçant de la région de la Syrie vers l’Egée.

Je pense que la demande de création de centres d’enregistrement, de régularisation et de tri des réfugiés potentiels. Car jusqu’à ce que ces procédures soient achevées, ils sont des réfugiés potentiels. Et au lieu que ces personnes traversent l’Egée, à leurs risques et périls, on pourrait les prendre en charge dans leurs propres pays et les répartir par la suite directement dans les pays européens.

Mais nous sommes en présence d’un phénomène remarquable, les pays européens se sont accordés sur 160 000 réfugiés, en plus de ceux que nous avons à l’entrée de notre territoire ou en Allemagne, et les autres pays ont accueilli jusqu’à maintenant 187 000 personnes sur les 160 000. Les pays qui en réalité n’accueillent pas de réfugiés au niveau européen sont sans doute ceux qui ont du mal à ce que la répartition se fasse dès la Turquie.

Mais attention, si nous faisions la répartition dès la Turquie, des vies ne seraient pas menacées. Je dois vous dire que les autorités portuaires grecques ont sauvé en mer 78 000 personnes environ. Avez-vous réfléchi aux drames de ces personnes? Des mères avec leurs jeunes enfants. Des femmes qui s’apprêtent à accoucher. Avant-hier, je lisais dans les journaux qu’une réfugiée de 105 a traversé la mer. Pourquoi donc ces personnes doivent-elles venir ici pour les répartir par la suite dans le reste de l’Europe. Pourquoi ne pas les répartir dès la Turquie ?

Le premier problème est donc la guerre en Syrie. Le deuxième est que nous devrons développer notre coopération avec la Turquie. La troisième que la répartition des réfugiés devra se faire, à mon sens, dès la Turquie.

Il existe toutefois un troisième problème qu'on ne doit pas oublier. Selon des informations qui m'ont parvenues, environ 300 000 réfugiés – il se peut que ce chiffre ne soit pas exact, se déplacent des camps de la Jordanie et du Liban et sont en train de vendre tous leurs biens en Turquie afin d'entreprendre le long voyage.

Pourquoi soudainement ces personnes dont le nombre total dans les camps des réfugiés s'élève à 3 millions se déplacent et quittent les camps? C'est sur cette question que nous devons nous interroger.

Pourquoi se déplacent-ils ? Pourquoi partent-ils ? Comme je l'ai affirmé sur tous les tons dans la presse internationale, chaque famille vivant dans les camps recevait à peu près 150 dollars chaque mois et cette somme était versée soit en nature soit en espèces. Aujourd'hui cette somme a baissé à 13 dollars par mois, à savoir 45 cents par jour. Une famille entière doit vivre dans un camp avec 43 cents par jour et satisfaire à ses besoins les plus élémentaires, en se procurant de l'eau potable, du lait, des vêtements ainsi que des moyens de chauffage.

L'effondrement des organismes de financement de l'ONU qui sont actifs au Liban et en Jordanie alimente de nouvelles vagues de réfugiés. Et maintenant, au lieu de chercher à trouver des fonds pour les aider à satisfaire à leurs besoins en Europe, on devrait, à mon sens, collecter des fonds pour leur assurer des conditions de subsistance appropriées près de leurs foyers.

J'aimerais aussi vous dire une autre chose dont on ne parle pas. Le peuple syrien est un peuple fier qui n'a jamais pensé, de ce que je connais de l'histoire, de se déplacer vers l'Europe. Il n’était pas parmi ces peuples qui immigraient en Europe. Si on leur assurait, même aux alentours, des conditions de subsistance élémentaires, les réfugiés seraient beaucoup moins en nombre. C'est-à -dire, outre la guerre, il y a aussi le problème de l'effondrement économique des camps.

Et je voudrais à cette occasion, comme mon ami Frank l'a affirmé dans son discours d'hier, signaler que nous avons encore un problème que je soulève fréquemment au sein des institutions européennes compétentes en la matière, telles que la Commission européenne. On ne doit pas jouer avec le feu et déstabiliser les autres pays de la région. Certains aiment s'entretenir avec les frères musulmans de l'Egypte. Je le comprends. Je n'ai jamais été partisan des régimes militaires. Vous devez le comprendre. Ma génération a vécu dans les prisons de la junte militaire. la La stabilité et la sécurité doivent prévaloir dans la région. Avez-vous jamais pensé ce qu'il va se passer en cas d'effondrement désordonné du régime de l'Egypte dont la population s'élève à 96 millions d'habitants, dont les 62 millions sont des jeunes sans identité ni emploi? Et à ce chiffre s'ajoutent aussi les 45 millions de personnes qui ont dû quitter leurs foyers à cause de la guerre civile au Soudan ainsi que celles qui fuient l'Etat dévasté de Somalie. Par conséquent, un bon nombre de mesures doivent être prises.

En outre, il existe une coopération étroite avec la Turquie, nous attendons les élections, mais personne ne veut que la question des réfugiés soit utilisée comme instrument de violation de la souveraineté d'aucun Etat membre de l'Union européenne.

Qu’est-ce qu’on entend par patrouilles communes ? On pourrait penser à deux choses. Premièrement, il existe un manque de connaissances géographiques, car il existe de nombreuses îles situées à une distance très courte entre la Grèce et la Turquie et par conséquent cela suscite certains problèmes. Il n'existe pas des eaux territoriales entre ces îles, afin de pouvoir effectuer des patrouilles communes. Il existe les eaux territoriales de la Turquie et les eaux territoriales de la Grèce. Et, à mon opinion, il serait bon d'endiguer la vague de réfugiés avant que celle-ci gagne le territoire de l'Union européenne, au lieu de la laisser passer de la Turquie en Grèce et de parler de patrouilles communes, car celles-ci n'auraient aucune raison d'être effectuées une fois que les réfugiés entreront sur le territoire européen. La question est de les empêcher de venir.

Et si au-delà des îles de l'Egée, on cherchait à localiser les eaux internationales, on constaterait que celles-ci sont situées très loin, c'est-à-dire aux Cyclades. Cela signifierait que la patrouille commune s'effectuerait après que les réfugiés auraient traversé une distance de 3 000 km sur les territoires continentaux, car telle est la distance qu'ils traversent pour se rendre aux îles, et on les laisserait traverser aussi une distance de 200 miles pour effectuer par la suite une patrouille commune. C'est là-bas que se trouvent les eaux territoriales internationales. Vous devez bien étudier la carte, Mytilène, Lesvos, Léros, Kos, Agathonissi, etc., toutes ces îles sont situées à une distance de quelques centaines de mètres. Il ne s'agit pas d'une grande distance et donc il n'est pas nécessaire d'effectuer des patrouilles communes.

Ce dont on a besoin est la coopération, et j'en finirai, et la bonne coordination. C'est-à-dire une bonne coordination entre les deux parties pendant que celles-ci effectuent leurs opérations de patrouille. Et, notamment, il faut se mettre à la poursuite de manière efficace de ceux qui sont derrière le trafic de personnes. Et ces réseaux se trouvent de l'autre côté, et non pas dans les eaux maritimes.

Et pour dire toute la vérité, ce trafic d'être humains est un "big business". Savez-vous comment se faisait ce trafic en été? Il y avait le transport pour les pauvres à bord d'embarcations avec des 200, 400 personnes et dans les cales et il y avait aussi le transport « en classe business » à bord de motomarines. Un passager à bord, à un prix de 4 000 à 6 000 dollars. Une fois dans les eaux territoriales grecques, le pilote de la motomarine abandonnait le passager en mer.

On doit endiguer cette vague dès son point de départ et non pas une fois que celle-ci est entrée sur le territoire européen. Une fois que ces personnes ont gagné notre territoire, nous prenons soin d'elles. Et je voudrais aussi vous dire une autre chose. Moi, en tant que ministre des Affaires étrangères, je suis fier de mon peuple et de ces personnes qui, en dépit de la crise profonde, et malgré le fait qu'elles aussi n'ont pas de logement et ils n'ont rien à mangé, ils accueillent ces personnes avec le peu de moyens dont ils disposent. Et je me sens fier car il n'y a pas eu de manifestations de racisme massives. Il s'agit d'un phénomène, à mon sens, sans précédent. Des réfugiés arrivent chaque jour dans les îles, par exemple à Lesvos, une île de 500 habitants, sont arrivés 10.000 réfugiés. Il y avait des îles comme Symi dans le passé ou Agathonissi, où les réfugiés qui arrivaient chaque jour étaient plus nombreux de tous les habitants de nos îles et en dépit de cela il n'y a pas eu de manifestations racistes. C'est pourquoi je parle d'un esprit européen et de la tradition de l'hospitalité grecque.

STEINMEIER : Avant de répondre à cette question, je pense que vous comprenez de quoi il s'agit. Je pense que vous comprenez combien importantes sont, après ce que nous venons d'entendre du ministre grec, les négociations de demain, ou plutôt les discussions de demain à Vienne, afin d'avoir, si vous voulez, au moins le choix du retour. Il est important de continuer d'entretenir notre aspiration qui est de déployer de concert des efforts en vue de créer une situation de sécurité en Syrie où pourront revenir plus de Syriens. Cette question est l'une des questions débattues.

L'autre question qui me préoccupe ces dernières semaines et qui m'a profondément gênée porte sur le fait que nous, d'une part, consentons d'énormes efforts en vue d'engager un débat et d'autre part, le Commissaire aux réfugiés au niveau international, ne dispose pas d'assez d'argent afin de soutenir financièrement les réfugiés et de veiller à leur bien-être. En outre, il a baissé la distribution de repas gratuits à 50% car il n'y avait pas justement d'assez d'argent pour les financer. Et il y avait la menace d'explosion avec l'arrivée de la nouvelle vague de réfugiés.

Telle a été donc la deuxième question majeure débattue il y a un mois à New York. Nous avons pu convoquer cette réunion car nous sommes le pays qui préside le G7. Nous avons pu rassembler les responsables, les donateurs et collecter 1,7 milliards de dollars, somme qui a été allouée au Commissaire compétent en la matière du World Food Program afin de pouvoir au moins satisfaire aux besoins alimentaires des réfugiés.

C'est une somme qui sonne impressionnante, 1,8 milliards d'euros, mais vu le nombre de réfugiés, cette somme n'est pas du tout suffisante. Et nous devons consentir de nouveaux efforts l'année prochaine afin de soutenir et d'assurer le financement de ces programmes.
S'agissant maintenant de la question qui m'a été adressée et qui porte d'une part sur la charge que la Grèce doit assumer à cause des flux des réfugiés vers ou à travers la Grèce et d'autre part sur les difficultés relatives à la mise en oeuvre des réformes.

Je veux vous donner ma réponse en deux parties. Premièrement, le retour à la croissance et à la prospérité n'est pas un intérêt européen. Nous voulons, bien évidemment, que la Grèce soit un pays stable du point de vue politique et économique, mais cela est clairement dans l'intérêt de la Grèce. Cela est prouvé aussi par le fait qu'il existe un accord entre le gouvernement grec, d'une part et de l'Union européenne d'autre part, qui prévoit l'application d'un train de programmes de réformes, un processus qui est déjà en route. Et, comme je l'ai tout à l'heure dit, je suis tout à fait convaincu que ce processus se poursuivra.

L'autre question également légitime, si vous voulez, est dans quelle mesure, en raison de cette charge, la Grèce devrait-elle assumer toute seule le coût des flux des réfugiés. A ce stade, je pense que l'Europe doit donner une réponse qui comportera aussi des solutions. Et, lors du dernier Conseil des Chefs d'Etat une telle réponse a été donnée. Les responsables ont donc salué le fait que la Grèce était disposée à créer lesdits "hot spots" dans diverses régions de son territoire. Cette idée est bonne car on doit assurer à ces personnes du logement, du soutien technique et logistique, etc.,. Et à cet égard tant la Commission européenne que l'Etat membre concerné de l'Union européenne doivent fournir un soutien financier. J'espère qu'il ne s'agira pas de paroles creuses, mais qu’ il y aura un financement tangible.

Pour la Grèce il y a eu un premier versement de la part de la Commission, d'après ce que je sais. De toute façon nous, le gouvernement allemand, soutiendrons toute solution allant au moins dans le sens d'une répartition équilibrée de la charge.

JOURNALISTE : Question concernant la crise syrienne.

STEINMEIER : En Allemagne nombreux sont ceux qui disent qu'il faut parvenir à une entente avec Assad, comme si cela serait une solution. Il y a dix ans, toute politique à l'égard des Syriens ayant été suspendue, on pouvait s'entretenir plus facilement avec le régime et avec Assad. Aujourd'hui, après 5 ans de guerre civile les choses sont bien évidemment beaucoup plus difficiles. Et nombreux sont ceux dans le monde arabe qui rejettent complètement tout contact de ce genre. Un dissident syrien m'a expliqué la situation en la décrivant ainsi : Le dilemme en Syrie porte sur le fait que sans Assad il ne peut y avoir de cessez-le-feux et par conséquent il n'existe pas d'avenir aussi avec Assad. Cela est un dilemme pour l'opposition en Syrie, mais il est vrai que ce dilemme concerne toute la communauté des Etats. A savoir, sans Assad il n'existe non plus de solution.

C'est pourquoi, nous avons consenti des efforts ces derniers mois et semaines, en vue de combler les fossés infranchissables qui sont considérés par les participants comme des obstacles à l'atteinte d'une solution. Et c'est pourquoi c'est impressionnant de voir actuellement les Etats-Unis et la Russie vouloir s'asseoir au tour de la même table des négociations. Mais encore plus difficile était de combler le fossé entre l'Arabie saoudite et l'Iran.

Et j'espère que la situation actuelle ne changera pas jusqu'à demain et que nous réussirons tous demain à nous nous asseoir autour de la même table, une table quelle qu'elle soit, ronde ou carrée. Quoi qu'il en soit, nous espérons que toutes les parties prenantes s'assoiront autour de la table. Demain nous n'allons pas résoudre le problème mais nous pourrons au moins nous nous accorder sur la base de certains principes que la Syrie pourra par exemple respecter. Si la Syrie, en tant que pays, réussit à respecter certains principes, la transformation politique pourrait être entamée dans le but d'avoir un gouvernement de service. Cela serait une grande réussite.

JOURNALISTE : Journal Bild Zeitung. Je voudrais poser une question au ministre grec des Affaires étrangères et une question au ministre allemand des Affaires étrangères.

Monsieur le ministre, vous avez décrit en tout détail la façon dont les réfugiés gagnent l'Europe à travers la Turquie ainsi que leurs souffrances. Toutefois, l'Europe déplore le fait que la Grèce laisse, permet aux réfugiés de transiter par l'ARYM et que les flux migratoires sont en effet incontrôlables. Quand est-ce que vous envisagez de mettre fin à cette situation?

Et M. Steinmeier, il y a eu une réunion sur les Balkans et il y a eu des décisions concernant l'accueil de 7 000 à 10 000 réfugiés sur les îles grecques. Pensez-vous que ces décisions du weekend dernier pourraient améliorer la situation ? Il y a des morts tous les jours. Quelle serait à votre avis la solution ?

KOTZIAS : On me demande très souvent pour quelle raison notre pays ne prend pas des mesures à l'heure où il existe d'aussi grands flux de réfugiés et de migrants économiques.

Lorsque je suis interrogé sur ces questions, je pense aux Etats-Unis. Les Etats-Unis sont le pays le plus développé au niveau technologique dans le monde entier. Ils ont construit le mur le plus solide pour empêcher l'entrée des migrants économiques. Derrière ce mur dans nombreuses régions s'étend un immense désert. Mais en dépit de tous ces efforts consentis par les Etats-Unis qui disposent de la meilleure technologie du monde, de la meilleure police du monde, le FBI, et des meilleurs services secrets du monde, de la meilleure coopération avec le Mexique, dans ce pays il y a 40 000 000 immigrants illégaux.

Cela prouve ce qui se passe lorsque les personnes sont déterminées à sacrifier leur vie pour se déplacer car aux Etats-Unis ces 40 000 000 sont des immigrants économiques. Dans notre région, il y a des réfugiés de guerre qui sont obligés de fuir leurs foyers et déterminés à sacrifier leur vie.

C'est une erreur d'essayer de jeter la pierre à la Grèce. Si quelqu'un pense que la Grèce peut toute seule contenir toutes ces centaines de milliers de personnes, il se trompe aussi.

Ce que nous pouvons faire de notre part est d'organiser mieux l'enregistrement des réfugiés de guerre.

Deuxièmement, nous sommes convenus de construire de centres d'accueil pour 50 000 personnes. Force est de vous rappeler la chose suivante : Nous étions convenus d'une répartition de 160 000 réfugiés et à la fin l'Allemagne a accueilli 1 000 000 et nous 1 000 000 de réfugiés et de migrants économiques illégaux. Ils ne partent pas tous de la Grèce. Par exemple, nous avons dans notre pays des centaines de milliers de Pakistanais et d'Afganais. Une grande partie des migrants économiques vit ici. Une grande partie de ces réfugiés de guerre vit ici. Mais il est évident que plus on se met d'accord sur leur déplacement vers des pays tiers, plus leur volonté d'aller dans ces pays s'accroît.

Nous reconnaissons la bravoure de l'Allemagne. Lorsque cette dernière affirme prête à accueillir les réfugiés en provenance de Syrie - c'est très bien ce qu'elle fait - il est tout à fait logique que la force de déplacement vainc toutes les résistances. Supposons, comme votre journal le fait souvent, que la Grèce ne peut pas contenir ces vagues. Et tous les autres?

Nous avons vu récemment le désaccord entre la Bavière et l'Autriche. Pourquoi l'Autriche qui est un Etat plus organisé, et ne se trouve pas dans le même situation que nous, qui n'a pas licencié à cause des mémorandums des milliers de personnes responsables pour la surveillance des frontières, ne peut-elle les contenir? Et, en outre, j'ai vu qu'ils transitent par d'autres pays. Ils transitent par la Hongrie qui prend toutes ces mesures.

Nous devons tous prendre des mesures. La Grèce s'est mise d'accord et prend des mesures mais je voudrais vous rappeler quelque chose et je dis cela en toute sincérité. C'est la force de la volonté qui fait ces personnes, qui sont prêtes à sacrifier leur vie et à fuir la guerre, se déplacer. Ce n'est pas l'une ou l'autre politique. Et c'est pourquoi je veux qu'on finisse avec la guerre.

Mais, à cette occasion, permettez-moi de dire quelque chose vu que des représentants de la presse allemande sont présents. En février j'ai donné une interview à une chaîne de télévision allemande et j'avais dit que je voyais de nouvelles vagues de réfugiés arriver en Europe. Je l'avais dit en février car je voyais l'évolution de la guerre en Syrie avec la situation économique adverse dans laquelle se trouvait l'ONU ce qui rendait difficile le financement des camps. Je voudrais vous rappeler ce qui faisait la une dans la plus grande partie de la presse européenne. Ils m'accusaient de vouloir susciter une vague de réfugiés. Moi, je ne faisais qu'à décrire le phénomène.

Je répète, nous prenons toutes les mesures possibles. On estime que les dépenses relatives aux réfugiés s'élèvent à 2 800 000 000, somme cinq fois plus élevée que les coupes dans les retraites. On doit penser à cela. Mais on ne peut prendre des mesures au-dessus de nos forces.

Les réfugiés qui arrivent en Grèce, savent qu'ils viennent dans un pays dévasté du point de vue économique. Ils ne viennent pas pour rester en Grèce, mais ils transitent par notre pays. Et nous n'entretenons pas les mêmes relations avec l'Afrique du nord comme l'Europe. Je vous rappelle qu'en Afrique du nord, avec les décisions de l'Union européenne, on était disposé de bombarder même dans les ports les embarcations. Mais la Grèce ne peut pas faire la même chose avec ses voisins, elle ne peut pas bombarder dans les ports les embarcations.

Par conséquent, il s'agit d'une situation différente. Et cela doit être compris de tous. La Grèce s'efforce à enregistrer ces flux dont la plus grande partie vit en Grèce. Mais ce phénomène a pris la forme d'un flux de personnes qui fuient la guerre et veulent se rendre dans des lieux où ils peuvent trouver du travail, de la nourriture et assurer l'éducation de leurs enfants. Mais la Grèce a du mal à répondre à ces besoins.

Je vous donnerai un autre exemple afin que vous compreniez l'attitude du gouvernement grec à cet égard. Les derniers accords ont laissé en suspens la question des prêts rouges. Faites très attention s'il vous plaît. Qu'est ce qu'on entend par prêts rouges? Ce sont des prêts immobiliers auxquels ont souscrit des personnes qui ne sont plus en position de les rembourser car ils n'ont plus de travail, ni de revenu et par conséquent ils risquent de perdre leur maison. Nos créanciers nous demandent de jeter ces personnes dans la rue.

Bon, quelqu'un dirait que lorsqu'on a consenti à cela, on devra le faire. Dans le même temps, nous sommes en train de construire 50 000 maisons pour accueillir les réfugiés. Dites-moi que dirais-je aux 50 000 Grecs qui seront privés de leurs maisons, à l'heure où on serait en train de construire 50 000 maisons pour les réfugiés. Il existe un lien entre ces choses. Notre situation est liée au flux des réfugiés et à nos capacités.

Nous, comme le Zeus hospitalier est un dieu de la mythologie grecque, on voudrait accueillir tous les réfugiés du monde. Mais nous ne pouvons pas. Et cela le savent les réfugiés. Vous devez le comprendre. Ici les centaines de milliers de réfugiés n'ont pas d'avenir.

Il y actuellement 1 000 000 de migrants légaux et 1 000 000 de migrants illégaux. En Grèce il y a 2 000 000 étrangers, à savoir 20% de notre population. Que cela signifierait pour l'Allemagne? Il signifierait 16 000 000 nouveaux migrants et réfugiés. Tels sont les chiffres pour notre pays.

Je vous prie donc de voir d’un œil plus favorable l'attitude de notre pays et les efforts que nous déployons pour contenir les flux des réfugiés. Mais nous ne pouvons pas les endiguer. Ni les Américains n'y ont réussi.

STEINMEIER : S'agissant de la deuxième partie de votre question, dimanche dernier l'Allemagne et l'Autriche se sont rencontrées avec des représentants de la Grèce et des Balkans occidentaux et se sont mises d'accord sur certaines questions.

Vous avez demandé si cela était une solution. Je pense que nous devons poser plus fréquemment cette question dans les jours et les mois à venir car il n'existe pas de solution et la décision mettra en avant la détermination de contenir les vagues des réfugiés. Nous avons besoin d'un train de décisions qui ne seront pas prises au niveau national, c'est-à-dire par les Etats, ces décisions ne peuvent pas avoir des limites de ce genre.

Nous avons besoin de partenariats qui ne sont pas acquis partout. Nous devons agir par la force de persuasion. Il doit y avoir une compréhension concernant la dimension européenne de cette question, à savoir que la question des réfugiés est une question européenne qui doit être envisagée de concert. Nous avons également besoin de la volonté en faveur des procédures d'asile lesquelles doivent être harmonisées afin d'avoir une répartition équitable des charges. Nous avons besoin de la volonté en faveur des accords avec les Etats d'origine de ces réfugiés, afin de pouvoir contenir ces flux des réfugiés d'une manière décisive.

Toutefois, de tout cela on doit retenir une chose. Il n'y aura pas de solution à ce problème sans la désescalade de la manière appropriée de ces conflits lesquelles contraignent ces personnes de quitter leurs foyers, leurs familles et s'engager dans ces aventures.

Comme vous le voyez, l'Allemagne n'est pas directement impliquée dans ces conflits. Et, en dépit de cela, avant que ces flux migratoires prennent les dimensions actuelles, nous avons consenti des efforts et avons apporté notre propre contribution afin de tester certains moyens qui pourraient limiter ces conflits.

Je vois les dépenses, je vois les dépenses pour nous, pour la Grèce, je vous la charge que tout cela implique. Le fardeau que devront porter les municipalités, les communautés, les Etats. Je vois aussi le fardeau que doivent porter les personnes qui sont disposées à apporter leur aide face à des situations qui sont au-dessous de leurs moyens.

En dépit de cela, je pense que nous devons dire ouvertement la vérité. Il n'existe pas de vérité qui puisse entraîner des changements, mais les accords atteints dimanche dernier font partie d'une solution plus élargie que nous devons examiner au niveau européen. Et cette solution doit aller de pair avec nos efforts au niveau de la politique étrangère, des efforts qui conduiront à la fin de certains conflits. Car, autrement, si ces conflits persistent, les sources de ces déplacements persisteront également.

Seul le prononcé fait foi

October 30, 2015