(Seul le prononcé fait foi)
Ε. VENIZELOS : Je suis heureux d’accueillir au ministère des Affaires étrangères mon collègue le ministre des Affaires étrangères de la Turquie et très cher ami, Ahmet Davutoglu qui effectue une visite à Athènes aujourd’hui, en réponse à la visite que j’ai effectuée à Ankara il y a quelques mois. Il ne s’agit bien naturellement pas de notre deuxième visite, car nous avons eu des visites à New York et à Bruxelles dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU, dans le cadre des procédures de l’OTAN et de l’Union européenne.
Nous avons eu l’occasion de discuter avec le Premier ministre tout d’abord, Antonis Samaras, puis, nous avons eu une réunion en tête à tête et enfin des discussions élargies avec nos délégations respectives sur toutes les questions d’intérêt commun, discussions qui se poursuivront pendant le déjeuner de travail.
J’ai présenté à M. Davutoglu les priorités de la Présidence hellénique imminente du Conseil de l’Union européenne, car bon nombre de ces priorités intéressent également la Turquie, puisqu’elles sont en rapport avec les relations gréco-turques, avec des aspects cruciaux de la politique que nous appliquons dans une région revêtant un intérêt commun, à savoir l’Europe du sud-est, les Balkans occidentaux et la Méditerranée orientale.
Nous nous sommes accordés sur le fait que la prochaine réunion (la troisième réunion) du Conseil de haut niveau de partenariat aura lieu en Grèce, en septembre, après les élections européennes qui se dérouleront ici et après les élections présidentielles qui se dérouleront en Turquie.
Nos deux rencontres précédentes étaient très fructueuses et nous avons l’obligation de parachever le processus de ratification d’un grand nombre de textes contractuels. Nous avons une base très solide de coopération s’agissant de questions ayant trait à l’économie, à l’entreprenariat, au développement, avec en première ligne l’énergie et le tourisme.
Dans le secteur de l’énergie, le nouveau gazoduc TANAP qui couvre le territoire turc et le TAP, par la suite, qui traverse la Grèce et l’Albanie, constituent un élément très important. Un élément qui nous permettra de développer d’autres initiatives, non seulement en rapport avec les gazoducs, mais avec la diversification des sources de gaz naturel. D’ailleurs, notre coopération en Méditerranée est également favorable aux sources d’énergie renouvelables, et pas seulement au pétrole et au gaz naturel.
La Turquie est prête à signer avec l’Union européenne, avec la Commission européenne, un accord de réadmission – ce qui est très important et qui facilitera la lutte contre ce grand problème commun qu’est l’immigration illégale. Toujours dans le respect du droit international, du statut de réfugié pour tous ceux qui, conformément au droit international, méritent cette désignation.
D’un autre côté, l’immigration clandestine est un problème non seulement humanitaire – un problème humanitaire énorme -, mais aussi un problème de sécurité pour les pays de l’UE, pour la Grèce et bien naturellement pour la Turquie. Nous avons une coopération très étroite sur toutes les questions ayant trait à la lutte contre le terrorisme.
Par ailleurs, nous avons, à l’évidence, abordé la question de l’état d’avancement des discussions sur Chypre afin de créer un nouveau cadre de consultations et de négociations dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, des accords de haut niveau, qui sont un acquis pour Chypre. Un acquis communautaire européen, car la République de Chypre est un Etat membre de l’Union européenne.
Le début des pourparlers et des négociations à Chypre nous intéresse et est lié aux initiatives du président Anastassiadis, qui, je tiens à le dire, a avant tout souligné la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle génération de mesures de confiance, qui changeront le climat et permettront le parachèvement des négociations.
Il y a un point crucial à cela : tout accord doit pouvoir être acceptée par le peuple chypriote par le biais d’un référendum. C’est un critère substantiel, c’est le critère final. Une légalisation doit être apportée et c’est le peuple chypriote lui-même qui la donnera par le biais d’un référendum.
Par conséquent, nous devons garder à l’esprit que tout ce que nous demandons sera jugé par le biais d’un processus démocratique. Et nous sommes prêts à contribuer à la formation d’une solution qui pourra être acceptée, comme je l’ai dit, par le peuple chypriote, au moyen d’un référendum.
Nous sommes convenus de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour maintenir à un haut niveau nos relations, dictées par la créativité et sans malentendus. De ce point de vue, il est très important de protéger le patrimoine culturel, les monuments chrétiens de l’époque byzantine et les monuments de l’époque ottomane. C’est un élément qui nous unit, en tant que pays civilisés, membres de l’ONU et de l’UNESCO.
Pendant le déjeuner, nous aurons l’occasion d’aborder plus en détail les questions régionales et internationales, que nous avons soulevées, et maintenant nous aurons l’occasion de les aborder de manière plus systématique. Nous nous réfèrerons plus spécifiquement à la situation qui prévaut en Syrie et en Iran et dans d’autres pays de la région qui nous intéressent car l’une des priorités de la Présidence hellénique est ledit voisinage sud – tout comme la Présidence lituanienne a mis l’accent sur le voisinage oriental, initiative dont le couronnement a été le Sommet de Vilnius il y a quelques jours.
Sur ces quelques mots, j’aimerais de nouveau saluer la présence de mon cher ami Ahmet Davutoglu à Athènes et le prier de prendre la parole.
Α. DAVUTOGLU : Mon honorable ami, ministre des Affaires étrangères de la République hellénique, je vous remercie de m’avoir reçu ici à Athènes. Ce matin nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le Premier ministre, M. Samaras. Pendant l’année 2013, j’ai eu l’occasion de recevoir à Ankara votre prédécesseur, M. Avramopoulos et vous-même cet été. Nos relations et ces visites attestent de l’importance qu’accordent les deux parties à leur relation.
Je pense que les très bonnes relations que nous avons tissées ont abouti à des accords très importants. Des accords en nombre restreint les années précédentes, jusqu’au renforcement de nos relations, où en l’espace de trois, quatre années nous avons pu en signer 27 environ. Ces accords révèlent l’importance et le résultat du renforcement de nos relations.
Aujourd’hui, nous avons mis l’accent sur les travaux et la perspective de la tenue de la prochaine réunion du Conseil de coopération de haut niveau. Bien entendu, le renforcement de ces relations a eu d’importantes conséquences sur le plan économique et commercial. A l’heure actuelle, le volume commercial atteint 5 milliards de dollars, notre objectif étant 10 milliards de dollars.
Les investissements grecs en Turquie s’élèvent à près de 7 milliards et nous savons qu’un grand nombre d’hommes d’affaires turcs ont visité la Grèce et continuent de visiter la Grèce et de signer des accords économiques importants. Il est très important pour nos relations que ces rencontres aient lieu dans un climat pacifique et amical.
Ceci est notre vision que nous essayons de réaliser coûte que coûte. Les relations culturelles sont très importantes à cet égard. Lors de ma précédente visite à Athènes, j’ai eu l’occasion de visiter Faliro et les personnes qui sont originaires d’Istanbul, des citoyens grecs qui résident dans la région. Cela m’a procuré un plaisir immense, car c’est comme si je me promenais dans un endroit qui m’était très familier.
Lors de cette visite, j’aurais l’occasion de visiter l’Association des Imvriotes. Et j’espère que lors de votre prochaine visite, monsieur le ministre, nous aurons l’occasion de visiter la région d’où sont originaires les Grecs Karamanlides, la région de Karaman en Turquie centrale. Ce sera pour moi à la fois un plaisir et un honneur que de vous accompagner lors d’une telle visite.
Bien entendu, la question de nos minorités doit être considérée comme une occasion, un pont qui unit les deux peoples et nous devons voir la question des minorités du point de vue des droits du citoyen, de l’égalité devant la loi, des droits égaux de tous les citoyens.
Nous, la Turquie et la Grèce, savons que les pourparlers s’accélèrent dans le but de résoudre la question chypriote et en tant que puissances garantes nous voulons contribuer au mieux à cette perspective de résolution de la question chypriote.
La Turquie et la Grèce ont soutenu tout processus qui aboutira à une résolution pacifique de la question chypriote. Nous souhaitons la paix dans la région élargie du Moyen-Orient, qui passe par le règlement pacifique de la question chypriote.
Nous pensons que la paix dans la région confère plus de puissance à la Turquie dans l’espace élargi du Moyen-Orient et cela renforce notre souhait de garantir la paix en Méditerranée orientale et à Chypre.
En plus de tous ces points positifs, nous avons eu l’occasion de nous entretenir sur les relations de mon pays avec l’Union européenne. Car comme chacun sait, la Grèce assume la Présidence du Conseil de l’UE et j’ai eu l’occasion de dire à mon homologue l’importance que nous attachons à la Présidence hellénique. Je pense que nous avons consenti de gros efforts pour notre perspective européenne et je pense que la signature de l’Accord de réadmission accélèrera la perspective européenne de la Turquie.
Nous espérons que l’impulsion donnée par la Grèce se poursuivra et sera renforcée lors de sa Présidence. Je pense que la Turquie contribuera pleinement au devenir européen. Ainsi, je remercie chaleureusement M. Vénizélos pour la priorité qu’il accorde à nos relations, aux relations entre les deux pays.
La Turquie naturellement est prête à tout type de coopération dans ce sens et nous continuerons d’œuvrer de la même manière positive. Comme nous traversons une période de renforcement des liens et des ponts qui unissent les deux parties, nous essayerons dans ce contexte de résoudre les questions épineuses de nos relations, les questions difficiles de nos relations. Et je serais particulièrement heureux monsieur le ministre de vous accueillir dans mon pays.
Merci.
Κ. ΚΟUTRAS : Nous en venons à la séance de questions. Deux pour les médias grecs et deux pour les médias turcs. Y a-t-il des questions s’il vous plaît ?
Α. ATHANASSOPOULOS («VIMA») : Merci beaucoup. J’ai une question pour chacun des ministres. Monsieur Davutoglu, j’aimerais savoir dans quelle mesure, dans le cadre des pourparlers sur l’émission d’un communiqué conjoint sur la question chypriote, vous partagez pleinement les positions du dirigeant chypriote turc, Dervis Eroglu concernant l’existence ou l’absence d’une souveraineté unique et indivisible de la République chypriote.
Et une question à M. Vénizélos : monsieur le ministre, lors d’une interview que vous avez récemment accordée au quotidien turc Sabah, vous avez dit que « la réalisation des pas nécessaires à Chypre est importante pour notre avenir commun » en voulant parler de l’avenir commun de la Grèce et de la Turquie. Pensez-vous que ces pas sont effectués ? Merci.
Α. DAVUTOGLU : Très peu de question mondiales « gelées » ont été abordées avec autant que détails que la question chypriote. Nous avons une vaste terminologie en ce qui concerne la question chypriote.
En 2004, avec le Plan Annan, nous avons eu l’occasion de tout aborder : comment l’Etat serait créé et sur quelles bases. Autrement dit, nous avons un acquis très important concernant les pourparlers sur la question chypriote et je pense que la Turquie avait soutenu très sérieusement le règlement de la question chypriote, ce qu’elle fera maintenant aussi.
Il y a naturellement des documents informels sur cette question et des différends qui divisent les deux parties. Toutefois, il est très important de constater nos différends et d’utiliser une terminologie commune, d’avoir un discours commun pour pouvoir discuter en vue de pouvoir régler ces différends.
En ce qui concerne la question du communiqué conjoint, nous, en tant que Turquie, avons essayé et je pense que la partie chypriote turque a été assez flexible à cet égard et je pense que nous essayerons de faire preuve de la même attitude. Faire preuve de la même volonté qui nous mènera à la résolution de la question.
Il est très important que Chypre puisse continuer en tant qu’un seul Etat, qu’elle puisse continuer d’exister. Je pense que cela est très important dans le cadre international, le statu quo international et dans le texte du communiqué conjoint.
Nous devons poursuivre les consultations directes. Nous avons perdu un temps très précieux depuis 2004. Presque dix années se sont écoulées et les négociations durent depuis cinq ans entre les deux parties à Chypre. Il y a eu une pause d’une année et l’élection du Président Anastassiadis nous a procuré une grande joie, car l’élection d’une personnalité qui a soutenu le Plan Annan était de bon augure.
Bien entendu, il nous a été demandé d’accepter cette pause, en raison de la crise économique qui a frappé Chypre. Mais nous voulons aussi voir cette volonté, de la part des Chypriotes, à savoir qu’ils veulent ces pourparlers qui mèneront à la résolution de la question.
Nous, la Grèce et la Turquie, sommes engagés sur la voie des consultations constructives. Nous ne devons plus perdre de temps. La perte de temps n’est pas bénéfique. Et je pense que l’heure est venue de continuer.
Ε. VENIZELOS : La position grecque concernant le dossier chypriote est bien connue. Elle a été formulée à plusieurs reprises et mon cher ami, Ahmet Davutoglu la connaît bien.
La Grèce soutient les initiatives du Président Anastassiadis. Ces initiatives comprennent les propositions de mesures de confiance d’un nouveau type, des mesures de confiance plus courageuses, plus radicales qui peuvent changer radicalement le climat sur l’île.
Elles comprennent également la nécessité de convenir d’un communiqué conjoint qui n’est pas à caractère formel ou informatif, mais constitue le cadre de la négociation. Quoi qu’il en soit, les grandes questions, les questions cruciales doivent être soulevées, abordées et convenues. Il vaut mieux le faire au début pour qu’il puisse y avoir un cadre sûr et une rapidité dans le processus des pourparlers.
La solution à la question chypriote doit aboutir, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et à l’acquis communautaire européen, à une solution fédérale, bicommunautaire, une solution fonctionnelle du point de vue institutionnel et compatible avec les règles de fonctionnement de l’UE.
Nous avons besoin d’une solution qui respecte le fait que Chypre est un Etat membre de l’ONU, de l’UE et de la zone euro. Nous avons donc besoin d’une solution basée sur une personnalité juridique internationale unique, une souveraineté unique et une citoyenneté unique. Ce sont les éléments fondamentaux d’une solution. Nous espérons que l’autre partie fera preuve de bonne foi, que nous puissions nous mettre d’accord sur le Communiqué et commencer les négociations.
Le gouvernement chypriote, le Président Anastassiadis a adressé une lettre au Premier ministre Samaras et lui a demandé, en vue de faciliter le processus, que la Grèce, après le Communiqué et l’ouverture des négociations, effectue – au niveau du Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères – une rencontre avec le négociateur de la communauté chypriote turque et le gouvernement turc rencontrera – au même niveau – le négociateur de la communauté chypriote grecque.
Le Premier ministre et moi-même avons décidé d’accepter la proposition du Président Anastassiadis, pour faciliter la procédure et montrer notre attitude positive.
J’aimerais toutefois préciser une chose qui va de soi : les deux négociateurs représentent les deux communautés – la communauté chypriote grecque et la communauté chypriote turque – telles qu’elles sont prévues dans la Constitution de 1960 qui régit jusqu’à aujourd’hui l’existence et le fonctionnement de la République de Chypre.
Ils ne représentent pas d’autres entités et la Grèce ne reconnaît en aucun cas ladite « République turque de Chypre du Nord ». Cela est bien clair. D’ailleurs, les deux dirigeants se rencontrent depuis des années maintenant et ces rencontres ne produisent aucun résultat juridique que celui pour lequel elles sont effectuées et qui concerne les négociations.
Et je répète, ce qui est recherché est une solution qui puisse être acceptée par le biais d’un référendum. Le Plan Annan a transmis un héritage positif qui est l’acceptation du processus du référendum. Nous avons donc besoin de solutions démocratiques, consensuelles, des solutions qui seront soumises au jugement du peuple chypriote qui décidera.
Je suis ravi de constater que nos positions sont formulées en toute franchise, qu’elles sont comprises mutuellement et nous espérons qu’il y aura un accord sur le Communiqué qui sera un premier signe de la bonne volonté, afin que nous puissions enfin entrer dans le cœur de la négociation.
P. BERIRE («Agence turque “Anadolu”») : Très honorable ministre, le 16 décembre aura lieu la signature de l’Accord de réadmission et par la suite, 3,5 ans plus tard, les ressortissants turcs pourront visiter la Grèce sans visa. A l’heure actuelle, nous observons une grande augmentation du nombre de visiteurs en Grèce, des touristes turcs. Comment cette procédure se poursuivra-t-elle ? Par ailleurs, quelles sont les plans de la Présidence hellénique concernant la Turquie ?
Ε. VENIZELOS : Nous estimons que la signature de l’Accord de réadmission entre l’Union européenne et la Turquie revêt une importance primordiale. L’accord de réadmission nous intéresse car il s’intègre dans le cadre d’une gestion globale des flux migratoires, mais il nous intéresse aussi car il ouvre la voie à la libéralisation du régime des visas.
Notre coopération dans le domaine touristique est très bonne, elle se poursuit et offre de très grandes possibilités pour un marché touristique unique, non seulement au niveau de l’échange de visites entre les ressortissants des deux pays, mais aussi pour attirer des touristes d’autres régions du monde, qui sont fascinés par la Méditerranée, le climat et le patrimoine culturel et peuvent renforcer aussi bien l’économie grecque que turque.
Nous suivons de près l’augmentation des visites des ressortissants turcs en Grèce et des ressortissants grecs en Turquie et nous voulons renforcer ce rythme. Dans nos îles, par rapport à la côte turque adjacente, nous appliquons avec succès un programme pilote, qui nous montre les importantes opportunités de développement qui existent et nous sommes vraiment heureux de pouvoir faciliter les personnes qui souhaitent visiter nos pays.
Α. DAVUTOGLU : There was another question on your Presidency. What is your policy during your Presidency regarding Turkish integration?
E. VENIZELOS : M. Davutoglu me fait signaler que la question comprenait une deuxième partie. La Présidence hellénique du Conseil de l'Union européenne poursuivra tous les processus liés à l'élargissement. La Turquie est un très ancien candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Nous avons d'ores et déjà discuté des initiatives communes que nous pouvons prendre dans la région des Balkans occidentaux et en Méditerranée, ainsi que dans les pays du Moyen-Orient et du monde arabe au cours du semestre de la Présidence hellénique, mais aussi au cours de la présidence italienne. Car les deux présidences, grecque et italienne, ont institué l'Année méditerranéenne à l'Union européenne.
Déjà, après 3,5 années d'inertie, des discussions ont été relancées sur un chapitre très important, à savoir la politique régionale, un chapitre d'intérêt commun et nous espérons que la négociation sur ce chapitre sera achevée au cours de la Présidence hellénique.
Il y a d'autres chapitres qui peuvent être ouverts. Il existe des chapitres relatifs au noyau dur de l'intégration européenne, tels que la politique économique et monétaire. Il existe des chapitres portant sur la politique sociale et l'Europe sociale qui revêtent un intérêt majeur pour nous.
Il existe, bien évidemment, d'autres chapitres qui sont très importants et portent sur la démocratie et l'Etat de droit. S'agissant de ces chapitres, un changement du climat au niveau de la question chypriote, un accord sur le Communiqué commun et l'ouverture officielle des négociations, pourraient nous faciliter la tâche.
Quoi qu'il en soit, nous devons beaucoup travailler sur les relations entre l'Union européenne et la Turquie. Cela est également lié à la Politique commune de sécurité et de défense, à l'OTAN et aux relations entre l'Union européenne et l'OTAN.
Pour nous, il est très important que cette relation entre l'Union européenne et l'OTAN soit globale, c'est-à-dire qu'elle englobe tous les 28 Etats membres de l'Union européenne. Cela est très important en raison de la participation de la République de Chypre à ces processus.
P. GALIATSOS (journal «KATHIMERINI») : Ma question est adressée à M. Davutoglu : Vous avez abordé nos relations culturelles et nous lisons dernièrement dans la presse des déclarations de la part des hauts fonctionnaires de votre gouvernement qui veulent transformer Aghia Sofia en mosquée. Est-ce que vous voulez en réalité procéder à cette action ? Et pourquoi, alors qu'il y a une protestation de la part de la Grèce concernant ces questions, vous répondez à ces protestations en signalant qu'Athènes n’a pas de mosquée. En outre, s'agissant de la question de la Faculté de Théologie de Halki, vous nous dites que nous devrons d'abord construire une mosquée à Athènes. Toutefois, il ne s'agit pas de questions bilatérales, mais de questions liées aux droits de l'homme. Pourquoi vous efforcez-vous sans cesse d’élargir l'agenda de nos relations bilatérales en incluant des questions de ce type?
Α. DAVUTOGLU : Tout d'abord permettez-moi de signaler que quand il s'agit des droits de nos citoyens, c'est à ceux-ci que nous donnons priorité et ce, bien évidemment, dans le sens de l'égalité de tous devant l'Etat.
Bien évidemment, il existe la question des Vakoufia (établissements religieux) ainsi que d'autres questions et, comme vous le savez, la partie turque a entrepris des actions attestant de la bonne volonté du gouvernement turc, tel que la restitution des biens des Vakoufia dont la valeur s'élève à près de 1,4 millions de livres. Je pense que cela est évident aussi au niveau de nos relations avec le Patriarcat et de ses demandes soumises auprès du gouvernement.
Nous appliquons le droit international et toutes les dispositions en vigueur concernant ces questions. La Turquie est un Etat où l'église est séparée de l'Etat et dans ce sens, nous appliquons le droit international ayant trait à ces questions.
Si dans certaines de nos réponses nous faisons référence aux questions relatives aux droits des citoyens musulmans de la Grèce, au droit de l'élection libre et directe d'un représentant religieux, du Mufti, c'est parce que je pense que l'élection directe du Patriarche par le peuple a également une valeur universelle.
Et s’il existe certaines questions au niveau bilatéral, je dois vous dire que nous avons passé outre les questions de réciprocité pour ce qui est de ces questions et avons appliqué les principes du droit international. Par exemple, le Consulat général de Grèce à Istanbul est installé dans un bâtiment qui a été restitué à la partie grecque. Je parle du Sismanoglio Megaro. Il en va de même pour le monastère d'Aghios Georgios à Büyükada.
Je pense que les traditions datant de l'époque byzantine et ottomane constituent un patrimoine commun pour l'Etat turc. Tant la civilisation byzantine que la civilisation ottomane constituent notre propre patrimoine commun.
Je pense que notre manière d'envisager ces questions est prouvée par notre attitude à l'égard des questions ayant trait au patrimoine culturel. Je pense que notre attitude à l'égard de ces questions est ouverte, très claire et a été reconnue au niveau international pour ce qui est du respect des principes internationaux régissant ces questions.
Je voudrais faire une autre remarque. Il y a à Thessalonique la mosquée Alaca Imaret où comme vous le savez, une exposition a été organisée avec des projections dont le contenu ne convenait pas à un établissement religieux. Cette pratique de la part de la partie grecque a beaucoup contrarié la partie turque et le peuple turc.
Mais, cela n'est plus le cas heureusement. Toutefois, chaque fois qu'il y a des contrariétés de ce type, nous avons l'occasion de les discuter entre nous. Les monuments religieux ne doivent pas être utilisés d'une manière qui va à l'encontre du caractère d’un monument et nous accordons une très grande importance à cette question.
Et, bien évidemment, nous accordons une très grande importance aussi à la protection de ce patrimoine culturel commun auquel je me suis tout à l'heure référé. La restauration d'Aghia Sofia au 16e siècle par Mimar Sinan et le respect à l'égard de ce bâtiment atteste de notre attitude immuable. Je vous remercie.
E. VENIZELOS : Permettez-moi d'émettre également un commentaire, à l'occasion de cette question concernant les monuments. Tous les Etats membres de l'ONU et de l'UNESCO ont le devoir de protéger les monuments du patrimoine culturel, et notamment les monuments qui en raison de leur importance sont classés au patrimoine culturel universel.
Il est de notre devoir de respecter les principes de l'UNESCO sur la protection des monuments chrétiens de l'époque byzantine et des monuments de l'époque ottomane.
J'ai dit à mon cher amis Ahmet Davutoglu que j'étais en position de lui remettre un dossier sur les travaux de restauration effectués en vue de protéger un très grand nombre de monuments ottomans en Grèce et il est évident que Aghia Sofia est un monument protégé, classé au patrimoine culturel universel, non pas au niveau national ou bilatéral, mais au niveau universel et mondial.
Il est également évident que nous devons être très attentifs en ce qui concerne l'utilisation des monuments. Il est en effet inacceptable que des monuments importants soient utilisés comme salles de cinéma pour la projection de films spécifiques. Cela est en fait inacceptable.
Il existe, toutefois, d'autres incidents d'utilisation inacceptable des monuments et nous déployons de grands efforts, à travers un dialogue de bonne foi, en vue de nous aligner sur les principes de l'UNESCO et les règles régissant la protection des monuments du patrimoine culturel universel.
Pour ce qui est de la protection des droits de l'homme, il est évident que le principe de réciprocité ne s'applique pas dans ce cas. La Grèce et la Turquie sont des Etats membres non seulement de l'ONU, mais aussi du Conseil de l'Europe. Nous participons à la Convention européenne sur la protection des droits de l'Homme et nous acceptons la compétence et les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le Patriarcat œcuménique n'est pas une institution intérieure turque mais une institution internationale. Sans le Patriarcat œcuménique on ne peut pas définir la notion œcuménique de la chrétienté. L'Eglise chrétienne orientale est définie par rapport à l'Eglise chrétienne occidentale et vice-versa.
En outre, il est important de signaler qu'en Grèce on applique, pour la minorité musulmane de Thrace, la Charia, la loi canonique islamique. Et l'occasion nous a été offerte de discuter avec M. Davutoglu des problèmes liés à l'application de la Charia et le double rôle du Mufti, non seulement en tant que fonctionnaire religieux, mais aussi en tant que juge qui rend la justice dans le cadre de l'ordre juridique grec.
Nous avons eu l'occasion d'aborder en détail ces questions. Ce dialogue est engagé dans un climat de bonne foi et est toujours régi par les règles du droit international en vue de protéger les droits de l'homme.
G. KIRBAKIS: Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous demandez, pour ce qui est de la mosquée à Votanikos et de la restauration de la mosquée au centre d'Athènes, où en sont actuellement les travaux ? Je parle de la construction d'une mosquée dans la région de Votanikos et des travaux de restauration de la mosquée Fethiye à Plaka. Pourriez-vous nous donnez des informations à ce sujet ?
E. VENIZELOS : Je pense qu'il est très important de constater qu'après un retard il y a eu une offre sérieuse de la part des plus grandes sociétés de construction grecques pour la construction de la mosquée d'Athènes. Les frais de construction de cette mosquée seront pris en charge par l'Etat grec dans le cadre de la protection de cette institution par la République hellénique.
L’envergure des sous-traitants garantit l'achèvement rapide et crédible de ce projet. Par conséquent, Athènes disposera d'une mosquée pour tous les musulmans souhaitant exercer leurs devoirs religieux avec dignité, dès lors qu'ils habitent à Athènes ou sont de passage dans notre ville. Et nous sommes très heureux lorsque nos citoyens visitent la Turquie et d'autres pays et peuvent trouver des églises orthodoxes ouvertes, au centre des villes où ils peuvent exercer leurs devoirs religieux.
La mosquée Fethiye constitue un monument ottoman très important. Il est situé au centre d'Athènes et nous saluons la clôture de l'appel d'offre qui a désigné le maître d'œuvre qui sera chargé des travaux de rénovation de ce monument. Nous avons également rénové un très grand nombre de monuments ottomans.
Α. DAVUTOGLU : Concernant cette question, tant le Premier ministre M. Samaras, que le ministre des Affaires étrangères M. Vénizélos, nous ont briefés sur les pas très précis qui ont été faits concernant ces questions. Comme j'ai étudié l'histoire de la philosophie, tout en mettant l'accent sur la philosophie grecque, je dois avouer que je suis un adorateur de l'esprit hellénique. Et, en effet, quand je me promène dans les rues d'Athènes, les images de votre patrimoine culturel me reviennent à la mémoire.
Je pense qu'il s'agit d'une ville très importante revêtant plusieurs aspects et avec un passé très important. Ce que je veux dire est que les villes revêtant plusieurs aspects culturels, disposent de mosquées ouvertes, de synagogues et toutes sortes de lieux de culte ouverts à tous les citoyens. Et cela est une indication du caractère multiculturel de ces villes.
Le fait qu'il y a des monuments architecturaux qui constituent des exemples représentatifs du caractère multiculturel d’une ville est en notre honneur. Tel est, au moins, notre point de vue à cet égard. Et, bien entendu, il est très important pour les visiteurs aussi de pouvoir admirer ce caractère multiculturel de manière tangible chaque fois qu'ils visitent une ville.
J'ai cherché la mosquée Fethiye que j'ai trouvée dans un mauvais état ce qui m'a beaucoup attristé. Contrairement à l'admiration que j'éprouve quand je vois l'Acropole, la vue de la mosquée Fethiye m'a attristée. Je pense que cette mosquée convient à Athènes et met en valeur son caractère multiculturel de tout temps.
Je pense que le gouvernement hellénique contribue de manière considérable au façonnement de ce climat et dans ce contexte, de véritables efforts de rénovation et de restauration sont déployés. Je pense que cela est la responsabilité de chaque gouvernement qui assume le devoir de la protection des monuments d'une valeur universelle.
December 16, 2013