D. AVRAMOPOULOS : Bonjour. C’est avec un grand plaisir que je souhaite la bienvenue à Athènes, capitale de la Grèce et de l’Hellénisme, au nouveau ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre, mon ancien et cher ami, Ioannis Kassoulidis. Je voudrais le féliciter pour ses nouvelles fonctions et lui souhaiter tout le succès dans l’accomplissement de sa mission, au profit de Chypre et de l’Hellénisme en général.
Le parcours politique de M. Kassoulidis ainsi que son expérience à la fois riche et précieuse acquise à l’époque où il servait les intérêts de Chypre en occupant des postes d’importance majeure, sont le meilleur gage pour la réussite de sa haute mission et la représentation internationale de Chypre.
Je suis tout à fait convaincu que, comme dans le passé, le fait qu’il occupe ce poste stratégique, contribuera de manière substantielle et déterminante au renforcement et à l’approfondissement de la coopération et de la coordination de nos deux pays à tous les niveaux. Cette coopération constitue la pierre angulaire de la politique nationale grecque à l’égard de la question chypriote ainsi qu’une priorité absolue de notre gouvernement.
Nous aurons bientôt le plaisir d’accueillir à Athènes, le Président de la République de Chypre, M. Nikos Anastasiadis. Aujourd’hui, nous sommes en train d’élaborer l’ordre du jour de cette visite présidentielle. Nous avons eu un premier échange de vues très utile portant notamment sur les possibilités et les perspectives de la réouverture des négociations sur des questions de fond du dossier chypriote, des négociations qui ont été malheureusement suspendues il y a un an, la partie Chypriote turque en étant la responsable.
Je constate avec une très grande satisfaction que le nouveau gouvernement de Chypre dispose d’une planification et d’une stratégie bien concrètes et qu’il est tout à fait conscient de ses objectifs tout en œuvrant en faveur de la paix et de la stabilité dans la région. La Grèce soutient l’adhésion de Chypre à cette « Coopérative pour la paix », ce qui a d’ailleurs été affirmé par le Président de Chypre lui-même dans son premier discours public.
J’ai réitéré à M. Kassoulidis le soutien sans faille de la Grèce à Chypre. La fin de l’occupation et de la colonisation turques ainsi que l’atteinte d’une solution globale et convenue à la question chypriote, sur la base des résolutions du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies et de la qualité de Chypre en tant qu’Etat membre de l’Union européenne, constituent une priorité nationale absolue pour nous.
Le règlement de la question chypriote, je l’ai à plusieurs reprises affirmé, est la condition, la clé, dirais-je, de la pleine normalisation des relations gréco-turques et insufflera un nouvel élan à la perspective européenne de la Turquie.
Il va sans dire que le Président M. Anastasiadis et son gouvernement ne vont pas d’un coup de baguette magique créer eux-mêmes le climat favorable pour la réouverture immédiate des négociations substantielles et efficaces. Par conséquent, il sera nécessaire de fixer un délai moins serré et de mettre en valeur la nécessité d’une consultation intérieure au sein du nouveau Conseil national de Chypre, en vue d’élaborer un train de propositions relatives à l’atteinte d’une solution et de relancer les négociations avec les Chypriotes turcs sans tensions et en fonction de l’intérêt du peuple chypriote et de la région élargie.
Outre la question chypriote, l’occasion m’a été offerte d’informer M. Kassoulidis des résultats du 2ème Conseil de coopération de haut niveau Grèce-Turquie qui s’est tenu avant-hier à Istanbul. Nous avons également abordé tout l’éventail de questions portant sur nos relations bilatérales, notre coopération excellente dans des domaines importants tels que l’économie et l’énergie, ainsi que des questions régionales relatives à l’Europe du Sud-est et à la Méditerranée orientale.
Enfin, j’aimerais dire deux mots sur la crise à laquelle est confrontée l’économie européenne dans son ensemble. La Grèce et Chypre luttent de concert avec leurs partenaires européens et à tous les niveaux en vue de créer les conditions qui nous permettront de sortir de la crise. Dans ce contexte, il est très important de régler dans les plus brefs délais toutes les questions en suspens liées à l’atteinte d’un accord définitif sur le financement adéquat et en temps utile de Chypre et ce, aux meilleures conditions possibles.
Cher ami, cher ministre, je te remercie de cette première visite dans notre patrie, la Grèce. Cette visite revêt une signification à la fois substantielle et symbolique. C’est une visite substantielle car aujourd’hui nous avons jeté les bases pour une coopération étroite que nous aurons dans la période à venir. Et, c’est une visite symbolique car elle souligne les liens fraternels qui unissent nos deux pays. Ici, tu es chez toi. Je te souhaite encore une fois la bienvenue.
I. KASSOULIDIS: Merci beaucoup. Merci cher Dimitris, cher ami, monsieur le ministre. C’est pour moi un plaisir exceptionnel, un plaisir particulier de me trouver de nouveau dans cet endroit qui m’est très familier, dans le cadre de cette visite à Athènes, centre de l’Hellénisme, en ma qualité de ministre des Affaire étrangères de la République de Chypre. Le fait que Chypre a réussi à adhérer à l’Union européenne, ce que nombreux jugeaient impossible, grâce au soutien de la Grèce, est gravé dans ma mémoire. Cet effort commun étant aussi réussi, tout comme la pleine coordination et l’échange de vues et d’actions au niveau des ministères des Affaires étrangères, j’ai demandé à ce que cette coopération soit de nouveau établie entre Athènes et Nicosie à tous les niveaux.
Aujourd’hui, la Grèce et Chypre subissent de dures épreuves à cause de la crise économique. Toutefois, je suis convaincu que le gouvernement chypriote tout en faisant preuve de responsabilité et en suivant l’exemple de la Grèce, parviendra à un accord d’ici à la fin du mois, avec la Troïka en vue de faire avancer les efforts visant à l’approbation du contrat de prêt.
Toutefois, dans le même temps, nous sommes convenus, M. Avramopoulos et moi, d’une feuille de route stratégique portant sur la politique étrangère de Chypre d’ici à l’avenir proche des deux pays. C’est dans cette feuille de route que s’intègre l’effort de Chypre de déplacer le centre de gravité de sa politique étrangère, de manière ferme et en tant que partenaire responsable et crédible de l’UE. Chypre ne veut pas se différencier des autres 26 Etats membres et c’est justement dans ce cadre que s’intègre notre effort d’adhérer à la Coopérative pour la paix. Il ne s’agit pas d’une action visant à nous lancer dans un jeu d’accusations réciproques afin d’arracher un refus de la part de la Turquie. Il faut procéder à un travail de préparation sérieux et, par la suite, déployer des efforts afin que, lorsque les négociations commencent de nouveau – et que nous sommes prêts à relancer les négociations en vue de parvenir à un règlement de la question chypriote, un règlement que nous voulons ardemment – celles-ci se déroulent dans un environnement meilleur et favorisant leur issue positive. Pour nous le dialogue n’est pas une fin en soi. Nous voulons engager un dialogue qui aura un objectif ainsi qu’un résultat.
Nous avons discuté de toutes ces questions et par la suite nous entrerons dans le détail, lors de la rencontre qui sera tenue entre les deux délégations et j’ose espérer qu’en unissant nos forces avec la Grèce, nous pourrons faire aboutir bien des projets.
Merci.
JOURNALISTE : Une question concernant le dossier chypriote et les initiatives prises par le nouveau gouvernement en faveur de la réouverture des négociations, associée à la coopération avec la Grèce.
I. KASSOULIDIS : Oui, nous avons discuté, je le répète d’une feuille de route. Nous voulons bien préparer le terrain, que le Conseil national parvienne à des positions communes et une ligne de négociations commune, qu’il propose ces positions à la table des négociations et que dans le même temps nous allions vers la création d’un meilleur environnement qui contribuera à la réalisation de cet objectif.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, lors de ces pourparlers sur le dossier chypriote que vous allez essayer de relancer, la base sera-t-elle les consensus qui avaient été atteints précédemment ? Et ma deuxième question concerne la crise. Nous voyons que pour Chypre, comme pour la Grèce, les partenaires veulent inclure les négociations dans un calendrier très serré. On entend parler des responsabilités de la Grèce, en raison des banques, comme par exemple la décote des dépôts à Chypre. Y a-t-il des lignes rouges pour votre gouvernement?
I. KASSOULIDIS : Pour ce qui est du dernier point que vous venez de mentionner, parce que je suis gêné d’entendre que la Grèce est responsable de la situation économique à Chypre et cela n’est pas vrai. La Grèce n’est pas responsable du fait que les banques commerciales à Chypre ont choisi d’étendre leurs activités en Grèce. Elle n’est pas non plus responsable si ces banques ont contracté sur le marché secondaire un grand nombre d’obligations grecques. Certes, la décision de la décote, ici en Grèce, était une décision émanant de l’Eurogroupe qui engendre une certaine obligation morale pour les partenaires pour ce qui est du cas de Chypre à l’heure actuelle. Mais nous devons bannir de notre vocabulaire le mot responsabilité de la Grèce, car non seulement c’est faux, mais aussi il est injuste de le dire.
D’un autre côté, nous négocierons avec sagesse. Nous connaissons très bien les choix qui s’offrent à nous, très limitées certes en termes de questions à débattre et de temps à notre disposition. La crise et l’incertitude ont beaucoup duré. Chaque jour qui passe a de nouvelles répercussions et en même temps donne libre court à toutes sortes d’articles. En l’espace de trois mois, l’image de Chypre a été anéantie en raison de toutes ces publications. L’heure est venue de lutter pour restaurer la réputation de Chypre. Quiconque a un quelconque doute sur la question du blanchiment ou je ne sais quel autre sujet, qu’il vienne a Chypre mener une enquête. D’ailleurs des organismes spécialisés sont chargés de cette mission. Nous pensons que nous sommes irréprochables. S’ils trouvent quoi que ce soit, qu’ils viennent nous le dire et nous le corrigerons.
D. AVRAMOPOULOS : Comme l’a dit monsieur le ministre, pendant la durée de nos pourparlers, nous avons abouti à une série d’accords et d’ententes. La Grèce et Chypre avanceront ensemble dans une conjoncture particulièrement difficile et dans un environnement économique particulièrement défavorable. Nous continuerons de coopérer au sein de l’Union européenne. A l’heure actuelle, nous donnons la priorité au soutien de l’économie chypriote et à l’aboutissement d’un accord en Europe afin que les processus de financement adéquat puissent avancer. Les propos de M. Kassoulidis tout à l’heure répondent à certaines questions cruciales, qui concernent les raisons qui ont conduit l’économie chypriote à la crise. Nous serons aux côtés de Chypre pour que ce problème soit résolu avec succès.
En ce qui concerne la feuille de route, il est vrai qu’un nouvel environnement a été créé. De nouvelles conditions, même géopolitiques, ont été créées. La question chypriote demeure la principale priorité de la politique étrangère grecque et nous ne laisserons aucune occasion se perdre, afin que nous allions le plus rapidement possible vers le résultat souhaité, à savoir l’unification de Chypre. Que Chypre devienne un facteur de stabilité dans la région élargie et un pont d’amitié avec les pays voisins. C’est l’objectif que nous nous sommes fixés. L’un des premiers pas sera la participation de la République de Chypre à la Coopérative pour la paix. C’est un exploit important qui permettra de créer de nouvelles conditions de sécurité et de stabilité dans notre région. Dans ce nouveau cheminement qui est marqué par l’élection de la nouvelle direction politique, Chypre a – comme toujours – la Grèce à ses côtés. Dans cette voie, cher Ioannis, nous avancerons ensemble. Merci beaucoup.
March 7, 2013