Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Bonjour à tous. Je vois que vous êtes de bonne humeur. Nous le sommes également. C’est un grand plaisir d’accueillir ici à Athènes, avec ce beau temps, mon cher ami Heiko qui a fait une tournée dans les pays de l’Europe du Sud-est. C’est un homme qui connaît bien notre région. Et nous avons discuté de la façon dont nous voyons cette région.
C’est la dernière visite avant notre départ demain soir pour les Nations Unies. Ces derniers temps, nous avons eu de nombreux contacts ici et dans d’autres pays. C’est donc une période très intense du point de vue de la politique étrangère.
Néanmoins, en dépit de toutes ces visites, la visite du ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne revêt un caractère particulier pour nous. Nous sommes deux pays qui ont une grande tradition de relations bonnes et constructives.
Force est de rappeler que la résurgence de l’esprit grec en Europe, a été possible grâce aussi au siècle des Lumières en Allemagne, grâce au philhellénisme de grandes personnalités allemandes du milieu intellectuel et de la vie publique.
Peut-on oublier l’affection de Goethe et de Schiller pour la Grèce lesquels ravivaient toujours l’amour du peuple allemand pour l’esprit grec et la Grèce ?
Et Heiko Maas est une personne qui connaît très bien la Grèce, envers laquelle il éprouve une amitié profonde et une attitude positive. Et je tiens à le remercier beaucoup pour ses propos aimables au sujet de notre pays ainsi que pour le soutien qu’il nous accorde concernant tous les problèmes auxquels nous devons faire face.
Comme il vient juste de visiter Skopje et Tirana, il était tout à fait normal d’engager une discussion sur l’accord que nous avons conclu à Prespès et sur les négociations tenues avec l’Albanie.
Nous soutenons l’Accord de Prespès. Nous pensons – ce que j’ai coutume d’affirmer et je ne me lasserai jamais de le répéter – que l’ « histoire doit être une école et non une prison ». Cet accord nous a fait sortir de la prison. Certains rêvent d’y entrer de nouveau. Nous ne les suivrons pas.
En outre, nous avons tenu nos négociations avec l’Albanie. Et, comme vous le savez, ils rencontrent des obstacles, mais pas à cause de nous et de ceux au ministère des Affaires étrangères, mais à cause des problèmes de nature administrative et du désaccord entre le Président de ce pays et le gouvernement. Ainsi que le fait que la Cour de ratification, la Cour constitutionnelle n’est pas en ce moment pleinement - suffisamment - opérationnelle.
Toutefois, comme je le souligne toujours, tout comme l’Allemagne a un poids spécifique – et une responsabilité spéciale en raison de ce poids – vis-à-vis de l’Europe, nous avons nous aussi notre propre poids en Europe ainsi qu’une responsabilité spéciale pour la région. Notre pays est petit mais il est grand vu la région et les grandes responsabilités qu’il a à cet égard. Et c’est justement de cette façon que nous envisageons les accords.
Bien évidemment, nous avons aussi discuté du Kosovo et de la Serbie. Vous savez que nous ne voulons pas que les frontières soient changées dans la région. Nous ne voulons pas des actions qui pourraient provoquer un effet domino. Par ailleurs, nous espérons que les deux Etats résoudront leurs problèmes. Et, bien évidemment, il revient aussi à eux-mêmes de trouver la façon d’y parvenir.
Nous avons brièvement parlé, et nous continuerons notre discussion au cours du déjeuner, d’autres pays de notre région. Nous avons débattu de la façon dont on pourrait réduire les tensions. Et j’ai aussi parlé des nos initiatives dans la région.
Pour nous, dans l’exercice de notre politique étrangère, il existe trois domaines revêtant le plus grand intérêt : les questions européennes à l’égard desquelles nos points de vue convergent avec ceux de l’Allemagne qui soutient toujours des positions pro-européennes, à savoir le développement de l’Union européenne. Les Balkans dont la stabilité et la sécurité est notre cause commune. Et la Méditerranée orientale, région dans laquelle j’ai effectué ces derniers temps un assez grand nombre de visites. La question de l’immigration nous intéresse aussi et nous continuerons d’en discuter.
La Grèce et l’Allemagne ont pris d’importantes initiatives. Nous avons élaboré ce plan d’action sur lequel est axée notre coopération qui est en constante évolution.
Nous sommes en train de finaliser la mise en place de la fondation pour la jeunesse, projet qui intéresse beaucoup le ministre des Affaires étrangères Heiko ainsi que notre ami, le Président de l’Allemagne. Et nous pensons que la coopération entre le Sud et le centre de l’Europe de la manière positive et constructive dont coopèrent les deux Etats constitue un pas sérieux pour l’avenir de l’Europe.
Il y a eu des désaccords, des points de vue divergents, des interrogations tout au long de la période marquée par notre crise profonde. Mais aujourd’hui nous avons trouvé une voie commune pour l’avenir de l’Europe. Et je veux vous dire que dans cette voie commune, l’aide et la volonté positive du ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, Heiko Maas, est un soutien important pour notre pays qui en ce moment sort de la crise et qui, avec les autres pays européens, veut apporter son assistance à toute la région – Balkans, Méditerranée orientale – afin que celle-ci soit développée.
Heiko, je voudrais encore une fois te souhaiter la bienvenue à Athènes. C’est un grand plaisir de te voir. Ici, il n’y a pas les beaux jardins dans lesquels nous nous sommes promenés lors de ma visite à Berlin, mais nous avons encore du beau temps.
Merci.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je voudrais dire quelque chose avant votre question. Je veux dire que les négociations que nous avons tenues avec la future « Macédoine du Nord » et avec l’Albanie, englobent aussi une expérience historique. Et pour moi, l’Ostpolitik de Willy Brandt, joue un très grand rôle dans cette expérience historique. Et force est de rappeler qu’à l’époque de nombreux milieux de l’Europe et en Allemagne se sont opposés avec virulence à l’Ostpolitik, alors qu’aujourd’hui tout le monde reconnait que cette dernière a été indispensable et a aidé dans beaucoup de domaines. Par conséquent, ce n’étaient pas seulement Schiller et Goethe à qui l’on a appris des choses mais nous avons, nous aussi, appris de l’Ostpolitik et d’autres choses.
Je me réjouis que nous ayons élaboré il y a deux ans le plan d’action avec l’Allemagne. Ce plan n’a pas apporté des choses nouvelles, mais il a mis de l’ordre dans nos actions et nos capacités communes. Et nos actions communes sont entreprises tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du ministère.
Et je me réjouis aussi du fait que nous avons développé nos relations à tous les niveaux en tant que ministères, à savoir ce ne sont pas seulement les ministres qui se rencontrent mais aussi les secrétaires généraux, nos directions et nous avons mis en œuvre tout ce qui a été convenu, à l’exception de l’échange prévu d’expériences et de connaissances entre nos directions concernant différentes régions géographiques ou thématiques, ce qui sera fait d’ici à la fin de l’année.
Force est de rappeler que nous avions une direction au ministère, la direction A1 qui comprenait tous les Etats membres de l’Union européenne mais suite à ma décision nous avons créé une nouvelle direction qui englobera la France, l’Italie et l’Allemagne en raison du rôle important de ces pays pour nous, l’Allemagne ayant une place particulière au sein de cette nouvelle direction en raison de nos relations économiques, culturelles et diplomatiques qui sont bien élargies.
Pour ce qui est du travail que nous accomplissons dans le cadre de la fondation pour la jeunesse, il reste encore à préciser certains aspects juridiques quant à la forme de l’organisation, interétatique ou internationale.
Je pense que nous réglerons bientôt cette question ce qui réjouira nos deux ministères mais aussi nos deux Présidents qui coopèrent dans un esprit d’estime mutuelle.
Je voudrais aussi remercier les interprètes. Sans vous, on ne pourrait pas mener à bien notre travail. Je vous remercie toujours car vous jouez à la fois un rôle indispensable et constructif. Et heureusement que vous me corrigez lorsque je fais une erreur.
JOURNALISTE : une question adressée au ministre grec des Affaires étrangères. Dans quelle mesure êtes-vous optimiste à l’égard du résultat du référendum qui sera organisé le 30 septembre en ARYM ? Pensez-vous que ce référendum sera approuvé par le parlement grec ? Une question adressée au ministre allemand. Jean Claude Junker à Salzbourg a évoqué l’idée d’une solidarité flexible à l’égard de la question migratoire. Que pensez-vous de cette approche ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je vous remercie de votre question. Notre accord est comme suit : Référendum : j’espère et je pense que le référendum aura un résultat positif et qu’il y aura la participation nécessaire. Et par la suite la future « Macédoine du Nord » devra opérer une série de changements constitutionnels. Le plus important est de supprimer tout élément irrédentiste. Elle doit aussi changer l’appellation figurant dans sa Constitution. Un grand problème est l’appellation de l’église mais ce n’est pas maintenant le moment d’aborder ce sujet.
Lorsque tous ces changements auront été faits, ce qui devrait être finalisé en décembre mais vu les calendriers, je pense que cela sera finalisé vers la fin du mois de janvier, l’accord sera soumis au vote au sein du parlement grec afin d’être ratifié, tout comme l’accord de l’OTAN pour l’adhésion de ce pays à l’OTAN.
Par conséquent, il y aura deux votes au sein du parlement hellénique. L’ordre dans lequel ces votes auront lieu relève de la compétence du Président du parlement, du présidium. Il existe la majorité nécessaire à la ratification de cet accord. Cette majorité est également manifestée publiquement par le parti du SYRIZA, le parti POTAMI et par un grand nombre de députés à titre individuel.
J’aurais espéré que le parti social-démocrate traditionnel – tel était le cas dans le passé, mais plus aujourd’hui – le PASOK et le parti qui est membre du Parti populaire européen, la Nouvelle Démocratie, soutiennent cet accord. Malheureusement, ils envisagent la politique étrangère en ayant le regard tourné vers la politique intérieure.
Et en outre, le parti de l’opposition, a son regard tourné non seulement vers la vie politique intérieure mais aussi vers les affaires intérieures de son parti, au sein duquel des voix extrémistes qui appartenaient autrefois à des partis de l’extrême droite, l’ont entraîné sur une voie qui n’est pas cohérente avec la politique que ce parti exerçait dans le passé et les négociations qu’il a menées.
Ce que je veux dire est que lors des négociations que nous avons menées nous avons obtenu beaucoup plus que ce qu’ils ont revendiqué. Et nous avons obtenu tout ce qu’ils ont demandé dans le passé quand ils menaient les négociations. Et en dépit de cela, ils persistent à rejeter un accord qui a le regard tourné vers l’avenir. Un accord qui offre aux Balkans de la stabilité et de la sécurité.
Un accord qui revalorise le rôle et la responsabilité de notre pays dans la région. Un bon accord.
Personne ne se souviendra des disputes d’aujourd’hui après 10 ou 20 ans. Tout le monde considèrera qu’il est tout à fait normal qu’il existe un pays appelé « Macédoine du Nord », dans lequel habitent des personnes qui s’auto-définissent à travers leurs droits démocratiques. Pays dans lequel ils parlent une langue reconnue par la Nouvelle Démocratie en 1977 en tant que langue « macédonienne », alors que ce parti se comporte aujourd’hui comme si c’était la première fois qu’il apprenait de l’existence cette langue.
Il serait bon d’avoir une majorité écrasante au sein du parlement en faveur de cet accord historique. Toutefois, en dépit de cela, si ces changements constitutionnels sont approuvés par le pays voisin, je l’espère et je pense que tel sera le cas, cet accord sera sans aucun doute approuvé par la Grèce aussi. J’avais affirmé publiquement, il y a un an et demi, qu’afin que cet accord historique soit ratifié, il n’était pas nécessaire d’avoir une majorité des partis mais une majorité des députés. Car les décisions au sein du parlement sont prises avec la majorité des députés. Et cette majorité est exprimée publiquement par la plupart des députés qui ont pris des engagements à cet égard.
Nous pensons que nous faisons bien d’apporter une solution qui prend en compte l’avenir de la région et l’avenir de l’Europe.
MODERATEUR : Question suivante s’il vous plaît. Je vous prie de vous limiter à une seule question en raison du temps restreint. Merci.
JOURNALISTE : Michael Fischer, DPA. Monsieur Kotzias, monsieur le ministre je voudrais, si vous me le permettez, vous poser deux questions. La première porte sur les réparations pour les crimes perpétrés par l’Allemagne en Grèce. Est-ce que cette question pourrait être de nouveau soulevée ? Car il y a un comité qui est arrivé à une conclusion laquelle fera de nouveau l’objet d’un débat.
Pensez-vous que cette question est close de la part de la partie grecque ? Et deuxièmement, il y a une autre crise au sein du gouvernement allemand. Il y a à peu près six mois nous avions en Allemagne un gouvernement intérimaire. Qu’est-ce que cela signifie de votre point de vue pour les affaires internationales lorsque dans un pays aussi important que l’Allemagne il y a de l’instabilité. Pensez-vous que cela joue un rôle dans ce sens ou non?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je ne sais pas s’il y a une crise. Je ne sais pas s’il y a une crise au sein du système politique allemand. Cela ne me regarde pas. Tout simplement le mot crise qui provient du grec ancien, tout comme le mot chinois équivalent, car nous avons une interprétation parallèle datant depuis 4 000 – 5000 ans de cette question au niveau de la médicine et du système politique, je pense que la crise renferme toujours des possibilités et des opportunités.
Et je pense que le système politique de l’Allemagne est assez mûr et stable afin de valoriser chaque possibilité et chaque opportunité sur la base de la philosophie grecque ancienne et chinoise.
Pour ce qui est maintenant des réparations de guerre, je voudrais que vous les distinguiez du problème relatif au prêt forcé vers l’Allemagne. Il s’agit de deux choses totalement différentes, car dans le cadre du débat engagé en Allemagne ces deux questions sont indissociables. Le prêt forcé existe car même le régime d’Hitler avait versé les deux premières tranches. Il s’agit de deux choses complètement différentes.
Le parlement est en train d’élaborer un rapport et je pense que chaque gouvernement éprouve du respect à l’égard de son parlement. Par conséquent, nous verrons ce rapport et ce texte lorsque le Président du parlement grec le présentera et nous prendrons position en fonction de tout cela. Mais dire que « c'est fini », bien sûre que non.
Tout ce qui est juste d’après l’histoire, demeure. Mais tout cela demande son temps, une approche et une manière particulière.
MODERATEUR : Merci beaucoup.
September 20, 2018