V. PUSIC : Tout d’abord permettez-moi de vous dire quelques mots sur les sujets que nous avons tous deux abordés avec nos délégations et après un accueil chaleureux réservé au ministre. Dans un premier temps, j’aimerais dire que nous faisons partie de la même région, l’Europe du sud-est. Nous partageons des intérêts communs mais aussi des responsabilités. Cette rencontre particulièrement utile s’est déroulée dans un climat amical, à l’aube de l’intensification de nos relations.
Les trois points que nous avons abordés ont été les suivants : la région, les relations avec la région et l’importance de l’amélioration de ces améliorations. Nous pensons, tous deux, que la Grèce et la Croatie présente un potentiel important visant à contribuer à la stabilisation et à promouvoir le progrès dans la région, une région dotée d’une perspective européenne.
Outre cette question, nous avons passé en revue nos relations bilatérales et quelques sujets importants comme l’autoroute qui relie la mer Adriatique à la mer Ionienne. Mais aussi la possibilité de coopérer concernant le gazoduc partant de l’Azerbaïdjan, passant par la Grèce, puis l’Italie et la Croatie. Nous avons discuté de nos intérêts communs, avec notamment la coopération dans le domaine de l’éducation et de la culture et autres secteurs spécifiques, tels que la construction navale, où la Grèce constitue une puissance mondiale majeure et la Croatie offre un potentiel de taille.
La Grèce exercera également la présidence de l’Union européenne au début de l’année 2014. Ainsi les questions ayant trait à l’Europe du sud-est figureront parmi les priorités dans l’ordre du jour de l’Union européenne.
Merci.
D. AVRAMOPOULOS : Je souhaiterais tout d’abord exprimer mes remerciements à mon collègue et ami, la ministre des Affaires étrangères de la Croatie, Mme Vesna Pusic pour son accueil chaleureux et cordial et bien entendu pour les discussions tout aussi intéressantes qu’utiles que nous avons eues ici, dans cette magnifique ville de Zagreb.
Avant de me référer à nos entretiens, j’aimerais vous dire combien en Grèce nous sommes heureux que la Croatie devienne membre de plein droit de notre grande famille européenne. La Croatie est récompensée pour tout le travail difficile qu’elle a accompli en vue de remplir les critères et modalités d’adhésion fixés par l’Europe. La Grèce gagne un autre partenaire et ami dans son voisinage, l’Europe du sud-est. Un voisinage que nous voulons voir devenir un voisinage européen de stabilité, de développement, d’amitié et de coopération. Un voisinage de paix.
Nous nous réjouissons à l’idée de travailler avec nos partenaires croates en vue de la pleine adhésion des Balkans occidentaux à notre famille européenne et Vesna, je te remercie pour ton invitation – je serais avec toi le 30 juin pour célébrer avec toi ce grand moment pour ton pays.
La Grèce assumera la présidence tournante de l’Union européenne au premier semestre de l’année 2014 et l’une des questions que nous avons abordée aujourd’hui a été la préparation de cette présidence ainsi que nos priorités.
L’une de ces priorités, bien entendu, sera de promouvoir les perspectives européennes de nos voisins, les voisins de la Grèce et de la Croatie, dans les Balkans occidentaux. Connaissant l’histoire, vous savez que les Balkans ont énormément souffert dans le passé. Récemment, nous avons été témoins d’événements dramatiques dans notre voisinage, mais nous devons laisser le passé derrière nous. Ce qui nous guide aujourd’hui est notre avenir européen commun.
J’ai également eu le plaisir de réaffirmer le haut niveau de nos relations bilatérales qui sont excellentes et nous avons examiné les innombrables possibilités qui s’offrent en vue de renforcer notre coopération dans les secteurs politique, économique et culturel.
Nos entretiens ont également porté sur la crise économique en Europe et la façon dont l’UE répond à cette crise. Notre pays, la Grèce, est déterminé à avancer sur la voie de la mise en œuvre de ses propres réformes structurelles.
Il est vrai que les mesures que nous prenons sont douloureuses. Les Grecs font de gros sacrifices. Mais leurs efforts produisent des résultats que tous reconnaissent.
Nous devons faire preuve de solidarité entre nous, car, comme je le dis souvent, on ne peut jamais savoir quand la crise viendra frapper à notre porte. Ainsi, nous devons renforcer notre solidarité car à l’heure actuelle la solidarité – qui est l’un des principes fondamentaux à la base de la structure européenne – est contestée.
La voie européenne est la seule voie possible qui mènera à la croissance et à la reprise pour tous les peuples d’Europe. Il n’y pas seulement une solution grecque, chypriote ou espagnole. Mais une solution européenne.
Nous avons également eu l’occasion d’échanger des vues sur un nombre de sujets internationaux d’importance majeure, comme la situation en Syrie. La Syrie n’est pas très loin de notre voisinage. Le terme voisinage n’est pas seulement limité aux frontières de l’Europe du sud-est. Il va bien au-delà : la région du Caucase, la Mer Noire, la Méditerranée orientale, l’Afrique du nord. Et nous avons décidé de travailler pour contribuer à tous ces efforts consentis pour instaurer de nouveau la paix, la stabilité dans la région et la démocratie dans ces Etats.
Nous avons également discuté des perspectives du processus de paix au Proche-Orient et des développements dans la région élargie du Moyen-Orient.
Avant vous vous êtes référée à notre coopération et à l’un des plus importants projets pour notre région, l’accord sur le TAP. Comme vous le savez, la Grèce, l’Italie et l’Albanie ont déjà travaillé ensemble et nous sommes en contact avec nos collègues d’Azerbaïdjan afin de concrétiser ce projet.
Cela sera dans l’intérêt de tous et j’ai été très heureux d’apprendre aujourd’hui que la Croatie aimerait participer à cette coopération. Vesna, je tiens à t’assurer que nous appuierons cette demande car nous pensons que votre demande contribuera à tout ce que nous essayons de faire pour notre région.
Encore une fois j’aimerais exprimer mes remerciements à ma collègue Vesna pour son hospitalité chaleureuse et comme je l’ai dit tout à l’heure les excellents entretiens que nous avons eus.
J’aimerais également exprimer mes remerciements au Président de la République pour l’excellente rencontre que nous avons eue hier. Je vous rappelle que vous avez une invitation ouverte pour visiter Athènes.
Extrait du point de presse
Question : Quel conseil donneriez-vous à la Croatie et quelles sont les erreurs que la Grèce aurait commises et que la Croatie devrait éviter après son adhésion en particulier et de manière générale ? Et est-ce que l’introduction du régime des visas peut nuire au tourisme dans des pays comme la Grèce et la Croatie ?
D. AVRAMOPOULOS : Vous avez une classe dirigeante très responsable qui a pris une décision historique à l’unanimité concernant l’adhésion de la Croatie à la famille européenne.
Bien entendu, la voie vers la pleine adhésion n’est pas toujours facile. Nous pourrions nous montrer utiles non seulement en ratifiant l’adhésion de votre pays à l’UE, mais aussi en partageant avec vous nos expériences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.
A l’heure actuelle, la Grèce traverse une période difficile en raison de la crise économique et si nous avions certaines choses avant les Grecs ne seraient pas confrontés à ces problèmes aujourd’hui.
Vous pouvez donc tirer les leçons de nos erreurs, mais aussi de nos réussites. A partir du jour où la Grèce a adhéré à la famille européenne, elle a changé. Nous avons connu le progrès et la prospérité, la stabilité politique et la croissance.
En ce qui concerne la question des visas, la Grèce fait partie de l’espace Schengen. Cela a un impact à la fois négatif et positif sur le tourisme. Mais au bout du compte, le bilan est positif.
Mais l’accord Schengen doit changer en certains points. Il doit devenir plus flexible car certaines de ses dispositions sont générales et ferment des portes qui peuvent s’avérer importantes pour le tourisme. Et comme vous le savez, la Grèce est une économie et un pays axé sur le tourisme. Nous avons certaines idées en la matière, sans pour autant violer les règles et les modalités de l’accord Schengen et en vue de la présidence grecque, nous soumettrons la question au débat dans l’esprit que je viens de mentionner.
Nous ne cachons pas notre intention d'engager de nouveau un débat sur cette question, compte tenu de notre expérience. L’Europe n’est pas une partie isolée du monde. Plus nous avons de visiteurs en Europe, plus notre grand pays gagne des amis. Et les autres pays de notre voisinage doivent également trouver les portes ouvertes. Je pense que nous aurons le soutien de la Croatie également car nous avons des intérêts communs.
V. PUSIC : C’est une bonne représentation de la différence qui existe entre être membre de l’UE et ne pas l’être. Certes la Croatie le 1er juillet n'adhère pas à l'espace Schengen mais à l'UE. Nous comptons adhérer à l'espace Schengen, je l'espère, dans deux ans et demi à trois ans, mais pour moi l'idéal serait deux ans et demi à compter de notre adhésion à l'UE. Nous poursuivrons notre adaptation aux conditions de l’accord de Schengen, mais contrairement à ce qui était en vigueur jusqu’à aujourd’hui, nous serons en mesure de participer à la définition de ces conditions. Autrement dit, tout ce que nous avons fait jusqu’à présent pendant le processus d’adhésion concernait l’adaptation à des conditions déterminées par les Etats qui sont déjà membres. A partir du moment de notre pleine adhésion, nous participerons nous aussi à la définition de ces conditions, notamment le régime de visas et les conditions de l’accord de Schengen.
Et de ce point de vue, nous avons l'occasion d'exprimer nos intérêts quant à cette question et de trouver les pays qui conçoivent ces conditions de la même façon que nous les concevons et de permettre certains changements relatifs aux règles en vigueur à l'UE et à Schengen, selon ce que nous dicte la logique.
JOURNALISTE : Une question pour les deux ministres concernant le gazoduc TAP. Pourriez-vous nous donner de plus amples détails sur la mise en œuvre du projet, le financement, etc. Une question pour M. Avramopoulos : pensez-vous que les dernières mesures de la Troïka ont permis de contenir efficacement la propagation de la crise bancaire à Chypre ?
D. AVRAMOPOULOS : En ce qui concerne Chypre, j’aimerais souligner la chose suivante : l’heure est venue où nous devons faire preuve de solidarité. Ce qui se passe à Chypre, et je l’ai dit tout à l’heure, ne concerne pas seulement Chypre, mais l’avenir de la zone euro, l'avenir de l’Europe.
Il est vrai que le problème est très complexe et la crise est très profonde à Chypre. Mais Chypre n’est pas seule. Chypre a la Grèce à ses côtés et l’Europe tout entière. Et même si les dernières mesures sont difficiles, elles ont été conçues pour surmonter la crise et laisser derrière nous ces événements dramatiques. Le système bancaire chypriote se trouve à l’heure actuelle dans une position difficile mais les partenaires européens sont décidés à offrir leur soutien afin de résoudre la crise.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, il n’y a pas de solution pour Chypre seulement ou un autre pays, quel qu'il soit. Il doit y avoir une solution pour l'Europe et son avenir. Il nous appartient de travailler ensemble dans un esprit de solidarité pour sortir de la crise et avant tout être aux côtés du peuple chypriote tant éprouvé.
Chypre, toutefois, se trouve confrontée à une autre question majeure. La question chypriote. Une question qui doit être résolue conformément aux principes des Nations Unies, aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et aux principes et valeurs de l’UE pour que l’île puisse être réunifiée.
En ce qui concerne le gazoduc TAP, sa mise en oeuvre sera dans l'intérêt de tous les pays de la région. Comme vous le savez, il y a deux projets. Les décisions n’ont pas encore été prises. La décision finale sera prise en juin et le gazoduc TAP sera le gagnant de ce processus. Quant le moment viendra, nous pourront jouir de tous les avantages et résultats positifs de cet accord.
Ce projet peut revêtir une importance particulière pour la Croatie, s’agissant de son approvisionnement en gaz naturel. Il peut permettre le progrès et la croissance économique. Il en va de même pour la Grèce. Au cours de ces derniers mois, nous avons coopéré avec nos confrères italiens et albanais. Nous avons signé l’accord. La semaine prochaine, l'accord sera soumis au Parlement hellénique pour être débattu. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, lors des entretiens que nous aurons jusqu’en juin avec nos amis azéris et nos partenaires à ce projet, nous soutiendrons la participation de la Croatie.
V. PUSIC : Nous allons bien entendu dans ce sens (de l’adhésion au TAP) et c’est la raison pour laquelle nous avons soulevé cette question, car la Croatie devra obligatoirement être membre du groupe des pays qui soutiennent la création du gazoduc Adriatique (TAP). Cette création dépend dans une large mesure de la définition des critères et de la décision qui sera prise en juin ainsi que de l’intérêt pour le gazoduc que manifestera l’Italie, laquelle se trouve en cours de formation de gouvernement. Son soutien sera très important. La Croatie s’intéresse sans aucun doute beaucoup à ce projet et nous discutons avec tous les pays qui y participent. Je suis reconnaissante et me réjouis du soutien de la Grèce (à une participation croate au TAP) car la Grèce est l’un des pays clés de ce projet. Sans la Grèce, un gazoduc adriatique ne peut exister.
April 6, 2013