J’ai eu la joie d’accueillir aujourd’hui à Athènes l’une des personnalités les plus éminentes de la diplomatie internationale, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergey Lavrov.
Bienvenue à Athènes, M. le ministre, mon cher Sergey.
Tout d’abord, j’aimerais préciser que notre rencontre d’aujourd’hui est la troisième rencontre en l’espace d’un an. Fait qui atteste de l’importance que nous accordons à nos relations.
Votre présence à Athènes, M. Lavrov, aujourd’hui, après 4 ans, confirme la volonté commune des deux pays d’ouvrir un nouveau chapitre dans nos relations. Je garde également en tête le fait que votre visite a lieu au moment où la région élargie est confrontée à des conflits continus en raison de l’attitude infractionnelle du pays voisin, la Turquie.
Notre rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité d’un dialogue constructif et sincère. Et d’une communication régulière sur des questions d’intérêt mutuel.
Nos pays et nos peuples sont unis par une amitié solide de longue date qui repose sur l’histoire, la culture, la religion, le respect et la compréhension mutuels.
Permettez-moi de dire, M. le ministre, qu’un de vos éminents prédécesseurs et le plus éminent Corfiote, originaire de la même île que moi, à savoir Ioannis Kapodistrias, était le premier gouverneur de Grèce.
Les relations entre nos deux pays remontent à plusieurs siècles. Elles ont débuté avant l’indépendance de mon pays et il ne faut pas oublier que la Russie a joué un rôle catalyseur dans la lutte de la Grèce pour l’indépendance. Nous attendons avec impatience la représentation de la Russie au plus haut niveau lors des manifestations pour le 200e anniversaire de la révolution grecque, en 2021.
La Grèce continuera de constituer un interlocuteur de la Russie.
Pendant nos entretiens, aujourd’hui, nous avons eu l’occasion d’examiner l’éventail de nos relations bilatérales et les possibilités de renforcement de ces relations. Nous avons, dans un premier temps, souligné l’importance du renforcement de nos contacts politiques bilatéraux. Dans ce contexte, j’ai souligné que la Grèce, un Etat membre de l’Union européenne et de l’OTAN, souhaite œuvrer en faveur du maintien et du renforcement des voies de communication entre ces Organisations et la Russie, par le biais de structures institutionnalisées.
La Russie fera toujours partie intégrante de l’architecture européenne de sécurité et en même temps elle constitue un facteur international.
Dans le cadre bilatéral, nous avons particulièrement mis l’accent sur l’énergie, sur le secteur économique et culturel.
S’agissant des questions énergétiques, nous souhaitons continuer notre coopération mutuellement profitable et estimons qu’il existe des opportunités de coopération dans des domaines comme les sources d’énergie renouvelables, où la Grèce possède un important savoir-faire.
Par ailleurs, nous avons passé en revue le commerce bilatéral, ains que la possibilité d’accroître les investissements. Nous avons discuté des perspectives de renforcement de notre coopération dans le secteur du tourisme également. Le protocole d’accord conjoint sur le déroulement de l’année de l’histoire Grèce – Russie en 2021 que nous venons juste de signer avec M. Lavrov atteste de notre volonté commune de faire un pas en avant dans le domaine culturel également. Nous avons beaucoup à gagner de notre coopération.
Avec M. Lavrov, nous avons également eu l’occasion de discuter – et nous continuerons pendant le déjeuner – des évolutions dans la région. Malheureusement, dans tous les cas abordés, le dénominateur commun est le rôle déstabilisateur de la Turquie. Ses nouvelles visées expansionnistes néo-ottomanes.
Dans ce contexte, j’ai indiqué à mon homologue la question de l’équipement militaire de la Turquie et le fait que cet équipement déstabilise l’ensemble des pays de la région.
J’ai écouté avec un intérêt particulier l’analyse de M. Lavrov sur la conception russe concernant la Syrie et la Libye. J’ai exprimé mon inquiétude sur le rôle particulièrement négatif que joue la Turquie en Syrie, sapant de ce fait les réussites contre Daesh, et sur le fait que la Turquie est devenue une véritable « agence de voyage » pour les Djihadistes qui sont transportés dans différents foyers problématiques dans la région.
J’ai souligné que, s’agissant de la Libye, la Grèce a salué l’annonce d’un cessez-le-feu permanent entre les parties opposantes. Toutefois, la condition à la réalisation de cet objectif est que toutes les parties respectent et mettent en œuvre l’ensemble des points de l’accord de Genève, y compris le retrait des combattants étrangers du territoire libyen.
En ce qui concerne le Haut-Karabakh, nous avons discuté des efforts consentis par la communauté internationale et du fait que la Russie joue un rôle clé dans les efforts de cessez-le-feu entre les parties opposantes. Dans ce contexte, je l’ai informé de ma récente visite à Erevan.
J’ai également souligné l’important progrès qui a été accompli dans les relations bilatérales de la Grèce avec les pays des Balkans. J’ai informé mon homologue de l’accord conclu avec l’Albanie sur le règlement de la question des zones maritimes devant la Cour de la Haye. Et à ce stade, j’ai évoqué notre droit inaliénable d’étendre nos eaux territoriales à 12 milles marins, comme le prévoit la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Nous avons également abordé la question chypriote, sur la base des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. La Russie a un poids spécial, en tant que membre permanent du Conseil. Elle soutient avec constance les efforts afférents déployés, ce que la Grèce apprécie tout particulièrement.
J’ai fait, par conséquent, part de ma satisfaction concernant la position russe très claire après l’ouverture illégale du littoral de Varosha par les forces d’occupation.
De manière générale, j’ai informé M. Lavrov en détail de la recrudescence du comportement provocateur de la Turquie en Méditerranée orientale. Pas plus tard qu’hier, la Turquie réitéré pour la énième fois sa volonté d’effectuer des recherches sismiques illégales dans des régions relevant du plateau continental grec. Il est manifeste que la Turquie investit dans l’escalade de la tension. Elle prouve quotidiennement qu’en plus de violer la légalité internationale, elle fait fi des rappels à l’ordre de ses amis et partenaires et que ses propos manquent de crédibilité.
J’ai fait clairement savoir que la Grèce est prête à parer à toute éventualité et n’a d’autre choix que de défendre pleinement sa souveraineté et ses droits souverains.
Enfin, j’ai précisé que nous sommes toujours attachés à un dialogue constructif, mais en même temps il n’y a pas de dialogue possible sous la pression et les menaces.
Monsieur le ministre, je vous remercie.
[…]
JOURNALLISTE : Monsieur le ministre, vous avez récemment fait le vœu, devant le Parlement hellénique, qu’avec la visite de M. Lavrov à Athènes vous réussirez à relancer les relations bilatérales. Comment allez-vous y parvenir ? Et cette initiative de la Grèce ne suscitera-t-elle pas la réaction d’autres membres de l’Union européenne ? Je vous remercie.
N. DENDIAS : Je vous remercie de votre question. J’aimerais tout d’abord dire que la visite même de M. Lavrov aujourd’hui à Athènes marque le réchauffement des relations gréco-russes. Il s’agit de notre troisième rencontre, il y a un agenda commun très intéressant entre la Grèce et la Russie. Il y a quelques jours, s’est tenue une réunion par visioconférence des co-présidents du Comité interministériel, avec la participation, du côté grec, du ministre délégué aux Affaires étrangères, M. Varvitsiotis. Il existe, à mon sens, un terrain très propice pour les relations gréco-russes dans tout cet éventail de sujets : culture, énergie, investissements, tourisme, compréhension du rôle de trublion de divers pays, dont un en particulier dans la région.
En ce qui concerne l’Union européenne, je ne pense pas qu’il y ait de problèmes. Outre le cadre européen, ou plutôt en même temps que le cadre européen, voire en accompagnement du cadre européen, la Grèce a ses relations bilatérales, comme d’autres pays de l’Union européenne.
Cette conception différente de chaque pays est bien celle qui donne lieu à la position européenne commune à la fin. D’ailleurs, la Grèce a toujours soutenu que la Russie fait partie intégrante de l’architecture européenne de sécurité.
October 26, 2020