« Je suis particulièrement heureux de l’occasion qui m’a été donnée aujourd’hui de rencontrer mon homologue, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov.
(En Russe] : Il s’agit de ma première visite à Moscou en qualité de ministre des Affaires étrangères et je souhaiterais vous remercier de ce chaleureux accueil.
Nos relations bilatérales reposent sur des liens d’amitié, de respect mutuel et de compréhension datant depuis longtemps. Dans ce contexte, j’espère que ma visite d’aujourd’hui ouvrira un nouveau chapitre dans nos relations bilatérales, sur la base d’un dialogue sincère et d’une communication régulière sur des questions d’intérêt bilatéral. Et je me réjouis particulièrement d’avoir signé, avec Sergueï Lavrov, le programme de consultations Grèce – Russie 2020-22, qui prévoit des contacts réguliers tant au niveau institutionnel que politique.
Aujourd’hui, nous avons échangé avec M. Lavrov des vues sur tout un éventail de questions.
Nous avons discuté de nos relations bilatérales, de l’élargissement des relations politiques et culturelles et des perspectives de développement de notre coopération économique. Notre objectif est de mettre en valeur les domaines présentant des opportunités de développement, malgré le cadre des sanctions en vigueur.
La reprise économique de la Grèce et le nouveau cadre institutionnel adopté par le parlement hellénique ont fait de la Grèce une destination particulièrement attrayante pour les investisseurs. Nous invitons donc les investisseurs russes à étudier les opportunités offertes par l’économie grecque.
S’agissant du secteur de l’énergie, nous estimons qu’il existe des perspectives d’approfondissement de la coopération bilatérale. Nous soulignons les synergies développées entre les sociétés grecques et russes, avant tout dans le secteur du gaz naturel, tandis que nous nous intéressons dans le même temps au renforcement de la coopération dans d’autres domaines également, comme les sources d’énergie renouvelables.
J’ai par ailleurs informé M. Lavrov de la situation en Grèce pour ce qui est de la question migratoire qui revêt une dimension mondiale, ainsi que des risques qu’elle comporte. La Grèce n’a de cesse de dire qu’il est admissible que le malheur de milliers de personnes devienne un outil pour exercer de l’influence et de la politique.
Nous avons par ailleurs abordé la question des récentes évolutions dans notre région élargie, la situation en Syrie, dans les Balkans, en Ukraine, en Méditerranée orientale, où nous devons faire face à un comportement infractionnel graduel de la part de la Turquie.
Nous avons par ailleurs abordé la question chypriote, tout en soulignant l’importance de la réouverture du processus de négociation et en exprimant notre soutien aux efforts en cours déployés par le SG de l’ONU, M. Gutteres, en vue du règlement de cette question sur la base des Résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.
La Russie est un pays puissant avec une présence marquée en Europe du sud-est et au Moyen-Orient, théâtre de nombreux événements qui influencent mon pays.
Pour sa part, la Grèce se trouve, géographiquement parlant, à un carrefour géopolitique et a, de ce fait, reconnu depuis longtemps que la Russie devra faire partie de l’architecture européenne en matière de sécurité.
Pour ces raisons et compte tenu de la position de la Grèce en tant qu’ancien Etat membre de l’UE et de l’OTAN, nous aspirons à contribuer de manière positive au dialogue avec la Russie. Nous espérons développer davantage nos relations, en maintenant la stabilité régionale et en renforçant la sécurité, notamment en cette conjoncture actuelle particulièrement sensible.
J’aimerais, en conclusion, remercier encore une fois M. Lavrov pour le dialogue constructif et son accueil et espère le recevoir bientôt en retour.
[En Russe] : Je vous remercie ».
JOURNALISTE : Dans votre interview à l’agence Ria Novosti, M. Dendias, vous aviez parlé de la nécessité d’améliorer le dialogue entre l’UE et la Russie car de nombreux pays, notamment la Grèce, souffrent et sont las des sanctions. Quelles mesures précises entend prendre la Grèce en vue du renforcement de la coopération avec la Russie ? Avez-vous l’intention de soutenir la levée des sanctions ? Je vous remercie.
N. DENDIAS : Je vous remercie de votre question. En effet, je me suis positionné en faveur de l’amélioration du dialogue entre l’UE et la Fédération de Russie et je dirais même plus, non seulement nous sommes en faveur de l’amélioration, mais aussi de l’élargissement et de l’approfondissement de ce dialogue.
La Grèce, comme vous le savez, est l’un des plus anciens membres de l’OTAN et de l’UE. Par ailleurs, c’est un pays qui, pendant une décennie, a été plongé dans une crise profonde qui lui a valu une baisse de son PIB de 25 – 30%. En conséquence de cela, la Grèce a été contrainte, pendant des années, de s’occuper de ses affaires intérieures, pour essayer notamment de se sortir de la crise.
Mais aujourd’hui, le pays émerge de la crise et se développe rapidement et revient dans les enceintes internationales. Il active son rôle – son rôle important en raison de sa position géographique – en tant que membre de l’OTAN, membre de l’UE, mais aussi sa position au sein d’autres organisations internationales, comme le Conseil de l’Europe, dont il assumera la présidence l’année prochaine.
Tenant compte de la position immuable de la politique étrangère grecque, à savoir que la Russie fait partie de l’architecture européenne de sécurité, la Grèce est en mesure de paraître particulièrement utile à la Russie – dès lors que celle-ci le juge nécessaire – pour résoudre des différends existants, comprendre les mesures devant être prises afin d’avancer vers une normalisation globale, où cela est nécessaire, et d’en venir à bout de situations désagréables, en éliminant les origines de celles-ci.
J’espère donc que ma présence ici aujourd’hui et la visite future de M. Lavrov à Athènes ainsi que les contacts – fréquents – entre les hauts fonctionnaires des deux pays contribueront dans ce sens.
JOURNALISTE : Bonsoir. Ma question s’adresse aux deux ministres. Comme l’a dit M. Dendias, vous avez abordé le dossier ukrainien. La question de l’Eglise a un rapport avec cette question. Il y a un mois environ, l’Eglise de Grèce a reconnu l’Eglise autocéphale d’Ukraine ou l’Eglise schismatique d’Ukraine, comme l’appelle le Patriarcat russe. Pensez-vous que cette décision ait été le produit de pressions politiques et dans quelle mesure le conflit ecclésiastique peut-il influencer les relations bilatérales ?
N. DENDIAS : Je vous remercie de votre question et de l’occasion que vous me donnez car je comprends bien que cette question concerne l’opinion publique russe. J’aimerais également remercier M. Lavrov qui a réitéré ce dont nous avons discuté en privé sur cette question. A savoir que cette question ne constituera pas une entrave au dialogue, à l’approfondissement, au développement des relations entre la Grèce et la Russie. Permettez-moi de parler pour moi : comme vous le savez sans doute, ma mère est la descendante de toute une génération de prêtres. Dix-sept générations je crois, ce qui fait de moi un lecteur attentif des Evangiles. Dans le contexte donc de la foi orthodoxe, je me souviens très clairement de la réponse de Jésus Christ lorsqu’il a dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Dans cet esprit, l’Etat grec actuel respecte pleinement le rôle et l’autonomie de l’Eglise de Grèce ainsi que son rôle bien distinct. Et par conséquent, il n’intervient pas dans les questions purement ecclésiastiques. Je vous remercie.
JOURNALISTE : Une question de la part de l’agence de presse TASS. Est-ce que lors des discussions ont été abordées les visites éventuelles en Russie des cadres du nouveau gouvernement grec et nous parlons aussi de l’invitation adressée par le Président de la Russie au Premier ministre de la Grèce, M. Mitsotakis afin que ce dernier effectue une visite en Russie en mai 2020 en vue de participer au 75e anniversaire de la Victoire. Pour ce qui est de la visite en Grèce du ministre russe des Affaires étrangères, une date a-t-elle déjà été définie ? Et pour ce qui est de l’affaire Alexander Vinnik – cette question s’adresse au ministre grec des Affaires étrangères – y a-t-il un obstacle dans cette affaire, est-ce que les Américains ont une influence dans cette affaire et, une question pour le ministre russe des Affaires étrangères, que fait le ministère des Affaires étrangères afin que celui-ci puisse retourner en Russie ?
N. DENDIAS : Je vous remercie pour les deux questions. Je commencerai par l’affaire Vinnik. Effectivement, M. Lavrov m’a expliqué l’intérêt marqué de la partie russe pour cette affaire. Et il a eu l’amabilité de bien vouloir m’exposer toute une série d’arguments juridiques pour étayer la position russe, s’agissant de cette affaire. Je pense que nous comprenons tous que dans notre cadre institutionnel en vigueur, cette question est laissée à l’appréciation de la justice grecque. Je comprends tout à fait l’intérêt de la partie russe, cela étant j’imagine que la justice grecque donnera en temps utile la réponse qu’elle doit donner, conformément au droit du pays et des traités internationaux.
En ce qui concerne les visites, je souhaiterais tout d’abord inviter le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, à participer aux manifestations solennelles organisées à l’occasion du 75e anniversaire de la victoire lors de la seconde guerre mondiale. J’aimerais dire que la Grèce a payé un lourd tribu pendant la deuxième Guerre mondiale en vies humaines. Sur une population de 7,5 milliards de Grecs environ, plus de 1,5 million de personnes ont péri pendant la deuxième Guerre mondiale. Ce chiffre peut sembler faible, mais exprimé en pourcentage il est quasiment le même que les grands sacrifices du peuple russe pendant la Grande Guerre patriotique. La Grèce comprend donc pleinement le rôle de la Russie dans sa victoire pendant la deuxième guerre mondiale et ce sera un grand plaisir pour nous d’avoir ici notre Premier ministre pendant ces manifestations de commémoration. Je transmettrai donc cette invitation honorifique que nous interprétons comme une reconnaissance des grands sacrifices du peuple grec pendant la deuxième Guerre mondiale.
A cette occasion, j’aimerais dire qu’en 2021 la Grèce fête le 200e anniversaire de son indépendance, les 200 ans du peuple grec moderne. La Russie a joué un rôle important dans l’avènement de cette indépendance. Outre tous les contacts, la victoire dans la bataille de Navarin - une division russe de la marine militaire russe y a participé sous le commandement de l’Amiral Heiden - a eu une contribution importante à la fin de la guerre d’indépendance grecque et la reconnaissance de l’indépendance grecque. Et nous estimons que la participation de la Russie à ces manifestations est tout à fait justifiée et une marque de reconnaissance de la part de la Grèce contemporaine. C’est pourquoi vous me permettrez, M. le ministre, de dire qu’une invitation sera adressée en temps utile à vous-même et au Président Poutine.
Je vous remercie beaucoup.
November 6, 2019