J’ai le plaisir d’accueillir aujourd’hui à Athènes mon cher collègue, ministre des Affaires étrangères et européennes de Malte, M. Evarist Bartolo. C’est sa première visite à Athènes après la prise de ses fonctions.
Tout d’abord, nous avons exploré le niveau de nos relations bilatérales. Et nous sommes convenus de la nécessité de notre coordination en vue d’approfondir davantage ces relations.
De plus, j’ai eu le plaisir de signaler à mon interlocuteur que la flotte grecque comprend environ 700 navires battant pavillon maltais, à savoir 1/5 de sa capacité. Et, bien évidemment, nous pensons que la navigation grecque continuera de servir de pont entre nos deux pays.
Nous avons eu également tout à l’heure le plaisir de signer un protocole d’accord sur notre coopération dans le domaine de la formation diplomatique.
Toutefois, comme vous le comprenez, et comme il est normal, nous avons débattu et continuerons de débattre au cours du déjeuner, de ce qui se passe en Méditerranée orientale, en vue bien évidemment des décisions cruciales qui seront prises dans le cadre de l’Union européenne.
Nous avons discuté de la situation qui se profile à cause des activités provocatrices et illégales de la Turquie dans la région. En Libye, à Chypre, en Irak, en Syrie, la Turquie est le seul pays à ouvrir partout des fronts de guerre. Il est le seul pays à menacer de guerre ses pays voisins, si ces derniers choisissent d’exercer leurs droits légaux. Ce qui enfreint, comme vous le savez, de manière flagrante la Charte des Nations Unies.
En outre, la Turquie s’engage dans des actions illégales et provocatrices, comme l’émission et le renouvellement du message Navtex en vue de mener des recherches sur le plateau continental grec. Elle procède à des déclarations incendiaires et profère des menaces directes sans précédent. Elle se lance dans des exercices militaires à balles réelles. Elle viole l’espace aérien grec. Elle altère des monuments religieux appartenant au patrimoine culturel mondial. S’agissant de la question migratoire, elle instrumentalise la souffrance humaine.
Ces actions ne vont pas seulement à l’encontre d’un Etat membre de l’Union européenne. Elles vont à l’encontre de l’Union elle-même, comme il a été le cas en février à Evros, comme il est le cas en Egée et en Méditerranée orientale.
Elles violent l’essence des principes de l’Union. L’essence de l’acquis communautaire européen. Et pour cette raison-là, ces provocations qui sont communes, requièrent aussi des réponses communes.
L’Union européenne n’est pas une coalition d’Etats. C’est une famille axée sur des valeurs communes, au sein de laquelle prévalent la solidarité et l’Etat de droit.
Nous sommes tout à fait conscients du fait que nombreux membres de la famille ont souvent des préoccupations différentes. Nous sommes tout à fait conscients des problèmes existentiels de nombreux pays, notamment de petits pays. Je suis moi-même originaire d’une île. Je comprends très bien les inquiétudes insulaires et les particularités insulaires.
Toutefois, lorsqu’il s’agit de nos valeurs, il ne faut pas faire des concessions. Lorsqu’il s’agit des fondements de l’existence de l’Union, il ne faut pas faire des concessions. Ces concessions annulent le projet européen et transmettent des messages erronés à des tiers qui altèrent ces messages et entachent l’image de notre Union, d’abord aux yeux de notre propre opinion publique et aussi aux yeux de l’humanité.
La solidarité européenne bien évidente doit être préservée.
Et je tiens à dire ma conviction que, Malte, en tant qu’Etat insulaire, ne peut que partager les principales préoccupations et positions d’un autre Etat insulaire de notre Union, de Chypre.
Il faut donc que l’Europe se montre, dans son ensemble, à la hauteur des circonstances. Il faut que l’Europe réponde avec fermeté et sans aucune hésitation, aux provocations turques. Aux provocations relatives à la sécurité et à la question migratoire.
L’Europe peut le faire de manière tout à fait efficace. Le choix est simple et c’est à la Turquie elle-même de choisir : le dialogue sans menaces, sans chantages et sans sanctions.
La Grèce – nous l’avons à maintes reprises affirmé, le Premier ministre l’a affirmé et moi-même – est toujours prête à engager un dialogue avec la Turquie. Toutefois, ce dialogue doit être mené dans le cadre du droit international et axé sur le règlement de notre seul différend réel avec la Turquie. De notre seul différend : celui du plateau continental et des zones économiques exclusives.
Et, bien évidemment, il ne peut y avoir de dialogue sous le chantage et la menace.
Il ne peut y avoir de dialogue tant que les navires de recherche et les bâtiments turcs demeurent sur le plateau continental grec.
La Grèce est un Etat de droit européen moderne qui respecte le droit international. Elle agit en fonction du droit international. Elle ne menace pas et ne fait pas du chantage, mais elle ne peut pas aussi être menacée et céder au chantage.
Avec mon collègue nous avons eu également l’occasion d’échanger sur la situation en Libye à l’égard de laquelle Malte a une image complète. L’occasion nous a été offerte de parler de l’opération « IRINI », de parler des possibilités d’imposition de l’embargo sur les armes en Libye. Nous avons eu l’occasion de parler des modalités permettant de contribuer finalement à l’instauration d’une paix durable.
Toutefois, je voudrais dire clairement une nouvelle fois que l’objectif ferme de la Grèce est de jouer un rôle positif en Libye, à travers sa participation au Processus de Berlin mais aussi par tout moyen possible.
Et, bien évidemment, la Grèce est bien consciente du fait que la situation en Libye est pour Malte une question cruciale. Que la situation en Libye influe sur le contrôle des flux migratoires ce qui pourrait placer la société insulaire de Malte dans une situation extrêmement difficile.
Quoi qu’il en soit, j’ai signalé à mon collègue en général que les évolutions liées à la question migratoire et l’expérience acquise à travers l’instrumentalisation de cette question par la Turquie, imposent une coopération étroite entre nos Etats en vue des processus de révision du système d’asile commun européen. Tout comme la nécessité de l’application stricte de la part de la Turque de la Déclaration commune de 2016.
Enfin, l’occasion nous a été offerte d’échanger sur les formes de coopération du MED -7 – dont la conférence qui se tiendra dans quelques jours en Corse – et de l’Union pour la Méditerranée. Des partenariats qui constituent des instruments utiles pour la promotion de notre coopération et de notre perception commune, afin que notre mer commune devienne un espace de paix et de stabilité, dans l’intérêt de nos peuples.
Cher Evarist, je te remercie beaucoup de ta visite à Athènes. C’était un grand plaisir pour nous de t’avoir aujourd’hui parmi nous.
Seul le prononcé fait foi
September 7, 2020