Déclarations du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, à la suite de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l'Égypte, Sameh Shoukry (Athènes, 20.05.2024)

Déclarations du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, à la suite de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l'Égypte, Sameh Shoukry (Athènes, 20.05.2024)Avant de commencer, je voudrais exprimer mes condoléances au gouvernement iranien et au peuple iranien pour la perte du président et du ministre des Affaires étrangères de l'Iran. Mes plus sincères condoléances au nom de la Grèce et du gouvernement grec.

Aujourd'hui, c'est avec grand plaisir et honneur que j'accueille à Athènes mon cher ami, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry.

Un véritable allié de la Grèce, avec lequel nous avons réussi à construire des relations sincères de coopération et de confiance, et dont l'expérience et la sagesse sont précieuses à la fois pour nos relations bilatérales et pour la stabilité géopolitique de notre région qui endure des épreuves depuis longtemps.

Je tiens à remercier sincèrement l'honorable ministre pour les efforts considérables qu'il déploie en faveur de la paix et de la prospérité régionales et mondiales.

L’Égypte et la Grèce sont unies, bien sûr, par la géographie. Nous sommes unis par la mer Méditerranée, le plus important carrefour de communication et d'interaction entre les peuples, mais aussi par notre histoire ancienne, nos cultures, pour lesquelles nous avons un respect mutuel.

La Grèce considère l'Égypte comme une pierre angulaire de la sécurité en Méditerranée orientale et une puissance de premier plan dans le monde arabe.

La situation en évolution à Gaza et la tragédie indicible qui s’y déroule  doivent cesser.

Permettez-moi de vous remercier, ainsi que l'ensemble des dirigeants égyptiens, pour votre rôle actif de médiation dans la région.

La Grèce continuera à faire tout son possible et à offrir ses bons offices pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat et durable.

À cette fin, nos efforts collectifs devraient être intensifiés afin de mettre fin aux hostilités, de libérer les otages et de permettre l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire à ceux qui en ont besoin.

Nous devons toujours être clairs : une nouvelle escalade des hostilités à Rafah aura des conséquences dramatiques et doit être évitée à tout prix.

Et bien sûr, une paix durable ne peut être obtenue que si la question politique sous-jacente est résolue, à savoir une solution à deux États sur la base des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, avec la création d'un État palestinien ayant Jérusalem-Est pour capitale et les frontières d'avant 1967, tout en garantissant la sécurité d'Israël.

Mais notre préoccupation ne s'arrête pas là. L'extension de la crise à la mer Rouge et au Moyen-Orient élargi menace directement l'économie et le commerce mondial, mais surtout elle crée de nouveaux foyers de crises humanitaires de tension. Tout déplacement de population forcé, de manière directe ou indirecte, constitue une punition collective qui ne peut être tolérée en vertu du droit international.

En outre, d'autres circonstances entourant l'Égypte, en particulier la détérioration de la situation au Soudan, créent une instabilité et une incertitude régionales encore plus grandes.

C'est précisément parce que la Grèce perçoit l'Égypte comme un pilier majeur de la stabilité dans un environnement instable qu'elle tente par tous les moyens de soutenir son ami et voisin, tant au niveau multilatéral et bilatéral qu'au sein de l'Union européenne.

Dans ce contexte, nous avons activement encouragé la signature de la stratégie globale et du partenariat entre l'Égypte et l'Union européenne, que nous considérons comme absolument cruciale tant pour l'Europe que pour l'Égypte.

En ces temps difficiles, la relation stratégique entre Athènes et Le Caire est non seulement nécessaire mais aussi exemplaire. L'accord de 2020 sur la délimitation de la zone économique exclusive entre les deux pays est un exemple de relations de bon voisinage et d'application correcte du droit international de la mer.

En même temps, un chapitre important de nos relations est notre coopération trilatérale avec la République de Chypre dans divers domaines, tels que l'énergie, le commerce, la protection de l'environnement et l'esprit d'entreprise.

Cher Sameh,

La déclaration conjointe signée par le président égyptien et le Premier ministre grec en mars dernier au Caire sur la création d'un Haut Conseil de coopération est une source de grande satisfaction pour nous.

Dans ce contexte, nous souhaitons procéder rapidement à la convocation de la première session du Conseil à Athènes.

Ici, au ministère des Affaires étrangères, nous travaillons systématiquement en coopération avec les autres ministères pour nous y préparer.

Je voudrais également souligner l'importance du projet GREGY, l'un des projets d'interconnexion électrique les plus emblématiques, qui acheminera de l'électricité « verte » de l'Égypte vers la Grèce continentale via un câble sous-marin.

Nous sommes ravis que, suite à une initiative grecque, ce projet ait été inclus dans la liste des projets d'intérêt mutuel de l'UE.

Nous avons également discuté avec le ministre égyptien des Affaires étrangères de la question des migrations, qui est notre préoccupation commune.

D'une part, nous avons examiné les moyens de traiter et de réduire la migration irrégulière.

D'autre part, nous avons évalué la situation en ce qui concerne les canaux de migration légale, puisque, comme vous le savez, il existe déjà des accords pour le recrutement d'Égyptiens dans les secteurs de la pêche, de la construction et de l'agriculture. Ce projet est extrêmement important à la fois pour votre pays et pour l'économie grecque qui ne cesse de croître.

Monsieur le Ministre,

Nos liens historiques dans les domaines de l'éducation et de la culture, qui ont été cultivés pendant des décennies par la communauté grecque historique en Égypte, devraient être renforcés.

Il y a quelques jours, la présidente de la République hellénique, Mme Katerina Sakellaropoulou, s'est rendue à Alexandrie et a inauguré, avec beaucoup d'émotion, la maison rénovée de l'un des plus grands poètes grecs, Constantin Cavafy, qui est né et a vécu en Égypte, dans la ville cosmopolite d'Alexandrie.

Sa poésie n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de ce qui nous unit.
Il y a près de 130 ans, Cavafy écrivait déjà dans son célèbre poème « Les murs » :

« Sans égards, sans pitié, sans scrupule,
Ils ont élevé de haute murailles
autour de moi.
Et maintenant, je ne fais rien ici que
me désespérer.
D’un tel destin
la pensée m’obsède et me ronge ;
car j’avais beaucoup de choses à faire
dehors.
Pendant qu’on bâtissait les murs,
ah, que n’ai-je pris garde.
Mais jamais je n’ai entendu le bruit
des maçons
ni leur voix.
C’est à mon insu qu’ils m’ont enfermé
hors du monde »


Malheureusement, des murs sont constamment construits non seulement à l'intérieur de nous, mais aussi entre les gens, parfois sans même que nous nous en rendions compte.

Il est de notre devoir d'œuvrer au rapprochement des peuples, pour un monde inclusif, pour la paix et l'humanité.

C'est avec ces pensées que je souhaite la bienvenue au ministre des Affaires étrangères de l'Égypte.

Cher ministre, cher Sameh, soyez le bienvenu à Athènes.

JOURNALISTE : Question en arabe sur la position de la Grèce concernant la résolution de la crise de Gaza.

G. GERAPETRITIS : Merci beaucoup pour votre question. Dès le début, la Grèce a maintenu une position de principe sur la question du Moyen-Orient. Ce que nous avons dit, c'est que le droit international et, en particulier, le droit humanitaire doivent être pleinement respectés. Les otages doivent être libérés immédiatement et l'aide humanitaire doit être acheminée sans entrave. Et la discussion sur la solution politique avec la reconnaissance des deux États devrait commencer dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.

La Grèce entretient une amitié historique avec les pays arabes, ainsi qu'une relation stratégique avec Israël. Dans ce contexte, nous avons la possibilité de discuter avec les deux parties, ainsi qu'avec les acteurs internationaux de la région plus élargie.

La Grèce continue d'offrir ses services en vue de la cessation immédiate des hostilités, du retour immédiat des otages et de l'acheminement d'une aide humanitaire plus importante. Nous continuerons à le faire. Nous pensons qu'à l'heure actuelle, l'effort de médiation, entrepris à l'initiative de l'Égypte et de son ministre M. Shoukry, devrait être réciproque de part et d'autre.

Les consultations doivent se poursuivre. Chaque jour qui passe crée, d'une part, une plus grande détérioration de la crise humanitaire qui existe déjà dans la région et, d'autre part, des risques beaucoup plus grands d'extension des hostilités qui créeront de nouvelles sources de crise, non seulement pour les personnes elles-mêmes dans la région, mais aussi pour l'économie et pour la migration. La Grèce continuera à se tenir aux côtés des personnes qui souffrent. Elle continuera à offrir ses bons offices à toutes les parties.

JOURNALISTE : Étant donné le déséquilibre qui existe en Méditerranée orientale, pensez-vous qu'il serait possible pour des tiers, comme la Turquie par exemple, d'affecter les relations entre la Grèce et l'Égypte, vu les efforts d'Ankara pour renouer avec l'Égypte récemment, et les  hauts fonctionnaires turcs qui ont invité à plusieurs reprises l'Égypte à délimiter les zones maritimes ?

G. GERAPETRITIS : Si vous me le permettez, Monsieur le Ministre, notre politique fondamentale consiste à entretenir des relations d'amitié et de bon voisinage avec tous les pays de la région au sens large.

Nos deux pays, la Grèce et l'Égypte, partagent une politique commune, une diplomatie commune, qui a comme objectif en effet  la paix et la prospérité dans la région élargie, mais aussi dans le monde entier. Dans ce contexte, il va sans dire que nous devrions parler à d'autres États et toujours essayer de trouver les moyens de coopérer plus efficacement, au-delà des désaccords existants, ce qui va de soi.

Cela dit, je voudrais souligner que les relations entre l'Égypte et la Grèce sont fondées sur l'histoire et la culture. Mais aujourd'hui, elles sont à l'apogée d'une véritable relation diplomatique bilatérale. Il s'agit d'une relation stratégique, qui ne sera défini par aucun facteur extérieur. Le ministre et moi-même travaillerons encore plus pour préparer le premier Haut Conseil afin de maintenir ce bon cap, de renforcer nos relations bilatérales et d'entretenir toujours une bonne relation de coopération au niveau stratégique.

JOURNALISTE : Une question pour le ministre grec. Votre commentaire concernant la déclaration faite hier par le ministère turc des Affaires étrangères au sujet du génocide pontique, qui a fait référence au populisme, mais aussi aux groupes d'extrême droite, appelant le gouvernement grec à prendre position. Je voudrais votre  commentaire à ce sujet.

Et une deuxième question : le gouvernement grec, dans le cadre de la crise dans les relations avec la Macédoine du Nord, a-t-il l'intention, dans la période à venir, de prendre une initiative, peut-être en activant l'article 19, afin de faire pression sur l'autre partie pour qu’elle s’y conforme ?

G. GERAPETRITIS : Je voudrais faire une observation sur ce qu'a dit l'honorable ministre des Affaires étrangères. L'Égypte est un pays qui a accueilli un très grand nombre de migrants, plus de 9 millions. C'est aussi un pays qui a beaucoup souffert économiquement de la crise au Moyen-Orient et de l'embrasement général de la région. L'Union européenne doit se tenir à ses côtés et le gouvernement grec veillera à ce que l'aide soit substantielle et durable. Il est important que l'Égypte reste un pilier de stabilité dans une région qui subit de très fortes pressions. La coopération avec les autorités égyptiennes est excellente, en particulier sur la question de l'immigration. Nous pensons qu'il faut mettre en place des canaux de migration légale. En d'autres termes, des routes de migration légale devraient être mis en place afin que les ressources humaines qualifiées de l'Égypte puissent également être utilisées dans l'économie grecque. Nous travaillons de manière très systématique dans ce sens. Les procédures correspondantes seront achevées dans un avenir très proche.

En ce qui concerne la question du génocide pontique. Je pense que la position du gouvernement grec est évidente, comme l'ont déjà exprimé la Présidente de la République et le Premier ministre. Pour nous, afin de nous souvenir et d'honorer les centaines de milliers de victimes qui ont subi un déplacement violent ou une véritable extermination, il est de notre devoir de garder vivante la mémoire de cette page très sombre de notre histoire.

En ce qui concerne la Macédoine du Nord. La position du gouvernement grec a été exprimée. Tant la Grèce que la Macédoine du Nord sont tenues de respecter le droit international et les obligations internationales qu'elles ont assumées. La Grèce surveille rigoureusement le respect de ce qui a été convenu. Le gouvernement de Macédoine du Nord n'ayant pas encore prêté serment, nous attendrons l'évolution de ce chapitre. Il n'y a actuellement aucune intention d'entamer une quelconque procédure d'infraction. Nous comprenons que ces questions seront évaluées par la diplomatie grecque, ainsi que, bien évidemment, par l'Union européenne dans le cadre du processus d'adhésion de la Macédoine du Nord.

May 20, 2024