G. GERAPETRITIS : Je souhaite la bienvenue à Athènes au ministre des Affaires étrangères du Luxembourg et à un bon ami, M. Asselborn.
C'est un grand plaisir de vous accueillir aujourd'hui au ministère des Affaires étrangères et d'être honoré de votre présence à l'occasion du 90e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Grèce et le Luxembourg.
Le ministre, M. Asselborn, est une figure emblématique de la diplomatie européenne, un véritable européiste, le plus ancien ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, avec déjà 19 ans de service, et un grand ami de la Grèce.
Merci beaucoup, Monsieur le Ministre. L'histoire moderne du Luxembourg est liée à celle de l'Union européenne.
Membre fondateur de la Communauté économique européenne, ville natale de l'un des initiateurs de l'intégration européenne, Robert Schuman, le Luxembourg est au cœur de l'Europe.
Aujourd'hui, l'Union et chaque État membre sont confrontés à de nouvelles difficultés.
Monsieur le Ministre, la Grèce a vécu ces derniers jours une tragédie sans nom. Cet été, nous avons été frappés par les effets de la crise climatique, d'abord par les incendies, puis par les inondations.
Cependant, l'Europe est à nouveau à nos côtés et je voudrais profiter de cette occasion pour remercier l'Union européenne et tous les États membres pour l'aide qu'ils nous ont apportée dans la gestion des catastrophes naturelles causées par la crise climatique.
Ces phénomènes vont devenir de plus en plus fréquents. La communauté scientifique estime que personne n'est aujourd'hui totalement à l'abri de la crise climatique.
C'est pourquoi nous devons travailler à la fois au niveau européen et dans le cadre de la diplomatie multilatérale pour améliorer les mécanismes de protection civile et combattre les causes qui génèrent et renforcent la crise climatique.
La Grèce, en tant que pays méditerranéen exposé au changement climatique, fait de la crise climatique et de la sécurité une priorité absolue. C'est pourquoi il s'agit de l'un des six piliers de la candidature de notre pays en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2025-2026.
Je saisis cette occasion, Monsieur le Ministre, pour vous remercier du fond du cœur pour le soutien que le Luxembourg apporte à notre candidature.
Avec le Luxembourg, en tant que membres de l'Union européenne et de l'OTAN, nous partageons des visions et des valeurs communes. Nos réflexions convergent sur de nombreux points concernant l'avenir de l'Europe. Nous avons absolument besoin d'une Europe plus « verte ».
La Grèce peut contribuer de manière significative à la diversification énergétique et à l'autonomie de l'Union européenne en tant que plaque tournante de l'énergie en Europe du Sud-Est et en Méditerranée orientale.
Nous avons également discuté d'un autre défi commun à l'Union européenne, l'immigration. La Grèce, en raison de sa situation géographique, Monsieur le Ministre, est en première ligne et supporte un fardeau disproportionné.
Il devrait y avoir une stratégie européenne sur les questions de migration, qui répartirait le fardeau de manière égale et équitable entre les États membres par le biais du principe de solidarité.
En outre, l'une des questions clés concernant l'avenir de l'Union, dont nous avons discuté, est l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Il est dans notre intérêt de devenir plus compétitifs au niveau mondial, et pas seulement dans notre petite région, et d'être en mesure de contrer les tendances protectionnistes émergentes.
La Grèce, comme le Luxembourg, croit en la vision de l'Union, en la consolidation d'une paix durable sur un continent qui a connu la tragédie de la guerre pendant des siècles. La guerre qui est revenue sur notre continent, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, est un acte révisionniste qui constitue une violation flagrante du droit international.
Nous espérons une fin rapide du conflit armé causé par l'invasion illégale et la restauration territoriale complète de l'intégrité de l'Ukraine.
Nous soutenons l'Ukraine à bien des égards. Nous étudions la façon dont nous pourrions apporter une contribution décisive à la résolution de la crise alimentaire, qui a été exacerbée par le retrait de la Russie de l'initiative céréalière de la mer Noire.
Un autre enjeu important dans le contexte européen est l'élargissement de l'Union européenne, qui contribuera sans aucun doute à consolider la stabilité en Europe et dans notre région. Nous soutenons tous deux la perspective européenne des Balkans occidentaux, pour autant que les étapes et les conditions fixées par le Conseil européen soient respectées.
Nous avons également parlé du développement de notre coopération bilatérale. Il existe une marge de manœuvre considérable pour développer les relations entre nos deux pays dans de nombreux domaines, notamment économique et commercial.
Enfin, je voudrais souligner le grand intérêt que les citoyens luxembourgeois portent à la langue, à l’histoire et à la culture de la Grèce. Avec comme premier ambassadeur bien sûr, le Premier ministre du Luxembourg, M. Xavier Bettel.
Monsieur le Ministre, cher Jean, je vous souhaite la bienvenue en Grèce.
JOURNALISTE : Ma question concerne les deux ministres. Je voulais d'abord vous demander votre commentaire, bien que le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères ait déjà pris position, sur la question de l'élargissement des Balkans occidentaux.
Et en particulier, je voudrais aussi avoir un commentaire, votre avis sur l'affaire Beleri.
G. GERAPETRITIS : Nous sommes vingt ans après Thessalonique. En 2003, la Grèce a été le pays pionnier, afin qu'il soit clairement établi, non seulement dans l'Union européenne, mais dans le monde entier, que la place naturelle des Balkans occidentaux se trouve au sein de l'Union européenne.
Et c'est la place naturelle, car c'est une condition nécessaire pour qu'une région historiquement troublée puisse jouir des fruits de la paix dans un voisinage plus large de sécurité et de prospérité.
Vingt ans plus tard, nous réitérons la même position de base que nous avons défendue avec ferveur au cours de l'année écoulée. Comme vous le savez, le Premier ministre grec a déjà convoqué une conférence à Athènes il y a quelques semaines, afin que les dirigeants des Balkans occidentaux, ainsi que l'Ukraine et la Moldavie, soient assis à la même table pour discuter, précisément à l'occasion du vingtième anniversaire, des mesures à prendre pour faire progresser les processus d'adhésion des Balkans occidentaux, ce dont nous nous félicitons.
Chaque pays a ses propres caractéristiques et nous devons les respecter, mais nous devons également respecter les conditions fixées par les institutions de l'Union européenne, et en particulier par le Conseil européen, en ce qui concerne le respect des règles fondamentales de l'Union européenne.
En particulier, et comme mon honorable collègue, j'y inclus en premier lieu le respect de la démocratie et de l'État de droit.
J'ai eu l'occasion aujourd'hui de discuter avec le vice-premier ministre de Macédoine du Nord des questions liées à l'élargissement des Balkans occidentaux et en particulier du pays voisin, d'identifier les problèmes qui se posent et de transmettre la position fondamentale de notre pays, à savoir que nous souhaitons et encourageons en principe l'intégration des pays des Balkans occidentaux dans la famille européenne.
Toutefois, le respect de l'État de droit exige également une attitude pratique, qui se manifeste dans la vie de tous les jours et pas seulement dans les institutions.
Le cas que vous avez mentionné, celui du maire élu de Chimarra, Fredi Beleri, constitue à mon avis un écart par rapport à l'acquis européen. Il s'agit d’un écart en ce sens qu'un maire élu, élu pour le gouvernement local, n'a pas été en mesure de prendre ses fonctions pour le moment, parce qu'il n'a pas été autorisé, comme il aurait pu et dû l'être par volonté politique, en tant qu'acte administratif, à prêter serment et à prendre ses fonctions.
Cela constitue, aux yeux de notre pays et du droit international, une violation claire des droits civils de M. Beleri, une violation de la présomption d'innocence et de l'État de droit.
Alors oui, nous soutenons en principe avec enthousiasme l'adhésion des pays des Balkans occidentaux, mais le respect des principes de l'Union européenne, qui sont des principes largement universels et qui concernent la démocratie et l'État de droit, doit être démontré.
JOURNALISTE : J'ai une question à poser aux deux ministres des Affaires étrangères. Il y a eu récemment une augmentation des flux migratoires. Quelles mesures pensez-vous qu'il faille prendre au niveau de l'Union européenne ?
G. GERAPETRITIS : Le ministre, M. Asselborn, a fixé le cadre. Je pense qu'il n'y a rien à ajouter et rien à améliorer.
Ce que je veux souligner, c'est que les flux migratoires et de réfugiés ne vont pas s'arrêter. Et cela ne va pas se produire, parce qu'il y a toujours des conditions qui favorisent cette mobilité des populations, qu'il s'agisse des conflits armés, qui sont provoqués dans différentes régions du monde, comme aujourd'hui dans la région du Sahel ou au Moyen-Orient, ou ailleurs dans le monde.
Et aussi parce qu’il y a toujours une situation d'inégalité sociale dans certaines régions du monde, qui pousse les gens à chercher un meilleur sort.
Dans ce contexte, la Grèce a mené ces dernières années une politique très systématique, basée sur la surveillance des frontières, sur la création de structures humaines pour ceux qui viennent en Grèce.
Et, bien sûr, elle s'appuie sur la solidarité souhaitée et nécessaire de la part de l'Union européenne en tant que pays d'accueil. Nous avons fait beaucoup, nous avons réussi à faire en sorte que les mineurs non accompagnés puissent aujourd'hui bénéficier d'une protection absolue.
Il faut maîtriser les flux migratoires, mais aucun pays ne peut à lui seul s'attaquer à cette question. C'est pourquoi il s'agit avant tout d'une politique européenne cohérente qui, selon moi, devrait s'articuler autour de trois axes.
Le premier axe est la surveillance des frontières européennes. Une surveillance qui doit être exercée de manière à pouvoir combattre le fléau de l'exploitation humaine, liée à la traite des êtres humains, l'une des pathologies les plus modernes et les plus torturantes qui existent dans le monde.
La deuxième nécessité est d'assurer de manière adéquate les retours, le cas échéant, lorsqu'il n'est pas question de protection humanitaire.
La Grèce a maintenant développé la question de la protection humanitaire en accordant l'asile à ceux qui en ont besoin, mais il doit y avoir un moyen efficace de procéder aux retours. Malheureusement, la déclaration commune de 2016 entre l'Union européenne et la Türkiye n'a pas produit les résultats escomptés.
Et bien sûr, troisièmement, et mon homologue l'a mentionné à juste titre, et c'est peut-être le plus important, nous devons veiller à ce qu'il y ait des canaux légaux de migration, une migration ordonnée.
En tout état de cause, à l'heure actuelle, la Grèce, comme d'autres pays d'Europe, a besoin de main-d'œuvre, et le fait de s'assurer que nous disposons de canaux légaux et contrôlés remplace et affaiblit essentiellement les trafiquants et les circuits illégaux qui existent, et souligne la nécessité d'une stratégie européenne contrôlée et centralisée sur la question de l'immigration.
Je vous remercie de votre attention.
September 13, 2023