N. POPOSKI : Chers représentants des médias, c’est un honneur et une satisfaction pour moi de vous accueillir ici aujourd’hui, dans le cadre de la visite du ministre des Affaires étrangères de la Grèce, N. Kotzias à l’occasion de la conférence annuelle des ambassadeurs de mon pays. A cet égard, je voudrais signaler que c’est la deuxième visite qui a lieu ces dernier temps, une visite qui s’intègre dans le programme visant à instaurer un climat de confiance entre les deux pays. Je pense que ce genre de coopération et la fréquence des rencontres peuvent, en tout état de cause, être utiles tant pour l’amélioration des relations que pour l’instauration d’un climat de rapprochement entre les deux pays. Je voudrais à cette occasion exprimer ma reconnaissance à la Grèce qui est venue immédiatement, avec plusieurs pays européens, à notre aide après la grande catastrophe naturelle qui a touché notre capitale et la région élargie à cause des intempéries. Dans le même temps, je pense que la coopération établie dans la plupart des domaines, au niveau des experts, va dans le bon sens.
Lors de la rencontre d’aujourd’hui, nous avons discuté de la région, de la coopération régionale, de la stabilité, des défis auxquels nous sommes confrontés, tant du point de vue politique que de la sécurité. Nous avons également discuté des progrès réalisés dans le cadre des mesures de confiance et notamment des interconnexions qui ont été mises en place en matière d’infrastructures et d’énergie.
De ces quatre réunions que nous avons eues au niveau des groupes pour la mise en œuvre des mesures de confiance, je retiendrais le domaine de l’éducation, à travers la signature d’un accord de coopération, le domaine de l’énergie, à travers l’établissement d’une communication directe entre les entreprises actives dans le domaine du transport de gaz naturel dans les deux pays, le domaine de la coopération policière, avec des contacts directs entre les agences de contrôle aux frontières et les ministères de l’Intérieur des deux pays ainsi que la gestion de la crise migratoire et le renforcement de la communication entre les institutions des deux pays.
En outre, dans le domaine des transports et des infrastructures, je retiendrais les contacts visant à étendre la liaison ferroviaire – au-delà de la liaison déjà établie du côté de Gevgelija et de Bitola – qui unira notre pays à la Grèce, ce qui est dans l’intérêt des deux pays. De plus, en ce qui concerne les contacts diplomatiques, nous avons ouvert des canaux de communication entre les académies diplomatiques et nous sommes convenus d’organiser des consultations politiques, dans le courant de cette année, entre les deux ministères des Affaires étrangères.
Notre objectif est d’intensifier les contacts et d’entamer un débat sur des questions qu’on évitait, par tradition, d’aborder, et c’est justement dans ce cadre que s’intègre, à mon avis, la présence et le discours de mon homologue, N. Kotzias, lors de la conférence des Ambassadeurs. Il serait positif cette fois-ci de débattre également des grandes questions politiques, car le processus visant à l’intégration européenne et euro – atlantique était toujours lié au différend sur le nom et à nos relations bilatérales.
Je pense que cette période est assez complexe tant pour l’UE que pour l’OTAN et que nous devons valoriser cette conjoncture à deux niveaux : le premier niveau est celui du règlement de toutes ces questions auxquelles nous pouvons nous-mêmes faire face. Cela concerne notamment la dynamique des réformes, la sortie du cercle vicieux de la crise politique et, dans une certaine mesure, la levée de tous ces prétextes qui faisaient obstacle à ce parcours. Nous devons faire face au fait que ces difficultés au niveau de l’OTAN et de l’UE se reflèteront probablement dans le processus d’élargissement.
Toutefois, on doit également faire preuve de notre plein attachement à l’approfondissement de nos relations avec nos voisins. Après tout, et en ayant pleinement conscience du fait qu’on ne va pas bientôt atteindre nos objectifs stratégiques pour ce qui est de l’adhésion de notre pays à l’UE et à l’OTAN, je dirais que pour nous il serait plus important de créer un pont de coopération avec la Grèce ce qui revalorisera nos relations bilatérales à un niveau qui n’existait pas auparavant.
Dans le cas où nous serions appelés à choisir entre ces deux choses, je pense que dans ces conditions, il serait plus important de nous consacrer au développement de bonnes relations avec nos voisins, de construire plus de ponts avec la Grèce, au lieu d’essayer de changer la réalité à laquelle nous sommes actuellement confrontés, à savoir l’engagement non durable à l’égard des questions liées aux Balkans, d’abord au niveau européen et notamment dans le cadre de tous ces défis qui ont suivi le Brexit, la crise des réfugiés, etc. Je vous remercie encore une fois de votre présence et je donne maintenant la parole à mon homologue, M. Kotzias.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je voudrais remercier mon collègue, M. Nikola Poposki. C’est un grand honneur pour moi de m’adresser, suite à votre invitation, aux diplomates de notre pays voisin au nord. Lorsque l’année dernière je partais de Luxembourg pour venir à Skopje, mes collègues au Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE, me disaient : « Mais, iras-tu à Skopje pour t’entretenir avec Nikola Poposki ? ». Cela leur a paru complètement étrange et bizarre. Aujourd’hui, cela paraît tout à fait normal. Quand j’ai pour la première fois parlé des mesures de confiance, nombreux étaient ceux qui pensaient que cela était impossible. Et mes collègues au Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE ont trouvé encore plus étrange le fait que j’ai mis un veto aux sanctions contre le pays qui m’accueille aujourd’hui. Ce que je veux dire est que depuis plus d’un an lorsque je suis venu ici et au cours de la période qui s’est écoulée - pendant laquelle nous avons eu un très grand nombre de rencontres avec mon homologue - les relations entre la Grèce et notre pays voisin au nord, ont changé. Des relations ont été établies entre nos ministères, entre d’autres ministères, entre nos sociétés. Nos relations économiques se développent, nous avons signé des accords sur les mesures de confiance, sur des contacts au niveau de nos établissements universitaires, parmi lesquels figure aussi l’Université du Pirée où j’étais professeur. Nous avons une coopération efficace – en dépit des problèmes initialement constatés – sur la gestion de la question des réfugiés. Et il existe une assistance mutuelle, comme cela a été le cas avec les récentes catastrophes naturelles. Je voudrais encore une fois exprimer ma profonde tristesse pour la souffrance qu’a vécue votre pays ainsi que ma solidarité avec le peuple de l’Italie où le séisme d’hier a coûté la vie à plus de 250 personnes.
Notre coopération couvre actuellement de nouveaux domaines. Je pense que la coopération entre les quatre Etats des Balkans qui a été lancée par nos deux pays avec la Bulgarie et l’Albanie est très importante. Cette coopération entre deux Etats membres de l’UE et deux pays candidats à l’adhésion, se poursuivra fin octobre à Thessalonique. Nous envisageons aussi d’organiser une visite conjointe au Mont Athos, ce berceau culturel important de l’une des religions les plus importantes de notre région.
Dans le même temps, nous sommes convenus de mettre en place un inter-connecteur de transport de pétrole et par la suite de gaz naturel qui partira du port de Thessalonique et aboutira à votre pays. La revalorisation de la ligne ferroviaire reliant Florina à Bitola revêt également une grande importance.
En général, des interconnexions entre les deux pays et des infrastructures sont en train de se développer. Nous sommes convenus avec mon cher collègue de systématiser notre coopération dans le domaine de l’économie et des financements, tandis que nous sommes en train d’examiner l’éventualité de mettre conjointement en œuvre des projets cofinancés par l’UE. A cette fin, et en vue d’une meilleure coordination de nos actions, nos ministres délégués se rencontreront dans l’avenir proche.
Nos collègues en charge de l’ordre politique intérieur et de la police ont développé une coopération très solide. Tel est le cas aussi dans le domaine de la protection civile. En outre, les directions en charge des affaires européennes, nos académies diplomatiques au sein de notre ministère, ont commencé à développer des partenariats et, a mon avis, le domaine de la coopération culturelle est également très important.
Quoi qu’il en soit et en dépit des problèmes qui existent depuis le passé, je pense que la coopération et les efforts en faveur de la compréhension mutuelle pour ce qui est de la manière de penser et des besoins ce chaque partie, sont les éléments qui marquent actuellement nos relations. Et cela s’intègre dans le cadre élargi de l’Europe du Sud-est. Je pense que la coopération entre les quatre Etats dont je viens de parler, est la preuve que votre pays, cher Nikola, notre pays et deux pays voisins, l’Albanie et la Bulgarie, constituent des facteurs de stabilité pour la région. Et cette stabilité influe aussi sur la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient.
Dans ce triangle d’instabilité que j’ai décrit lors de ma première visite – le triangle formé par la Syrie, la Libye et l’Ukraine – nos pays, en dépit de nos problèmes intérieurs – constituent un flambeau de stabilité et notre coopération contribue au renforcement de cette stabilité.
J’aimerais encore une fois vous remercier de cette invitation qui est un grand honneur pour moi et j’espère que nous approfondirons davantage notre coopération dans l’intérêt de nos peuples et des peuples de toute la région, de la sécurité et de la stabilité en Europe. Je pense que les discussions que nous avons engagées sur l’avenir de l’Europe – une thématique qui fera également l’objet de discussions avec vos diplomates – attestent de la nécessité de faire en sorte que notre région devienne plus active, plus coordonnée et plus organisée afin de faire face aux questions qui seront soulevées à l’avenir.
Je voudrais encore une fois vous remercier.
JOURNALISTE : Est-ce que la question du nom a été abordée ? Est-ce que l’opinion publique grecque est favorable à l’atteinte d’un compromis ? Est-ce que les mêmes lignes rouges existent toujours ? De quelle façon un compromis pourrait être atteint si ces lignes rouges demeurent et ne laissent pas une marge disponible pour faire des concessions ? Est-ce que le protocole d’accord existant entre les deux pays est suffisant ou faut-il avoir un accord permettant de compenser la question du nom ? La même question est également adressée à M. Poposki.
JOURNALISTE : Monsieur Kotzias, vous avez dit que vous aviez mis un veto aux efforts de l’UE d’imposer des sanctions contre l’ARYM. En outre, votre visite coïncide avec les élections imminentes ce qui donne l’impression que vous soutenez le gouvernement. Qu’en pensez-vous ?
JOURNALISTE : Jusqu’où sont allées les autorités grecques pour ce qui est du processus d’extradition des militaires turcs qui ont participé à la tentative de coup d’Etat en Turquie ? Des actions concrètes sont-elles entreprises après la réception du document officiel portant sur leur extradition de la part de la Turquie ?
JOURNALISTE : Les relations et plus particulièrement, les tons entre Athènes et Skopje ont durci pendant la crise migratoire et les deux parties se rejetaient mutuellement la responsabilité. Vu qu’on s’attend à de nouvelles vagues migratoires, est-ce que le ton entre les deux parties risque de durcir de nouveau et les mesures de confiance d’être minées en cas de nouvelle escalade ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : C’est une vieille habitude qu’ont les journalistes qui prennent la parole de poser 4 à 5 questions différentes. Par conséquent, je vais prendre un peu de votre temps et je m’excuse si, par omission, je ne réponds pas à toutes les questions.
Premièrement, ma visite n’a rien à avoir avec les élections imminentes. Je suis venu suite à l’invitation qui m’a été adressée – ce qui est un grand honneur pour moi – en vue de prononcer ce discours devant les diplomates de ce pays ami. Il est tout à fait normal que les diplomates se réunissent fin août après la fin de leurs vacances. Toute autre réunion ou rencontre des diplomates coûterait beaucoup plus d’argent. Par conséquent, nous rencontrons généralement nos diplomates qui se trouvent à l’étranger en août. Cela n’a rien à avoir avec les élections. C’est une question à caractère rationnel.
Deuxièmement, je n’ai pas mis le veto aux sanctions aujourd’hui mais avant l’été car en général je suis contre les sanctions, tout le monde au sein de l’UE le sait, je pense que les sanctions ne servent à rien car ce sont les citoyens qui payent le prix et non pas ceux auxquels les sanctions sont destinées et le plus important, notre position, ma position personnelle est que l’on ne doit pas intervenir dans les affaires intérieures des Etats membres de l’UE et des pays candidats. Les interventions ne servent à rien et entravent le développement démocratique du pays. C’est une perception démocratique que j’ai en ma qualité de ministre des Affaires étrangères et une perception universitaire des sanctions. Cela n’a rien à avoir avec les élections.
Nous n’avons pas abordé la question du nom. Nous avons décidé de parler de notre coopération. Ce ne serait pas le bon moment d’aborder la question du nom en vue des élections. S’agissant de nos points de vue, je ne les ai pas présentés à mon collègue, mais, comme on m’a demandé de les exprimer, je le ferai.
Premièrement, je suis en faveur des compromis, et particulièrement, comme j’ai l’habitude de dire, de bons compromis et non pas des mauvais compromis. Des compromis qui brisent, dans un esprit toutefois respectueux, les chaînes de l’histoire. On ne peut négliger l’histoire. Mais, pour écrire l’histoire, il faut avancer. Nous sommes et je suis personnellement, en faveur des compromis qui sont bons et utiles pour les peuples. Je suis également très content d’avoir pu intégrer dans tous les textes de l’UE, des textes qui ne concernent pas notre pays, mais en général dans les textes stratégiques, l’opinion selon laquelle la culture du compromis et du dialogue est un élément de la civilisation européenne. En Europe après la Seconde guerre mondiale, nous avons appris à résoudre nos différends d’une manière pacifique. Et, le règlement pacifique des différends signifie que l’un n’impose pas sa volonté à l’autre. Par conséquent, on doit parvenir à des compromis dont bénéficieront un grand nombre de parties. Dans chaque compromis il y a des lignes rouges, car, autrement ce compromis serait un mauvais compromis ou, comme on dit dans certaines langues (mais pas en grec ni en anglais), un « compromis pourri ».
Les mesures de confiance sont des mesures qui s’enrichissent. Par exemple, les onze premières mesures ne prévoyaient pas la mise en place du gazoduc, mais notre interconnexion énergétique est venue enrichir ces mesures. En outre, nous n’avons pas pensé établir une coopération en cas de catastrophe naturelle, mais la tragédie vécue par ce pays ami a eu comme conséquence la prise des mesures y relatives, la mise à disposition de fonds, dans la mesure de nos moyens actuels, et par conséquent les mesures de confiance s’enrichissent, s’élargissent et dans une certaine mesure contribuent à la normalisation de certains aspects de nos relations.
S’agissant de la question des réfugiés, je pense que, faute de mesures de confiance, on n’aurait pas pu entamer cette concertation, cet effort de compréhension mutuelle et cette question risquerait de dépasser les limites raisonnables. Grâce aux mesures de confiance, nous avons trouvé une façon de coopérer et les autorités policières des deux pays ont appris à coopérer sur des questions frontalières et dans d’autres domaines.
Il existe en anglais le mot adaptive, adaptative systems, autrement dit un système à même d’apprendre, de par expérience, et d’enrichir sa manière de penser et d’agir. Je dirais que la question des réfugiés était porteuse d’enseignements et les deux mécanismes étatiques ont appris à coopérer d’une manière qui était inconnue auparavant. A l’avenir, ils devront beaucoup apprendre et je pense que la coopération sera toujours meilleure. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de problèmes. Qui pense d’ailleurs que la vie est sans problèmes ? Dans toutes les relations, que ce soit avec ses amis, ses enfants, son conjoint, il y a des problèmes. La vie génère des problèmes et lorsqu’un problème est résolu, un autre apparaît. Mais ce qui importe vraiment est de pouvoir apprendre le moyen de résoudre les problèmes, par la résolution des problèmes elle-même. Je n’ai pas peur des problèmes, mais de ne pas avoir acquis le savoir-faire, la philosophie et la politique nécessaires à leur règlement.
La dernière question concerne les 8 [militaires turcs, Ν.d.T.]. Comme vous le savez, j’aurai la joie d’accueillir en Grèce, Mevlüt Çavuşoğlu au cours de ces prochains jours et de discuter de l’état des relations entre la Grèce et la Turquie et de la façon dont nous pourrons, après la dernière crise, reprendre nos discussions et trouver de nouveaux moyens de coopération productifs.
J’aimerais réitérer que nous nous sommes d’emblée opposés au coup d’Etat. Vous savez que moi-même et le peuple grec tout entier, avons été victimes d’un coup d’Etat en 1967. Je n’ai jamais aimé les coups d’Etat et je n’ai jamais entretenu de bonnes relations avec les officiers de la junte militaire, ceci est un secret pour personne.
J’aimerais à ce stade faire une remarque qui ne concerne pas la Turquie, mais globalement ma manière de penser sur les problèmes de démocratie et d’autoritarisme. Dans ma vie, j’ai toujours lutté contre les coups d’Etat au moyen de la démocratie et en défendant les institutions démocratiques et non pas en apportant mes propres points de vue. Je pense que c’est un excellent critère, qui confère une certaine perspective.
La Grèce est un pays de la civilisation européenne. Europe était une très belle femme à son époque, si l’on en croit le mythe selon lequel elle a été enlevée par Zeus en Libye. Ce mythe est profondément antiraciste puisque la plus belle femme du monde provenait d’Afrique. Il revêt par ailleurs un symbolisme profond, car la notion et le nom d’Europe était lié à un espace qui n’appartient pas à l’Europe aujourd’hui. Et en raison de cela, nous devons être plus ouverts aux autres cultures et aux autres habitudes. Cette civilisation européenne et la démocratie athénienne qui l’a fortement influencée sont liées à la création d’un Etat de droit et au respect des procédures juridiques.
Nous, en tant que gouvernement grec, avons dit que le sort de ces huit militaires est entre les mains de la justice grecque dans le respect de l’application du droit grec et européen. En tant que gouvernement, nous pensons que les tribunaux prennent en compte l’enquête et la confirmation de la participation de ces huit personnes au coup d’Etat. La note verbale de la Turquie est parvenue il y a trois ou quatre jours, soit un mois après le coup d’Etat. Nous, en tant que ministère des Affaires étrangères, avons envoyé cette note verbale au ministère de la Justice et ce dernier, en tant que ministère compétent, l’a transmise aux autorités judiciaires qui jugeront de cette affaire. Nous faisons la distinction très nette entre le pouvoir exécutif, auquel j’appartiens, le pouvoir judiciaire et le fonctionnement de la justice.
N. POPOSKI : Je répondrais très brièvement aux quatre questions que vous avez posées. La première, la question du nom et l’empêchement sont un problème qui perdure et qui constitue une réalité. Par rapport à cela, nous avons différentes opinions, on l’a constaté dans le passé et c’est un fait. D’un autre côté, il y a une autre réalité, sur laquelle nous pouvons agir et qui concerne la création d’un climat de confiance accrue entre les deux pays et le développement de leur coopération. Nous le faisons grâce aux mesures de confiance et c’est ce à quoi nous nous sommes consacrés. Il existe une réalité que nous ne pouvons changer et qui concerne le différend sur la question du nom et le sentiment créé, à savoir que la route vers l’UE et l’OTAN est entravée par cette question, nous pouvons nous consacrer à ce que nous pouvons réussir. Nous voulons davantage de stabilité, de prospérité économique pour notre pays. Nous y parviendrons lorsque nous adhèrerons à l’UE, mais à ce moment là, cela dépendra de nous. Dans une certaine mesure, nous voyons dans quelle mesure nous pouvons résoudre nous-mêmes les problèmes et ne pas rester les bras croisés. Et aussi bien avant l’adhésion à l’UE et l’OTAN qu’après, notre degré de stabilité et de prospérité économique dépendra des capacités du pays. Dans ce cadre, je pense que la Grèce est un pays très important, sans doute le plus important pour l’instauration de la stabilité et de la prospérité économique et c’est la raison pour laquelle il est préférable que nous devenions nous-mêmes maîtres de notre avenir, que nous prenions notre avenir en main, que nous construisions avec la Grèce et tout autre pays le plus de ponts possibles et je pense que ceci est un objectif constant.
En ce qui concerne la deuxième question de savoir si certaines décisions allaient dans le sens du soutien du gouvernement ou non, je pense qu’il y a deux paramètres à souligner. Premièrement, je ne pense pas que toute implication par toute partie, quelle qu’elle soit, soit dans l’intérêt de mon pays ou autre et je pense que dans le cas précis, cela n’est pas le cas. D’un autre côté, le fait qu’un Etat membre de l’UE, y compris celui qui a fait naître l’impression qu’il constituait un obstacle à notre adhésion, ait pris une position sage – puisque l’on a jamais vu les sanctions résoudre un problème sur le plan politique interne – est, à mon sens, un succès diplomatique de ceux qui ont été convaincus et de ceux qui ont agi.
En ce qui concerne la crise migratoire, celle-ci reste toujours un défi. Nous ne sous-estimons pas sa gravité. Je pense que nous sommes passés de la phase où nos intérêts étaient divergents à la phase où ils convergent, pour ce qui est de la crise migratoire. Les mesures que nous avons prises sont dans l’intérêt de notre voisin également et cela a été prouvé dans la pratique au cours de l’année dernière, lorsque nous avons commencé à prendre ces mesures. Aujourd’hui, je ne sous-estimerais pas le risque que les incidents transfrontaliers se reproduisent, mais je pense toutefois que le tableau général a changé. Le fait que nos services frontaliers et ministères de l’Intérieur coopèrent dans ce domaine atteste du fait que nous avons abouti à certaines conclusions et actuellement nos intérêts concordent pour ce qui est de la résolution de ce problème. Nous estimons que ce problème ne peut être résolu sans la coopération tant de la Grèce, que de la Turquie et des autres pays qui se trouvent dans la partie la plus au nord du couloir balkanique, tandis que le problème plus global ne peut être résolu que si la crise est surmontée, là où se créent les vagues de migrants économiques.
JOURNALISTE : Ma question s’adresse aux deux ministres. Nous avons bien compris que les mesures de confiance progressent. Y a-t-il un lien avec la question du nom afin d’améliorer le climat ou de créer une nouvelle donne ?
JOURNALISTE : Question adressée à M. Poposki : Est-ce que vous pensez que les relations avec la Grèce se sont assez améliorées et jusqu’où peuvent-elles s’améliorer et dans quels domaines. Question pour M. Kotzias : Est-ce qu’Athènes craint une éventuelle déstabilisation de Skopje en raison des remous politiques généralisés qui existent à l’heure actuelle ?
JOURNALISTE : Question adressée à M. Poposki : Vos relations avec la Turquie sont très chaleureuses et très étroites. Y a-t-il un lien ? Y a-t-il un problème avec le mouvement Gülen de Skopje et comment avez-vous coopéré avec le gouvernement turc après le coup d’Etat ? Avez-vous demandé la coopération du gouvernement grec ?
Question adressée à M. Kotzias : Monsieur le ministre, est-ce que les crises politiques secouant les pays frontaliers de la Grèce vous préoccupent et comment entendez-vous contribuer à ce que ces crises soient surmontées ?
JOURNALISTE : Monsieur Poposki, pouvez-vous confirmer que le Conseil ministériel a discuté de la question de la demande de la Turquie de fermer certaines organisations et écoles dans le pays qui sont liées à M. Gülen et qu’une décision a été prise dans le sens de la fermeture de ces fondations ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je passe à la question centrale. Déstabilisation. Déstabilisation des Etats dans la région, systèmes politiques déstabilisés. Tout d’abord, je pense que l’analyse que nous avons faite, à savoir que le problème de la stabilité de la région est un problème-clé, revêt une importance capitale. Car c’est sur la base de ce concept de stabilité que la Grèce perçoit de nombreux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
La question de la stabilité se pose au Moyen-Orient, nous sommes confrontés à un problème de stabilité en Libye, nous avons vu les remaniements en Egypte, la guerre civile se poursuit au Soudan, la tension perdure en Somalie. Ces phénomènes déstabilisateurs envoient des vagues de déstabilisation dans les pays des Balkans, qui se manifestent sous le signe des flux migratoires et de réfugiés. Pour cette raison, la stabilisation de cet espace revêt une importance capitale afin que la croissance économique puisse avoir lieu, que les fonds nécessaires soient trouvés et que les flux migratoires disparaissent. Je rappelle que lors de ma visite l’année dernière, j’ai souligné les fonds limités que l’ONU et des organisations internationales ont octroyés pour l’entretien de camps de réfugiés en Jordanie et au Liban. Cette année nous avons, bien heureusement, dans le cadre de l’UE, développé une stratégie pour ces régions. Par conséquent, nous sommes confrontés à un problème particulier, à savoir les régimes déstabilisés et les flux à l’est et au sud des pays des Balkans.
Deuxièmement, nous avons fait face à une tentative de coup d’Etat en Turquie, qui, à mon sens, à bien fait d’échouer. Je le dis car certains sont bernés par l’illusion qu’il pourrait y avoir de bons militaires au pouvoir. Il n’y a pas de bons militaires au pouvoir pour moi. Les militaires n’ont rien à voir avec le pouvoir politique. J’aimerais dire ici, en tant que ministre des Affaires étrangères, qu’en dépit des problèmes que nous avons eus avec la Turquie, avec les survols et autres, tant pendant le mandat de M. Erdogan en tant que premier ministre, qu’en tant que président, il n’y a jamais eu d’incident à chaud entre la Grèce et la Turquie. Les tensions, quelles qu’elles soient, étaient beaucoup moins nombreuses que celles à l’époque des militaires ou des gouvernements dans lesquels les militaires jouaient un rôle important. Par conséquent, un coup d’Etat réussi aurait engendré toutes sortes de problèmes. Nous, en tant que pays, voulons une Turquie dotée d’une orientation européenne, avec un Etat de droit. Plus le pays voisin est démocratique et stable, moins il y a de problèmes entre nous et plus la coopération entre les deux pays offre une dynamique importante.
Dans le Nord de la Grèce, nous avons une plus grande stabilité. Les problèmes internes des pays augmentent de temps à autre. Le rôle de la politique étrangère grecque est de ne pas envenimer ces problèmes et de ne pas s’ingérer dans les affaires de pays tiers, mais de contribuer à créer des environnements stables, au moyen de sa politique. Je le dis parce que le pays qui nous accueille aujourd’hui traverse une crise politique. Et le pire que l’on puisse faire dans ce cas, est d’alimenter cette crise au niveau externe, ou ne pas permettre aux puissances internes d’œuvrer en faveur de la résolution de la crise. Ou bien, de suivre une politique de sanctions.
Permettez-moi de dire que les Américains ont suivi pendant des années une politique de sanctions en Iran et maintenant on apprend qu’ils ont versé 400 millions de dollars pour obtenir des échanges. Et si vous avez visité Téhéran ces dernières années, vous verrez que tout ce qui est dit au sujet de l’embargo ce n’étaient que des inepties, autrement dit un leurre. Lorsque j’ai visité le pays pour la première fois, en qualité de ministre des Affaires étrangères, j’ai été surpris par les vitrines des magasins qui avaient les modèles de voitures les plus neufs et les habits les plus modernes que l’on ne trouve même pas dans les capitales européennes. Car les fameuses relations « triangulaires » avaient lieu. En effet, les produits allaient dans les pays arabes du Golfe et de là ils gagnaient directement Téhéran.
Voyez un embargo plus ancien, celui de Cuba. Que s’est-il passé à Cuba ? Fidel Castro est parti et Raoul Castro est venu. Maintenant à savoir si cela est un succès ou un échec, à chacun de le dire. Mais ces mesures n’avaient pas de terribles conséquences. Et les sanctions prises en principe par l’Europe – et si j’ai bien compté cela concerne 28 pays – nous dérangent nous, plutôt que ces pays.
Parfois, les sanctions servent deux objectifs. Dans le premier cas, elles visent à mettre à mal l’adversaire, à le déstabiliser, à l’écraser. Ce sont de très mauvaises sanctions car elles aggravent très rapidement les problèmes. Dans le deuxième cas, elles servent à amener l’autre partie à la table des négociations.
En ce qui concerne ce pays, qui est un pays ami de l’UE, qui est à la table des négociations pour son adhésion dans toute une série d’organisations internationales, quel sens avaient les sanctions ? Aucun.
Par conséquent, je pense que le travail d’un pays comme la Grèce qui, en dépit des différentes attentes, a fait preuve d’une grande stabilité politique dans un environnement de crise économique, est de parer les vagues d’instabilité qui arrivent et d’envoyer des vagues de stabilisation à toutes les parties. C’est notre travail et nous voulons que le pays voisin soit stable, que son peuple puisse vivre dans un environnement de prospérité, de paix, que nous puissions nous entretenir, nous entendre, avec nos coopérations, nos mésententes, trouver des solutions aux problèmes. C’est pourquoi je suis particulièrement heureux de constater qu’après un an, un an et demi après ma dernière visite ici, le climat est différent. Nous avons un sentiment de confiance.
Maintenant, pour ce qui est des mesures de confiance et de la question de savoir si celles-ci sont liées à la question du nom. D’aucune façon. Mais il est vrai que lorsque la confiance augmente, pour les problèmes n’appelant pas de solutions immédiates et pour lesquels il n’y a pas de confiance, le cadre devient meilleur et une solution peut paraître plus facile. En d’autres termes, est-ce que deux personnes méfiantes peuvent se marier un jour ? Est-ce que deux personnes qui se font confiance vont obligatoirement se marier ? Si tel était le cas, alors j’aurais dû me marier des millions de fois. Cela est impossible. La confiance est nécessaire et la confiance est un facteur nécessaire à une bonne solution, à un mariage réussi, si je m’en tiens à mon exemple.
En ce qui concerne la dernière question, à savoir les relations avec la Turquie et Gülen. Nous n’avons pas, à ma connaissance, ce genre d’établissements éducatifs en Grèce. Si je me souviens bien, la Turquie incitait toute une série de pays à accueillir ces établissements. Je comprends que la classe dirigeante turque fait porter à Gülen la responsabilité de la participation au coup d’Etat. Ce sont davantage les Américains qui ont un problème, car ils devront décider ce qu’ils devront faire avec la Pennsylvanie – vous avez vu hier que le premier ministre turc a répondu à Biden que la Pennsylvanie est la même chose que les tours qui se sont effondrées à New York. Nous voulons entretenir de bonnes relations avec la Turquie, des relations égales, sur la base des règles internationales et du droit international et personnellement j’entretiens des relations amicales avec les membres de la classe dirigeante turque et avec Nikola – puisque nous portons le même nom – je dirais que ces relations sont encore meilleures, si je puis m’exprimer ainsi.
N. POPOSKI : Les premières questions posées concernaient les mesures de confiance et la question du nom. Comme je l’ai dit, des différends nous opposent. Nous devons tout d’abord coopérer dans le sens de la création d’un cadre qui permettra de changer le point de vue dans les deux pays. Dans mon pays, le sentiment prévaut depuis longtemps que la Grèce essaye de nous évincer. Nous devons en arriver au point de sentir que la Grèce est notre partenaire. Aujourd’hui, nous constituons une réalité. Par ailleurs, nous avons l’intention de rester là où nous sommes. Nous devons convaincre nos partenaires grecs que nous n’avons pas l’intention de les délocaliser dans un autre endroit. Si nous nous accordons sur le fait que nous resterons là où nous sommes, en raison de nos intérêts communs, la meilleure voie pour y parvenir est celle que nous avons choisie : renforcer la confiance par le biais de certaines mesures. Notre objectif, au final, est d’adhérer à l’UE et à l’OTAN, à l’instar de la Grèce qui est membre de l’UE et de l’OTAN. La Grèce n’est pas membre [de l’UE et de l’OTAN] pour faire plaisir à quelqu’un de particulier, mais pour ses propres intérêts. Il en va de même pour mon pays : il veut adhérer à l’UE et à l’OTAN pour ses propres intérêts. Dans ce cheminement, il est nécessaire de construire des relations, il est nécessaire de créer un climat qui permettra à chacune des parties de convaincre l’autre que cela constitue un objectif commun. Personnellement, je suis convaincu qu’à la fin du chemin cela est dans l’intérêt des deux pays. Les mesures de confiance ne résoudront pas automatiquement la question du nom, toutefois c’est la seule voie que nous devons suivre, dans des conditions où nous façonnons notre destin. La solution de rechange à cela est de rester les bras croisés et pleurer parce qu’ils nous empêchent de réaliser nos objectifs. Nous avons confiance en nos capacités de créer un meilleur avenir et cet avenir nous entendons le façonner de concert avec nos voisins. A la question de savoir dans quelle mesure nos relations peuvent être améliorées et dans quels domaines, je pense que nous avons partagé une liste de ces champs de coopération. Je pense que la coopération économique et l’interconnexion énergétique sont tout aussi importantes que l’éducation par exemple. Plus il y aura d’étudiants qui traverseront les frontières, plus notre coopération sera enrichie.
La troisième question concernait la Turquie. Notre position immuable est que nous soutenons les institutions élues démocratiquement en Turquie et de ce point de vue, nous coopèrerons avec le gouvernement à Ankara dans le sens de la contribution, autrement dit de la réalisation de ses objectifs, dans le cadre de notre législation et de nos intérêts. En ce qui concerne la question liée à la décision du gouvernement, oui le gouvernement a pris des décisions et toutes les décisions que nous aurions pu prendre ou que nous prendrons sont conformes à notre législation et à nos intérêts nationaux. C’était le cas dans le passé et ce sera également le cas à l’avenir.
Je vous remercie.
August 25, 2016