Votre Excellence, mon cher Sameh,
C'est un si grand plaisir d'être au Caire, et permettez-moi de dire à quel point je me sens chez moi ici. Je l'ai dit à maintes reprises. Je suis venu ici de nombreuses fois.
Et je voudrais souligner ici une fois de plus quelque chose. Que notre amitié, l'amitié de la Grèce avec l'Égypte n'est pas seulement un partenariat stratégique. C'est bien plus que cela. Et nous ne ménagerons aucun effort pour faire tout ce qui est en notre pouvoir en vue de soutenir cette grande nation, la grande nation égyptienne. De manière bilatérale, mais aussi dans le cadre de l'Union européenne. Nous apprécions profondément de pouvoir compter sur le soutien de l'Égypte, sur le soutien du président Sisi, sur votre soutien personnel, à la fois dans un contexte bilatéral, mais aussi au sein de la Ligue arabe, et dans toutes les autres enceintes internationales.
La Grèce et l'Égypte sont un pont entre l'Europe et le monde arabe. Ainsi qu'un pont entre l'Europe et l'Afrique. Un pont sur, je suis désolé de le dire, des eaux troublées, un pont sur des terres troublées. Et c'est une question clé que nous avons abordée aujourd'hui au cours de nos discussions. La situation précaire en Libye et en Méditerranée orientale.
Nous sommes tous deux d'accord pour dire que notre objectif stratégique commun est une Libye stable, prospère et pacifique, et une Méditerranée orientale stable.
La Grèce soutient les efforts entrepris qui ouvriront la voie à la tenue d'élections en Libye, parlementaires et présidentielles. Nous avons pris plusieurs mesures afin de soutenir le peuple libyen. La réouverture de notre ambassade à Tripoli, la fourniture d'un soutien tangible, y compris la reconstruction du port de Benghazi, le financement de projets humanitaires à Tripoli.
Cependant, nous sommes particulièrement préoccupés par les actions qui menacent de déstabiliser le fragile équilibre interne, et aussi, éventuellement, de déstabiliser notre région. La récente signature d'un « mémorandum d’entente » entre le gouvernement de Tripoli et la Turquie en est un exemple. Ledit « mémorandum » viole un principe fondamental du Forum de dialogue politique libyen dirigé par les Nations unies [article 6, paragraphe 10]. Et vous, Sameh, avez largement évoqué cette question. Ce principe stipule que le gouvernement d'unité nationale ne peut pas, je le répète, ne peut pas conclure d'accord international d'une manière qui porte atteinte à la stabilité des relations étrangères de l'État libyen.
En outre, comme vous l'avez clairement indiqué, Sameh, le mandat du gouvernement de Tripoli a expiré, et si je puis dire, depuis longtemps. Il ne représente donc pas, je le répète, il ne représente pas le peuple libyen. Par extension, ledit gouvernement n'a aucune compétence pour réviser ou mettre en œuvre les accords précédents concernant l'avenir des relations extérieures de la Libye, ou pour engager l'avenir du pays.
Pourtant, c'est précisément ce qui s'est passé lundi dernier. Un acte -la signature de ce « mémorandum »- que nous dénonçons clairement. Et l'UE, les États-Unis, l'Égypte, Chypre, la France, l'Allemagne, l'Italie et de nombreux autres pays ont fait de même.
De même, la réaction massive des forces politiques libyennes contre ce « mémorandum d’entente » montre clairement que la seule conséquence de cet acte est de déstabiliser davantage le pays. Et même au-delà.
Je voudrais également insister sur un point en particulier : aucun pays au monde n'a le droit de se défaire de ce qui ne lui appartient pas. Aucun gouvernement ne peut accorder à la Turquie des droits d'exploration dans des zones où il n'exerce pas de droits souverains. La Turquie, en faisant du chantage, et en exerçant des pressions sur les acteurs libyens a tenté d'établir une monstruosité juridique. Je fais référence au « mémorandum » de 2019. Ce soi-disant « mémorandum » a été dénoncé au niveau international comme étant illégal, invalide et inexistant. Il viole clairement les principes fondamentaux du droit international de la mer. Il n'a jamais été ratifié par le Parlement libyen. En fait, il a été dénoncé par le Parlement libyen.
Trois ans plus tard, la Turquie cherche, une fois de plus, à profiter d'une situation turbulente en Libye. Afin de déstabiliser davantage la région méditerranéenne. Et établir une hégémonie régionale.
J'ai été heureux de constater que toutes les principales parties prenantes, y compris l'UE, ont publiquement dénoncé ces plans. Personne ne peut construire de nouveaux faits sur la base d'actions illégales et illégitimes. Personne ne peut ignorer la géographie, personne ne peut créer un monde virtuel. Un monde où les îles cessent d'apparaître sur la carte.
Il y a deux ans, ici au Caire, nous avons signé un accord avec mon ami Sameh sur la délimitation de la ZEE entre la Grèce et l'Égypte. Un accord en pleine conformité avec le droit international, en particulier le droit international de la mer, qui génère des droits souverains exclusifs pour la Grèce, ainsi que pour l'Égypte. La Grèce a l'intention et l'obligation de défendre ces droits. Avec tous, je le répète, avec tous les moyens légaux disponibles. Nous ne revendiquons rien qui ne nous appartienne pas. Nous respectons pleinement les principes du droit international. Nous ne menons pas d'actions agressives, nous ne compromettons pas la paix et la stabilité.
Et nous sommes particulièrement heureux, dans cet effort, d'avoir l'Égypte comme amie. La Grèce et l'Égypte partagent un objectif commun : aider la Libye à devenir un État viable et faire de la Méditerranée une mer pacifique et stable. Une mer de prospérité où les gens peuvent coopérer. Comme les Grecs et les Égyptiens le font depuis des milliers d'années.
Encore une fois, mon cher Sameh, merci beaucoup pour votre chaleureuse hospitalité.
October 9, 2022