Chère Catherine,
Je suis très heureux de vous accueillir à Athènes aujourd'hui. La fréquence des contacts indique le caractère stratégique des relations entre la France et la Grèce.
Je réitère l'importance que nous attachons à l'accord de partenariat stratégique, signé il y a environ un an.
Mais notre relation est en fait également fondée sur des principes et des valeurs communs et repose sur des bases solides en matière de droit international et européen.
La France et la Grèce sont toutes deux attachées au processus d'intégration européenne et soutiennent activement l'élargissement de l'Union européenne à des pays qui partagent les mêmes principes et valeurs.
Dans ce contexte, nous avons discuté des Balkans occidentaux et j'ai eu l'occasion de souligner que l'intégration européenne est une voie à sens unique pour la consolidation de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région et que nous, Grecs, continuerons à soutenir activement ce processus.
Nous avons discuté de la situation en Ukraine, des conséquences de l'invasion russe, de la dimension géostratégique, de la sécurité énergétique, de la dimension humanitaire, qui est notre principale préoccupation, étant donné qu'il existe une importante communauté grecque sur les rives nord de la mer Noire.
Nous avons discuté de la centrale nucléaire de Zaporijjia et du soutien à l'Agence internationale de l'énergie atomique. Je pense que c'est important, absolument important pour l'ensemble de l'Europe et pour le monde entier.
Je voudrais également vous remercier pour la discussion sur vos contacts en Turquie et je voudrais dire que je partage entièrement la position que vous avez exprimée à notre homologue turc, à savoir qu'il ne doit pas y avoir d'escalade des tensions, ni d'escalade rhétorique.
Mais j'ai le regret de dire que, chaque jour, des hauts fonctionnaires turcs font des déclarations scandaleuses contre la Grèce, contre le peuple grec, contre le gouvernement de mon pays.
Des cartes apparaissent, montrant les îles grecques comme des îles turques. La partie turque affirme que ces îles sont sous occupation grecque.
Il est dit à plusieurs reprises et plus récemment, aujourd'hui, alors que je pense que vous étiez encore en Turquie, qu'« ils peuvent venir soudainement au milieu de la nuit », c'est-à-dire envahir ces îles.
Et je voudrais vous rappeler qu’en face des îles de la mer Égée se trouve la plus grande flotte de débarquement d'Europe et une armée turque complète.
Il a également été dit hier encore que la Grèce n'est pas l'égale de la Turquie et ne peut être l'interlocuteur de la Turquie. La Turquie menace la Grèce de guerre, un casus belli a été émis contre nous si nous appliquons nos droits en vertu du droit international et du droit international de la mer.
Et bien sûr, la partie turque viole quotidiennement notre souveraineté nationale. Cette année, il y a eu 6 100 violations de l'espace aérien national, 157 survols du territoire grec, 1 000 violations de nos eaux territoriales.
Je ne pense pas qu'étant un diplomate aussi expérimenté, vous ayez déjà rencontré un nombre similaire de violations à travers le monde.
De même, la Turquie occupe le territoire d'un pays européen, Chypre, n'applique pas les sanctions contre la Russie, instrumentalise la question migratoire.
La Turquie essaie de remonter le cours de l'histoire, de faire revivre l'Empire ottoman.
Nous parlons en termes clairs et disons que les actions et les déclarations de la partie turque ne sont pas acceptables, elles sont inouïes, elles sont condamnables, mais nous ne sommes ni ébranlés, ni effrayés.
Nous avons été confrontés à des menaces bien plus graves au cours de notre très longue histoire. Et je veux qu'il soit clair que nous rejetons complètement l'intimidation néo-ottomane. Et j'utilise un mot d'origine turque pour que ce soit parfaitement clair.
Mais nous n'allons pas nous laisser emporter par le délire. Nous sommes une démocratie moderne, un pays européen attaché au droit international, à la Charte des Nations unies, aux conventions internationales.
Et nous sommes toujours en faveur d'un dialogue constructif sur la base du droit international. Et nous attendons de nos alliés et partenaires qu'ils soutiennent cette évidence.
Nous avons également eu l'occasion de discuter de la Libye à la lumière de la décision du Conseil de sécurité, qui se réunit en effet sous la présidence française, de nommer le Sénégalais Abdoulaye Bathily nouvel envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU.
Pour notre part, nous soutiendrons pleinement les efforts de M. Bathily.
Nous avons souligné que l'instabilité en Libye affecte directement l'Europe et le Sahel, et nous essayons de faire ce qui est le mieux pour l'Europe et pour le monde dans cette région.
Merci pour cette mise à jour sur le Sahel. Une région dans laquelle la France a et aura un rôle de premier plan et une grande expérience. Nous avons également discuté plus généralement de l'évolution du continent africain, qui est une priorité pour l'Europe, pour la France, mais aussi pour nous.
J'ai informé de mon prochain déplacement au Tchad dans quelques jours et je voudrais aussi profiter de cette occasion pour dire que pour nous une chose très importante sont nos initiatives pour la protection de l'environnement et je le dis en connaissant les sensibilités françaises à cet égard.
L'organisation de la conférence « OUR OCEAN » en 2024 figure au premier plan de nos efforts. Elle vise à protéger l'environnement marin et la biodiversité.
Elle s'inscrit dans l'effort que nous faisons avec la transition verte de notre économie et elle concerne la Méditerranée à laquelle nous participons avec la France au MED9.
Je pense que la France peut également avoir une grande influence dans notre effort de sensibilisation de nos sociétés à la protection de l'environnement méditerranéen.
Ma chère Catherine, je tiens à vous remercier une fois de plus pour votre visite à Athènes et à exprimer l'espoir que nous nous reverrons bientôt. Merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui.
JOURNALISTE : M. Dendias, vous avez dit que vous attendez des partenaires qu'ils soutiennent la Grèce sur la question gréco-turque. Je veux savoir si vous avez ce sentiment et s'ils vous ont soutenu.
N. DENDIAS : Merci pour la question. Je pense que la réponse est la suivante. Tant le Haut Représentant que la Présidence tchèque ont publié des déclarations directes commentant de manière absolument négative les positions inacceptables, scandaleuses, de la Turquie de ces derniers jours et l'attitude de la Turquie en général.
La partie grecque estime que l'Union européenne a adopté une position claire. En effet, vous aurez vu les réponses turques, qui à notre avis sont également inacceptables.
Par conséquent, j'ai le sentiment que l'Union européenne est absolument à la hauteur des enjeux. Et elle comprend parfaitement que la partie grecque fait tout ce qu'elle peut dans le cadre du droit international et du droit international de la mer, mais qu'on ne peut pas agir seul.
Lorsqu’ on a un voisin qui n'accepte pas le même cadre comme condition nécessaire à la résolution des conflits, les choses deviennent beaucoup plus difficiles.
JOURNALISTE. Une question principalement pour M. Dendias et si Mme Colonna souhaite faire un commentaire.
Il y a quelques heures, Monsieur le Ministre, on a demandé directement au Président turc, lors de sa visite en Bosnie, si la Turquie a l'intention, je lis mot à mot la question, d'organiser une opération militaire contre la Grèce. Je pense que c'est la première fois que cela se produit. Et la réponse du président turc est « ce que je dis n'est pas un rêve ». Si nous disons que nous pouvons venir soudainement une nuit, nous voulons dire que nous pouvons venir soudainement une nuit ».
Et pour faire suite à la question de ma collègue, Mme Kourouni, est-ce que la diplomatie grecque est couverte par le soutien des partenaires ?
Vous avez répondu concernant la partie ayant trait à l’Union européenne, mais je voudrais poursuivre sur la partie OTAN parce que nous parlons de deux des pays les plus forts de l'OTAN et les plus forts de l'aile sud-est de l'alliance.
Merci.
N. DENDIAS : Je dois vous dire que je n'ai pas vu les dernières déclarations du président Erdogan auxquelles vous faites référence. Et je me réserve le droit de voir l'intégralité du texte.
Mais il y a un fait réel, ne nous cachons pas derrière notre doigt, cela n'a aucun sens et aucune signification, c'est que la partie turque a fait des déclarations de plus en plus scandaleuses et des plus inacceptables ces derniers jours.
Le fait même de la référence à l'occupation des îles grecques est révélateur du niveau des déclarations turques.
Ce que je dois dire, c'est que la Grèce invoque et agit toujours sur la base du droit international et du droit international de la mer.
Mais je conseillerais à tous ceux qui rêvent d'attaques et de conquêtes de réfléchir par deux fois. Nous nous suffisons à nous-mêmes pour défendre notre patrie, notre indépendance territoriale et notre intégrité.
Et nous sommes absolument confiants dans nos alliances et dans l'attitude de nos partenaires. L'Union européenne a déjà démontré dans le cas de l'Ukraine que les menaces et les incursions au-delà du droit international créent une unité sans précédent et une réponse directe.
September 6, 2022