Déclarations du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’issue de sa rencontre avec la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla El Mangoush (Athènes, 06.09.2021)

Déclarations du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’issue de sa rencontre  avec la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla El Mangoush (Athènes, 06.09.2021)

N. DENDIAS : Madame la Ministre, bienvenue en Grèce, bienvenue à Athènes.  C'est un grand plaisir de vous accueillir ici, quelques mois après notre rencontre à Tripoli où j'accompagnais le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis.

Et je voudrais commencer par vous exprimer notre soutien. Vous êtes, pour autant que nous le sachions, la première femme ministre des Affaires étrangères de Libye, et une femme ministre qui a pris ses fonctions à un moment très difficile.

Vous avez fait face à un certain nombre de défis avec courage. Madame la Ministre, la Grèce est une amie de la Libye et une amie du peuple libyen. Nous sommes des amis de longue date. Nous avons une relation datant depuis plusieurs siècles.

Une relation qui se poursuit avec la présence de la communauté grecque en Libye. Une communauté qui, comme nous l'avons dit en privé, même dans les conditions les plus défavorables, ne voulait pas quitter la Libye.

Les contacts fréquents du gouvernement Mitsotakis avec le Président Menfi, avec le Président Saleh, avec vous et avec d'autres hauts fonctionnaires, attestent de la grande importance que nous attachons à nos relations bilatérales.

Comme je l'ai déjà dit, le Premier ministre grec s’est récemment rendu en Libye. Pour ma part, je m'y suis rendu plusieurs fois et j'espère y venir encore plus souvent.

Par ailleurs, mon collègue Kostas Fragogiannis s'y est rendu il y a quelques semaines et il sera bientôt de retour en Libye.

La Grèce, chère collègue, contrairement à d'autres pays de la région, n'essaie pas de revenir en arrière et de faire de la Libye une colonie de facto servant des intérêts étrangers.

Nous ne voulons rien qui ne soit pas accepté et soutenu par le peuple libyen, par la société libyenne. Nous ne voulons imposer aucun accord illégal à la Libye, aucun accord auquel le parlement libyen lui-même a renoncé.

La stabilisation, le développement et la prospérité de votre pays sont dans notre intérêt. Nous voulons que la Libye fasse partie de la nouvelle architecture de compréhension en matière de stabilité et de sécurité dont notre région a besoin.


Parce que géographiquement, nous sommes des voisins directs. La Crète est à 20 minutes de vol de la Libye et la stabilisation de la Libye, la stabilité en Libye affecte toute notre région.

La prévalence des idéologies extrêmes dans un pays si proche de l'Europe et de la Grèce qui n'embrasse pas nos valeurs est extrêmement dangereuse.
Mais malheureusement, les idéologies extrêmes se répandent dans le monde d'aujourd'hui.

Des vues et des idéologies médiévales qui, par exemple, n'accepteraient jamais qu’une femme devienne ministre, ni qu’une femme qui travaille circule seule dans la rue.
Il est donc de notre devoir moral d'aider la Libye. Nous avons été l'un des premiers pays à rouvrir son ambassade à Tripoli en février dernier. Nous avons été le premier pays à ouvrir un consulat général à Benghazi. En fait, nous l'avons rouvert, car nous avions dû le fermer en 1998.

Nous essayons d’apporter notre aide de toutes les manières possibles. Nous avons déjà fait don de 200 000 doses de vaccins pour lutter contre le coronavirus, et si vous avez besoin d'une aide supplémentaire à cet égard, nous sommes à votre entière disposition. Nous voulons soutenir le peuple libyen dans sa vie quotidienne.

Nous essayons de contribuer à la remise en marche de la centrale électrique de Tobrouk et nous espérons que les entreprises grecques, avec nos encouragements, viendront aider et travailleront à la reconstruction de la Libye.

Notre assistance ne se limite pas au niveau bilatéral. Nous contribuons à l'opération « Irini » de l'Union européenne en mettant à disposition des moyens aériens et maritimes et nous encourageons autant que possible le renforcement des relations entre l'Union européenne et la Libye.
En effet, je serai ravi de demander à Josep Borrell de vous inviter demain à un déjeuner ou un petit-déjeuner des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne afin que vous puissiez vous-mêmes détailler les énormes défis auxquels le gouvernement libyen est confronté.
Nous fournissons également une assistance, par le biais du HCR, à la communauté des personnes déplacées en Libye.
L'enjeu le plus important pour nous est de sauvegarder l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de votre pays.
La tenue d'élections équitables le 24 décembre est une condition préalable essentielle à cet égard. Nous espérons que cela pourra se faire, comme le prévoient les résolutions des Nations unies.
Nous espérons qu'un gouvernement représentatif pourra être élu en Libye, libéré des charges héritées du passé, comme le « mémorandum turco-libyen nul et non avenu, non fondé et illégal. Un « mémorandum » qui, outre la communauté internationale, n'est même pas accepté par le Parlement libyen.

Nous disons que c'est un paradoxe juridique, une absurdité juridique qui ignore tout concept de droit international et de droit de la mer, privée de bon sens et ignorante de la géographie.

Mais pour organiser des élections équitables, je pense, chère collègue, que toutes les troupes étrangères doivent être retirées de votre pays, toutes les forces paramilitaires, toutes les forces mercenaires.  Il ne doit pas y avoir de présence militaire étrangère.
Et je voudrais dire que l'Union européenne doit comprendre de la manière la plus claire possible que la Libye n'est pas un pays africain lointain mais un voisin, un pays méditerranéen à l’égard duquel l'Union européenne et bien sûr la Grèce ont à la fois une responsabilité et une obligation de l’aider.

L'instabilité sur la rive sud de la Méditerranée affecte tous les Etats de la région et tous les Etats de la région doivent le voir clairement.

C'est précisément pour cette raison que je me rendrai demain en Tunisie, comme je vous l'ai dit en privé.  Nous aiderons également la Tunisie en lui procurant des vaccins, mais nous voulons aussi contribuer aux efforts de stabilisation du pays.

La Tunisie est un peu plus loin que la Libye mais nous la considérons également comme un pays voisin. Un pays qui lutte pour consolider un régime démocratique. Et nous aimerions contribuer aux efforts visant à la création d'une démocratie là-bas aussi.

Chère collègue, je voudrais vous remercier une fois de plus pour votre présence ici et vous dire que nous continuerons à œuvrer pour la stabilité, la sécurité et la démocratie en Libye.

Nous pensons que c'est dans l'intérêt du peuple libyen, mais aussi dans l'intérêt de notre région élargie. Nous partageons des valeurs communes, des aspirations communes et nous serons à vos côtés dans les efforts déployés par le gouvernement et vous personnellement en vue de créer une nouvelle réalité en Libye après les années tragiques du passé.

Merci beaucoup pour votre visite ici.

September 6, 2021