Déclarations du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’issue de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, Heiko Maas (Berlin, 16 septembre 2019)

Déclarations du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’issue de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, Heiko Maas (Berlin, 16 septembre 2019) «  Cher Heiko, je vous remercie de votre accueil chaleureux.

C’est un grand plaisir pour moi de me trouver aujourd’hui ici à Berlin, juste quelques jours après la visite du Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, dans ce pays qui est l’un des plus importants partenaires et alliés de la Grèce.

C’est la deuxième fois que nous avons l’occasion d’échanger des points de vue après notre brève rencontre à Helsinki.

Nous avons discuté d’un grand nombre de questions d’intérêt bilatéral, européen et international, telles que la nouvelle réalité qui se met en place actuellement en Europe, suite à la prise des fonctions de la nouvelle Commission européenne, ainsi que notre vision commune pour l’Avenir de l’Europe dans un environnement mondial en pleine évolution.

Bien évidemment tout cela s’est déroulé dans un climat de coopération avec nos partenaires internationaux, conformément aux principes et aux valeurs de la démocratie, de la protection des droits de l’homme et de la solidarité qui constituent le noyau de l’UE et non pas dans un esprit favorisant le repli sur nous-mêmes ou un nouvel isolement.

Le Cadre financier pluriannuel ainsi que la lutte la plus efficace possible contre les conséquences liées à la sortie du Royaume-Uni de l’UE, ont également fait l’objet de nos discussions.

Comme vous le savez, les flux migratoires et des réfugiés ont de nouveau atteint des proportions très inquiétantes. Nous apprécions particulièrement l’attitude constructive de l’Allemagne à cet égard. Il y a une convergence de vues pour ce qui est du fait qu’il s’agit d’un phénomène mondial qui requiert une approche globale tant des causes que des conséquences.

Et bien évidemment, il faut faire preuve de solidarité à l’égard des Etats qui se trouvent aux premières loges.

Je voudrais tout particulièrement attirer votre attention sur l’importance que revêt la pleine application de la Déclaration commune de l’UE et de la Turquie en mars 2016.

Nous avons également débattu de la question de l’élargissement de l’UE aux Balkans occidentaux. En tant qu’ancien Etat membre de l’UE en Europe du Sud-est, mon pays a toujours été en faveur de la perspective européenne de nos voisins, à la condition indispensable bien évidemment que toutes les conditions et modalités – des règles qui ont été et demeurent valables pour tous les pays candidats – soient respectées.

Pour ma part, j’ai exprimé à Heiko la volonté de la Grèce de continuer de jouer le rôle de pilier en faveur de la stabilité et de la coopération dans sa région élargie.
En outre, nous avons discuté du comportent dangereux de la Turquie en Méditerranée orientale. En dépit des messages très clairs de l’UE, la Turquie continue de violer de manière flagrante le droit international, la souveraineté et les droits souverains de la République de Chypre, qui est un Etat membre de l’UE, tout en utilisant un discours de plus en plus agressif.

Enfin, s’agissant des questions bilatérales, nous avons réitéré notre volonté commune d’approfondir encore plus notre coopération sur la base du Plan d’action commun qui a été signé en 2016. Et, si nos relations économiques et commerciales se trouvent déjà à un niveau très élevé, nous voulons les renforcer encore plus. C’est pourquoi nous avons choisi l’Allemagne en tant que pays d’honneur de la Foire internationale de Thessalonique en 2020.

Cher collègue, je vous remercie encore pour votre accueil chaleureux et compte bien vous rendre la pareille dès que la première occasion se présentera.
Je vous remercie. »

JOURNALISTE : Monsieur le ministre des Affaires étrangères, la polémique autour des réserves de gaz naturel en Méditerranée orientale s’intensifie. Les menaces de la Turquie contre la Grèce et Chypre sont presque quotidiennes. L’Allemagne toutefois est le plus grand fournisseur d’armes de la Turquie. Cette année l’Allemagne a fourni à la Turquie du matériel militaire d’une valeur de 180 millions d’euros. La question qui se pose désormais est la suivante : est-ce que cela continuera ? Et une question, si vous me le permettez, pour le ministre grec des Affaires étrangères :
Monsieur le ministre, en Allemagne il existe une grande inquiétude, tout comme en Grèce, à l’égard des flux des réfugiés de plus en plus importants vers les îles de l’Egée de l’est. La clé pour l’application de l’accord entre l’UE et la Turquie – accord qu’il faut être appliqué à part entière comme vous l’avez affirmé - sont  les refoulements depuis la Grèce vers la Turquie. Toutefois ce processus continue de poser des problèmes. Qu’est-vous allez faire pour régler ce problème ? Avez-vous besoin d’une aide et comment l’Allemagne pourrait-elle vous aider dans ce domaine ?

[...]

Ν. DENDIAS : Je vous remercie.  Permettez-moi de faire un bref commentaire concernant la Turquie avant de répondre à votre question relative au problème migratoire. Je suis tout à fait d’accord avec ce que le ministre allemand des Affaires étrangères a tout à l’heure affirmé. Pour mener des pourparlers il faut qu’il y ait toujours une désescalade des tensions. Toutefois, je regrette de devoir dire que la Turquie ne contribue guère dans ce sens.  Par contre, les déclarations récentes concernant l’intention de la Turquie d’ouvrir la ville enclavée de Famagouste ne font qu’aggraver la situation et ne facilitent pas l’atteinte d’une solution à la question chypriote.


Abordons maintenant la question migratoire. Je sais très bien, le nouveau gouvernement sait très bien que le nombre de personnes refoulées est très petit. Une discussion intérieure très importante est en cours laquelle  a conduit à certaines premières conclusions. Ces premières conclusions portent tout d’abord sur le règlement des problèmes administratifs dans la mesure où cela est possible, en vue de faciliter le processus des refoulements.  Cela est dans un premier lieu lié à la législation grecque concernant le processus d’asile. Si je ne m’abuse pas, un communiqué spécifique a été émis sur cette question à l’issue d’une très grande réunion tenue au cabinet du Premier ministre. Toutefois, nous jouons un rôle actif dans ce grand débat européen sur les questions ayant trait au processus d’asile.  Cette question a figuré parmi les dossiers que nous avons abordés aujourd’hui avec mon homologue allemand, l’adoption c’est-à-dire, au niveau paneuropéen, sous la forme d’un règlement « Dublin III », d’un processus pour gérer les demandes d’asile dans un respect absolu, et je le répète, dans un respect absolu des droits de l’homme qui permettra d’examiner ces demandes rapidement et d’accorder une protection aux personnes qui ont droit à celle-ci.





JOURNALISTE : Ma question est pour M. Maas. Le ministère grec des Affaires étrangères a remis une note verbale dans laquelle il vous invite au dialogue sur la question des réparations de guerre. Je connais la position immuable du gouvernement allemand à ce sujet. Je souhaiterais, toutefois, vous demander si vous êtes prêts à répondre à cette note verbale et de quelle façon. Et, si vous me le permettez, une question pour M. Dendias également. Pensez-vous que la revendication de la part de la Grèce pourrait mettre en péril la reprise des relations gréco-allemandes ?
[...]

N. DENDIAS : Je vous remercie. Mon cher collègue a déjà dit que cette question a été soulevée et discutée. Vous savez, l’Allemagne est un pays ami de la Grèce, tant au niveau bilatéral, que dans le cadre de la famille européenne. Il n’est pas nécessaire que nous soyons d’accord sur tout. Il y a des points sur lesquels nous ne sommes pas d’accord. Or, ces désaccords n’ont aucunement l’intention d’empoisonner notre relation. Ce sera un point de nos relations que nous aborderons. Permettez-moi de dire que la Grèce a la conviction qu’à la fin cette question sera résolue de la bonne façon.

JOURNALISTE : Une question aux deux ministres. Ces jours-ci, Edward Snowden a accusé les pays de l’UE et a dit qu’aucun pays européen ne lui avait accordé l’asile il y a six ans – et l’Allemagne à l’époque était contre. Pensez-vous que cette position soit a posteriori fausse ? Vous seriez plutôt pour faciliter Edward Snowden, afin qu’il puisse avoir un avenir européen en Allemagne ou en Grèce ?
[...]

N. DENDIAS : Permettez-moi de vous dire que je suis impressionné par votre question. En 2013 – à l’époque j’étais ministre de la Protection du citoyen – j’avais créé le nouveau service d’asile grec. Je pense que c’était un service exceptionnel, avant qu’il ne soit submergé de demandes avec la crise en 2015 et qu’il ne rencontre des difficultés. Je ne me souviens pas qu’un autre service ait eu autant de demandes à traiter, et s’il est un point pour lequel je suis fier dans ce service, c’est qu’il est indépendant. Par conséquent, il peut juger de lui-même qui remplit les critères pour recevoir l’asile et qui ne les remplit pas.  Comme mon collègue l’a si bien dit, ce n’est pas une question de choix ou d’intervention gouvernementale. En Europe, nous avons franchi l’étape d’après.

September 16, 2019