« Je vous remercie, senor Ministro. [Salutation en portugais]. Pardonnez-moi mais mon portugais ne va pas plus loin que cela.
Je voudrais tout d’abord vous féliciter, vous personnellement, ainsi que le Portugal qui exerce la présidence du Conseil de l’Union européenne pour les six prochains mois. Et il est clair qu’une tâche très difficile vous attend, mais je suis sûr que vous ferez un travail exceptionnel. Permettez-moi de dire que la Grèce soutient pleinement vos efforts.
Pendant de nombreuses années, vous avez été les deux membres de l’Union européenne – la Grèce et le Portugal – qui étaient éloignés entre eux du point de vue géographique : un pays à l’extrémité orientale et l’autre à l’extrémité occidentale de l’Europe. Mais nous sommes tous les deux pays du sud, nous avons adhéré à l’Europe pendant les années ’80 après une période d’instabilité politique, nous avons la même taille et de nombreux points communs.
Ma visite aujourd’hui a lieu deux jours après la visite ici du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, qui a rencontré son homologue, le Premier ministre Antonio Costa. Nos entretiens aujourd’hui, avec mon cher ami Augusto, ont porté sur différentes questions. Tout d’abord les priorités de la présidence portugaise, la situation en Méditerranée orientale, la question migratoire et le processus d’élargissement de l’Union européenne.
Le Ministre m’a informé en détail des priorités de la présidence. J’ai souligné, pendant notre rencontre, que la Grèce soutient pleinement les principales questions qui seront traitées dans ce contexte. S’agissant du renforcement des relations transatlantiques avec les Etats-Unis, nous vous aiderons du mieux que nous pouvons dans ce sens. En ce qui concerne l’organisation d’un sommet entre l’UE et l’Inde, nous sommes convaincus que nous devrons renforcer notre relation avec cette puissance mondiale émergente, cette grande démocratie. J’attends avec impatience de rencontrer mon homologue indien, lorsque les conditions le permettront. Nous avions prévu une rencontre à Athènes qui a été annulée en raison de la pandémie de coronavirus. Et bien naturellement, nous attendons avec intérêt le sommet Union européenne – Afrique. Notre objectif est de renforcer nos relations avec le continent africain. J’ai investi dans cette entreprise et continuerai de le faire. Et le rôle du Portugal, qui entretient des relations particulières avec l’Afrique, notamment avec les pays lusophones, peut revêtir une importance fondamentale.
En ce qui concerne la Méditerranée orientale, j’ai eu l’occasion d’informer le ministre Santos Silva des dernières évolutions. J’ai souligné qu’en dépit du calme prévalant de ces dernières semaines, la situation reste très volatile. J’ai indiqué que la Grèce est toujours prête et disposée à participer à un dialogue constructif avec la Turquie, mais bien entendu sur la base du droit international, et afin de discuter de la seule question qui doit être résolue, la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental en Egée et en Méditerranée orientale.
Dans cet esprit, suite à l’invitation de la partie turque, il a été convenu que le prochain tour des discussions exploratoires aura lieu à Istanbul le 25 janvier prochain. Dans ce contexte, permettez-moi de souligner qu’en décembre 2020, le Conseil européen dans ses conclusions a appelé non seulement à une désescalade permanente pour une reprise de ces discussions exploratoires, mais aussi à leur poursuite sans heurt.
Ainsi, nous espérons que la Turquie adoptera une attitude constructive et s’abstiendra de toute provocation.
Avec mon collègue, nous avons examiné en détail la question migratoire. J’aimerais exprimer mes remerciements de la part de la Grèce pour le soutien du Portugal dans ce domaine. En acceptant la relocalisation des réfugiés sur son territoire, le Portugal a donné un exemple important, de même qu’en contribuant à la protection des frontières extérieures de l’Union européenne. En tant que pays de première ligne de l’UE, la Grèce lance un appel pour une migration équitable et un Pacte européen sur l’asile, qui permettront d’assurer le partage équitable des responsabilités entre les membres de notre famille, les Etats membres de l’Union européenne.
Dernier point, mais non des moindres, avec mon homologue portugais nous avons abordé la question du processus d’élargissement de l’Union européenne. Les pays des Balkans occidentaux ont le regard tourné vers l’Europe et mettent en œuvre des réformes afin de pouvoir adhérer à la famille européenne.
La position de la Grèce est que nous devrons laisser la porte ouverte et les encourager du mieux que nous pouvons sur cette voie. Si nous ne le faisons pas, non seulement nous mettons en danger les réformes, mais aussi l’expérience européenne dans son ensemble.
Mon cher collègue, muito obrigado, je te remercie beaucoup de l’accueil que tu m’as réservé aujourd’hui.
Réponses aux questions des journalistes
Question : Une question pour les deux ministres. Avez-vous discuté des prochaines actions concernant les relations UE – Turquie en vue du prochain sommet européen en mars et dans quelle mesure voyez-vous que la présidence portugaise a un rôle à jouer afin d’apaiser les tensions en Méditerranée orientale.
N. Dendias : Merci mon cher Augusto. Tu as tout dit. La seule chose que j’aimerais ajouter est que la Grèce a toujours été un fervent défenseur des relations étroites entre l’UE et la Turquie. Mais à une condition, comme tu l’as si bien dit : que la Turquie se conforme au droit international. Et je dois dire qu’il s’agit d’une condition évidente. Le droit international fait partie de l’acquis européen et l’Union européenne ne peut changer sa nature et ne peut « vendre son âme ». C’est donc entre les mains de la Turquie. Si la Turquie se conforme au droit international, la Grèce sera disposée à l’aider dans son rapprochement vers l’Union européenne et l’assister dans sa perspective de devenir membre de l’Union européenne dans un avenir lointain. La Turquie doit se conformer au droit international.
Question : Monsieur le ministre, hier le parlement hellénique a approuvé un projet de loi sur l’extension de ses eaux territoriales dans la Mer Ionienne de 6 à 12 miles nautiques. Il a été proposé d’appliquer cette mesure en Egée. Dans ce contexte, comment la Grèce perçoit-elle la perspective de concessions et de négociations avec la Turquie ? Quelle est la position de la Turquie à ce sujet ?
Et une deuxième question concernant les relations entre la Grèce et l’OTAN. Pendant la durée des tensions en Méditerranée orientale, le gouvernement grec a laissé entendre qu’il y a eu un certain soutien en faveur de la Turquie dans l’approche de l’OTAN concernant la Grèce et la Turquie. Comment voyez-vous la situation ? Merci beaucoup.
N. Dendias : Merci pour vos questions. Tout d’abord, ce que vous avez dit est très juste. J’étais hier au Parlement, pour présenter un projet de loi, une loi, en vertu de laquelle la Grèce étend ses eaux territoriales dans la mer Ionienne, de 6 à 12 miles nautiques. Et par ailleurs, j’ai clairement dit devant le parlement hellénique, mais aussi pour que tout le monde puisse l’entendre, que la Grèce a le droit souverain d’étendre ses eaux territoriales conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, autrement dit de six miles à douze miles partout, au sud de la Grèce ou dans la mer Egée. Cela est notre droit souverain. Nous ne sommes pas obligés, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, de négocier avec un autre pays pour étendre nos eaux territoriales. Nous étendons nos eaux territoriales dans la mer Ionienne sans négocier avec nos bons amis les Italiens ou nos bons amis les Albanais, qui d’ailleurs ont procédé au préalable à une extension sans négocier avec nous. Cela était leur droit. Donc nous n’allons pas négocier avec la Turquie à ce sujet. Et vous me donnez l’occasion combien il est inacceptable que la Turquie ait institué une menace de guerre contre nous si nous exerçons un droit souverain prévu par le droit international. Ce que nous appelons en latin le casus belli. Mon homologue est professeur et connaît très bien cette expression. Il est inacceptable qu’au 21e siècle un pays menace de guerre un autre pays, si ce dernier exerce un droit en vertu du droit international.
S’agissant de l’OTAN. Ce que nous avons dit est que l’OTAN est une alliance, sans doute l’alliance la plus réussie dans l’histoire de l’humanité et une alliance très utile si je puis dire. Mais elle se retrouve dans une position difficile, lorsqu’elle doit affronter des différends entre les Etats membres. Et parfois, elle adopte une approche de l’équidistance. Toutefois, si l’un des pays a tort et que l’autre a raison et que l’Organisation adopte la pratique de l’équidistance, alors elle commet une injustice à l’égard du pays qui a raison. Merci.
Question (inaudible) sur la fermeture des frontières en raison de la pandémie de Covid et si cela appelle à la prise de mesures plus sévères ?
N. Dendias : Je n’ai pas grand-chose à dire à ce sujet. Pour nous ce n’est pas si facile, car nous avons des frontières communes avec un nombre de pays non membres de l’UE. Mais nous avons toujours agi de façon coordonnée avec les autorités compétentes de l’UE, tout en gardant à l’esprit la santé de nos citoyens, mais aussi la santé de tous les citoyens autour de nous, dans cette équation difficile qui consiste à essayer de sauver le plus possible sur le plan de l’économie. Espérons que la vaccination de la population nous sortira très rapidement de cette position très très difficile pour l’économie et les sociétés ».
January 13, 2021