Je voudrais vous remercier de m'avoir invité à Ankara, une ville qui a changé après la dernière fois que je me suis trouvé ici il y a 16 ans et je tiens aussi à vous remercier pour les rencontres que j'ai eues avec le Premier ministre, M. Davutoglu et pour la rencontre que j'aurai cet après-midi avec le Président, M. Erdogan.
Nous avons accepté l'invitation adressée au Premier ministre, M. Alexis Tsipras de visiter la Turquie et nous attendons en Grèce le ministre M. Çavuşoğlu à la date qui lui convient. Vous êtes les bienvenus, vous et M. Davutoglu à Athènes et sur l'une de nombreuses belles îles de la Grèce.
Je suis venu ici en tant qu'ami de votre pays qui œuvre depuis plus de 25 ans en faveur du développement des relations gréco-turques sur la base de l'amitié et du droit international. Je veux toujours tenir des discussions sincères qui contribuent au renforcement de l'amitié entre nos deux pays et peuples.
Je voudrais toutefois remercier et féliciter personnellement M. le ministre que nous rencontrerons ce soir dans sa ville natale, Antalya à l'occasion de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN. Et je suis convaincu que l'organisation de la réunion sera excellente comme l’était celle de ma visite.
Tous les journalistes de la Grèce et de l'étranger sont au courant des inquiétudes que j'ai exprimées il y a un bon nombre de mois à l'égard de la déstabilisation de la Méditerranée orientale qui est située au milieu du triangle Ukraine-Libye-Moyen-Orient, comme je le dis toujours. La Grèce et la Turquie constituent deux facteurs de stabilité dans cette région et nous avons échangé quelques premières réflexions concernant la manière dont leur capacité pourrait être institutionnalisée.
Nous sommes convenus de la réouverture des discussions exploratoires qui portent sur le plateau continental en Egée et de la poursuite du débat sur les Mesures de confiance, un domaine où nous avons pu réaliser des progrès. Et je tiens à remercier la partie grecque, la diplomatie grecque qui a œuvré d'arrache pied dans ce sens ainsi que le ministère des Affaires étrangères de la Turquie. Nous sommes d'ores et déjà parvenus à un accord et nous annonçons maintenant les Mesures de confiance sur la sécurité maritime laquelle comporte 9 volets techniques qu'il est impossible de présenter en détail dans le cadre de cette conférence.
Notre volonté commune est de résoudre les problèmes en Egée, de faire baisser les tensions et de mettre fin à une série de contestations à l'égard du statut d'une série de régions.
Nous voulons également régler la question chypriote. C'est une opportunité. Une fenêtre ouverte, comme les Américains ont coutume de dire. Nous pensons que les droits des communautés, des Chypriotes turcs et des Chypriotes grecs, doivent être assurés tout comme ceux des petites minorités de l'île et que Chypre doit de nouveau devenir un Etat indépendant, souverain, membre de l'Union européenne qui entretiendra des relations amicales avec tous les pays et avant tout avec la Turquie et la Grèce. Une Chypre libérée des puissances garantes qui pourra assurer son avenir tout en renforçant le sentiment que les Chypriotes turcs et les Chypriotes grecs sont des Chypriotes, amis de la Grèce et de la Turquie.
J'aimerais affirmer depuis cette tribune aussi que nous soutenons le parcours européen de la Turquie. Un parcours entamé en printemps 1999 à Tampere et décidé à Helsinki en 1999. La Grèce soutient fermement l'avenir européen de la Turquie. Nous voulons que la Turquie fasse partie de l'Union européenne, nous voulons une Turquie européenne. Nous voulons une Turquie qui adoptera toutes les règles et les exigences de l'Union européenne. Et nous voulons une Union européenne qui reconnaitra la richesse du peuple turc en matière de civilisation, de traditions, de création, de perspicacité et de réflexion politique.
Nous avons également discuté de la nécessité d'étendre notre coopération dans une série de domaines. Plus particulièrement, dans le domaine de la lutte contre l'immigration illégale, un phénomène dont les responsables ne sont pas ceux qui perdent leur vie en mer, entre l'Afrique du nord, le Moyen-Orient et l'Europe. Les causes de ce phénomène sont les graves problèmes sociaux et les guerres et, bien évidemment, les filières de trafic d’êtres humains, l’une activité les plus lucratives dans le monde. Et nous sommes convenus de la nécessité d'établir une coopération entre nos ministres de l'Intérieur et de la Justice en vue de lutter contre ce phénomène et d'élaborer une législation et une jurisprudence très stricte à l'égard de cette question.
En outre, un comité réexaminera l'état d'avancement de tous les accords conclus lors des deux rencontres au niveau de deux gouvernements. Nous envisageons de mettre en place un groupe technique qui sera chargé de nos relations économiques. Les réseaux d'infrastructures, les relations économiques et la coopération constituent une base fondamentale pour assurer la stabilité et la paix dans la région, non seulement entre la Grèce et la Turquie, mais aussi dans toute la région des Balkans.
J'étudie avec attention la politique turque et je constate que, eux aussi comme nous, ne veulent exclure personne des synergies. Et je dis cela à propos des Balkans.
Je pense que la promotion des solutions en Egée et à l'égard de la question chypriote insufflera un nouvel élan aux relations gréco-turques et renforcera leur rôle dans la région et au-delà de celle-ci.
Je vous remercie du climat très positif et amical dans lequel se sont déroulées nos discussions. Je pense qu'il y a eu un climat très amical ainsi que des intentions très amicales en faveur de l'atteinte de solutions substantielles et c'est pourquoi je voudrais encore une fois vous remercier pour l'accueil que vous m'avez réservé hier et aujourd'hui.
JOURNALISTE : Question sur le dossier chypriote
N. Kotzias : Le gouvernement grec a tenu deux réunions avec le gouvernement chypriote sur cette question. Et le Président, M. Anastassiadis, un cher ami, a tout récemment visité Athènes.
Le gouvernement grec offre son soutien en déployant tous ses moyens et veut faciliter la négociation menée par le gouvernement chypriote. Nous voulons que la question chypriote soit réglée, mais nous voulons qu'elle soit réglée d'une manière appropriée. Toute partie non impliquée dans la négociation ne doit pas exercer de pressions sur les négociations menées à Chypre. L'élection de M. Akinci offre une bonne opportunité. Il s'agit à mon sens d'une personne qui respecte encore ces éléments de la "conscience chypriote" comme on disait dans le passé. Nous voulons trouver les moyens qui nous permettront de soutenir et de faciliter cette négociation. Le règlement de la question chypriote libérera tout le potentiel de la région.
M. Tsipras a été invité par le gouvernement turc. J'ai l'impression que le Premier ministre de la Turquie, M. Davutoglu et le Premier ministre de la Grèce, M. Tsipras s'entendent bien. Ce sont deux jeunes hommes qui disposent de la réflexion créative et qui ont une bonne perception de l'environnement international et des intérêts des deux Etats.
C'est pourquoi, ce sera un grand plaisir pour M. Tsipras de venir en Turquie en vue d'engager une discussion sur toutes les questions qui nécessitent de la promotion et de la compréhension. Dans les relations internationales l'important est de résoudre les problèmes. Mais pour pouvoir régler les problèmes existants il est également important de créer un environnement de confiance. Ainsi qu'un sentiment de sécurité, c'est-à-dire il faut prouver que nous ne parlons pas dans le vide. Un très grand pas dans ce sens a été fait lors de ma rencontre d'aujourd'hui avec mon collègue et je voudrais le remercier.
Je pense que la confiance mutuelle, notre approche sincère et sérieuse de toutes les questions ainsi que notre responsabilité à l'égard de nos pays, nous ont aidés à faire un grand pas en avant. Je pense que la visite de M. Tsipras sera un grand pas supplémentaire dans ce sens. Et, si vous me le permettez, comme je ne suis affilié à aucun parti en Grèce, nos deux pays ont la chance d'être gouvernés par ces deux Premiers ministres. Deux Premiers ministres qui ont l'esprit ouvert et sont conscients des besoins du 21e siècle. Les problèmes existent et nous devons lutter pour les résoudre. J'espère que nous pourrons résoudre le plus grand nombre possible d’entre eux.
JOURNALISTE : Question sur DHKP-C et la libération de Xiros.
N. Kotzias : Je voudrais exprimer ma solidarité avec le peuple grec pour le décès d'encore un citoyen turc. Nous sommes toujours à la disposition de la Turquie, si nous pouvons lui apporter notre aide. Et je voudrais dire que je suis d'accord avec la formation d'un gouvernement d'unité nationale en Libye, selon ce qu'a indiqué mon collègue, M. le ministre. Tout simplement nous devons nous tous qui appartenons aux institutions occidentales, nous demander si ces dernières années tout a été bien fait dans notre région. Et si nous avions à l'avance élaboré des solutions pour parer à toute éventualité.
S'agissant maintenant de la question que vous m'avez posée, comme vous le savez, je suis de gauche. Depuis mon plus jeune âge, j'ai pris part à la lutte contre la Junte et le fascisme. Pendant la période 1967-1974, il y a eu en Grèce un coup d'état militaire. En 1967, j'ai écrit mon premier article paru dans un journal interdit par les autorités. C'était il y a très longtemps. Et mon article était contre le terrorisme. C'est mon tout premier article. Le premier article publié, ne fût ce que dans la presse illégale. J'affecte une vive hostilité au terrorisme.
Et j'aimerais depuis cette tribune exprimer ma tristesse pour toutes les victimes du terrorisme et plus particulièrement pour les diplomates turcs qui ont perdu leur vie en Grèce. J'ai demandé à mon collègue de transmettre encore une fois aux familles des victimes notre soutien et notre solidarité pour leur souffrance, une souffrance qui n'est jamais apaisée.
Plus spécifiquement en ce qui concerne la loi. La loi est le produit d’une procédure législative qui a tenu compte des 11 arrêts de condamnation de la CEDH. C’est une loi qui correspond aux décisions des cours européennes. Tel est le contexte de cette loi. Mais étant donné que cette loi pourrait offrir quelques possibilités aux terroristes, des dispositions plus strictes ont été prévues. Premièrement, le détenu doit faire une demande. Deuxièmement, il doit passer devant une commission médicale pour voir si son handicap relève de ceux prévus par la loi. Xiros est handicapé à 98%. Il est aveugle et souffre d’une sclérose en plaque. Troisièmement, il doit faire la demande au tribunal qui l’a condamné pour pouvoir se déplacer. Quatrièmement, si le tribunal lui donne la permission, il peut se déplacer sous étroite surveillance et avec des possibilités de communication restreintes en portant un bracelet électronique.
Des amis occidentaux m’ont interrogé à ce sujet. Je leur ai dit que je ne prévoyais pas que Xiros fasse usage de cette loi. Je le leur ai dit en assumant la responsabilité de mes propos. Avant-hier il a refusé d’en faire la demande. Donc, voilà, il n’a pas fait de demande et n’a pas l’intention d’utiliser une loi qui, selon lui, restreint ses libertés. Et j’aimerais à ce stade faire une observation, publiquement. Cela ne concerne pas le pays dans lequel je me trouve, mais les autres pays.
Lorsque j’enseignais à l’Université d’Harvard, pendant la période 2000 – 2002, un livre d’Antonio Negri, chef des Brigades rouges, avait été publié. Antonio Negri enseignait dans la salle d’à côté. Il n’avait ni bracelet électronique, ni handicap. Par ailleurs, je voudrais dire qu’à Guantanamo, à Cuba, des terroristes qui participent au djihadisme ont été libérés. Sans bracelet et sans problèmes de santé. Par conséquent, nous avons un terroriste gravement malade qui, dans les conditions que nous lui imposons, ne demande pas à faire usage de la loi. Ce qui prouve que la loi n’était pas pour lui. Et bon nombre de nos amis occidentaux, qui ont la critique facile, ont été plus indulgents dans des cas similaires. Et je reste poli.
May 12, 2015