Déclarations du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos et du ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre, I. Kassoulidis à l'issue de leur rencontre (Athènes, 13 octobre 2014)

Evangelos Vénizélos, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères s'est entretenu aujourd'hui, lundi 13 octobre, au ministère des Affaires étrangères, avec le ministre chypriote des Affaires étrangères, M. Ioannis Kassoulidis. Lors de cette rencontre ont été confirmées la coopération excellente ainsi que la coordination étroite entre la Grèce et Chypre en vue du règlement de la question chypriote et la Grèce a exprimé son soutien ferme au droit, conformément au droit international de la mer, du gouvernement chypriote d'explorer et d'exploiter ses ressources naturelles dans la région de sa ZEE et de son plateau continental.  MM. Vénizélos et Kassoulidis ont signé un accord bilatéral en matière de recherche et de sauvetage et ont discuté de la coopération entre les deux pays au niveau européen et régional concernant le règlement des questions brûlantes internationales ainsi que de la coopération tripartite entre la Grèce, Chypre et l'Egypte.

Veillez trouver ci-dessous le texte des déclarations à la presse des deux ministres à l'issue de leur rencontre :

E. VENIZELOS : C'est avec un grand plaisir que j'accueille à Athènes, au ministère des Affaires étrangères, mon cher ami et collègue,  Ioannis Kassoulidis, ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre.

Nous avons eu l'occasion d'avoir une rencontre privée laquelle a été suivie d'une rencontre entre les deux délégations de nos pays, sous notre direction. Nous avons donc discuté, à deux niveaux différents, de manière détaillée et approfondie  de la situation à Chypre après l'initiative de la Turquie laquelle, en violation du droit international, a émis un NAVTEX pour le déroulement des recherches dans la zone maritime de la République de Chypre dans une région où cette dernière exerce ses droits souverains nationaux, à savoir dans la région chypriote de la zone économique exclusive et du plateau continental.

Et cela dans une conjoncture internationale défavorable, à l'heure où l'opinion publique et la communauté internationale axent toute leur attention sur les comportements barbares, à l'heure où l'opinion publique suit avec une inquiétude particulière les développements à Kobani, dans la région frontalière entre la Syrie et la Turquie.

A l'heure où nous assistons à une série de crises sans précédent au Moyen-Orient et en Afrique du nord, mais aussi dans le voisinage oriental de l'Union européenne, on devrait éviter à tout prix que la situation soit davantage détériorée par des actions qui violent le droit international et sapent le parcours des pourparlers visant à une solution viable et juste à la question chypriote.

Au contraire, notre devoir est de soutenir ces pourparlers dans le cadre défini par les résolutions y relatives du Conseil de sécurité, les accords de haut niveau de 1977 et de 1979 ainsi que par le communiqué conjoint du 11 février 2014 et, bien évidemment, par l'acquis communautaire européen.

Mais, malheureusement, les comportements actuels vont dans le sens contraire.
M. Kassoulidis  nous a briefé sur les initiatives du gouvernement chypriote, mais comme vous le savez, le gouvernement grec a également entrepris une série d'initiatives comme des contacts diplomatiques et des démarches et nous avons fait une démarche y relative auprès de la partie turque.

Dans ce cadre s’intègrent les contacts que j'ai eus au Caire, en marge de la conférence internationale sur la Palestine et notamment sur la reconstruction de Gaza. J'ai eu l'occasion d'informer un grand nombre de mes homologues et d'autres acteurs internationaux sur cette question. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le Secrétaire général de l'ONU, avec le Secrétaire d'Etat américain ainsi qu'avec d'autres ministres.

Sans aucun doute, le noyau du problème auquel nous sommes confrontés est toujours le même. C'est le refus de la Turquie de reconnaitre la République de Chypre. D'accepter la simple et évidente vérité, à savoir que la République de Chypre est un Etat membre de l'ONU, un Etat membre de l'Union européenne et de la zone euro. Un Etat souverain qui exerce non seulement sa souveraineté sur son territoire, mais aussi ses droits souverains nationaux qui sont reconnus au niveau mondial, conformément au droit international et notamment au droit international de la mer.

De nombreux problèmes émanent de cette situation. Le refus de la Turquie d'appliquer le Protocole d'Ankara et tous les blocages au niveau des relations entre la Turquie et l'Union européenne, mais aussi, entre l'Union européenne et l'OTAN, en une période où il devrait y avoir une pleine coordination et harmonisation des actions des deux organisations.

En outre, nous sommes convenus avec M.  Kassoulidis de procéder à une série d'actions qui s’mposent comme évidence entre deux Etats voisins et fraternels, lesquels agissent dans la région unie de la Méditerranée orientale et qui sont des Etats membres de l'Union européenne.

La première action est celle qui vient d'être engagée devant nous. La signature entre la République hellénique et la République de Chypre de l'accord bilatéral interétatique en matière de Recherche et de Sauvetage en cas d’accident maritime dans la région qui unit les deux Etats. Dans le cadre du Traité de Hambourg y relatif, nous avons le devoir de délimiter les régions de recherche et de sauvetage, tout en employant comme critère l'espace maritime qui relève du FIR d'Athènes et de Nicosie. En réalité, les deux FIRS et les espaces maritimes correspondants sont unis. Il s'agit d'un geste d'importance majeure en matière de recherche et de sauvetage qui est, bien entendu, conforme au droit international, à la pratique internationale et européenne tout en suivant le modèle des conventions bilatérales similaires qui ont été signées il y a très longtemps entre la Grèce, l'Italie et Malte. Vous imaginez l'importance que revêt le fait que la signature de cet accord entre la Grèce et Chypre intervient au moment actuel. La signature de cet accord constitue un geste attestant du plein respect du droit international, mais aussi de la pleine valorisation des dispositifs visés dans le droit international et plus particulièrement dans la Convention de Hambourg, en conjonction avec la Convention de Chicago sur la recherche et le sauvetage. La première convention porte sur les accidents de mer, la deuxième sur les accidents d'avion et pour ce qui est de cette dernière, il existe de longue date des accords détaillés.

Nous avons également décidé dans le cadre des initiatives entreprises par les deux présidences, la présidence de Chypre et la Présidence hellénique au cours du dernier semestre, de mettre un accent particulier sur notre coopération en matière de politique maritime. La politique maritime constitue une priorité européenne et notamment une priorité des pays européens méditerranéens, une priorité pour la Grèce et pour Chypre, tout comme la coopération dans le domaine de l'énergie, surtout maintenant que la crise en Ukraine a montré qu'il est très important de veiller constamment à la diversification des sources d'approvisionnement, des réseaux de transport du gaz naturel, mais aussi du pétrole. Nous avons donc décidé d'établir une coopération institutionnelle permanente entre les deux pays dans les domaines de l'énergie et de la politique maritime.
Parmi les questions abordées, après la rencontre que nous avons eue à New York avec mon collègue égyptien, mais aussi après nos discussions hier au Caire, en marge de la conférence internationale, figurait celle de l'état d'avancement de la coopération tripartite entre l'Egypte, Chypre et la Grèce.

Dans quelques jours se tiendra à Nicosie la 3e réunion ministérielle tripartite au niveau des ministres des Affaires étrangères. Mais, cette fois-ci, dans le cadre du communiqué conjoint de New York, nous déciderons de l'organisation dans les plus brefs délais, de la 1ère  réunion au sommet tripartite avec la participation du Président de l'Egypte, du Président de la République de Chypre et du Premier ministre grec qui se tiendra probablement le 9 novembre au Caire.

Nous, les trois ministres, préparerons cette rencontre laquelle, comme vous le comprenez, revêt une importance particulière. Il ne s’agit pas d’un geste hostile à un pays quel qu'il soit et notamment aux pays de la région, mais c’est un geste visant  à l'approfondissement substantiel de notre coopération car l'Egypte joue un rôle décisif dans toutes les grandes crises. Son rôle dans l'atteinte d'un accord de cessez-le-feu à Gaza et dans la reprise des pourparlers au Moyen-Orient a été déterminant. Il est également très important le fait que le fondement commun sur le quel est axée notre coopération est le respect du droit international et notamment le respect du droit international dans la région critique de la Méditerranée orientale.

Nous avons eu l'occasion avec M. Kassoulidis - avec lequel nous entretenons des relations amicales très étroites depuis plus de 25 ans, car nous avons entamé ensemble, il y a très longtemps, notre parcours professionnel en assumant les fonctions de porte-parole et nos relations continuent d'être axées sur la compréhension et le respect mutuels ainsi que sur la camaraderie - de passer en revue les questions d'intérêt commun ayant non seulement trait au dossier chypriote et aux relations gréco-chypriotes, mais aussi au parcours de l'Union européenne, aux défis de la politique européenne en matière de sécurité, de politique étrangère et d'économie.

Car l'économie, en tant que paramètre de puissance nationale est toujours très importante pour toute action entreprise dans le domaine de la politique étrangère et de la politique de sécurité et de défense.

Sur ces réflexions, monsieur le ministre et chers amis, je vous accueille à Athènes et je vous prie de prendre la parole:

Ι. KASSOULIDIS : Mesdames et messieurs, je tiens à remercier chaleureusement mon cher ami, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du gouvernement grec,  Evangelos Vénizélos, car, en fait, comme ce dernier l'a tout l'heure affirmé, notre rencontre était indispensable et elle s'est avérée productive. Je rentre donc à Chypre tout en sachant que la Grèce sera aux côtés de Chypre lors de cette épreuve aussi et elle fera tout ce qui est en son pouvoir.

En effet, la décision de la Turquie de contester la ZEE chypriote et le droit souverain de la République de Chypre d'explorer et par la suite d'exploiter les gisements de gaz naturel, a des conséquences. La première conséquence est, comme vous le comprenez, le fait que dans le cadre d'un dialogue intercommunautaire lequel, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, se déroule sur un pied d'égalité, le fameux terme diplomatique "on an equal footing" a été contourné de manière flagrante, car on ne peut engager un dialogue dans ces conditions qui sont caractérisées par des menaces, par l'intimidation et la démonstration de force.

D'autant plus que cela survient à un moment où le nouveau conseiller spécial du Secrétaire des Nations Unies, M. Eide, envisageait d'inaugurer une nouvelle étape dans les négociations lors de laquelle les deux parties devraient prouver leur réelle volonté de faire avancer ces négociations qui porteraient désormais sur le fond, sans équivoque et sans obstacles procéduraux.

Malheureusement, cela est remis en question par les actions de la Turquie, puisque les mois critiques sont les mois à venir car  par la suite se dérouleront les élections  des organes illégaux et légaux de la partie turque. 

Car une question très sérieuse se pose : Cette action a été engagée dans la conjoncture actuelle car la Turquie ne s'intéresse pas à l'atteinte d'une solution, mais probablement  elle accorde un faible degré de priorité aux efforts visant à l'atteinte d'une solution, sa première priorité étant les manœuvres d'intimidation. Pourquoi cette action est-elle engagée maintenant ? Peut-être la Turquie se sente d'une certaine manière protégée car tous veulent la voir adhérer à la coalition contre l'organisation terroriste EI. Et, en outre, si l'on prend en considération ce qu'elle demande en échange, des demandes qui, à mon sens, ne seront pas probablement satisfaites par le monde arabe, tout en sachant que la Turquie se retire très difficilement des territoires qu'elle occupe, la communauté internationale devrait adopter une attitude plus sévère à l'égard de la Turquie, ce qui n'est pas le cas à ce jour. Je sais toutefois que des efforts sont déployés dans les coulisses et j'espère que ces efforts ainsi que les pressions exercées par la voie diplomatique seront couronnés de succès. Nous le verrons.

S'agissant des autres questions, je suis complètement d'accord, avec M. Vénizélos concernant la grande importance que revêt pour Chypre et l'Hellénisme la signature de cet accord, le dialogue, un dialogue structuré entre la Grèce et Chypre sur les questions relatives à l'énergie et à la politique maritime. Ces questions sont aussi au cœur de l’actualité. Dans le même temps, nous avons discuté d'autres manières de réagir en fonction de l'escalade des provocations de l'autre partie. Je vous remercie.

JOURNALISTE : Ma question est adressée aux deux ministres des Affaires étrangères. Est-ce que vous êtes préoccupés par le fait que la présence des navires de guerre turcs dans la ZEE chypriote pourrait dissuader les sociétés souhaitant mener des recherches et engager des opérations de forage dans la région? Et qu'est-ce que vous envisagez de faire pour parer à cette éventualité? Telle est ma première question. Une question pour M. Vénizélos. Où en sont les discussions avec l'Egypte sur la ZEE?

Ι. KASSOULIDIS : Tout d'abord, je voudrais vous assurer que la société italienne, ENI, conformément à ses obligations conventionnelles à l'égard de la République de Chypre, procédera sans heurts aux opérations de forage comme elle l'a d'ores et déjà annoncé. Et il n'y aura aucun recul de sa part. Telle est la situation actuelle. C'est à cette question que je peux répondre pour le moment. Actuellement, il n'y aucun appel d'offres en cours concernant la concession d'autres terrains maritimes à d'autres compagnies. 

E. VENIZELOS : Je voudrais ajouter, pour ce qui est de l'Egypte, que, outre la coopération tripartite, se poursuit également la coopération bilatérale entre la Grèce et l'Egypte et nous sommes convenus à New York d'organiser dans les plus brefs délais, à Athènes cette fois, la réunion des comités techniques chargés des questions ayant trait à la délimitation des zones maritimes en Méditerranée orientale. Et, il n'existe à cet égard aucune question en suspens avec l'Egypte au niveau bilatéral. Ce qui nous intéresse est le plein respect et l'application sans faille du droit international de la mer dans notre région qui est une région commune.

JOURNALISTE : Envisagez-vous d'entreprendre des initiatives communes avec Israël en vue de répondre aux provocations turques?

Ι. KASSOULIDIS : Avec Israël, nous avons une coopération spéciale sur la base d'un programme concret. Cette coopération n'est pas établie en fonction de l'existence ou de l'absence de provocations de la part de la Turquie. Cette coopération et cette planification se poursuivront sans heurts.

JOURNALISTE : Monsieur Kassoulidis, vous avez parlé d'intimidations de la part de la Turquie. Dans quelles conditions Nicosie retournerait à la table des négociations et dans quelles conditions aurait lieu la rencontre entre les dirigeants des deux communautés? A savoir quelle action de la part d'Ankara permettrait à la partie chypriote de changer sa décision?

Ι. KASSOULIDIS : Comme je vous l'ai dit, à l'heure actuelle il n'est pas possible d'engager un dialogue sur un pied d'égalité, tel que prévu par les termes du mandat du Secrétaire général définis par le Conseil de sécurité.  Et ce dialogue se poursuivra aussitôt que les menaces, la démonstration de force et les chantages cesseront.

E. VENIZELOS : Permettez-moi d'ajouter à ce point qu'il serait utile d'étudier les communiqués émis concernant cette question par le ministère des Affaires étrangères de la Turquie, par le ministère des Affaires étrangères de la Grèce et, bien évidemment, par le ministre des Affaires étrangères de Chypre. La partie turque accuse plus ou moins la République de Chypre, perçue par la Turquie comme une communauté gréco-chypriote, d’avoir exercé ses droits souverains dans les zones maritimes. Et accuse également la Grèce de ne pas avoir eu une participation plus active aux pourparlers. Il est vrai que le problème réside dans le fait que la partie turque ne reconnait pas l'existence de la République de Chypre, elle ne peut comprendre que la République de Chypre en tant qu'Etat membre de l'ONU et de l'UE doté d'une souveraineté nationale et des droits souverains est une chose et que les deux communautés qui participent aux pourparlers visant à l'atteinte d'un règlement futur de la question chypriote est une autre chose. Et, en outre, la Turquie doit comprendre une chose évidente: que l'état d'avancement de la question chypriote dépend de sa propre attitude, car la question chypriote est une question d'invasion, d'occupation et de colonisation illégale.

La Grèce n'a pas de responsabilités de ce genre, ni elle joue un rôle de cette sorte. Elle respecte la République de Chypre et les processus démocratiques intérieurs de la partie chypriote grecque. Les problèmes se situent du côté du pseudo-Etat, du côté de la communauté chypriote turque et du côté de la Turquie.

Ι. KASSOULIDIS : Je voudrais ajouter quelque chose si vous me le permettez. La Turquie est le seul Etat membre des Nations Unies à ne pas reconnaitre la République de Chypre en tant que gouvernement légal de Chypre et le seul Etat membre des Nations Unies à reconnaitre le pseudo-Etat. La communauté internationale a des lois internationales. La convention des Nations Unies sur la mer etc,. Le seul Etat à violer et à négliger ces lois est la Turquie. C'est cela justement que la Turquie doit comprendre, à savoir qu'elle ne peut pas imposer les lois et les règles internationales toute seule afin de les appliquer par la force des armes et en fonction de ses intérêts. Il s'agit d'une logique irrationnelle.

JOURNALISTE : Vu les commentaires de M. Kassoulidis concernant la tiède réaction à ce jour de la communauté internationale face aux provocations turques,
je voudrais  demander le ministre des Affaires étrangères premièrement, si, lors de vos rencontres que vous avez eues en Égypte, au Caire, hier, où vous avez soulevé cette question, il y a eu des réactions de la part de M. Kerry et de M. Ban Ki-moon? Ont-ils fait des commentaires ou ont-ils écouté votre briefing sans réagir? Et, par extension, lors de la conférence élargie qui a récemment eu lieu ici à Athènes, il a été convenu, si je ne m'abuse pas, de s’adresser aux organes de l'Union européenne au niveau le plus élevé, en demandant la participation de  l'Union européenne aux pourparlers, ne serait-ce qu’en qualité d’observateur exerçant certaines pressions.

Outre la réaction de Van Rompuy avant-hier, il n'y a  eu, si je ne me trompe pas, aucune autre réaction de haut niveau de la part de l'Union européenne concernant la question des interventions de la Turquie à Chypre.

Ι. KASSOULIDIS : Je répondrai à la deuxième question. Force est de rappeler que  M. Rompuy est le Président du Conseil de l'Union européenne. A savoir le Président d'une institution à laquelle participent 28 Etats membres et il a fait des déclarations très satisfaisantes. A mon avis, les déclarations faites par certains commissaires sortants sont inutiles. Ces derniers, en dépit de ce qui se passe, se sont  fixé l'objectif de faire avancer le parcours d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. C'est pourquoi nous ne tenons pas en compte ce qui se passe ailleurs.

E. VENIZELOS : Les réactions de la communauté internationale doivent s'intégrer dans le cadre du droit international et du rôle particulier de toute organisation internationale ou autre entité internationale. A cet égard, la position du Secrétaire général de l'ONU est bien claire. Le Secrétaire général de l'ONU est le gardien de la légalité internationale, et pour ce qui est notamment de la question chypriote, il veut que les pourparlers menés sous son égide avec la participation active de son conseiller spécial soient couronnées de succès.

La réaction de la part de l'Union européenne est celle décrite par M.  Kassoulidis. Il y a la déclaration du Président du Conseil européen et, bien évidemment, cette question peut à tout moment être débattue au niveau du Conseil des ministres des Affaires étrangères et au niveau du Conseil européen.

Et M. Kerry, s'est bien évidemment référé aux déclarations faites par le porte-parole du State Department et il veut, comme il l'a, à maintes reprises, signalé, qu'il y ait une issue positive à la question chypriote, et notamment, il  veut préserver l'unité de ce front mis en place pour faire face à tous les problèmes majeurs de la région élargie. Il veut que les pourparlers au Moyen-Orient reprennent, il veut lutter contre le phénomène de l'ISIS et éviter l'ouverture de nouveaux fronts. A cet égard, je suis certain que la communauté internationale déploiera des efforts substantiels afin d'éviter l’apparition de nouveaux problèmes pesant sur le dossier chypriote et d’ éviter la détérioration de la situation, comme il a été le cas avec l'émission du NAVTEX turc.

Cela dit, le processus d'élargissement et dans ce cadre, le parcours européen de la Turquie, demeure toujours un processus intergouvernemental. L'organe chargé de contrôler ce processus est le Conseil des Affaires générales et le Conseil européen.  Cela revêt une importance majeure. La Turquie sait que des actions de ce genre ne facilitent pas son parcours et sa perspective européens.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, vous avez tous les deux décrit la situation prévalant à Chypre après les actions provocatrices de la Turquie, et, bien entendu, il est manifeste que vous avez de profondes préoccupations à cet égard. Pouvez-vous transmettre aujourd'hui un message de la part d'Athènes et de Nicosie à Ankara?

I.KASSOULIDIS :  Nos déclarations actuelles ne sont que des messages transmis à Ankara tout comme nos réactions, nos déclarations et nos actions qui ont été faites ou seront faites.

E. VENIZELOS : Inutile de dire qu'au-delà des déclarations publiques, il existe aussi des initiatives diplomatiques et politiques. Des consultations sont menées entre la Grèce et le gouvernement turc à tous les niveaux et à tous les niveaux nous avons exprimé les positions que nous devons exprimer à la partie turque et nous attendons la réaction de cette dernière.

JOURNALISTE : Je voudrais vous poser deux questions en rebondissant sur ce que vous avez dit. M. Vénizélos, vous avez affirmé que certaines actions pourraient être entreprises au niveau du Conseil européen. Avez-vous discuté de ces actions? Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails? M. Kassoulidis,  vous vous êtes référés aux contreparties que veut obtenir la Turquie dans le cadre des discussions sur le renforcement du front contre l'ISIS. Craignez-vous qu'une attitude plus favorable à l'égard de la Turquie au niveau de la question chypriote puisse figurer parmi ces contreparties?

E. VENIZELOS : S'agissant des processus menés au sein du Conseil des ministres et du Conseil européen, les choses sont bien claires. Lundi prochain, le 21 octobre, sera réuni le Conseil des Affaires extérieures. Les crises en cours dans le voisinage sud et oriental  de l'Union européenne feront l’objet principal de cette réunion. Lorsque nous aborderons le voisinage sud, la situation actuelle au Moyen-Orient, en Syrie, en Libye, au Liban, en Irak, en Iran, pensez-vous que nous n'allons pas parler de Chypre qui est l'avant-poste de l'Union européenne et de l'Occident dans la région? En outre, en décembre lors du Conseil des Affaires générales, conformément à la pratique établie, se tiendra un débat sur le rapport de la Commission et le CAG présentera ses propres conclusions intergouvernementales concernant la perspective d'adhésion des Etats candidats. A votre avis nous n'allons pas parler de cette question en décembre prochain? Bien sûr que nous en parlerons.

Ι. KASSOULIDIS : Et, en fonction des évolutions, l'intention du Président Anastassiadis - et ce dernier a d'ores et déjà formulé cette demande auprès du Président Van Rompuy - est d'inscrire cette question à l'agenda du Conseil européen prochain. Vous avez posé une question sur l'ISIS. Je sais que de nombreux pays savent très bien la vérité concernant le rôle de la Turquie dans la création et le renforcement de cette organisation monstrueuse. Car tout le monde sait que la Turquie apportait une aide financière à cette organisation en lui fournissant aussi des armes, sans négliger également le fait que ces pays fermaient les yeux sur les frontières poreuses entre la Turquie, la Syrie et l'Irak à travers lesquelles transitaient tous ces terroristes potentiels qui détenaient des passeports des pays membres de l'Union européenne et même des Etats-Unis.

Tout cela a été dit. Tout le monde l'a affirmé, et même le vice-président des Etats-Unis l’a affirmé à Harvard, il n'a dit que des vérités qui sont communément admises. Je pense que l'époque où certains pourraient accorder des contreparties sans notre consentement est révolue,  qui plus est lorsque tout le monde sait quelle est la part de responsabilité de la Turquie dans cette situation dans la région de l'Irak et de la Syrie.

E. VENIZELOS : Je saisis cette occasion pour faire un commentaire qui concerne également la vie politique interne de la Grèce. J’espère que dans quelques jours on comprendra combien la décision du gouvernement grec de participer à la coalition internationale contre l’EI était cruciale, et la République de Chypre en a fait de même, et combien il est important que la Grèce participe, à l’instar de Chypre, aux forces kurdes en envoyant des munitions, toujours par le biais de procédures légales, afin de lutter contre le phénomène de l’EI.

Vous comprenez bien que nous devons envoyer des messages très clairs si nous voulons participer aux rapports internationaux et si nous ne voulons pas que les crises régionales et internationales soient au détriment de nos questions nationales, comme la question chypriote, comme les relations gréco-turques et de manière générale la situation en Europe du sud-est et en Méditerranée orientale. Et si je le dis, c’est parce que j’ai entendu certains, qui étaient contre la participation de la Grèce à la coalition et contre l’envoi de munitions, se plaindre de ce que nous n’avons pas pris des initiatives plus pratiques, plus percutantes pour sauver Kobani de l’attaque de l’EI. En d’autres termes, il n’y a aucune logique dans tout ce que l’on peut malheureusement entendre parfois.

I. KASSOULIDIS : J’ajouterais combien Chypre est importante dans cette lutte de la coalition contre l’EI, car la République de Chypre soutient les efforts de la Grande Bretagne par le biais des bases britanniques à Akrotiri et par le biais des facilitations octroyées à l’armée de l’air française à cette même fin.

JOURNALISTE : Vous dites que les ressources naturelles appartiennent aux deux communautés. Quel est votre plan au cas où une solution immédiate à la question chypriote n’est pas atteinte ? Merci.

I. KASSOULIDIS : Nous avons dit à plusieurs reprises, et je le redis à l’occasion de votre question, que les ressources naturelles, y compris les hydrocarbures appartiennent à tous les Chypriotes et seront réparties en fonction lorsque le problème chypriote sera résolu. On ne prévoit pas de revenus du gaz naturel avant la fin de la décennie. Quel est le sens des menaces de la Turquie à l’heure actuelle ? Qui ne pense pas que la question chypriote sera résolue jusque là ou ne sera pas résolue jusque là ? La Turquie croit-elle tellement au dialogue pour la résolution de la question chypriote, lorsqu’elle veut que les choses soient résolues dès maintenant, lorsque les revenus ne sont pas prévus avant la fin de la décennie?

E. VENIZELOS : Nous vous remercions.

Seul le prononcé fait foi.

October 13, 2014