Nous vous communiquons ci-dessous les déclarations et réponses aux questions de la presse du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Evangelos Vénizélos, à l’issue de sa rencontre tenue aujourd’hui à Ankara avec le ministre turc des Affaires étrangères, Cavusoglu Mevlut :
« Je remercie Monsieur Cavusoglu de son invitation et de l’occasion qui m’est donnée de me trouver aujourd’hui à Ankara pour nos entretiens, faisant suite aux discussions que nous avons eues il y a quelques mois à New York et à la réunion de haut niveau en marge du sommet de l’OTAN à Cardiff.
Dans une période de crises multiples qui secouent la région élargie du Moyen-Orient et de la Méditerranée, les relations gréco-turques revêtent une importance majeure car la Grèce et la Turquie peuvent jouer le rôle de pilier de stabilité, de paix et de prospérité dans la région élargie.
Pour que ce rôle puisse être pleinement joué, il est néanmoins nécessaire de résoudre la question chypriote demeurée en suspens. Le règlement de la question chypriote est la clé de l’accélération des relations bilatérales entre la Grèce et la Turquie et nous permet également de jouer notre rôle en tant que pays ayant une longue présence à l’OTAN, depuis le début des années ’50. La Grèce, en tant que pays membre de l’UE et la Turquie, en tant que pays candidat à l’adhésion à l’UE.
La Grèce, comme vous le savez, soutient, depuis le début, la perspective européenne de la Turquie, mais cette perspective est étroitement liée au règlement de la question chypriote. Il est essentiel, comme l’a dit mon collègue, de relancer les pourparlers entre les deux communautés en vue du règlement de la question chypriote dans le cadre du communiqué conjoint du 11 février 2014, dans le cadre des résolutions y afférentes du Conseil de sécurité de l’ONU, dans le cadre des accords de haut niveau de 1977 et de 1979 et bien naturellement dans le cadre de l’acquis communautaire européen, car Chypre est un pays membre de l’UE.
Malheureusement, les pourparlers ont été interrompus en raison de la violation en cours des droits souverains de la République de Chypre en Méditerranée orientale. En conséquence de cela, il est de notre devoir à tous de prendre les initiatives conjointes nécessaires pour soutenir les pourparlers. Cela implique toutefois que les droits souverains de la République de Chypre soient respectés et qu’il soit mis fin à cette violation.
J’espère qu’il y a toujours la possibilité d’éviter l’escalade, d’éviter la propagation des problèmes. Bien entendu, notre objectif – et j’en ai discuté avec M. Cavusoglu – est de contribuer, le plus rapidement et le plus efficacement possible, à l’instauration du climat nécessaire à la reprise des pourparlers.
Le règlement de la question chypriote nous permettra de prendre un grand nombre d’initiatives dans le domaine de l’économie, de l’énergie, mais aussi de la politique étrangère et de la politique de sécurité et de défense.
Nous avons par ailleurs abordé les questions liées aux autres grandes crises qui tourmentent la région, notamment les questions d’immigration illégale, de lutte contre le terrorisme et plus précisément la mobilisation desdits combattants étrangers pour le renforcement de l’ISIS, l’Etat islamique. Il est de notre obligation, dans le cadre des résolutions y relatives du Conseil de sécurité de l’ONU de coopérer en vue de lutter contre toute forme de terrorisme, de lutter contre le phénomène des combattants étrangers. Et nous savons combien le rôle de la Turquie est tout aussi crucial que fondamental dans le combat que livre la communauté internationale contre la menace et la barbarie dudit Etat islamique d’Irak et de la Syrie.
Nous aurons l’occasion dans quelques jours d’assister au troisième Conseil de coopération de haut niveau entre nos deux gouvernements qui se réunira à Athènes. Il s’agit d’une occasion importante car elle nous permettra de discuter des questions politiques cruciales au plus haut niveau, entre les deux premiers ministres, en présence des ministres des Affaires étrangères. Elle nous permettra également de poursuivre notre coopération dans un grand nombre de domaines ayant trait au quotidien de nos citoyens, à leur prospérité, aux perspectives des deux économies.
Il y a quelques jours s’est tenu à Izmir un forum d’affaires qui a été couronné de succès. A l’occasion du Conseil de coopération de haut niveau sera organisé à Athènes, vendredi prochain, un forum d’affaires très important, qui renforcera notre coopération dans tous les domaines cruciaux. A commencer par le tourisme. Le tourisme offre en effet d’énormes possibilités. Il s’agit d’une industrie lourde qui concerne les deux pays. Nous sommes prêts à prendre toutes les initiatives que nous pouvons prendre dans le cadre de l’UE et de la Convention de Schengen pour faciliter l’octroi de visa aux touristes turcs qui souhaitent visiter la Grèce. C’est un plaisir pour nous d’accueillir les visiteurs turcs en Grèce. Et la Turquie est une destination de prédilection pour les visiteurs grecs.
D’énormes possibilités sont également offertes dans le domaine des projets techniques, des constructions, de la coopération des bureaux d’études. Non seulement sur le territoire de nos deux pays, mais aussi celui de pays tiers et nous avons d’ores et déjà des exemples probants de notre coopération réussie. Nous avons également une possibilité de renforcer notre coopération dans le secteur financier et bancaire. Nous avons la possibilité de coopérer dans le secteur agricole et agroalimentaire. Et bien entendu le secteur privé, l’entreprenariat feront naître de nouvelles idées et relèveront les nouveaux défis. Notre volonté commune est d’encourager au niveau politique la coopération des entreprises, la coopération entre les secteurs privés des deux pays.
Nous avons par ailleurs eu l’occasion de discuter des autres grands dossiers ayant trait aux relations bilatérales et qui concernent la situation en Mer Egée et en Méditerranée orientale. Nous continuons les contacts exploratoires et somme prêts à avancer, toujours dans le cadre du droit international et plus spécifiquement du droit international de la mer, qui est notre référence commune et la base commune pour tout. Et la base commune de notre coopération avec les autres pays de la Méditerranée orientale.
Par ailleurs, l’échange de vues des deux parties sur les crises en suspend tant dans le voisinage Est que Sud de l’UE revêt également une importance particulière. Nous avons eu l’occasion d’aborder ce sujet et de poursuivre notre discussion lors du déjeuner de travail concernant la situation en Syrie, en Irak et en Libye. Nous sommes toujours en ligne avec les politiques européennes, la politique étrangère européenne et la politique de sécurité et de défense et je pense que cette ligne permet aux deux pays de se rapprocher.
J’aimerais de nouveau remercier mon collègue, M. Cavusoglu pour cette occasion et les entretiens que nous avons eus. Nous attendons avec joie le Premier ministre Davutoglu et la délégation du gouvernement turc dans quelques jours à Athènes.
Journaliste : …
E. Vénizélos : Chypre, en tant qu’Etat membre de l’ONU et de l’UE jouit d’une souveraineté nationale et de droits souverains nationaux, tel que le prévoit le droit international de la mer. Dans ce contexte, les ressources sous-marines appartiennent à l’Etat, car les droits souverains appartiennent à l’Etat. Mais l’Etat garantit ces droits et notamment les revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles, en faveur de tous les Chypriotes, Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, en faveur de la génération présente et des générations futures de Chypriotes grecs et Chypriotes turcs.
Et bien entendu, en faveur des deux communautés, de la communauté chypriote grecque et de la communauté chypriote turque, sur une base égale et proportionnelle. Et à cet égard, il a été convenu que la répartition des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles soit plus favorable à la communauté chypriote turque, jusqu’à ce que l’on arrive à une convergence des niveaux du PIB entre les deux parties. Cela a été dit à maintes reprises et je pense que, ce que je dis maintenant et ce que le Président Anastassiadis a dit aussi – et que je répète – nous aurons l’occasion de le formuler de façon à garantir à tous les citoyens de la République de Chypre qu’ils sont de ce point de vue égaux.
Mais – je le répète – la condition préalable est le respect de la souveraineté et des droits souverains de la République de Chypre. D’ailleurs, lorsqu’il y aura une solution politique à la question chypriote, une solution convenue, il y aura un Etat fédéral et des Etats fédérés. Les Etats qui participent à la Fédération en vertu de la Constitution. Il est de ce fait très important de respecter les droits souverains de Chypre, non seulement avant, mais aussi après le règlement de la question.
Journaliste (Botonis) : … à Chypre, comme l’a dit M. Vénizélos, il y a violation des droits souverains avec la présence du navire Barbaros dans la ZEE de Chypre. A cet égard, avez-vous pris une décision, avez-vous abordé la question et dans quel contexte ? Avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet ? Merci.
E. Vénizélos : Je voudrais également répondre à cette question. Sans aucun doute, les droits et les aspirations de tous les citoyens de Chypre, des Chypriotes grecs et turcs, pour ce qui est des ressources naturelles, des gisements de gaz naturel, doivent être assurés et respectés, ce qui est bien le cas. Cela concerne les deux communautés, la communauté chypriote grecque et la communauté chypriote turque, conformément à la situation politique qui prévaut à Chypre, conformément à la constitution de 1960. Cela concerne les deux Etats fédérés dans le cadre d'une solution politique de la question chypriote, conformément à ce que j'ai tout à l'heure évoqué.
Cependant, il ne fait non plus aucun doute que l'Etat de Chypre - un Etat unique lequel, une fois qu'une solution convenue sera atteinte, sera doté d'un caractère fédéral et sera régi par une constitution fédérale - est et continuera d'être un membre de l'Organisation des Nations Unies et de l'Union européenne, un Etat souverain avec des droits souverains parmi lesquels figurent les ressources naturelles.
Cela dit, la constitution de Chypre sauvegardera pleinement les droits de tous les citoyens aux revenus provenant de l'exploitation des ressources naturelles, tant de la communauté chypriote grecque que de la communauté chypriote turque. De toutes les deux entités qui participeront à ce format fédéral, dans le cadre d'une Chypre souveraine fédérale laquelle, comme je l’ai tout à l'heure affirmé, sera toujours membre de l'ONU et de l'UE.
Par conséquent il est très important de mettre fin à la violation des droits de la République de Chypre, de mettre fin à la violation du droit international de la mer et d'entamer de nouveau les pourparlers entre les deux communautés, entre les deux parties à Chypre. Dès lors que nous allons dans le sens d'une solution de ce genre, dès lors que les négociations reprennent, dès lors que nous parvenons à une solution convenue, laquelle sera approuvée par le peuple chypriote par le biais d'un référendum, toutes les questions évolueront d’une manière qui sera dans l'intérêt des citoyens chypriotes, des générations futures, et, bien évidemment, dans l'intérêt de la Turquie, de la Grèce et de la région élargie. Les ressources en eau ainsi que l'énergie électrique sont deux exemples qui illustrent bien cette réalité. Il est très important de répartir les avantages dans le cadre d'un format institutionnel que nous devons respecter.
JOURNALISTE : Question sur la coopération tripartite entre la Grèce, Chypre et l'Egypte.
E. Vénizélos : Cette coopération ne revêt pas un caractère agressif envers la Turquie et j'ai eu l'occasion d'affirmer dans une récente interview que j'ai accordée à la presse turque que l'invitation adressée à la Turquie pour participer à cette coopération est toujours ouverte, sur la base du respect du droit international et notamment du droit international de la mer. Car le dénominateur commun de tous ces partenariats est le droit international de la mer, la stabilité, la paix et la prospérité dans notre région.
JOURNALISTE : ...
E. Vénizélos : Je commence par la deuxième partie de votre question. S'agissant du règlement de la question chypriote auquel je me suis tout à l'heure référé, dans le cadre du Communiqué conjoint du 11 février 2014, les pourparlers peuvent commencer et doivent de nouveau commencer à condition que le droit international soit respecté et qu'il soit mis fin à la violation des droits souverains de la République de Chypre .
Pour ce qui est maintenant de la mosquée à Athènes. Il est, bien évidemment, de notre devoir de sauvegarder les droits religieux et notamment les droits religieux des musulmans grecs ou étrangers qui se trouvent sur le territoire grec. Nous avons décidé d'ériger une grande mosquée, en tant que projet public, en tant qu'institution publique, à Athènes. Car cela est de notre devoir dans le cadre du respect de la liberté religieuse.
S'agissant de la minorité musulmane dans la région de Thrace, tel que prévu par le Traité de Lausanne, le respect des droits des minorités n'est pas axé sur une relation d'échange ou de réciprocité entre la Grèce et la Turquie. Nous avons le devoir en tant qu'Etat, dans le cadre de notre Constitution et en tant que membres de la communauté internationale, dans le cadre du droit international, de respecter pleinement les droits des minorités et en général les droits de l'homme. Et, au sein de l'Etat grec et sur le territoire grec, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les droits des minorités soient respectés. Et je suis convaincu que la partie turque déclarera également que les droits des minorités sont respectés mais ces mots doivent être traduits en actes. Cela est extrêmement important.
Par exemple, la personnalité juridique du Patriarcat œcuménique revêt une importance majeure. La visite du Pape en Turquie, pour ce qui est de son aspect religieux, atteste de l'importance de cette institution mondiale que constitue le Patriarcat œcuménique.
November 29, 2014