Déclarations à l’issue de la rencontre conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Energie de la Grèce et de la République de Chypre (17.12.2014)

Déclarations à l’issue de la rencontre conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Energie de la Grèce et de la République de Chypre (17.12.2014)Nous vous communiquons ci-dessous le texte des déclarations du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Evangelos Vénizélos, du ministre chypriote des Affaires étrangères, Ioannis Kassoulidis, du ministre de l’Environnement, de l’Energie et du Changement climatique, Ioannis Maniatis et du ministre chypriote de l’Energie, du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, Georgios Lakkotripis, à l’issue de la rencontre conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Energie de la Grèce et de la République de Chypre, qui s’est tenue aujourd’hui au ministère des Affaires étrangères.

Ε. VENIZELOS : Bonjour. Nous sommes très heureux d’accueillir en Grèce, à Athènes, au ministère des Affaires étrangères mon cher ami et collègue, Ioannis Kassoulidis, ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre et M. Georgios Lakkotripis ministre chypriote de l’Energie, du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme. Et bien naturellement le ministre de l’Environnement, de l’Energie et du Changement climatique, Ioannis Maniatis car c’est en ce lieu que s’est tenue aujourd’hui la première rencontre conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Energie des deux pays.

Lors de ma dernière rencontre avec M. Kassoulidis, nous sommes convenus d’encourager et d’organiser la coopération des deux pays dans le domaine de l’énergie et de la politique maritime. Et dans le cadre de cette décision politique, nous avons organisé aujourd’hui cette rencontre pour échanger toutes les informations nécessaires, valoriser la conjoncture actuelle en vue d’élaborer une stratégie qui est double. Une stratégie portant sur notre politique étrangère et la politique de sécurité. Une stratégie qui concerne l’énergie, la valorisation des ressources naturelles, les perspectives de développement, l’emploi et la prospérité dans les deux pays, mais aussi notre espace commun qui est la Méditerranée orientale.

Certes la Méditerranée orientale appartient à tous les pays de la région et c’est pourquoi nous, la Grèce et Chypre, promouvons des modèles de coopération bilatérale et multilatérale qui revêtent ce caractère pacifique de développement et visent, politiquement parlant, à la stabilité et à la paix dans une région qui, malheureusement, est très près des foyers de nombreuses crises. C’est la première fois que nous avons un si grand nombre de crises dans cette région, tout comme dans le voisinage oriental de l’UE.

Notre rencontre fait suite à la réunion au sommet tripartite Grèce – Chypre – Egypte au Caire et à la Déclaration du Caire. Vous savez que de nombreuses autres réunions ministérielles tripartites avaient eu lieu. Notre rencontre fait suite aux rencontres trilatérales Grèce – Chypre – Israël. Elle fait suite au Conseil de coopération de haut niveau entre la Grèce et la Turquie. Et bien entendu, elle fait suite aux nombreux contacts établis par les ministres de l’Energie au niveau européen, dans un cadre multilatéral ou dans un cadre bilatéral plus étroit.

Les évolutions avancent à un rythme fulgurant. La plus importante de ces dernières semaines est, bien sûr, la nette baisse du prix du pétrole sur le marché mondial qui a une répercussion sur le prix du gaz naturel. Nous sommes très intéressés, de ce point de vue, à contrôler la viabilité de divers projets et à intégrer des projets d’intérêt bilatéral spécifique dans les réseaux européens, qui peuvent être financés par les fonds communautaires. Et de ce point de vue, les récentes rencontres de MM. Maniatis et Lakkotripis avec le vice-président compétent de la Commission européenne, M. Sefkovic revêtent une importance capitale.

La partie chypriote nous a informés des recherches en cours dans les parcelles maritimes qui à l’heure actuelle sont explorées. Nous avons informé la partie chypriote de l’évolution de l’appel d’offres concernant les parcelles maritimes en Mer Ionienne et au Sud de la Crète. La partie chypriote nous a informés des accords portant sur la délimitation de ses zones maritimes avec des pays de la région. Et nous avons informé la partie chypriote de l’évolution des pourparlers concernant la délimitation des zones maritimes car depuis des années nous avons des consultations en cours avec la Turquie, l’Egypte et la Libye. Nous voulons transformer la convention de 1977 avec l’Italie sur la délimitation du plateau continental en convention de délimitation portant sur la ZEE également. Et de manière générale, nous avons passé en revue les évolutions dans la région élargie, non seulement en Méditerranée orientale, mais aussi en Europe du Sud-est et dans le voisinage élargi de l’Union européenne. Nous nous sommes également penchés sur les relations entre l’Union européenne et la Russie.

Vous vous souvenez sans doute que cette année, au début de l’année, une rencontre très ambitieuse s’était tenue à Budapest, celle des ministres des Affaires étrangères des 4 pays du groupe de Višegrad et des 3 pays des Balkans, qui sont membres de l’Union européenne, à savoir la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie. La perspective d’un nouveau couloir, le couloir central, a été mise sur le tapis. Maintenant, nous examinons cette solution ou d’autres alternatives, tout en suivant de près, comme je l’ai dit, les évolutions internationales et tous les discours nuancés qui se disent au niveau international et qui renvoient à certaines pensées et planifications. L’important est que cette coopération globale Grèce – Chypre sur les questions relevant de la politique maritime, à commencer par l’énergie, fonctionne bien.

Et je vous rappelle que cette coopération présente d’autres aspects. Un de ces aspects importants est la Convention sur la recherche et le sauvetage maritimes que nous avons signée avec M. Kassoulidis il y a quelques mois ici, ce qui revêt toute son importance pour ce qui est de la façon dont nous percevons les conventions y relatives de Chicago et de Hambourg.

Les évolutions sont très importantes et très prometteuses. L’énergie sous-tend toutes les planifications et analyses géopolitiques historiquement. Ce qui est également le cas aujourd’hui. Certes, nous n’avons pas une vision unidimensionnelle, ni ne pensons de manière automatique. Nous nous efforçons de vérifier toutes les informations et de les synthétiser car l’analyse est bien plus importante que la collecte d’informations et je pense que nous agissons avec prudence et sécurité dans le cadre de la stratégie que nous avons élaborée.

J’accueille donc avec grand plaisir M. Kassoulidis et M. Lakkotripis. J’exprime les sentiments de M. Ioannis Maniatis également et prie M. Kassoulidis de prendre la parole.

Ι. KASSOULIDIS : Merci beaucoup Evangelos. J’aimerais remercier les collègues grecs, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, M. Vénizélos et le ministre de l’Energie, M. Maniatis pour l’organisation de cette rencontre qui nous a offert l’occasion de passer en revue notre coopération dans les domaines de l’énergie et de la politique maritime. C’était une décision que nous avions prise lors de ma dernière visite ici et qui est concrétisée aujourd’hui. Nous avons eu l’occasion d’échanger des vues sur les prochaines actions à entreprendre en vue de réaliser les aspirations et objectifs nationaux communs.

Cette rencontre atteste encore une fois de la volonté de Chypre et de la Grèce de continuer leur coopération dans les domaines de l’énergie et de la politique maritime. Des domaines qui intéressent directement l’Union européenne et nos pays peuvent contribuer à sa sécurité maritime par les initiatives et actions nécessaires

Nos consentons également des efforts communs en vue de créer une Méditerranée orientale pacifique et prospère, sans exclure aucun pays, encore faut-il que les pays ne s’excluent pas eux-mêmes en mettant en œuvre des politiques hostiles à d’autres pays. Tous les pays de la Méditerranée peuvent coopérer entre eux, en exploitant leurs ressources maritimes dans l’intérêt et la prospérité de nos peuples.

A l’instar du charbon et de l’acier qui ont donné lieu à une coopération des puissances de l’Europe et ont permis la création de l’Union européenne, les hydrocarbures peuvent jouer un rôle de catalyseur en Méditerranée orientale.

Bien entendu, pendant la réunion a de nouveau été abordée la question des actions turques illégales au sein de la Zone économique exclusive chypriote. A ce stade, j’aimerais encore une fois remercier le gouvernement grec, non seulement pour son soutien sans faille, mais pour ses efforts concrets visant à la résolution de ce problème.

Je pense que moins on en dit à ce stade, mieux c’est. C’est ce qui est dicté par l’intérêt national. Toutefois, j’aimerais rappeler que le Président Anastassiadis a été contraint de reporter sa participation aux négociations en raison des provocations turques et du fait – mutuellement acceptable – que des négociations ne peuvent se dérouler dans un contexte de menaces et de chantage.

Notre souhait et notre objectif demeure la réouverture du dialogue, qui est le seul moyen de résolution de la question chypriote. Mais pour ce faire, il faudra que la Turquie retire son navire de recherche de la ZEE chypriote et qu’elle s’abstienne d’entreprendre des actions similaires à l’avenir. Ankara devra reconnaître que les intérêts des Chypriotes turcs, pour ce qui est des ressources naturelles de chypre, ont d’ores et déjà été garantis dans le cadre des négociations, où les vues convergent quant au fait que les ressources naturelles constitueront une compétence fédérale et seront réparties équitablement dans l’intérêt de tous les Chypriotes.

Ε. VENIZELOS : Merci mon cher ami, cher ministre sur tout ce que vous avez dit concernant la position de la Grèce pour ce qui est de la violation des droits souverains de Chypre par la Turquie, en raison de la présence du navire Barbaros dans la ZEE chypriote. Je rappelle que nous agissons toujours en étroite concertation avec le Président Anastassiadis et le gouvernement chypriote, et ce, toujours en sauvegardant l’existence, la personnalité juridique, la souveraineté et les droits souverains de la République de Chypre. Et comme nous l’avons dit dans notre déclaration conjointe à Bruxelles avec M. Kassoulidis, une fois que tout cela sera assuré, notre objectif est la réouverture des négociations, comme l’a dit le Président Anastassiadis, qui doit revenir de New York pour reprendre ses fonctions.

Et permettez-moi de saisir cette occasion pour exprimer, au nom du gouvernement grec, mes vœux de prompt rétablissement et de reprise de ses fonctions.

JOURNALISTE : J’aimerais poser une question concernant les points de convergence. Y a-t-il un progrès dans les consultations avec la Turquie ? Pouvons-nous avoir des détails sur la formule de désescalade de la tension et j’aimerais demander au gouvernement chypriote si le consortium de l’ENI poursuivra les forages dans la parcelle 9 en janvier.

Ι. KASSOULIDIS : Non. Aucun progrès n’a été accompli. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Nous sommes disposés à ce que les efforts continuent. Comme je l’ai dit, l’objectif est la reprise des pourparlers. Et oui, le programme énergétique de Chypre se poursuivra.

JOURNALISTE : La réunion au sommet tenue récemment ici entre la Grèce et la Turquie suscite des inquiétudes – sans doute plus que des inquiétudes – parmi une partie de l’opinion commune à Chypre et des médias. Dans ses déclarations, M. Davutoglu exhortait le gouvernement grec en déclarant « Réglons le problème chypriote et exploitons ensemble les ressources naturelles ». Il a parlé de la porte d’accès vers l’Asie et de la porte d’accès vers l’Europe, de ce que nous avons l’une de ces portes d’accès et de ce qu’ils ont l’autre. Est-ce que les inquiétudes et les griefs de la partie chypriote sont justifiés, à savoir que la Turquie veut faire de la Grèce une force garante et prendre avec elles certaines décisions avec lesquelles la République de Chypre n’est peut-être pas d’accord ?

Ε. VENIZELOS : Vous me donnez l’occasion de redire que le Premier ministre et moi-même avons décidé de convoquer à Athènes le 3e Conseil de coopération de haut niveau entre la Grèce et la Turquie après avoir effectué une visite à Chypre le 7 novembre. Nous avons eu une discussion approfondie avec le Président Anastassiadis, le ministre des Affaires étrangères, M. Kassoulidis et les chefs des partis politiques turcs et avons jugé conjointement que ce Conseil, et donc la discussion au niveau des Premiers ministres et des ministres des Affaires étrangères, nous donnerait l’occasion de formuler de la façon la plus claire et authentique qui soit les positions, non seulement de la Grèce, mais aussi de la République de Chypre, sur ordre de laquelle nous agissons, afin d’éviter l’escalade de la tension et de créer un cadre approprié pour la reprise des négociations, dans le respect des droits souverains de la République de Chypre et avec le départ du navire Barbaros.
Ce qu'a affirmé M. Davutoglu lors de la conférence de presse ou plutôt dans ses déclarations conjointes avec le Premier ministre grec à Athènes, doit être comparé à ce que j'avais dit lors de ma visite antérieure du 29 novembre à Ankara où, à l'Ankara Palace, j'ai présenté avec la plus grande clarté la position grecque qui est également la position chypriote laquelle s’aligne à son tour sur la position européenne. J'ai donc affirmé qu'il y avait une violation en cours des droits souverains d'un Etat membre de l'Union européenne et de l'ONU. Que la question cruciale était la reconnaissance de l'existence et de la personnalité juridique internationale de la République de Chypre qui fait partie des 28 Etats membres de l'Union européenne à laquelle la Turquie veut adhérer et que la condition à la reprise des négociations était le rétablissement de la légalité internationale et le retrait du navire turc Barbaros.

Si vous comparez ce que j'avais dit à Ankara aux affirmations de M. Davutoglu à Athènes, vous aurez une image plus claire de la situation et vous verrez que les positions de la République de Chypre ont été présentées avec la plus grande clarté en ne laissant aucun doute.

Ι. KASSOULIDIS : J'aimerais également faire une brève remarque. Vous avez demandé si les reproches et les inquiétudes exprimées par certains Chypriotes ou même par certains Grecs étaient justifiés? Ma réponse sera très brève. Les reproches ne sont guère justifiés. Les inquiétudes exprimées par ceux qui préfèrent croire ce que M. Davutoglu affirme au lieu de croire ce que M. Vénizélos affirme, sont injustifiées.

JOURNALISTE: Pensez-vous que le gazoduc East-Med est viable du point de vue économique?

I. MANIATIS: Nous avons pleinement étayé, au moins au niveau d'une étude préliminaire, la viabilité du gazoduc East-Med ainsi que sa faisabilité du point de vue technique. Et c'est justement pour cette raison que nous avons eu, il y a quelques jours, une très bonne coopération avec M. Lakkotripis, vice-président de la Commission européenne auquel nous avons présenté les caractéristiques techniques et économiques ainsi que les avantages comparatifs du gazoduc East-Med. Le fait que la Commission européenne s'est engagée à soutenir ce projet important prouve que nous avons persuadé nos partenaires qu'il fallait poursuivre ce chemin. Permettez-moi d'ajouter aussi, pour ce qui est plus particulièrement du gazoduc East-Med, que c'est la première fois après des décennies, dans une Europe qui est actuellement assoiffée d'énergie et elle continuera de l'être pour les années à venir, qu'il y a l'opportunité de valoriser une nouvelle source d'approvisionnement en Méditerranée orientale à travers une nouvelle route, celle du gazoduc East-Med et en provenance d'un nouveau fournisseur, à savoir les gisements chypriotes et grecs et probablement aussi les gisements israéliens et ceux d'autres régions. Par conséquent, cela constitue une évolution très positive pour l'Union européenne elle-même qui est pleinement consciente de son propre intérêt qui est le soutien à ce gazoduc.

G. LAKKOTRIPIS: Je pense que notre cher ami Ioannis a abordé la question en profondeur. Nous avons lancé une action commune auprès de la Commission européenne afin que cette dernière nous aide à examiner à fond ce projet très ambitieux. Nous, en tant que République de Chypre, sommes en train d’examiner toutes nos options pour une exploitation viable de la richesse naturelle du pays. Force est de signaler qu’aujourd'hui nous avons eu une excellente opportunité de coordonner nos actions au niveau des ministères de l'Energie et des Affaires étrangères. Et j'aimerais remercier le gouvernement grec pour l'accueil qu'il nous a réservé.

JOURNALISTE: Est-ce que les récentes évolutions en Israël et le recours aux urnes en mars freineront les processus dans le cadre de la coopération tripartite entre Israël, Chypre et la Grèce? Craignez-vous une évolution différente de la situation actuelle dans le cas d'un changement de gouvernement en Israël?
E. VENIZELOS : Il existe une continuité dans les politiques nationales. Il s'agit d'une coopération entre Etats et non pas d'une coopération entre gouvernements.

JOURNALISTE: Avez-vous discuté de l'organisation immédiate d'une réunion tripartite? A savoir, une réunion avec la participation également d'Israël, outre celle de l'Egypte, une réunion entre les quatre pays, la Grèce, Chypre, Israël, Egypte?E. VENIZELOS : Nous n'avons pas discuté de cette éventualité car le processus y relatif entre la Grèce, Chypre et Israël est encore en suspens. Mais nous avons discuté d'une initiative à caractère largement méditerranéen. Merci beaucoup.

December 17, 2014