Discours de M. Droutsas devant le parlement lors du débat sur le budget de 2011

Discours de M. Droutsas devant le parlement lors du débat sur le budget de 2011Mesdames et Messieurs les députés,

Cette année a été marquée par des changements majeurs.

Les conditions nous ont obligés de changer les acquis en vigueur depuis des décennies.

Il a fallu prendre des décisions et des mesures dures.

Et j’imagine que personne dans cette salle ou en dehors de celle-ci ne pense qu’il y ait de gouvernement qui n’aurait pas préféré prendre des mesures plus agréables et en faveur du peuple.

Toutefois, on n’a eu que deux choix :

Soit laisser le pays faire faillite – cesser de payer les fonctionnaires et les retraités – soit faire tout ce qui aurait dû être fait depuis longtemps.

Toute critique est légitime et compréhensible.

Toutefois, peut-on affirmer que ces dernières années tout allait bien ?

Que tout a bien été fait ?

Ne voyait-on pas que nous faisions fausse route ?

Mais, tant qu’il y avait de l’argent dans les caisses et dans les portefeuilles – même si c’était de l’argent emprunté – nous remettions au lendemain les changements.

Tant qu’il y avait des prêteurs de fonds, les réformes pouvaient attendre.

Mais à un moment donné, il n’y a plus eu d’argent dans les caisses et plus de politiques agréables.

Les caisses et les poches étaient vides.

Le peuple grec sait très bien quelles sont les responsabilités qui pèsent sur chacun d’entre nous.

Le moment est venu de changer la façon dont nous pensons et nous agissons.

Le moment est venu de nous changer nous-mêmes au profit de ce pays.

Aujourd’hui, nous savons très bien ce que nous devons faire.

Et, si nous voulons avoir un espoir pour l’avenir, nous ne devons pas prendre en compte ni le coût politique, ni les ambitions personnelles.

Malheureusement, nous savons tous que nous ne pouvons pas donner de l’argent.

Au contraire, nous faisons des coupes dans les budgets ce qui est malheureusement inévitable.

Mais nous pouvons offrir au citoyen un « vrai » Etat et non pas « plus » d’Etat.

Une administration publique plus fonctionnelle et plus efficace, respectueuse du citoyen.

Nous pouvons éradiquer les injustices ainsi que l’impunité et faire prévaloir chez le citoyen le sentiment de justice sociale, d’égalité et d’égalité devant la loi.

Nous pouvons lui offrir la dignité ainsi que la conviction que toute action que nous entreprenons est régie par les principes de la transparence, de la méritocratie et de la responsabilité.

Cela est très important, notamment pour la nouvelle génération qui n’a plus d’espoir, ni confiance en son pays.

C’est à nous de le faire et nous pouvons et devons le faire le plus rapidement possible.

Chaque diplomate grec est la voix de la Grèce qui s’efforce de changer l’image négative du pays qui a été diffusée par les médias internationaux et les spéculateurs.

Je connais très bien les difficultés auxquelles sont confrontées aujourd’hui nos missions diplomatiques à l’étranger.

Des cadres de haut niveau chargés d’une mission d’importance nationale, livrent eux aussi leur propre bataille en vue de rétablir la crédibilité du pays et souvent ils doivent aussi faire des sacrifices.

Par ailleurs, je reconnais que les coupes sombres dans les indemnités spéciales versées aux agents diplomatiques placés à l’étranger ont été extrêmement douloureuses.

Et depuis cette tribune je voudrais exprimer ma grande estime à l’égard du corps diplomatique et de tous les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères pour avoir fait preuve de maturité et d’un sens des responsabilités.

La somme totale prévue par le ministère des Finances qui sera allouée au budget du ministère des Affaires étrangères au cours de l’année fiscale de 2011 s’élève environ à 330 millions d’euros.

Il y a donc une réduction de l’ordre de 22% par rapport au budget de 2010 ce qui ramène le budget au niveau de l’année fiscale de 2002.

En terme de valeurs absolues, cette réduction équivaut à environ 64 millions d’euros.

Ces coupures budgétaires et la contribution du ministère des Affaires étrangères à cet effort visant à assainir l’administration publique ont été inévitables.

Le ministère des Affaires étrangères prouve sa capacité à jouer un rôle de premier plan dans la rationalisation des dépenses sans que cela soit au détriment de la représentation diplomatique du pays.

En dépit de cela, mesdames et messieurs les députés, le ministère des Affaires étrangères fonctionnait jusqu’à récemment conformément à des règles appartenant au passé.

Les difficultés économiques dans notre pays ainsi que la conjoncture actuelle ont dicté la modernisation et la restructuration de nos services.

Nous avons même été obligés de fermer certaines autorités grecques à l’étranger.

Mais cette décision a été prise au terme d’une réflexion sérieuse.

Et, je pense que tout le monde s’accorde à dire que les Consulats généraux, par exemple, à Londres, à Paris et à Bruxelles ne répondaient plus aux besoins actuels du pays.

En outre, nous procédons d’ores et déjà à l’élaboration du nouvel organigramme du ministère des Affaires étrangères et de la nouvelle loi organique ainsi qu’à l’utilisation de nouveaux systèmes axés sur les dernières technologies de contrôle de la gestion économique, les télécommunications à travers internet, la gestion électronique de documents et la prestation de services électroniques au citoyen.

Pour ne pas perdre de temps, j’ai élaboré une note y relative dans laquelle vous trouverez toutes les informations nécessaires.

Et permettez-moi de réitérer ce que j’avais affirmé dans mon discours l’année dernière :

Au ministère des Affaires étrangères, nous serons toujours guidés par le principe selon lequel nous représentons la Grèce avec fierté et dignité, sans exagérations et gaspillage.

Même les mesures de petite envergure pour économiser des ressources et réduire les gaspillages sont importantes.

Si, de cette manière-là, nous pouvons économiser au maximum, nos efforts aboutirons.

J’y crois fermement.

Mesdames et Messieurs les députés,

La lutte contre la crise économique est la première priorité du ministère des Affaires étrangères aussi.

Force est de rappeler qu’au début de 2010, lorsque nous avons proposé la mise en place d’un mécanisme de stabilité économique qui donnerait des réponses immédiates et qui serait dans le même temps un pas essentiel vers l’approfondissement de la construction européenne visant à une gouvernance économique commune, personne n’était disposée à discuter de cette question.

Toutefois, vendredi à Bruxelles, l’inconcevable est devenu réalité grâce aux propositions, à l’insistance et à notre voix claire.

Car désormais la voix de la Grèce a regagné sa crédibilité et c’est l’arme la plus importante pour lutter contre la crise.

Mesdames et Messieurs les députés,

En ce qui concerne la question du nom, notre position est connue :

Nous aspirons à une appellation avec déterminatif géographique pour tous les usages, erga omnes.

La résolution de la question du nom constitue une condition à l’adhésion de Skopje à l’OTAN et à l’UE.

Concernant le dossier chypriote, nous recherchons une solution globale, en vertu des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et dans le plein respect de l’acquis européen.

Le cadre de nos relations avec la Turquie est le plein respect du droit international, des droits souverains et de l’intégrité territoriale de la Grèce. Et il ne peut y avoir co-exploitation en Mer Egée, en l’état actuel des choses. J’aimerais être clair là-dessus puisque cette question semble être « à la mode » dernièrement.

J’ai répété, Mesdames et Messieurs les députés, brièvement ces positions concernant nos principales questions nationales pour éviter tout malentendu.

Car il semblerait qu’il faille le répéter tous les jours pour que certains puissent en être convaincus.

Malheureusement en Grèce, nombreux sont ceux qui s’empressent de tenir pour vraies les déclarations exprimées par les hauts fonctionnaires de Turquie ou de Skopje.

Et je m’interroge tres honnetement : comment ces propos peuvent-ils etre plus credibles que ceux du gouvernement grec ?

Mais ces positions de la Grèce, Mesdames et Messieurs les députés, il n’est pas nécessaire de les confirmer tous les jours.

Car les principaux axes et objectifs stratégiques de la politique extérieure de la Grèce sont acquis, immuables et acceptés par la grande majorité des forces politiques du pays.

Je tiens à le souligner.

Mais sur le plan interne, nous devons également parler clairement.

Certains milieux politiques et journalistiques, se cachant derrière des grands mots, des accusations, des propos alarmistes ou exagérés – aspirent en réalité à l’inertie et à la passivité.

Pour ces personnes, le droit international, la Cour de la Haye et l’adhésion de la Turquie à l’UE sont de mauvais choix et l’attitude indiquée est l’inertie et la défense.

Pour ces personnes, la Grèce est trop faible pour pouvoir parler avec la Turquie.

Mais elle ignorent que c’est leur politique qui la rend faible.

Ces personnes n’ont jamais eu le courage de parler ouvertement au peuple grec, de dire certaines vérités.

Elles le sous-estiment, refusent d’entrer dans une discution de fond et s’en tiennent aux slogans.

Ces personnes perçoivent la Grèce comme étant petite.

Je n’accepterais jamais l’affirmation selon laquelle la Grèce est petite ou un pays à capacités réduites en raison de la crise.

La Grèce a des positions fondées sur le droit, elle est dotée d’une grande force de dissuasion et applique une diplomatie intelligente.

Elle n’a rien à craindre.

Tout est fait à force de préparation systématique et sérieuse et d’une diplomatie agressive, sans avoir peur de prendre des initiatives.

Pour que les choses soient claires.

Nous ne faisons aucune négociation.

Avec la Turquie nous sommes voisins, nous entretenons des relations, nous avons aussi des problèmes.

Dans le passé nous étions au bord de la guerre.

C’est une attitude responsable que de voir si nous pouvons surmonter ces problèmes, toujours en respectant nos positions, nos droits et nos intérêts.

Et c’est ce que nous faisons.

J’aimerais ajouter une chose :
Certains affirment que nous parlons avec la Turquie dans le but de lui donner.
Au contraire, nous parlons avec elle pour pouvoir soulever des prétentions et sauvegarder nos droits prévus par le droit international.

Quoi qu’il en soit, je ne peux accepter le discours fataliste de certains qui affirment que nous sommes condamnés à demeurer ennemis.

Les deux parties doivent, enfin, déconstruire certains mythes qui ont été créés et entretenus au fil du temps.

Nous ne nous en tiendrons pas qu’à répéter de manière monotone les positions de la Grèce qui vont de soi.

Nous nous efforcerons de faire des propositions, d’avancer des idées novatrices et de prendre des initiatives.

Comme la pensée que nous avons exprimée en faveur d’une discussion ouverte au sein de l’UE, même au plus haut niveau, après les élections de juin en Turquie, pour remettre le processus d’adhésion de la Turquie sur la bonne base et placer tout le monde devant ses responsabilités.

Pour ne pas que certains se cachent derrière le dossier chypriote ou encore qu’ils invoquent combien la Turquie est grande et importante pour déroger aux règles.

Et aussi pour que la Turquie cesse de « picorer » ce qui lui plaît de l’acquis européen, sans aucune contrepartie, comme elle le fait aujourd’hui.

Une rencontre pour la Turquie, sur le thème de la Turquie – avec la Turquie à la table comme pays candidat à l’adhésion, ni plus ni moins.

J’attends avec impatience la discussion hors agenda sur les questions relevant de la politique étrangère ainsi que la réunion du Conseil national de politique étrangère que je convoquerais au début de l’année prochaine pendant lequel nous pourrons discuter de toutes ces questions de manière approfondie.

Aujourd’hui nous nous trouvons face à un autre paradoxe :

Ceux qui sont responsables de la situation actuelle, ceux qui ont diminué la Grèce viennent nous dire aujourd’hui « ne prenez pas d’initiatives, le pays est faible ».

En d’autres termes, ils nous disent de nous replier sur nous-mêmes, d’être absents de l’Europe, des Balkans, du Moyen-Orient, d’abandonner notre espace vital et de laisser nos intérêts nationaux au hasard, comme ils l’ont eux-mêmes fait.

Ils nous mettent en cause parce que nous insistons à appliquer une « diplomatie agressive » et à faire des propositions visant à créer un cadre plus favorable pour l’exercice de la politique étrangère.

Ils tentent à nouveau de s’appuyer sur des théories de conspiration, de semer la peur et la confusion.

Ils se cachent derrière des slogans bons marchés et populistes, comme par exemple ceux parlant d’une « diplomatie secrète ».

Finissons-en, Mesdames et Messieurs les députés, avec l’hypocrisie.

Est-ce que quelqu’un pense aujourd’hui qu’il existe un gouvernement grec qui veuille nuire au pays ?

Comment se fait-il à chaque fois – quel que soit le parti au pouvoir – que le gouvernement veuille « brader » le pays et que le principal parti de l’opposition lutte pour « l’amour de la patrie».

Aujourd’hui en tant que gouvernement, et hier en tant que parti de l’opposition, j’ai toujours ressenti le même amour pour la patrie et mes actions ont toujours été guidées par l’intérêt de la Grèce et du peuple grec.

Nous avons dit que nous aspirions au consensus – et je le pense vraiment.

Et je suis heureux que Dimitris Avramopoulos ait exprimé la même volonté et opinion dans son discours d’aujourd’hui.

J’espère que tout le monde le suivra dans cette direction.

Mais l’intérêt du pays prime.

Et chacun doit assumer ses responsabilités.

Car en aucun cas nous ne pouvons échapper à nos responsabilités.

Car de toutes les façons nous serons mis devant nos responsabilités.

Nous serons tous jugés sur notre capacité à avoir perçu le caractère crucial de la situation, à avoir été à la hauteur.

Que chacun apporte donc sa propre réponse aux questions.

En définitive, je préfère être critiqué aujourd’hui – même si cette critique est injuste – que de voir nos enfants demain me demander pourquoi nous n’avons pas fait ce que nous devions faire lorsque nous en avions l’occasion.

Je vous remercie.

December 22, 2010