Discours de M. Droutsas lors de la réunion conjointe du Comité «Défense nationale et Affaires étrangères» et du Comité «Affaires européennes»

Mesdames et messieurs les députés,

C’est un grand plaisir pour moi, doublé d’un grand honneur de participer à cette réunion spéciale des Comités du Parlement hellénique chargés des affaires relevant de notre politique étrangère.

J’espère que la réunion d’aujourd’hui marquera le début d’un grand nombre de réunions de ce genre. Car j’attends avec intérêt de coopérer étroitement avec vous. Je veux écouter vos idées, m’informer de votre contribution et aborder avec vous les opportunités offertes mais aussi les défis auxquels est confrontée notre politique étrangère.

Je pense que la discussion d’aujourd’hui est engagée au moment opportun car la Grèce est en train d’assumer de nouveau un rôle de protagoniste dans notre région à travers la mise en œuvre de l’ « Agenda 2014 ». Je voudrais décliner la planification du gouvernement ainsi que les principaux axes qui déterminent notre politique et par la suite écouter attentivement vos idées concernant les moyens qui nous permettront d’enrichir notre politique et de renforcer la présence de notre pays dans la région de l’Europe du Sud-est.

Mesdames et messieurs les députés,

Je pense qu’il existe un choix principal et stratégique sur lequel s’accorde tout le monde : l’intégration européenne des pays des Balkans est dans l’intérêt de la Grèce. La Grèce veut voir les Balkans adhérer à l’Europe.

Nous vivons dans une région instable. Une région qui, il y a quelques années, était le théâtre d’opérations militaires, marquée par l’instabilité politique et le malheur. La transformation de cette région est dans notre intérêt. Il est de notre devoir de donner une perspective à notre voisinage. Il est nécessaire, au profit de notre propre progrès, de créer un avenir de stabilité, de sécurité, de développement et de paix dans notre voisinage. Et nous pouvons le faire. Il suffit de se montrer audacieux et de s’inspirer d’une vision.

Notre voisinage commence à se remettre de cette expérience traumatisante qu’il a vécue avec la dislocation violente de l’ex-Yougoslavie et les problèmes qui ont suivi. Toutefois, un grand nombre de problèmes demeurent en suspens.

Notre effort, notre engagement a d’ores et déjà enregistré deux réussites. L’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’UE constitue une évolution importante qui est venu changer pour toujours le cadre de nos relations bilatérales et a créé de nouvelles opportunités de coopération et de développement. Même dans cette conjoncture néfaste et en dépit des problèmes auxquels nous sommes confrontés en raison de la grève des agriculteurs, les barrages routiers viennent nous rappeler le degré de l’interdépendance qui caractérise désormais les relations de nos pays. Dans une certaine mesure, il est également important d’octroyer le statut de pays candidat à la Croatie et à l’ARYM ainsi que de promouvoir la perspective européenne des autres pays.

Et je ne saurais négliger l’impact de la récente libéralisation du régime des visas pour trois pays de notre voisinage sur les peuples de la région. Au-delà de cette évolution, puisque Thessalonique est le point de référence pour la région, la libéralisation du régime des visas fait rapprocher davantage les pays des Balkans de l’Europe. Cette évolution offre des opportunités aux pays des Balkans lesquels deviennent plus exigeants et se dotent d’un esprit plus ouvert ainsi que des moyens pour progresser et réaliser des réformes dans leur pays. Elle met en cause des dirigeants politiques qui demeurent attachés au passé. Et le plus important est que cette évolution offre à ces peuples une vision, la vision d’un avenir européen.

Toutefois, les défis majeurs demeurent, à savoir la stabilité politique, les relations de bon voisinage, le développement économique, l’établissement des institutions démocratiques solides et d’un Etat de droit, la protection de l’environnement et le règlement de toutes ces questions ayant trait à chaque aspect de la vie sociale, comme le crime organisé, l’immigration clandestine, le trafic de drogue, etc.

La politique du gouvernement pour les Balkans est structurée autour de quatre axes principaux :

Le premier axe est la promotion de la perspective européenne des Balkans occidentaux en vue de l’intégration de tous les pays des Balkans à l’Union européenne. J’y reviendrais bientôt.

Le deuxième axe de notre politique tient à l’intensification et à l’approfondissement de notre coopération dans le domaine économique et de développement dans notre région en mettant l’accent sur les domaines suivants : les infrastructures, les transports, la protection de l’environnement, dans le cadre du développement vert et de l’énergie ainsi que les sources renouvelables d’énergie.

La mobilisation de notre pays dans ce domaine se fait à plusieurs niveaux. Nous figurons parmi les puissances économiques les plus importantes dans la région. La présence et les activités économiques des entreprises grecques contribuent au développement de la région et à la prospérité de notre région. Même aujourd’hui, en pleine crise, la présence grecque ne doit pas s’affaiblir. Au contraire, les entreprises grecques doivent rechercher des opportunités.

L’ESOAB constitue le principal vecteur de notre politique de développement dans les Balkans. En outre, nous disposons de fonds importants pour cofinancer les programmes de développement qui ne font pas partie de l’ESOAB et, bien entendu, nous jouons un rôle de premier plan au sein du Conseil de coopération régionale (RCC -Regional Cooperation Council).

En dépit des difficultés actuelles et du fait que les Balkans ne soient plus considérés comme une région prioritaire de l’OCDE en matière d’aide au développement, notre gouvernement est en train de rechercher des moyens pour maintenir son rôle dans le domaine de la coopération régionale dans les Balkans ainsi que d’examiner les possibilités de coopération avec d’autres partenaires tels que l’Autriche et la Hongrie.

Le troisième axe de notre politique pour les Balkans est d’entretenir et de renforcer le rôle et la présence de notre pays dans la région. Nous ne voulons pas exercer une hégémonie sur la région, ni n’avons des idées de grandeur, comme d’autres. En tant que plus ancien membre de l’UE et de l’OTAN dans la région et en tant que le pays le plus développé au niveau politique et économique, la Grèce est en mesure de jouer un rôle de protagoniste dans notre propre intérêt et au profit des objectifs de notre politique étrangère.

Le quatrième axe constitue notre intention de donner de la substance à la coopération politique interbalkanique, à savoir le Processus de coopération de l’Europe du Sud-est (SEECP) en vue de transformer cette enceinte en une institution régionale de politique et de sécurité visant à la coopération des pays balkaniques afin que ceux-ci luttent de manière efficace contre les problèmes et relèvent les défis auxquels est confrontée la région.

Pour ce qui est plus particulièrement du règlement des différends, notre objectif est de promouvoir un cadre collectif des valeurs visant au règlement pacifique sur la base du droit international.

Nous, pays balkaniques, voulons décider du destin de notre région. Par ailleurs, nous, pays balkaniques, savons mieux que personne quels sont les particularités et les besoins de la région dans laquelle nous vivons.

J’aimerais maintenant revenir au premier axe, notamment la perspective européenne des pays des Balkans.

L’adhésion de cette région, notre voisinage direct à l’Union européenne, constitue un objectif stratégique pour la Grèce. Dans l’esprit de la Stratégie de Thessalonique et de ses principes, le Premier ministre grec a annoncé, quelques heures après avoir assumé ses fonctions en octobre, l'initiative grecque «Agenda 2014» aux ministres des Affaires étrangères de la CEMN. Notre objectif est de donner un nouveau souffle à la perspective d’adhésion des Balkans occidentaux, en nous fixant comme objectif stratégique leur intégration à l'Union européenne en 2014.

Nous ne changeons pas les règles du jeu en plein milieu du match. Ni ne sommes pris d'une crise d'optimisme excessif quant aux capacités de réformes de nos voisins. Nous sommes réalistes et connaissons bien les difficultés. Nous n’avons toutefois nullement l’intention de nous lamenter en regardant Bruxelles focaliser son attention ailleurs et s’éloigner de son engagement envers notre voisinage. C’est cet engagement que l’Union a pris en 2003 à Thessalonique grâce à nos efforts. Nous voulons que l’Europe renouvelle cet engagement. Nous voulons que les peuples de la région croient de nouveau qu'ils appartiennent à la famille européenne. Nous voulons que chaque haut fonctionnaire européen pense à 2014 lorsque le mot Balkans lui vient à l’esprit. Et nous pouvons réussir.

Hier soir, lors de la rencontre que j’ai eue avec le ministre autrichien des Affaires étrangères, nous nous sommes accordés sur une initiative commune concernant les Balkans occidentaux. Nous avons signé une lettre commune qui présente nos aspirations – en partant de 2010 – pour ce qui est des relations des pays de la région avec l'Union européenne. Notre objectif est de sensibiliser les autres ministres des Affaires étrangères à la nécessité de renouveler l'engagement européen dans notre région.

L’élargissement constitue un outil des plus efficaces de l’UE pour la consolidation de la paix, de la stabilité et de la prospérité en Europe. La confirmation de la perspective européenne des Balkans occidentaux, tel que formulé dans les conclusions du Conseil Affaires générales de décembre, est pour la Grèce une question de priorité. Le cadre existant de conditionnalité garantissant le rapprochement sans heurts des pays de l’objectif de l’adhésion est pour eux une motivation pour intensifier leurs efforts et résoudre les problèmes en suspens, en vertu des relations de bon voisinage qui, d'ailleurs, constitue une modalité préalable du Processus de Stabilisation et d'Association existant.

Pour notre part, nous continuons d’attacher de l’importance aux relations de bon voisinage car elles constituent une condition nécessaire à la participation à l'Union européenne ; elles sont l’esprit et la lettre de la vision européenne elle-même.

Passons en revue les pays, à commencer par l’Albanie et le Monténégro. Ces deux pays ont soumis une demande d’adhésion en attente de l’avis rendu par la Commission. La position de la Grèce est positive compte tenu du fait que les deux pays sont invités à promouvoir davantage et à mettre en œuvre les réformes nécessaires qui leur permettront de poursuivre leur cheminement vers l’UE. Nous les encourageons à poursuivre leurs efforts en vue de s'acquitter de tous les critères et modalités préalables définis par l'UE. Il ne faut pas oublier à ce stade l'intérêt particulier que nous portons à la nécessité pour l’Albanie de répondre aux normes européennes dans le domaines des droits de l’homme et plus particulièrement de la minorité grecque. Nous serons à leurs côtés, nous suivrons chacun de leurs pas dans ce processus.

En ce qui concerne le Monténégro, la ratification de notre part de l’Accord d’Association et de Stabilisation entre le Monténégro et l’UE est pendante. A ce stade, j’aimerais inviter le Parlement hellénique à procéder dans les plus brefs délais à sa ratification.

En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, celle-ci continue de ne pas faire preuve de solidarité et de perception quant à l’objectif à atteindre. L’attitude de certains dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine atteste du fait qu’ils ne croient pas encore que le rêve européen peut devenir réalité. C’est pourquoi ils privent leur peuple de leur avenir européen. Nous constatons avec regret l'absence de progrès. Nous estimons qu’il faut lever les obstacles entravant le processus de réformes du pays. Dans ce contexte, le message de la perspective européenne du pays doit être fort, en tenant compte du fait que la population, dans sa majorité, soutien la vision européenne. L'UE a tout intérêt à soutenir la création d’un Etat fonctionnel à travers des processus internes, en encourageant les dirigeants du pays à prendre les décisions nécessaires dans ce sens.

La Serbie joue un rôle particulier dans les Balkans occidentaux et l’Union européenne doit prendre en compte cet élément dans le cadre de la politique de l'élargissement. La Grèce a joué un rôle de premier plan dans la décision prise récemment par le Conseil de «dégeler» l’Accord commercial intermédiaire. Nous aspirons à une décision similaire qui permettra la ratification de l'Accord de Stabilisation et d'Association. Nous estimons par ailleurs que la récente demande d'adhésion soumise par la Serbie devra faire l’objet d’un examen, tout comme pour les autres pays des Balkans occidentaux, un examen équitable et substantiel.

Tant que la question du Kosovo demeurera ouverte, il va de soi que nous aurons des tensions. L’initiative grecque pour l' «Agenda 2014» peut servir de catalyseur qui donnera une dynamique au dialogue pour une issue diplomatique. Il peut servir d’outil de valorisation du rôle de l’Europe. En ce qui concerne le statut du Kosovo, la position de la Grèce est connue et ne change pas. Nous soutenons le dialogue en cours entre l'UE et le Kosovo dans le cadre du dispositif existant, dans le but de promouvoir les réformes nécessaires et le développement économique et social et de garantir la protection de toutes les communautés vivant au Kosovo. La Grèce contribue à garantir les équilibres nécessaires lors de la mise en œuvre des décisions y relatives au sein du Conseil, toujours dans le respect de la stabilité dans la région.

Notre pays a soutenu l’Ancienne République yougoslave de Macédoine à des moments difficiles de sa courte histoire. Nous avons soutenu activement sa perspective européenne. Il ne faut toutefois pas qu’il y ait de malentendus. La condition pour un progrès ultérieur est claire. Pour que l’Ancienne République yougoslave de Macédoine puisse engager des négociations avec l’UE, nous devrons trouver une solution mutuellement acceptable à la question du nom. Une solution telle que définie par la ligne nationale rouge. Un nom avec détermination géographique à l'égard de tous. Tant que les dirigeants de l'ARYM n'abandonneront pas leur attitude intransigeante et d’atermoiement dans les négociations menées sous l’égide des Nations Unies, le peuple s’éloignera de son avenir européen. Le message de la Grèce est positif. Il ne nous reste plus qu’à voir comment M. Gruevski choisira de le lire.

Mesdames et Messieurs les députés,

Je crois fermement que la Grèce, la politique étrangère grecque a tout à gagner de notre consensus et entente. La question dont nous discutons aujourd’hui est une question sur laquelle nous nous accordons tous. J’attends avec grand intérêt vos idées, afin de renforcer la présence de notre pays dans les Balkans. Afin de développer les relations avec nos voisins, au niveau bilatéral et régional, de la meilleure façon possible. J’attends que nos eurodéputés me soumettent leurs propositions sur les pas à entreprendre au niveau communautaire. La coopération en politique étrangère est notre devoir, notamment en cette conjoncture actuelle difficile. Je vous invite à ce que nous œuvrons de concert.

Merci.

January 22, 2010