Le voyage depuis l’OTAN à La Paz, depuis la « guerre » à la « paix » était long. Je vous remercie de votre accueil, je remercie beaucoup le ministre des Affaires étrangères de la Bolivie de son introduction bien instructive.
J’ai apporté un livre contenant les discours qui ont été prononcés l’année dernière lors du Forum. Vous y trouverez tous les discours en anglais mais aussi dans la langue dans laquelle ont été prononcés. La première partie porte sur le Forum des ministres, la deuxième sur le forum des représentants du milieu universitaire que vous allez organiser le 21 décembre, date de mon anniversaire, chose qui me réjouis particulièrement.
C’est un grand plaisir pour moi de me trouver ici à La Paz parce que, d’une part, il est très important de maintenir l’élan de cette initiative et d’autre part, parce que la Bolivie est un pays qui dispose d’une grande histoire et d’une grande civilisation. J’ai écouté avec la plus grande attention le discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères de la Bolivie et j’éprouve un intérêt bien particulier à l’égard de la civilisation de ce pays et tout particulièrement à l’égard de la ville de Tiwanaku.
Il y a un an, nous avons pris avec mon homologue chinois l’initiative de faire un premier pas avec la Conférence fondatrice d’Athènes et, par la suite, avec la Déclaration d’Athènes.
A l’origine de cette initiative était la constatation suivante: que les deux pays ont deux grandes et anciennes civilisations, que ces civilisations constituent pour ces pays une source d' inspiration inépuisable et diverse, que grâce à leurs civilisations ces pays jouissent d’un respect international et que ce respect mutuel donne lieu à un développement substantiel des relations politiques et économiques bilatérales.
Telle était justement la mission de la Conférence fondatrice d’Athènes, à savoir appliquer un modèle bilatéral réussi au niveau international, en créant une enceinte de dialogue permanente, sur la base du respect mutuel qu’inspirent les civilisations qui ont une présence permanente qui date depuis des milliers d’années et dont la contribution à la civilisation mondiale est continue et tangible.
Nous poursuivons donc cette initiative car nous nous accordons sur le fait que notre travail est avant tout actuel et lié à l’époque moderne.
Par le passé, les grandes civilisations se sont développées en parallèle sans qu’il y ait obligatoirement de contact entre eux, comme par exemple les civilisations de l’Amérique centrale et du sud, les civilisations de la Méditerranée et de la Mésopotamie.
A l’époque moderne, il existe une « interaction culturelle » accrue dans le sens que les civilisations communiquent entre eux, elles s’influencent mutuellement, elles se développement non seulement en parallèle mais ensemble, dans le même temps, en interaction. Par conséquent, il est nécessaire de faire preuve de compréhension à l’égard des civilisations, sur la base du principe de la diversité, de l’égalité et de leur reconnaissance en tant que civilisations du patrimoine mondial.
Cette compréhension n’est possible que si nous considérons les civilisations anciennes comme des « réservoirs de sagesse », dans lesquels on peut puiser pour faire face aux menaces modernes auxquelles est confrontée l’humanité.
Si nous vivons au sein d’une société dominée par les politiques économiques et de défense, il est nécessaire de mettre en valeur de manière plus coordonnée la dimension culturelle des relations internationales. Car nombreuses sont les décisions politiques ayant une base culturelle, tandis qu’il est très difficile de résoudre d’autres questions influant sur les évolutions politiques, telles que la migration moderne, à cause de différentes perceptions culturelles.
On a donc besoin, même au noyau dur de la politique de ce que l’on appelle civilisation culturelle. Nous avons besoin de la tolérance envers l’autrui, il faut respecter son opinion et son existence. Nous avons besoin d’une culture de consensus et de compromis ce que beaucoup de pays ont oublié.
L’époque moderne est dominée par la puissance dure et le progrès technologique renforce davantage cette forme de puissance. Toutefois, ceux qui parlent la langue de la puissance douce, sont les vainqueurs. La diplomatie, le sentiment de la justice, la « suprématie culturelle » revêtent une grande importance dans les relations internationales.
L’histoire, nos civilisations comportent de nombreux exemples de cette puissance culturelle douce/intelligente. Des civilisations anciennes comme celle que nous venons juste de voir ici, avec une œuvre matérielle et immatérielle considérable et dont les messages ainsi que la forme de leurs exploits intellectuels et matériels n’ont pas seulement survécu jusqu’à nos jours, mais ils ont aussi déterminé les évolutions dans leur époque.
Il est vraiment magnifique, je dois l’avouer, de se rendre chaque matin au travail et de voir l’Acropole et de penser à l’admiration que suscitait ce monument magnifique, ainsi que les autres exploits culturels et intellectuels de la cité d’Athènes classique, aux visiteurs de l’époque et aux autres cités-Etats.
En outre, la puissance douce de l’Empire romain d’orient ou, plutôt, de l’Empire byzantin, lequel, pour pouvoir faire face aux attaques et aux menaces des peuples en provenance d’Asie, a recouru, contrairement à l’Empire romain d’occident, à la diplomatie et dans une certaine manière il a inventé la diplomatie moderne en tant qu’instrument de dissuasion.
Je voudrais aussi signaler le troisième aspect. La civilisation est aujourd’hui une puissance économique mondiale, car chaque civilisation produit de biens particuliers, elle les reproduit et les diffuse. Ces biens constituent le « brand name », la marque commerciale de chaque pays. Il s’agit des biens culturels qui disposent d’une lisibilité internationale et qui sont identifiés à leur pays d’origine.
La civilisation revêt aujourd’hui une dimension économique bien marquée, ce que l’on appelle « industrie culturelle ». Elle produit des biens et des services, elle crée des emplois, elle contribue au PIB, elle est présente dans tous les domaines de l’activité économique, de la production jusqu’à la recherche et l’innovation et l’éducation.
Et c’est justement ces trois éléments de la civilisation, son caractère actuel, sa puissance douce, sa dimension économique, sa capacité à interconnecter et à stabiliser le monde en une période instable, qui rendent la poursuite et le renforcement de notre initiative très importantes.
Pour nous, notre principal objectif lors de cette deuxième réunion du forum est de faire un pas de plus, de trouver les moyens qui nous permettront d’élaborer un agenda positif, tel que celui de la coopération entre nos civilisations dans le cadre de partenariats diverses dans tous les domaines.
Aujourd’hui, nous pouvons également discuter - et nous avons eu une première discussion comme vous vous le rappelez en septembre dernier à New York - de l’adhésion de nouveaux membres à ce forum et en septembre dernier nous avions dit que nous aborderions cette question aujourd’hui. De nombreux pays ont manifesté leur intérêt à cet égard. Parmi les pays candidats, il existe un pays ayant joué un rôle très spécial dans l’histoire de l’humanité et des civilisations anciennes. Il s’agit de l’Arménie et je suis heureux de voir aujourd’hui ici le ministre des Affaires étrangères de ce pays cher, avec une histoire aussi grande. C’était peut-être une erreur de notre part de ne pas vous avoir invité dès le début, mais c’est la vie.
Nous axerons notre attention sur des questions ayant trait à la protection de l’héritage culturel et historique, sur la restitution de biens culturels à leurs pays d’origine, le soutien mutuel y relatif, la promotion de la compréhension entre les civilisations anciennes et de la recherche historique en vue de mettre en avant leur importance et contribution à la civilisation mondiale, ainsi que sur la coordination de nos actions au sein des forums internationaux, le renforcement du dialogue et les échanges culturels concernant les différentes expressions de nos civilisations.
En outre, nous nous emploierons à étendre le dialogue à travers la participation des citoyens, du milieu universitaire. Nous examinerons tout particulièrement les paramètres techniques de la Conférence universitaire – qui se tiendra le 21 décembre comme je l’ai tout à l’heure affirmé – ainsi que les possibilités et les modalités d’adhésion de nouveaux membres, tels que l’Arménie dont je vous ai parlé.
Nous examinerons également les moyens qui nous permettront de systématiser et d’intensifier le dialogue entre nos pays, à travers nos délégations auprès de l’UNESCO, sur les questions et les activités du Forum des civilisations anciennes, mais aussi sur les activités culturelles nationales.
Et j’espère que la présidence de la Bolivie organisera une nouvelle rencontre à New York au niveau des ministres des Affaires étrangères ou de la Culture, au cours de la dernière semaine du mois de septembre.
Je voudrais aussi vous annoncer que le site web du forum est devenu opérationnel et vous êtes tous invités à apporter votre contribution en matière de contenu, afin qu’il devienne un point de référence crédible pour les actions du forum et de ses membres.
Je voudrais de nouveau remercier le gouvernement de la Bolivie, le ministre des Affaires étrangères, la Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de l’invitation et de l’organisation de cette Deuxième conférence du Forum des Civilisations anciennes.
Cette initiative est pour nous, dans une certaine manière, comme un bébé qui grandit ici dans la région des hauts plateaux de la Bolivie, où il existe une civilisation vivante et il suffit pour cela de voir tous ces gens, toutes ces belles barques, tout cela que nous avons vu ces quatre dernières heures que nous nous trouvons en Bolivie. Chers collègues, je vous remercie ! Je suis ravi d’être aujourd’hui ici avec vous.
Merci.
July 13, 2018