Discours du ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, à la conférence sur « Les options stratégiques d'Eleftherios Venizélos en politique étrangère », coorganisée par l'École de défense nationale et la Fondation Eleftherios K. Venizélos ( 30.03.2022)

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais dire que c'est un grand honneur pour moi d'être ici devant vous aujourd'hui, et je voudrais remercier l'École de défense nationale et la Fondation Eleftherios K. Venizélos de m'avoir invité à présenter quelques réflexions lors de cette conférence sur les choix stratégiques d'Eleftherios Venizelos en matière de politique étrangère.

Je ne serai pas long car, malgré la gentillesse du ministre de la Défense nationale, je pense qu'il est beaucoup plus important d'écouter les intervenants et d’entrer en contact avec la pensée et les choix stratégiques d'un homme important, l’homme politique le plus important de notre histoire moderne, qui a eu le grand mérite de ne pas faire ce qui allait de soi et de ne même pas être enfermé dans ses propres choix.

Permettez-moi de dire que cette année 2022, cent ans après la catastrophe de 1922 en Asie Mineure, est peut-être le meilleur moment pour pouvoir étudier la pensée stratégique du grand homme politique Eleftherios Venizélos.

Et si je dis cela, c’est parce qu'Eleftherios Venizélos, tout d'abord, était l’homme politique de la mise en œuvre de la Grande Idée. C'est ce dont il a été nourri, et c'est ce qu'il a réalisé en tant que principal choix de sa politique. Mais ce qui est remarquable, au-delà de la réalisation, dans une large mesure, de l'intégration nationale, c'est sa promptitude à modifier son choix stratégique lorsque les circonstances dictaient une stratégie différente.

Je me réfère, en particulier, à ses choix de politique étrangère durant la période où il était également premier ministre et où il est moins en vue, à savoir de 1928 à 1932.

Lorsque, lui-même politicien de la Grande Idée, il a promu comme doctrine la reconstruction de la Grèce, son organisation interne, sa stabilité et sa prospérité économique. Il a même changé la doctrine des forces armées de l'époque. Il est entré en conflit avec son ami intime et son choix, le général Mazarakis-Ainian. Il a même sacrifié la perspective d'intégrer le Dodécanèse et Chypre comme projet de négociations avec l'Italie et le Royaume-Uni, afin d'établir avec ces pays des relations qui lui auraient permis de réaliser son principal objectif stratégique, la reconstruction de la Grèce.

Eleftherios Venizélos, à cet égard, je pense, apparaît comme un esprit extraordinaire. Un homme politique qui voit clair, ne se laissant même pas enfermer dans ses propres choix stratégiques. Réajuste les objectifs et les possibilités, tout en ignorant les coûts politiques pour lui-même.

Parce que le choix de ne pas donner la priorité à la question du Dodécanèse dans les relations avec l'Italie a été politiquement douloureux pour Eleftherios Venizélos. Il n'a pas hésité du tout. Il a estimé que la Grèce devait s'entendre avec l'Italie pour atteindre ses principaux objectifs.

Il avait aussi précisément cette orientation vers un but précis. Il n'était pas divisé entre plusieurs objectifs. Et, comme il a été dit tout à l’heure, sa perspicacité en matière de forces armées est bien connue. Non seulement il les a réorganisées, avant les victoires des guerres balkaniques, mais aussi, pour vous donner un autre exemple qui a été mentionné : il a créé un ministère de l'Aviation, sachant que c'était le nouveau corps des forces armées qui allait jouer un rôle primordial.

Je ne pense pas qu'il existe un autre homme politique au niveau européen, voire mondial, qui ait fait preuve des multiples compétences d'Eleftherios Venizélos.

Il y a une longue liste de livres, je pense qu'il y en a pas mal qui arrivent sur les étagères à cause de la période que nous traversons. Il existe également des dépôts, que j'ai visités il y a quelques jours lors d'une de mes visites dans la capitale britannique.

J'ai tendance à croire, d'ailleurs, en suivant son exemple, que la Grèce, indépendamment du Brexit, devrait toujours avoir des relations étroites avec le Royaume-Uni, c'est pourquoi je m'y suis rendu trois fois au cours des douze derniers mois.

Un autre ancien ambassadeur [en Grèce], Llewellyn-Smith, m'a offert son livre sur la tragédie ionienne, et il y a aussi le livre du professeur Richter sur la période 1919-1922. Mais permettez-moi de mentionner un autre livre, qui n'est pas particulièrement connu parce que son auteur n'a pas fait en sorte qu'il le soit, sur la politique étrangère de Venizelos pendant la période 1928-1932. Il s'agit de la thèse de doctorat de l'ancien Premier ministre, Kostas Karamanlis, à l'université Fletcher de Tufts. C'est un livre particulièrement intéressant car il traite également de la politique étrangère économique d'Eleftherios Venizelos, qui est toujours d'actualité.

Permettez-moi de terminer, après avoir exprimé mon envie pour tous ceux qui ont la possibilité d'assister à l'ensemble des travaux, et mon regret, car je ne pourrai pas le faire en raison de mes obligations, cher Ministre. Permettez-moi de terminer par une citation assez peu connue de Winston Churchill, qui était également une connaissance d'Eleftherios Venizelos, tout comme Lloyd George, qui était un de ses amis proches à l'époque, à propos de la Grèce. Il dit - permettez-moi d’en faire une traduction libre parce que je l'ai en tête en anglais : « La Grèce s'est endormie », quand il dit « s'est endormie » Churchill nous connaissait bien, il faisait référence aux défauts de notre race « La Grèce s'est endormie et a réalisé l'empire de ses rêves et l'a perdu dès qu'elle s'est réveillée », c'est-à-dire dès que nos défauts nationaux ont repris le dessus.

Je vous remercie

March 30, 2022