Discours du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l'Assemblée générale annuelle de l'Association des entreprises et industries du Péloponnèse et de la Grèce occidentale (Patras, 5 juin 2022)

Monsieur le Président,
Chers collègues,

Permettez-moi de dire que, pour moi, tout d'abord, c'est un grand plaisir de participer à un événement avec trois excellents collègues qui représentent dignement l'Achaïe, mais aussi notre propre parti.

Il y en a un quatrième, qui est absent, mais je peux excuser son absence car je l'ai envoyé me représenter au défilé des expatriés à New York. Par conséquent, il ne peut pas être ici aujourd'hui.

J'ai devant moi, mesdames et messieurs, un discours. Dans ce ministère, les discours sont toujours prononcés dans un contexte déterminé, mais permettez-moi toutefois d'essayer de mettre cela de côté et d'avoir une discussion brève et franche sur les défis auxquels le pays est confronté et de vous présenter la perception que nous en avons.

Mais avant d'en venir à la question principale, permettez-moi de dire aussi que je me sens chez moi ici. Tout d'abord, je me sens chez moi du point de vue géographique. Comme vous le savez, je suis originaire de Corfou, la partie occidentale du pays, et ma famille a toujours été active dans les affaires. Mon père a été président de la chambre de commerce de Corfou pendant presque 30 ans et vice-président des chambres de commerce de Grèce.

Vous me permettrez donc de me sentir à l'aise et de comprendre dans une certaine mesure les efforts considérables que les entreprises et les industries déploient en Grèce, souvent dans des circonstances difficiles. Et je comprends parfaitement l'obligation de l'État grec de garantir un environnement sûr, afin que vous puissiez faire votre travail, que vous puissiez produire, que vous puissiez créer de la croissance et des emplois dans le pays, ce qui est le but ultime, et que vous puissiez exporter. Parce que si ces choses ne vont pas bien, la Grèce ne peut pas prospérer.

Mais malheureusement, nous évoluons dans un environnement extérieur, dont je ne peux pas dire qu'il soit le plus simple à vivre.

Je commencerai par vous dire ce que nous essayons de faire au sein du ministère des Affaires étrangères pour, tout d'abord, faire du ministère des Affaires étrangères un meilleur outil pour faire face aux différentes circonstances.
Le gouvernement actuel, le gouvernement Mitsotakis, a fait le choix de placer la diplomatie économique, c'est-à-dire la facilitation des exportations, et la diplomatie publique, la promotion de l'image du pays à l'étranger, sous l'égide du ministère des Affaires étrangères.

C'est une tendance internationale, je pense que c'est la bonne tendance, et nous avons pris l'expertise de différents pays, comme les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, Bahreïn.

De plus, sur le plan interne, nous avons procédé à une réforme fondamentale du mode de fonctionnement du ministère. Nous avons fait entrer le ministère dans une nouvelle ère grâce à des investissements de près de 100 millions d'euros dans des systèmes pour la diplomatie publique d'une part, pour économiser du personnel, de sources fermées, de sources ouvertes, afin que les outils techniques soient en place pour permettre à la diplomatie grecque de mieux faire son travail. Et pour que cela puisse contribuer, et c'est pourquoi je mentionne ceci ici, ce qui est important pour vous, au renforcement des exportations du pays et, bien sûr, pour aider ceux qui veulent investir dans le pays.  Parce que c'est quelque chose qui est au cœur de l'engagement de ce ministère, qui est de faciliter les exportations et les investissements grecs à l'étranger, mais aussi de faciliter les investissements en Grèce en provenance de l'étranger.

Le pays a subi un désinvestissement pendant les années de la crise.  Nous avons besoin d'investissements de plus de 100 milliards.  L'année dernière a été une bonne année, les investissements ont dépassé les 5 milliards. Vous pouvez donc comprendre l'ampleur du vide que le pays doit combler pour être en mesure de se développer économiquement dans les années à venir.

Notre pays, à son tour, est économiquement le plus fort dans les Balkans. Nous avons un PIB d'environ 200 milliards de dollars. Mais si vous prenez un exemple occidental réussi, disons les Pays-Bas, pour être sur un pied d'égalité en termes de population, vous devez doubler notre PIB, pour passer à 400 milliards.

Cela signifie que cela demande un effort énorme et que vous êtes les principaux composants de cet effort. Les pays se développent grâce à leurs entreprises, leur esprit d'entreprise, leur industrie et leurs exportations.

Passons maintenant au contexte plus large, qui, malheureusement, n'est pas ce que nous aimerions qu'il soit, je veux être honnête avec vous. Je vais décrire aussi brièvement que possible le contexte de la diplomatie grecque, où nous sommes. Je compare ce que nous faisons et la situation à laquelle nous sommes confrontés à quelque chose comme, si vous vous souvenez peut-être de l'ancien logo olympique, les six cercles, des cercles qui se croisent.

Si nous commençons par le premier cercle au nord, il s'agit de notre grande région, les Balkans. Dans les Balkans, le pays a, dans une certaine mesure, affiché un recul au cours de la dernière décennie pour deux raisons principales.

L'une des raisons est la crise qui a contraint un trop grand nombre d'entreprises grecques, et surtout le système bancaire grec, à rentrer en Grèce et à désinvestir des Balkans. Et le deuxième était la question macédonienne, qui créait un problème majeur avec des pays comme la Serbie, la Macédoine du Nord, mais aussi avec des répercussions sur divers autres pays.

Donc, en ce moment, nous revenons dans les Balkans, nous ré-exerçons notre influence, nous réaffirmons notre rôle.  Le fait que je sois ici aujourd'hui est une pause dans un programme de tournée dans les Balkans occidentaux et nous essayons également de jouer le rôle qui nous revient historiquement dans la péninsule des Balkans. Le pays le plus puissant qui a aidé et guidé les autres pays, tout d'abord dans les Balkans orientaux, mais aussi, espérons-le, dans les Balkans occidentaux, à devenir membres de l'Union européenne.

Si nous regardons maintenant vers le bas, il y a l'Afrique du Nord, il y a aussi la Turquie, et je laisse la Turquie de côté pour le moment, parce que notre relation avec la Turquie est une relation qui influence beaucoup toute notre politique, et les pays du Golfe.

Ce que ce gouvernement essaie de faire, c'est de faire comprendre que la Méditerranée n'est pas une mer de séparation, c'est un pont. Historiquement, cela a toujours été son rôle.

Par conséquent, ce qui se passe en Afrique du Nord, dans le Golfe, et même en Afrique subsaharienne, revêt une importance considérable pour la Grèce. Son énorme importance est  d’abord manifestée à travers la question des migrations et les flux en provenance de toutes ces régions. A travers de ce qui s'est passé en Libye et de la façon dont cela a affecté la Grèce avec l’ «  accord turco-lybien » et l'instabilité générale dans la région. A travers la menace du terrorisme,  la menace que représente le déferlement des islamistes radicaux dans les régions subsahariennes.

La perception, qui, Mesdames et Messieurs, est souvent présente dans la vie publique, est « qu'est-ce que nous faisons là ? Qu'est-ce qu'on en a à faire de tout ça ? » C'est une perception absolument myope, qui ne peut être pas  maintenue dans le contexte du monde moderne.

Ce qui se passe au Tchad en ce moment est important pour la Grèce. Ce qui se passe dans le Golfe, où, d'ailleurs, deux navires grecs sont retenus, est important pour la Grèce. Nous ne pouvons pas ignorer ces choses.

La perception d'une Grèce petite et honorable, qui peut toujours demander de l'aide à la communauté mondiale au nom de ses droits nationaux, mais qui, d'autre part, est complètement indifférente à ce qui se passe au-delà de son voisinage très proche, est une perception que nous devons surmonter complètement et créer dans la nouvelle génération un cosmopolitisme et une perception que pour que notre pays survive et se développe, nous devons regarder au-delà de l'horizon.

Le troisième cercle est constitué de pays plus éloignés, de pays d'Afrique subsaharienne, de pays avec lesquels nous pouvons développer des relations économiques dans un horizon plus large, de pays qui ont besoin d'une compréhension mutuelle.

Si je devais choisir deux de ces pays, je choisirais le Rwanda et le Kenya. Car leurs ministres, pour la première fois dans l'histoire, nous ont rendu visite il y a quelques jours. Bien sûr, c'était après mes visites dans  sept pays de la région.

Nous ne pouvons pas ignorer l'Afrique. L'Afrique est le continent qui connaît la plus forte croissance économique et démographique de la planète. Encore une fois, selon la logique que j'ai développée précédemment, nous ne pouvons pas être absents.

Je vais retourner dans notre voisinage, l'Europe, parce qu'il y a ici une autre grande illusion. Nous pensions, et nous le pensons depuis une longue série d'années, que parce que nous sommes entrés dans l'Union européenne, nos relations bilatérales avec tous les pays d'Europe sont définies par ce cadre, qui est d'ailleurs parfaitement adéquat. Ce n'est pas vrai.

L'Union européenne est la création la plus fière de l'histoire de l'humanité. Un espace des droits de l'homme, du droit, de la sécurité. Mais elle n'en est qu'à ses débuts. Je dis toujours que l'édifice européen est comme les religions monothéistes à l'exception de l'Islam. Il faut des siècles pour qu’il se mette debout. Et c'est juste une jeune femme de 70 ans.

La Grèce doit donc continuer à cultiver ses relations bilatérales au sein de l'Union européenne avec beaucoup de diligence.  Nous ne pouvons pas avoir des pays comme l'Espagne ou l'Italie contre nous quand il s’agit de la compréhension de la menace turque. Cela signifie que, pendant longtemps, nous n'avons pas suffisamment fait notre travail pour expliquer à nos partenaires et amis ce qui se passe. Nous ne pouvons manquer de constater la menace que représente l'exportation par l'Allemagne de matériel de guerre vers la Turquie au cours de la première décennie du XXIe siècle.

Tous ces éléments de nos relations bilatérales avec ces pays, ainsi que beaucoup d'autres, nécessitent un contact constant et continu au niveau bilatéral, de sorte que cette famille, au fur et à mesure qu'elle se développe, ait comme enjeu familial à la fois les préoccupations grecques et les perceptions grecques de notre région plus élargie.

Prenons l'élargissement dans les Balkans occidentaux et l'importance qu'il revêt pour l'avenir de l'Europe. Il est important que l'Europe comprenne qu'elle ne peut pas avoir un trou noir dans les Balkans occidentaux.

Je passerai, en parlant également de l'Europe, à un élément qui constitue un atout considérable pour le pays et son environnement de sécurité, à savoir la relation de défense avec la France. Ne le sous-estimez pas. La Grèce a acheté de nombreuses fois depuis l’époque de Konstantinos Karamanlis et le premier Mirage, le Mirage F1 en 1974, du matériel de guerre à la France.

Mais c’était la première fois en un demi-siècle, et  la première fois dans notre histoire, qu’un accord de défense a été signé avec la France, le seul pays membre du Conseil de sécurité issu de l'Union européenne, et le seul pays de l'Union européenne qui possède des armes nucléaires. Ne le négligez pas. C'est un atout considérable pour la sécurité du pays à l'avenir.

J'en viens à nos relations avec le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne, mais il n'a pas quitté l'Europe. Je ne veux pas le faire, car depuis que le Premier ministre m'a fait l'honneur de me nommer ministre des affaires étrangères, j'ai choisi de ne pas prononcer un seul mot de critique à l'égard de mes prédécesseurs et des gouvernements précédents. Je pense que ce n'est pas bénéfique pour le pays.

Mais si vous regardez les dates des visites, par exemple au Royaume-Uni, combien d'années auparavant un ministre grec des affaires étrangères n'avait pas visité le Royaume-Uni, vous pouvez voir que parfois nous nous montrons nombrilistes ou nous ignorons ce que nous devrions faire.

Le Royaume-Uni restera un acteur majeur dans les affaires internationales. Nous devons donc avoir une relation avec eux, axée sur la compréhension mutuelle, la présentation de nos positions et sur des efforts visant à créer des synergies.

De l'autre côté de l'Atlantique, il y a les États-Unis. Je dois vous dire ici qu'à aucun moment de l'histoire de la Grèce, les relations du pays avec les États-Unis n'ont été meilleures. La visite du Premier ministre a été une visite triomphale, non seulement pour Kyriakos Mitsotakis personnellement, mais aussi pour le pays lui-même.

Le fait que le Premier ministre grec ait eu l'opportunité et l'honneur de s'adresser à une session conjointe des deux chambres législatives, d'être applaudi 10 ou 11 fois, en recevant  ce que les Anglo-Saxons appellent une « standing ovation », c'est-à-dire que les Sénateurs et les Représentants se mettent debout et applaudissent, a été un immense honneur pour le pays. Mais l'honneur ne se situe pas au niveau du geste, mais au niveau de la substance. Parce que les applaudissements des deux chambres législatives ont récompensé les choix politiques du pays, les positions du pays, et cela s'est également reflété dans la longue rencontre avec le président Biden.

Les États-Unis voient la Grèce non seulement comme un pays appartenant à l'Alliance occidentale, mais aussi comme un pays avec lequel ils ont une compréhension plus large. Et aussi un pays avec lequel ils ont signé, j'ai eu l'honneur de signer deux fois, deux accords de défense. Je pense que la façon dont ces accords de défense fonctionnent pour notre sécurité, pour la sécurité de notre propre mode de vie, de notre propre compréhension, est claire pour vous tous.

N'oubliez pas qu'il y a dix ans, a-t-il été question d'Alexandroupolis en tant que centre stratégique et centre de développement économique ? Y avait-il dans les prévisions de quiconque, dans la carte de quiconque, dans la perception de quiconque, dans l'analyse de quiconque, le rôle d'Alexandroupolis en tant que porte d'accès aux Balkans orientaux, à l'Europe centrale et à l'Ukraine ? Tout cela a-t-il existé en tant que possibilité ?

J'en arrive au dernier chapitre qui est celui des pays de l'horizon lointain. Des pays comme le Japon, l'Indonésie, l'Australie.  Les pays d'Amérique du Sud.

Mesdames et Messieurs,

La Grèce est un pays de taille moyenne. Pour survivre, la politique étrangère grecque doit être une politique de principes, une politique qui soutient une structure internationale existante de règles juridiques. Et elle doit identifier et établir des relations avec des pays qui ont une analyse similaire, des intérêts similaires, et qui soutiennent et promeuvent ces intérêts. Et ces pays sont nombreux.

L'Inde est l'un de ces pays. Un pays de 1,4 milliard d'habitants, le pays le plus peuplé de la planète.

Le Japon est l'un d'entre eux. Un pays, qui est la troisième puissance économique de la planète.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande sont de tels pays. Des pays qui sont peut-être très éloignés géographiquement, hors de la perception que nous avons peut-être des pays voisins.  Mais si vous regardez leurs positions sur les questions relatives au droit de la mer, vous verrez notre convergence absolue.

Et aussi, des pays qui sont venus dans notre pays dans le cadre des guerres mondiales, qui ont combattu en Grèce et pour la Grèce. Nous ne pouvons pas l'ignorer.

Et bien sûr, il y a nos relations avec d'autres puissances mondiales comme la Chine. La Chine est un investisseur très important dans le port du Pirée, nous ne pouvons l'ignorer. La Chine a investi en Grèce lorsque, malgré de fortes invitations, les pays occidentaux les plus proches de nous ont estimé que le risque du pays était supérieur à l'opportunité d'investir dans le port du Pirée.

La Chine a exprimé un point de vue différent et a été récompensée pour cela. Le Pirée est l'un des plus grands ports de la Méditerranée. Il deviendra le plus grand port de la Méditerranée dans les 10 prochaines années et, dans les 30 prochaines années, probablement le plus grand port d'Europe.

Je termine par la Russie et l'Ukraine. Lors de la prise de fonctions du gouvernement actuel, les relations avec la Russie étaient à un niveau très modeste. Vous vous souvenez peut-être que sous le gouvernement précédent, des expulsions publiques de diplomates russes ont eu lieu. Néanmoins, il  a fait un très gros effort pendant 2 ans et demi pour redévelopper un esprit de compréhensions historiques avec un pays avec lequel nous avons des liens historiques.

La révolution grecque a été soutenue par la flotte russe de Navarin ainsi que par les flottes anglaise et française. Ne nous leurrons pas, nous ne serions pas un pays libre sans Navarin. Les Grecs n'oublient pas et ne sont pas ingrats.

Nous avons fait de gros efforts, mais l'invasion russe de l'Ukraine, avec laquelle nos relations n'étaient pas particulièrement étroites, a complètement bouleversé la structure des relations gréco-russes, et ce n'est pas la faute de notre pays.

Parce que je vous ai déjà dit que pour que la Grèce survive, elle doit représenter des principes très spécifiques auxquels elle s'identifie.

La Grèce se bat depuis un demi-siècle pour mettre fin à l'invasion de Chypre par la Turquie. Elle ne peut donc en aucun cas manquer de condamner sans équivoque l'invasion d'un pays indépendant. Elle ne peut manquer de tenter, par tous les moyens dont elle dispose, de défendre l'indépendance et l'intégrité territoriale d'un pays membre des Nations unies. Elle se défend donc en fait elle-même et défend ses propres frontières. Elle défend l'idéologie sur la base de laquelle elle existe, se développe, vit.

Je termine par les relations gréco-turques. Je veux vous avouer que lorsque j'ai eu l'immense honneur de devenir ministre des Affaires étrangères, je pensais que nous pourrions trouver des codes de communication avec la Turquie et résoudre le seul différend qui nous oppose à ce pays, à savoir le plateau continental et la ZEE dans les mers qui nous entourent, sur la base du droit international et en particulier du droit international de la mer.

Mon optimisme s'est accru, car après 50 ans, nous avons pu résoudre la question avec l'Italie et avons signé l'accord correspondant. Nous avons résolu le problème avec l'Égypte et j'ai signé l'accord correspondant. Nous avons résolu la question avec l'Albanie en principe et je pense que, suite à l'élection hier du nouveau président que j'ai félicité - il y avait des questions constitutionnelles - nous pourrons procéder à la signature d’un compromis avec l'Albanie et au renvoi de notre différend à La Haye.

Donc, dans cet esprit de compréhension, je pensais que la Grèce serait capable de trouver des codes d'entente avec la Turquie et que nous serions capables de résoudre notre différend.

Malheureusement, cette prévision était totalement erronée.  Nous étions confrontés à une expansion constante d'arguments, de revendications contre notre pays au-delà du droit international, au-delà de toute logique.

Je fais référence au à l’«accord turco-lybien » qui divise les zones maritimes en ignorant la présence de la Crète au milieu, en ignorant le fait que, selon le droit international, les îles ont les mêmes droits que le continent. C'est-à-dire non seulement des eaux territoriales, et même des eaux territoriales allant jusqu'à 12 miles, mais aussi une zone économique exclusive et un plateau continental.

Imaginez donc, pour développer un peu cette position et mettre en évidence l'absurdité de cet « accord », que la Grèce signe des accords sur des zones économiques exclusives avec l'Espagne, sans tenir compte du fait que l'Italie se trouve au milieu.

Et aussi la doctrine de la ‘Patrie bleue’, la perception que les îles grecques de la mer Égée orientale se trouvent dans la zone du  plateau continental turc et n'ont aucun autre droit.  En d'autres termes, elles doivent être détachées  de la Grèce à laquelle elles appartiennent sur la base du traité de Lausanne.

Et pour aggraver davantage les choses, ils ont ajouté l'année dernière le nouvel argument selon lequel la souveraineté grecque sur les îles de la mer Égée orientale est basée sur l'accord de démilitarisation, sinon la souveraineté grecque n'est pas absolue mais relative. Et par conséquent, elle est indirectement mais clairement contestée par la partie turque.

Nous avons répondu à tout cela par une série de lettres, dont la dernière, envoyée il y a quelques jours aux Nations unies, est peut-être la plus intéressante du point de vue du droit international.

Mais je peux vous assurer, sans entrer dans les détails ici, que les arguments grecs sont parfaitement adéquats, parfaitement convaincants.  La Grèce dispose dans son arsenal des arguments les plus modernes du droit international. Au contraire, les positions turques ne résistent à aucune critique. Ce sont des manifestations d'un révisionnisme néo-ottoman, des éléments de l'idéologie d'une supposée superpuissance régionale, qui tente d'imposer sa volonté à ses voisins par la menace de la force.

J'espère sincèrement que la Turquie verra clairement que cette politique est une impasse. Qu’elle reviendra sur la voie de la convergence vers l'Union européenne, vers les valeurs européennes et mondiales et comprendra que la Grèce peut être un pont vers l'Europe, un pont vers un avenir meilleur. Je tiens à vous dire que je crois fermement qu'une très grande partie, une partie très importante du peuple turc et de la société turque aspire à ce meilleur avenir quand, c'est-à-dire quand et si, on lui donne la possibilité de parler librement. Et j’espère que la tentative de piéger la société turque et, par extension, la Grèce à l'avenir, dans des revendications et des rivalités qui appartiennent à des siècles et des temps révolus prendra fin.

En d'autres termes, j’espère que la Turquie comprendra que la politique des canonnières, la politique de Suleiman le législateur en Méditerranée appartient complètement à une autre époque.  Soit à celle de Suleiman au XVIe siècle, soit à celle des canonnières au XIXe et même au début du XXe siècle. En tout cas, elle n’appartient en aucun cas au 21ème siècle.

Mais je ne suis pas très optimiste.

Quelle est notre réponse à cela ? L'unité nationale, l'unanimité nationale, notre capacité à faire valoir nos positions et notre conviction que, quels que soient les paramètres, le pays est fort et peut, en s'appuyant sur ses propres forces armées et sur les forces de sa société et de son économie que vous servez également,  défendre les droits nationaux et l'avenir de ses générations futures.

Merci beaucoup.

June 5, 2022